grandissante de la psycho-oncologie a permis une prise en
charge plus adaptée dans nombre de cas de patientes désorien-
tées pour lesquelles le médecin soignant n’a pas toujours assez
de disponibilité. Si toutes les patientes ne justifient pas le
recours à un psychologue ou à un psychiatre, la possibilité d’y
avoir accès à un moment donné de ce parcours est en soi une
notion réconfortante.
QUALITÉ DE VIE ET SURVEILLANCE
Un troisième type d’épreuves après celle de l’acceptation du dia-
gnostic et celle du traitement (chirurgical, médical et radiothé-
rapique), est celle de la surveillance au décours de la thérapeu-
tique concomitante de 5 ans de traitement hormonal pour toutes
les patientes ayant des récepteurs hormonaux positifs. C’est une
période de réhabilitation, apprivoisement avec un nouveau soi-
même, “ni tout à fait la même ni tout à fait une autre”. Cette
“hormonothérapie” est importante à prendre en compte (4).
Inaugurant le début d’une surveillance qui sera longue, globale-
ment mieux tolérée que la chimiothérapie, elle prend une signi-
fication toute particulière chez la femme jeune. Si la femme est
très jeune et que ses facteurs de pronostic l’imposent, elle peut
“bénéficier” d’une suppression des sécrétions ovariennes asso-
ciée à un antiestrogène, ce qui a la conséquence de créer une
ménopause précoce, dont le vécu peut être très difficile. Certes,
celle-ci peut être temporaire, mais les effets secondaires de ces
traitements sont nombreux. Ils ont été particulièrement bien étu-
diés par de nombreux auteurs (2, 7, 15, 16). Les effets secon-
daires de la privation estrogénique sont variables d’une femme
à l’autre. Ainsi, à travers certaines études de qualité de vie, la
prescription d’analogues de la LH-RH semble être bien tolérée,
d’autant qu’elle est comparée à une chimiothérapie avec nau-
sées, vomissements et alopécie… Cependant, pour tous méde-
cins confrontés à la surveillance de patientes sous analogues de
la LH-RH pendant plus de 6 mois, que ce soit pour une patho-
logie cancéreuse ou pour une pathologie gynécologique de type
endométriose, le vécu est le plus souvent assez médiocre. Il n’est
pas rare que les patientes demandent l’arrêt du traitement, mal
supporté à cause des bouffées de chaleur, des insomnies, de la
disparition complète de la libido. Même si l’aménorrhée chimio-
induite est d’autant plus rare (et en général transitoire), que la
femme est jeune, elle peut exister, responsable d’une ménopause
précoce, également difficile à accepter (10). Peu d’études se sont
vraiment intéressées à la qualité de vie engendrée par la priva-
tion des estrogènes, et ce n’est pas actuellement un sujet très
médiatique : la diabolisation des traitements de la ménopause,
minimisant à l’extrême les troubles d’une ménopause naturelle,
au regard de risques vitaux, et l’apogée des antiaromatases se
positionnant comme la nouvelle hormonothérapie du XXI
e
siècle, incitent patientes et thérapeutes à accepter sans grand
recours les effets secondaires. Si pour beaucoup de femmes, la
situation va se normaliser, et devenir tout à fait acceptable au
bout de quelques années, il y a un pourcentage non négligeable
de patientes dont la qualité de vie va être longuement et notoi-
rement altérée (6, 8). Il est difficile d’évaluer le prix qu’il fau-
dra payer pour l’utilisation de thérapeutiques entraînant une
hypoestrogénie précoce et durable chez ces patientes jeunes.
Un certain nombre d’équipes n’associe pas systématiquement
les analogues de la LH-RH au tamoxifène, et il faut reconnaître
que le traitement sur un axe gonadotrope conservé est beaucoup
mieux toléré par les patientes, même s’il nécessite une sur-
veillance ovarienne et impose une contraception efficace (14).
Chez ces patientes jeunes, le traitement hormonal pour au moins
cinq ans est à la fois un paratonnerre et un passeport pour l’ave-
nir, mais également le sceau d’une différence avec les femmes
“bien portantes” de leur âge, c’est-à-dire non ménopausées, ou
utilisant des hormones comme la pilule contraceptive. Ainsi
l’installation brutale à un jeune âge d’une carence hormonale,
avec son cortège de signes désagréables, est toujours mal vécue,
mal ressentie, ajoutant à l’incertitude de l’avenir le spectre d’un
vieillissement accéléré. La revalorisation par les différents inter-
locuteurs du corps, de l’image corporelle, avec la restauration
d’un sein grâce à la reconstruction (19), l’incitation à des acti-
vités sportives et ludiques qui n’existaient pas forcément avant
(natation, danse, yoga, jogging, relaxation) et la prise en compte
de l’esthétique (coiffeur, esthéticienne, thalassothérapie si pos-
sible) sont des atouts importants, d’autant plus que la majorité
des patientes au bout d’un an de traitement déplore une prise de
poids de 5 à 10 kg.
Si la sexualité n’est certes pas uniquement liée au taux hormo-
nal circulant, les autres paramètres pouvant la garantir ou la res-
taurer se trouvent souvent maltraités par la maladie (3) : atteinte
à l’intégrité corporelle, perte des cheveux, repousse des cheveux
sous forme frisée et décolorée, repousse de poils grisonnants,
prise de poids, peur du regard de l’autre, peur de son propre
regard, désarroi face à la réalité, fatigue extrême, dont on ne
tient souvent pas assez compte, et lassitude sont autant de diffi-
cultés qui se lisent dans le regard de la patiente qui consulte
quelques mois après le traitement… (5, 11). Pouvoir dès la pre-
mière consultation ouvrir l’avenir pour ces patientes, parler
d’emblée d’une chirurgie réparatrice, favoriser les rencontres
avec des patientes du même âge guéries, ouvrir des perspectives
de prise en compte de soi-même, physique et intellectuelle est
fondamental. Chez ces patientes, qui font souvent preuve de
courage, de ténacité, de maîtrise d’elle-même, il faut savoir ne
pas sous-estimer la fatigue et la dépression larvée, qui survien-
nent à un moment où le spectre de la maladie s’éloigne pour
l’environnement, créant un malentendu et une incompréhension
qui peuvent être très délétères dans l’équilibre familial.
ET APRÈS...
Lorsque la patiente est suffisamment jeune pour que les traite-
ments appliqués n’instaurent pas d’aménorrhée durable, syno-
nyme d’une ménopause précoce, et lorsque les cinq ans d’hor-
monothérapie sont révolus, peut se poser la question d’une
grossesse, d’autant plus importante que la patiente était nulli-
pare, ou qu’elle avait un désir de grossesse avant le diagnostic
17
La Lettre du Sénologue - n° 24 - avril/mai/juin 2004