avait été écarté, et le trouble des
conduites intégré dans le cadre
d’un syndrome dépressif pour
lequel une psychothérapie avait
été indiquée. En 1984, le patient
apprend qu’il est séropositif pour
le VIH. Son cousin, contaminé
également va rapidement déclarer
la maladie. La compagne de celui-
ci en décèdera ultérieurement.
Devant ces événements de vie
éprouvants, le patient va renforcer
sa consommation de drogue en
allant à deux reprises jusqu’à
l’overdose. Depuis le début du
traitement les dosages urinaires
reviennent régulièrement positifs
aux opiacés, amphétamines et
benzodiazépines. Il réfute toute
idée suicidaire consciente, mais
parle de “se pousser jusqu’à la
limite” avec une idée d’invulnéra-
bilité et une certaine culpabilité de
ne pas être malade du SIDA
contrairement à son entourage. On
note dans ces antécédents de mul-
tiples passages aux urgences pour
tentatives de suicide par intoxica-
tion volontaire.
Un syndrome dépressif est évoqué
et un traitement par IRS
(Inhibiteur de la Recapture de la
Sérotonine) est prescrit, mais il
s’avère inefficace. Le patient
montre cependant une volonté
manifeste à se soigner, se soumet-
tant à la contrainte d’une venue
quotidienne en centre spécialisé
de soins aux toxicomanes, aux
rencontres multiples avec les
intervenants (infirmiers, assistante
sociale, psychiatre), aux décisions
d’hospitalisation prises compte
tenu de ses mises en danger fré-
quentes.
Alors qu’il parvient à une relative
abstinence par rapport aux
toxiques au prix d’un grand effort
soutenu par le soin, on note une
présentation peu soignée et un
défaut d’hygiène corporelle per-
sistants, associés à un syndrome
dissociatif à minima. Il n’existe
pas de production délirante.
Il rapporte des conditions de vie
très pénibles de conflit permanent
avec son entourage (cousin mou-
rant encore actif dans sa toxicoma-
nie, maison repérée par le milieu
toxicomane comme un lieu
d’échanges, rixes avec le grand-
père alcoolique, misère sociale...).
Le travail social est alors intensifié
pour lui permettre de quitter ce
lieu de vie inadapté. Par ailleurs,
un traitement par neuroleptique* à
visée désinhibitrice a été mis en
place, devant la suspicion d’une
organisation psychotique chez ce
patient, masquée jusqu’alors par la
prise de toxiques. Un travail d’ac-
compagnement est également
entrepris sur des bases très prag-
matiques (propreté, soins corpo-
rels, activités relationnelles...).
Les attitudes de mise en danger
ont alors cessé et le patient a pu
parvenir à l’abstinence durable
vis-à-vis des opiacés et des autres
toxiques.
Le comportement suicidaire s’in-
tégrait donc dans un contexte
pathologique psychotique tel que
l’on peut l’observer chez les schi-
zophrènes par exemple, et aggravé
par une grande détresse sociale,
un manque d’étayage familial, et
la dangerosité potentielle des sub-
stances quotidiennement manipu-
lées par le sujet. Ce comportement
a parfaitement répondu à un traite-
ment par méthadone associé à un
neuroleptique* et à une prise en
charge psychosociale adaptée. Le
patient n’avait jamais eu, en effet,
“envie de mourir” comme il nous
le confirmera par la suite.
*Sous strict surveillance en association
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n°207, Février 1998
3628
Observation
La série “Observation” est réalisée avec la collaboration de Schering Plough.
Les médicaments utilisés dans le traitement des toxicomanes
aux opiacés imposent une rigueur dans leur prescription. Cette
situation contraint à un retour à l’observation clinique. C’est
une chance pour le prescripteur et surtout... pour le patient et
parfois pour les lecteurs !
Ces histoires de substitution se déclineront au fil des numéros.
Photo : Charles Dolfi-Michels
M. G. est un patient de 29 ans, suivi dans le cadre d’un
traitement par méthadone depuis 1 an. Il présente une
dépendance aux opiacés dans le cadre d’une polytoxi-
comanie sévère et ancienne débutée à l’adolescence
dans un contexte socio-familiale très défavorisé. Ce sont
les grands-parents maternels qui l’élèveront, avec un
cousin, mais eux-mêmes vivent dans un climat de vio-
lence et d’alcoolisme préjudiciable. Dès l’âge de 14 ans
des conduites toxicomaniaques apparaissent chez les
deux adolescents avec consommation de multiples
toxiques et activités de revente. Nous apprendrons pos-
térieurement que dès l’âge de 6 ans, un retard de déve-
loppement psychomoteur avait été repéré chez le
patient, et fait l’objet d’un traitement en psychothérapie,
psychomotricité et orthophonie pendant 3 ans. Une
organisation de type “prépsychotique” avait alors été
évoquée. Par la suite, la même équipe soignante avait
revu M. G. à l’âge de 16 ans pour des conduites délic-
tueuses préoccupantes. Un diagnostic de psychopathie
Le cas
Toxicomanie
et suicide