L’
alcool concerne aussi les
femmes mais par rapport à
un décès sur 33 lui est dû.
A tous les âges, la mortalité mascu-
line liée à l’alcool est 2 à 5 fois supé-
rieure à la mortalité féminine. Outre
le naufrage personnel, familial et pro-
fessionnel du consommateur, la
sécurité peut être mise en danger.
Une mortalité excessive
En France, la consommation d’al-
cool est responsable de 45 000 dé
-
cès par an. Parmi ces décès,
23 000 lui sont directement impu-
tables, dont 18 388 chez les
hommes et 4 722 chez les
femmes. On compte ainsi chaque
année : 11 706 décès par cancer
(dont 5 003 cancers des lèvres, de
la cavité buccale ou du pharynx,
4 432 cancers de l’œsophage et
2 271 cancers du larynx), 863 par
cirrhose, 541 par alcoolo-dépen-
dance. L’alcoolisme et le tabagisme
sont souvent associés au cancer
des voies aérodigestives supé-
rieures. De plus, l’alcool est procar-
cinogène (un promoteur, c’est-à-
dire une molécule qui augmente
l’effet d’un carcinogène), soit en
facilitant la transformation d’un
autre procarcinogène en carcino-
gène, soit en diminuant l’activité de
détoxification des carcinogènes.
L’hépatome est une complication
de la cirrhose alcoolique.
En plus des cancers, dans les pays
développés, l’alcool est la cause la
plus fréquente de pancréatite aiguë,
dont les accès compliquent en
général une pancréatite chronique
pendant les premières années de
son évolution. En effet, l’alcool est
responsable d’au moins 85 % des
pancréatites chroniques calcifiantes,
maladie dix fois plus fréquente chez
l’homme que chez la femme.
Les conséquences somatiques de
l’alcoolisme sont multiples, bien
que la variabilité de la vulnérabilité
somatique soit importante, sans
doute pour des raisons génétiques.
Parmi les maladies somatiques
dues à l’alcoolisme, on dénombre
les maladies alcooliques du foie
(stéatose, hépatite, cirrhose), la car-
diomyopathie congestive, les trou-
bles du rythme cardiaque. Parmi les
atteintes du système nerveux, on
retrouve l’encéphalopathie de
Gayet-Wernicke et le syndrome de
Korsakoff, la polyneuropathie péri-
phérique, la névrite optique, l’atro-
phie cérébelleuse, la myélinolyse
centrale du pont, les crises convul-
sives généralisées et jusqu’à la
démence.
L’alcoolisme favorise également
l’hypertension artérielle, l’ostéopo-
rose et la nécrose aseptique de la
tête fémorale. Sans parler des trau-
matismes divers liés à des accidents
de la voie publique ou du travail
domestique, et des traumatismes
crâniens. L’alcoolisme engendre
également des perturbations de la
sexualité. Que dire aussi du coma
éthylique !
L’alcool dans le sang
Chez les patients présentant une
alcoolisation chronique, la biologie
sanguine révèle souvent une
macrocytose, une élévation du fer
sérique, une thrombopénie ou une
neutropénie.
La macrocytose est un marqueur
biologique de l’alcoolisation chro-
nique aussi fiable que la gamma GT,
particulièrement chez la femme.
Elle est due à une myélotoxicité
A l’heure des migrations estivales, l’alcool, à travers les accidents de la
route, va encore compter ses victimes. Sujet trop souvent tabou en
France, il demande des changements d'attitude. La consommation
excessive d'alcool est, en moyenne, à l'origine d'un décès sur sept chez
les hommes.
Alcoolisme
Une prise de conscience nécessaire
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005
directe de l’alcool ou à une carence
en acide folique et en vitamine
B12. La prescription d’acide folique
ne modifie pas la macrocytose s’il
n’y a pas de carence démontrée en
acide folique. Cette macrocytose se
normalise en un à quatre mois
d’abstention d’alcool.
En cas d’alcoolisation aiguë, le fer
sérique est souvent élevé. La ferriti-
némie l’est fréquemment et modé-
rément. Mais les mécanismes de
l’augmentation globale et modérée
des stocks de fer de l’organisme
observée chez les alcooliques sont
mal connus. En effet, l’augmenta-
tion de l’apport de fer par les bois-
sons alcoolisées telles que le vin
n’explique pas l’effet observé.
L’alcool n’augmente pas l’absorp-
tion intestinale du fer. Cette der-
nière est augmentée en cas de
déficit en acide folique ou en vita-
mine C. En pratique, il n’est pas
toujours facile de distinguer une
hépatopathie alcoolique avec sur-
charge en fer et une hémochroma-
tose génétique chez un consom-
mateur d’alcool.
Chez les alcooliques hospitalisés, le
nombre de plaquettes est fréquem-
ment diminué, et la seule absti-
nence, sans aucun médicament,
entraîne une élévation du nombre
des plaquettes débutant deux à
trois jours après le début de l’absti-
nence, ce nombre revenant à la
normale en moyenne après deux
semaines.
Même en l’absence d’une throm-
bopénie, il existe après alcoolisation
une thrombopathie, vérifiée par l’al-
longement du temps de saigne-
ment. Cette thrombopathie est
caractérisée par un trouble de
l’agrégabilité des plaquettes et par
une diminution de la synthèse et
du relargage d’une prostaglandine :
la thromboxane A2.
Les infections microbiennes
Les infections microbiennes sont
fréquentes chez les alcooliques :
Infos ...
Alcool et HTA
De nombreuses
études
épidémiologiques
ont montré qu’il
existe une relation
entre une
consommation
d’alcool croissante et
une élévation de la
pression artérielle
systolique et
diastolique. On
estime qu’une
consommation
d’alcool journalière
égale ou supérieure
à 60 g est la cause
première des
hypertensions
artérielles observées
en France chez 12 %
des hommes et 2 %
des femmes.
Actualité Santé
10
par exemple, en cas de pneumonie
à pneumocoque, la prévalence de
l’alcoolisme varie de 10 à 28 %.
Ces pneumopathies sont favorisées
par les fausses déglutitions en cas
d’ivresse et par l’hypothermie. Le
patient cirrhotique est, quant à lui,
un véritable immunodéprimé sen-
sible aux infections.
Enfin, la tuberculose pulmonaire
survient fréquemment chez les
hommes désocialisés et alcoo-
liques. Cependant, il n’est pas cer-
tain que l’alcool favorise directe-
ment la tuberculose ; ce pourrait
pourrait être le fait d’autres facteurs
tels que la malnutrition.
Alcool et grossesse
En cas de consommation impor-
tante, égale ou supérieure à 100 g
d’alcool par jour, et prolongée pen-
dant toute une grossesse, il existe
pour l’enfant un risque élevé, d’en-
viron 30 %, d’anomalies réunies
sous le terme de syndrome d’al-
coolisme fœtal. Celui-ci se mani-
feste par une dysmorphie cranio-
faciale, des anomalies du système
nerveux central et des malforma-
tions d’organes, en particulier car-
diaques.
Les risques au volant
Après la vitesse, l’alcool au volant
constitue la deuxième cause de l’in-
sécurité routière en France. Sur l’en-
semble du réseau national, près
d’un accident mortel sur trois est lié
à l’alcool au volant. La conduite
avec une alcoolémie positive
est une infraction ou un délit
certes moins répandue que le
dépassement des limitations de
vitesse. Pourtant, son influence est
considérable sur les accidents. En
effet, l’alcool est présent dans
10 % des accidents corporels, et
un accident mortel sur trois lui est
imputable. Outre les conducteurs,
les passagers représentent environ
83 % des tués de la route dans les
accidents avec alcool. 38,5 % des
accidents mortels des nuits de
week-end dans lesquels le conduc-
teur a entre 18 et 24 ans sont des
accidents dans lesquels un de ces
jeunes conducteurs avait un taux
d’alcoolémie positif. Mais l’alcool au
volant concerne tout le monde.
Selon les données du ministère de
la Justice, l’individu moyen qui est
condamné pour conduite en état
alcoolique est un homme âgé de
38 ans. Les adultes sont donc eux
aussi particulièrement concernés
par ce risque majeur. Les effets de
l’alcool sur les capacités du conduc-
teur sont bien connus. L’alcool agit
directement sur le cerveau, même
à faible dose, car c’est très rapide-
ment que le produit induit un
risque. Il influe très vite sur le com-
portement du conducteur, sans que
celui-ci en prenne conscience. On
parle alors “d’effet désinhibant de
l’alcool”. Dans le même temps, l’al-
cool altère toutes les capacités
nécessaires à la conduite (concen-
tration, lucidité, réflexes...). Ainsi,
chez un conducteur sobre, la durée
moyenne de réaction est évaluée à
une seconde. S’il présente une
alcoolémie même légèrement posi-
tive, elle atteint au moins une
seconde et demie, soit un parcours
supplémentaire de 12 mètres à
90 km/h !
L’inégalité face à l’alcool
Outre les disparités hommes-
femmes, la consommation d’alcool
est, d’après plusieurs enquêtes,
socialement différenciée, surtout
chez les hommes. Plus faible chez
les cadres supérieurs et les profes-
sions intermédiaires, elle est élevée
chez les employés et les artisans.
De plus, de nombreuses disparités
géographiques en termes de mor-
talité associée sont particulièrement
fortes, avec des régions plus parti-
culièrement touchées que d’autres
(Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Pi-
cardie et Lorraine). Il existe donc
une grande variabilité d’un individu
à l’autre dans la gravité et dans le
type des perturbations somatiques.
L’équipement enzymatique sous
contrôle génétique et les types
d’alimentation pourraient expliquer
ces polymorphismes.
On le voit, l’abstinence est plus que
conseillée pour une personne souf-
frant de conséquences de l’alcoo-
lisme. Mais le retour brutal à une
alcoolémie nulle peut s’accompa-
gner de symptômes désagréables
tels qu’une sensation de malaise
général, des nausées, des vomisse-
ments, une anorexie, une moiteur
des extrémités, de la fièvre d’inten-
sité variable, une insomnie, une
tachycardie et des troubles du
rythme cardiaque, une hyperten-
sion artérielle systolique et diasto-
lique, des tremblements, une
confusion d’intensité variable allant
jusqu’à la désorientation spatio-
temporelle, voire des crises convul-
sives...
ALP
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005
Actualité Santé 11
Focus ...
Les accidents chez
les jeunes
Les accidents de
jeunes gens sous
l’emprise de l’alcool
ont provoqué le
décès de
348 personnes, soit
environ un par jour.
La plupart des
victimes de ces
accidents de “jeunes”
avec alcool (75 %
des tués et 72,9 %
des blessés graves)
avaient eux-mêmes
entre 18 et 24 ans.
Le coût de l’alcoolisme
Comment évaluer le coût de l’al-
coolisme ? Il faudrait prendre en
compte le coût direct, mais aussi
le coût économique et le coût
social. Selon les statistiques de
1999 publiées par l’Association
nationale de prévention de l’al-
coolisme, le traitement de l’al-
coolisme et des pathologies qui
lui sont associées entraîne un
coût direct de 10 milliards d’eu-
ros, soit environ 10 % du total des
penses de consommation
médicale ; le coût du dispositif
spécialisé (CCAA et centres de
cure et de postcure) s’élève à
76 millions d’euros ; le coût de
l’hospitalisation pour alcoolisme
est estimé à 1 milliard d’euros en
1992 et, après réévaluation, à
1,2 milliard d’euros pour l’année
1995.
Les alcooliques actifs peuvent
représenter jusqu’à 15 % des
effectifs d’une entreprise ! On
imagine les désordres humains
et économiques que cela repré-
sente...
Source :
– C.Hill, Alcool et risque de cancer,
Actualité et dossier en santé
publique 30.
La documentation française, mars 2000
Baromètre Santé 2000.
– Expertise collective, Inserm 2001,
données 1998.
– Catherine Hill, Institut Gustave Roussy.
– Statistiques 1999, Association
Nationale de Prévention de l’Alcoolisme.
Presse Med. 1999;28(30):1 653-60.
– Enquête CREDES, 1997.
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