renforce pas le risque suicidaire,
mais favorise l’expression des
troubles si aucun jugement de
valeur n’est émis à l’égard du
patient. Mais si le sujet n’a jamais
commis de geste suicidaire par le
passé, il faut être prudent. Car alors,
il n’a pas de représentation mentale
précise de ce qu’est une tentative
de suicide. Il est encore dans l’infor-
mel, ce qui n’est pas le cas d’une
personne ayant déjà attenté à sa
vie.
Verbaliser n’est facile ni pour le
patient ni pour le soignant et, l’inter-
prétation des réponses est tout
aussi délicate.
Formation des soignants
Plusieurs études montrent que le
suicide doit d’abord être démystifié
chez le soignant, qui doit acquérir
une plus grande confiance en son
savoir face à ce risque. Il s’agit aussi
de ne plus travailler seul. En France,
le programme national de préven-
tion du suicide tend à apprivoiser la
“suicidologie” comme une maladie.
L’Anaes recommande d’explorer six
éléments.
•
Le niveau de souffrance : désarroi
ou désespoir, repli sur soi, isole-
ment relationnel, sentiment de
dévalorisation, d’impuissance, de
culpabilité.
•
Le degré d’intentionnalité : idées
suicidaires envahissantes, rumina-
tion, recherche ou non d’aide, dis-
positions prises en vue d’un pas-
sage à l’acte (scénario).
•
Les éléments d’impulsivité : ten-
sion psychique, instabilité, agitation,
panique, antécédents de gestes
suicidaires.
•
Un élément précipitant : conflit,
échec, rupture, etc.
•
La présence de moyens létaux :
en France, les premiers modes de
suicide chez les hommes sont la
pendaison et l’utilisation d’une
arme à feu. Chez les femmes, la
pendaison (femmes âgées) et l’in-
toxication médicamenteuse volon-
taire sont le plus fréquentes, suivies
de la noyade.
•
La qualité du soutien de l’entou-
rage : la famille peut soutenir le
patient, comme elle peut renforcer
le risque.
Quel que soit le degré d’urgence,
une crise suicidaire et une tentative
de suicide ne sont jamais à prendre
à la légère et doivent conduire à
une prise en charge psychologique.
L’Anaes a établi un tableau qui ré-
sume simplement les trois degrés
d’urgence de l’intervention médi-
cale. Celui-ci a donné naissance à la
“stratégie nationale d’action face au
suicide 2002-2005”. Une circulaire
du 29 avril 2002 émanant de la
Direction générale de la santé, dont
la mise en œuvre a été confiée aux
Drass, a dressé la liste des actions
prioritaires. L’une d’elles concerne
la mise en place de formations
interdisciplinaires locales : chaque
Région dispose d’un binôme de
formateurs (un psychiatre et un
psychologue) chargés de diffuser
les recommandations de l’Anaes.
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005
Des séminaires sont proposés à
tous les professionnels concernés
(généralistes, pédiatres, urgentistes,
gériatres, secteurs de psychiatrie,
infirmiers, travailleurs sociaux,
enseignants, structures d’accueil ou
de téléphonie sociale). L’acquisition
d’un savoir n’est pas le seul but de
ces formations. Il s’agit tout autant
d’apprendre à dialoguer avec un
patient suicidaire que de rencontrer
de futurs partenaires. En effet,
aucun professionnel ne doit plus
travailler de manière isolée. Cela
pose, bien sûr, le problème de l’or-
ganisation de l’exercice profession-
nel. En outre, si une pathologie psy-
chiatrique est associée à la crise,
une évaluation psychiatrique est
recommandée.
Les médicaments
Les antidépresseurs réduisent le
risque suicidaire chez les patients
déprimés suicidaires. Les inhibi-
teurs de la recapture de la séroto-
nine offrent une plus grande sécu-
rité d’utilisation que les tricycliques
(prise massive éventuelle). Le phé-
nomène de levée d’inhibition doit
inciter à la prudence, mais ne doit
pas entraver le recours à un antidé-
presseur s’il est nécessaire. Le trai-
tement doit être délivré pour une
durée limitée et le patient doit être
revu sous huit à dix jours, d’autant
que c’est durant cette période que
les premiers effets indésirables se
manifestent.
Les benzodiazépines restent très
utilisées, notamment lors de la
prescription initiale d’un antidépres-
seur. Mais elles n’ont pas montré
leur efficacité dans le risque suici-
daire. Les neuroleptiques et le
lithium sont utilisés sur des critères
psychiatriques précis.
Il est toutefois conseillé de recourir
à la psychothérapie chaque fois
qu’elle peut améliorer les facteurs
de vulnérabilité. Chez un suicidant,
la décision d’hospitalisation dépend
du risque vital, mais elle est
conseillée quelle que soit la gravité
de l’atteinte physique, chez l’ado-
lescent surtout.
ALP
Source Anaes
Infos ...
Récidives
fréquentes
Environ
une personne qui a
commis une TS sur
trois récidive (24 %
dans les trois mois
suivants, 56 % dans
l’année, 75 % dans
les deux ans).
L’Anaes recommande
d’organiser la
continuité des soins
dès le début de la
prise en charge,
qu’il y ait eu
hospitalisation
ou non.
Les intervenants
doivent pouvoir
travailler en
complémentarité.
Mais le médecin
traitant doit être
sollicité.
Actualité Santé
14
Le sujet âgé
Le suicide des personnes âgées
est méconnu. Il représente 1 %
des causes de décès chez les
sujets âgés. Le taux de suicides
augmente à partir de 65 ans et il
est le plus élevé chez les plus de
85 ans. Les suicides réalisés
sont plus nombreux, pour moins
de TS. Mais il n’est pas sûr que
les TS soient bien répertoriées
aux âges élevés.
Les hommes sont les plus tou-
chés, les veufs surtout. Les ma-
ladies somatiques, invalidantes
et responsables d’une perte d’au-
tonomie, s’accompagnent sou-
vent de troubles dépressifs, qu’il
faut rechercher (dépression
masquée) et traiter. La proximité
de la mort, la perte des rôles
sociaux et familiaux majorent la
vulnérabilité du sujet.
L’entrée en maison de retraite
est une véritable rupture. Le taux
de suicide y est plus élevé, sur-
tout chez les femmes les plus
jeunes. Les signes de la crise
suicidaire sont masqués : repli
sur soi, désinvestissement, agres-
sivité, refus de soins ou d’ali-
mentation, conduite inhabituelle,
syndrome de glissement.
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