Ce qu'on traduit pas "salariat" en français vient du mot "Lohnarbeit" dans l’œuvre de Marx.
Cette traduction permet de bien comprendre les propos du philosophe mais elle trahit un peu
le fonctionnement du français et de l'allemand. La traduction change le sens et la portée du
mot.
Le "Lohn" en allemand désigne l'indemnisation, le salaire. L'"Arbeit" désigne le travail. En formant
un nom composé tel que "Lohnarbeit", l'allemand utilise un procédé auquel les francophones sont
peu coutumiers.
Pour vous donner une idée de ce procédé, on peut évoquer un exemple qui n'a pas de rapport direct
avec Marx. Dans une publicité récente, on parlait de beurre "frigotartinable". Cela signifie que le
beurre peut être tartiné même quand il sort du frigidaire.
Les mots composés peuvent se former pour ainsi dire à l'infini en allemand. Par exemple, dans la
citation ci-dessous, on utilise l'expression "formations sociales". En allemand, on les appelle les
"Gesellschaftsformationen" ce qui serait l'équivalent français de "sociales-formation".
En allemand, on peut composer les mots les plus improbables en attachant autant de petits wagons
que nécessaire. Le muscle squelettique du lapin devient le "Kaninchenskelettmuskel" ("lapin-
squelette-muscle"), par exemple. En français, en espagnol ou en anglais on n'imaginerait pas qu'un
tel mot existe (et en allemand on ne s'en sert pas tous les jours).
Le mot "Lohnarbeit" serait rendu par "salaire-travail" pourrait se traduire par "travail à salaire" ou
"salaire soumis au travail". Dans les écrits de Marx, le problème décrit en termes bouleversants n'est
ni le salaire ("Lohn"), ni le travail ("Arbeit") mais le fait que le premier soit conditionné au second
et que, donc, pour survivre, il faille effectuer un travail pour un patron.