La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VII - janvier-février 2004 53
DOSSIER PHARMACOLOGIQUE ADÉFOVIR
souches résistant à la lamivudine est alors nécessaire car le retrai-
tement par la lamivudine entraîne habituellement la réapparition
plus rapide des résistances.
Antiviraux efficaces sur les mutants
résistant à la lamivudine
L’adéfovir dipivoxil inhibe la réplication virale des souches résis-
tant à la lamivudine avec la même efficacité que les souches sau-
vages (30, 34, 35). Par exemple, chez les patients co-infectés par
le VIH, l’adéfovir dipivoxil entraîne une inhibition durable et
progressive de la réplication virale, d’au moins 4 log à un an (35)
et de 5,5 log à trois ans (36), sans échappement viral pour le VHB
ni mutations de la transcriptase inverse pour le VIH (36). Après
un an de traitement, cette inhibition peut s’accompagner, dans
11 % des cas, d’une séroconversion anti-HBe (37) chez les patients
infectés par le seul VHB.
La question de l’arrêt de la lamivudine, après institution du trai-
tement par l’adéfovir, n’est pas résolue. L’association des deux
antiviraux n’entraîne pas une inhibition de la réplication virale
plus profonde ou plus rapide que celle obtenue par l’adéfovir
seul. En effet, une étude randomisée récente a montré qu’après
un an de traitement, la baisse médiane du VHB-ADN était de 3,6 log
chez les 20 patients traités par la bithérapie adéfovir-lamivudine
et de 4 log chez les 19 patients traités par adéfovir en monothé-
rapie (37). Il n’y a pas de différence non plus pour ce qui est de
la proportion des patients normalisant le taux de transaminases
(53 % versus 47 %, respectivement) (37). Une attitude répandue,
bien que non validée spécifiquement, consiste à conserver la lami-
vudine pendant les trois premiers mois du traitement par l’adé-
fovir ou jusqu’à l’obtention d’une baisse significative de la charge
virale.
Mis à part l’adéfovir, d’autres molécules pourraient avoir une
action antivirale sur les mutants résistant à la lamivudine. L’effi-
cacité antivirale du ténofovir disoproxil fumarate (un analogue
nucléotidique ayant une forte activité antivirale contre le VIH (38))
semble être équivalente à celle de l’adéfovir (39) et des résultats
préliminaires ont confirmé une baisse de la virémie VHB de
3,8 log après six mois de traitement chez des patients co-infectés
VIH-VHB (40). Le famciclovir n’est pas une substance de choix,
en raison de son efficacité antivirale inconstante sur les souches
résistant à la lamivudine (12) et des résistances croisées possibles.
Dans quelques cas, l’interféron administré quotidiennement a eu
une efficacité antivirale sur les souches résistantes (12), mais cela
n’a pas été confirmé chez les patients asiatiques (41) et les effets
secondaires rendent son utilisation complètement inadaptée aux
cas sévères.
Prévention de l’émergence des mutants résistants
La gravité potentielle des mutants résistant à la lamivudine et la
description récente de mutants résistant à l’adéfovir rendent
nécessaire une réflexion sur la meilleure stratégie à adopter : trai-
tement successif par des antiviraux actifs sur les souches mutées
au fur et à mesure de leur apparition ou prévention de l’émer-
gence des mutants à l’instar des stratégies pharmacologiques dans
l’infection par le VIH ? Certes, l’incidence des mutants résistant
à l’adéfovir est faible (42, 43) et leur apparition tardive, mais ils
peuvent entraîner une hépatite symptomatique et, surtout, ils sont
sensibles à la lamivudine (44) ainsi qu’à d’autres antiviraux bientôt
disponibles, comme l’entécavir et l’emtricitabine (45). D’où le
regain d’intérêt pour des associations d’antiviraux visant à prévenir
ou minimiser l’émergence de mutants résistants. Pour l’instant,
seules deux études suggèrent que l’association séquentielle (46)
ou concomitante (47) de l’interféron et de la lamivudine pourrait
diminuer l’apparition de mutants résistant à la lamivudine. La
réussite de cette stratégie repose en grande partie sur la capacité
des antiviraux à entraîner une inhibition profonde et prolongée
de la réplication virale. L’adéfovir et les nouveaux antiviraux
actuellement en phase d’étude clinique sont donc les molécules
de choix pour ces futures combinaisons thérapeutiques. ■
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