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La Lettre du Sénologue - n° 28 - avril/mai/juin 2005
ments, d’autres n’ont qu’un bénéfice minime, alors même que
l’histologie de leur tumeur n’est pas différente. La prédiction
de la sensibilité à la drogue, en pratique clinique, est particuliè-
rement difficile, car cette réponse n’est pas seulement le reflet
des propriétés intrinsèques de la cellule cible, mais aussi des
interactions entre les cellules tumorales et l’hôte ainsi que des
propriétés métaboliques de l’hôte.
L’étude du profil d’expression génique avant l’administration
d’une chimiothérapie est particulièrement informative. La chi-
miothérapie néoadjuvante n’a pas d’impact négatif sur la sur-
vie par rapport à la chimiothérapie adjuvante et permet d’offrir
aux patientes qui se présentent avec une tumeur non opérable,
une chance de conservation du sein. Permettant aussi de tester
la sensibilité de la tumeur à la chimiothérapie in vivo, cette
situation clinique est le scénario idéal pour étudier les modifi-
cations moléculaires et identifier les marqueurs associés à la
réponse ou à la résistance au traitement. À ce jour, il n’y a que
peu d’études fondées sur cette approche. Deux groupes de
gènes permettant de prédire la réponse à la chimiothérapie et
de distinguer les patients répondeurs des non-répondeurs à une
chimiothérapie précise ont été identifiés : un premier groupe
de 74 gènes en relation avec la réponse au paclitaxel (13), un
deuxième groupe de 92 gènes en relation avec la réponse au
docétaxel (14). Malheureusement, les deux études précitées
ont une taille insuffisante pour considérer et valider ces
groupes de gènes prédictifs de réponse. Il est important de bien
considérer la méthodologie et le design de telles études. Elles
doivent avoir des objectifs bien définis (cliniques ou réponse
pathologique), une méthode de biopsie établie (aspiration à
l’aiguille fine ou biopsie), un régime de chimiothérapie fixé
(monothérapie ou combinaison) et une population étudiée
homogène (stade, statut RE). Quoi qu’il en soit, les deux
études précitées ont le mérite de supporter le concept de profil
génique prédictif de réponse au traitement.
Un profil génique prédictif de la réponse à l’hormonothérapie
a aussi été recherché par deux études majeures publiées à ce
jour. Ma et son équipe (15) ont étudié rétrospectivement le
profil transcriptionnel de 60 patientes avec un cancer du sein
précoce, traitées uniquement par tamoxifène adjuvant et ont
rapporté un ratio de deux gènes – HOXB13 versus IL17BR –
censé prédire la survie sans récidive de ces patientes. Comme
le rôle du gène HOXB13 était antérieurement inconnu dans le
cancer du sein, les auteurs ont montré que, dans les lignées cel-
lulaires MCF-10A transfectées par HOXB13, ce gène semble
contribuer à la régulation de l’invasion cellulaire. Une nou-
velle fenêtre dans la compréhension de la résistance au tamoxi-
fène a été ouverte.
Un “score de récidive” a été développé par le groupe du
NSABP en collaboration avec la firme Genomic Health, aux
États-Unis (16). Grâce à l’utilisation d’une RT-PCR quantita-
tive, un groupe de 16 gènes a été sélectionné sur la base d’une
recherche dans la littérature et étudié ensuite comme prédicteur
potentiel de récidive de patientes recevant un traitement adju-
vant par tamoxifène. De là, 21 gènes ont été choisis, 5 comme
contrôle. Ce prédicteur multigénique attribue un “score de
récidive” permettant de prédire un risque de récidive à distance
faible, intermédiaire ou élevé. Ce score a ensuite été validé
rétrospectivement sur 675 échantillons de patientes ayant reçu
du tamoxifène dans le cadre de l’étude NSABP B-14. Il a cor-
rectement attribué le risque de récidive sous tamoxifène en
identifiant les patientes qui avaient une évolution péjorative en
cas de traitement par tamoxifène seul (p < 0,00001). En
revanche, ce score n’a pas confirmé sa validité lorsqu’il a été
appliqué à un groupe de patientes non traitées du M.D.
Anderson (17), n’ayant pas prédit statistiquement leur récidive.
De ce fait, cette analyse est probablement plus pertinente
comme prédicteur de réponse au tamoxifène, même si le
groupe de patientes de départ provient d’une population hété-
rogène traitée. Plus récemment encore, cet outil a été testé
comme prédicteur de réponse à la chimiothérapie avec des
résultats prometteurs (18). Ce “score de récidive”, même s’il
n’a pas été prospectivement validé, est actuellement disponible
aux États-Unis (Oncotype™, Genomic Health).
En résumé, le profil transcriptionnel et les autres nouvelles
techniques comme la protéomique ont le potentiel de modifier
largement la prise en charge des patientes porteuses d’un can-
cer du sein. L’identification de gènes prédictifs ne cesse de
croître et le défi est maintenant de franchir un nouveau cap : la
validation adéquate de larges sets indépendants et l’incorpora-
tion dans des études cliniques prospectives. Ces études doivent
avoir un design permettant de prouver que la prise de décision,
fondée sur les nouveaux éléments prédictifs, améliore le deve-
nir des patientes comparé à celui des approches traditionnelles
empiriques. Un effort collaboratif à grande échelle, un design
d’étude clinique novateur et une analyse statistique stricte sont
nécessaires pour permettre à ce projet de devenir une réalité.
Dans un futur proche, la connaissance dérivant de ces études
améliorera sans aucun doute nos capacités à décider d’un trai-
tement individualisé par rapport à un traitement empirique. Le
défi reste l’interprétation adéquate de la fonction des gènes et
l’intégration des connaissances génomiques dans la pratique
clinique.
Dans ce but, une collaboration internationale et multidiscipli-
naire est indispensable, et des réseaux comme le BIG/TRANSBIG
tracent le chemin vers un changement crucial dans la recherche
clinique en cancérologie, avec une incorporation précoce de
nouvelles technologies et/ou des hypothèses biologiques dans
les études cliniques. Cela facilitera leur application clinique et
conduira à une meilleure individualisation du traitement.
L’oncologie moléculaire va nous permettre d’identifier les
patientes qui nécessitent un traitement systémique et, en parti-
culier, celles qui vont en tirer le plus grand bénéfice. Ainsi, le
calcul de la balance bénéfice/risque sera juste et adapté à
chaque individu. L’oncologie médicale empirique est appelée à
disparaître… Il est grand temps de tourner la page vers l’ère de
l’oncologie moléculaire.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. EBCTCG. Polychemotherapy for early breast cancer: an overview of the ran-
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