IIIes Journées de l’Association européenne pour les soins de confort en oncologie (AESCO) Third Congress of the European Association for Supportive Care in Oncology (AESCO) ● ● F. Scotté*, E. Levy*, S. Oudard* ▶ RésuMé Les soins de support en oncologie ne sont pas une nouvelle discipline : ils correspondent à une écoute attentive, à l’accompagnement et au confort du patient cancéreux. Au côté des Journées nationales de soins de support (en association avec le Groupe de réflexion sur l’accompagnement et les soins de support pour les patients en hématologie et en oncologie [GRASSPHO] et la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer [FNCLCC]), l’Association européenne pour les soins de confort en oncologie (AESCO) se veut le moteur, en termes de formation et de développement, de ce regard particulier sur le patient. Mots-clés : AESCO – Soins de support – Cancer. ▶ SUMMARY Supportive care in cancer must not be considered as a new care, but as a singular approach of patients with cancer. Complementary to the National Days of Supportive Care (in association with GRASSPHO and FNCLCC), the Association européenne pour les soins de confort en oncologie (AESCO) would be active in teaching and enhancement of this patient approach. Keywords: AESCO – Supportive care – Cancer. L es IIIes Journées de l’Association européenne pour les soins de confort en oncologie se sont tenues les 26 et 27 avril 2007 à l’hôpital européen GeorgesPompidou, à Paris. Cette association, créée en 2003, a pour objectif essentiel d’aider à la promotion des soins de support en développant la recherche, la formation et l’environnement des patients cancéreux. Les journées organisées par cette asso* Service d’oncologie médicale, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 ciation sont un moment privilégié de mise au point de certains thèmes, et elles s’organisent comme suit : un temps de tables rondes et de symposiums (le premier jour), une matinée dévolue à l’actualité des techniques et des soins de support, et une aprèsmidi lors de laquelle l’AESCO invite une discipline afin d’en définir spécifiquement les besoins et les réponses en termes d’accompagnement. Cette année, les chirurgies urologiques et digestives étaient invitées, sous la gouverne du Pr M. Peyromaure (service d’urologie de l’hôpital Necker). Le discours inaugural a été prononcé par M. Aapro, ancien président de la Multinational Association for Supportive Care in Cancer (MASCC) et acteur important dans le développement international des soins de support. Ce discours a replacé le mouvement des soins de support et leur développement sur la scène internationale. Le développement français, national puis régional, a par la suite été abordé, avant l’évocation des spécificités de prise en charge des toxicités cutanées et des traitements ciblés. La télémédecine, la douleur pré- et postopératoire ainsi que la place de la psycho-oncologie ont également été présentées lors de cette journée. dossier thématique d ossier thématique développeMent inteRnational des soins de suppoRt M. Aapro est intervenu pour apporter sa réflexion quant au passé et au développement des soins de support sur les plans international et européen. Il a, en premier lieu, rappelé les objectifs d’une prise en charge des soins de support en insistant sur la symptomatologie, mais en évoquant également l’accompagnement. Au-delà de la définition de 1990, proposée par la MASCC, il a donné sa propre définition des “traitements de support” : ▶ Le traitement de support consiste en la prévention et la prise en charge des effets indésirables du cancer et de son traitement ; ▶ Cela inclut les symptômes physiques et psychosociaux, les effets indésirables durant tout le vécu avec un cancer, y compris l’aide au rétablissement et le soutien aux survivants. Ainsi, les soins de support vont permettre de tenter d’améliorer la tolérance des patients aux traitements actifs, de soulager les symptômes et les complications liées au cancer, de prévenir et réduire les toxicités des traitements, de faciliter la communication avec les patients concernant leur maladie et leur pronostic, de soulager de leur poids émotionnel les patients mais également les soignants, et enfin d’aider les “survivants” qui présentent des troubles physiques, psychologiques et sociaux. 391 dossier thématique d ossier thématique 392 En Europe, trois groupes (ayant dans leur intitulé le terme “Europe”) sont impliqués dans les soins de support : ▶ l’EAPC (European Association for Palliative Care), dont les objectifs sont essentiellement tournés vers l’accompagnement palliatif ; ▶ l’AESCO, clairement identifiée en tant qu’association dédiée aux “soins de support”, mais dont l’intitulé, inapproprié, oriente plus vers le confort du patient ; ▶ la European Society for Medical Oncology (ESMO), dont le groupe Pain and palliation publie des recommandations de prise en charge. La European Organization for Research and Treatment of Cancer (EORTC) n’a réellement eu un impact dans les soins de support qu’à partir de 2002, avec la publication de recommandations, notamment pour l’utilisation des facteurs de croissance hématopoïétiques (1, 2). Enfin, des initiatives nationales sont menées sous l’égide de la MASCC. Les pays européens actuellement moteurs et soutenus par cette association internationale sont l’Allemagne, l’Italie et la Grèce. D’autres associations nationales existent, sans retentissement européen ou à plus large échelle. Sur la scène internationale, c’est la MASCC qui tente d’assurer une union des différents travaux et acteurs en soins de support. Sa création remonte à 1990, sous l’égide belge et sous la présidence de J. Klastersky (jusqu’en 2000). Plusieurs groupes internationaux, collaborant depuis les années 1980, ont alors été réunis au sein de cette association, qui émit la même année une définition des soins de support : “Supportive care: The total medical, nursing and psychosocial help which the patients need besides the specific treatment.” Le journal Supportive Care in Cancer, publié pour la première fois en 1992 et édité par H.J. Senn (Suisse), sera le support de base de leur communication. À compter de 1998 se crée un nouveau regroupement avec l’International Society of Oral Oncology (ISOO), ce qui motive des congrès internationaux. De nombreuses associations, telles que l’ASCO ou l’ESMO, sont actuellement en lien avec elle. La MASCC est introduite en 2000 aux États-Unis comme association exempte de taxes, et y tient son premier congrès. Le lieu des meetings alterne entre l’Europe et les États-Unis. Elle regroupe 721 membres des 5 continents, essentiellement représentés par des médecins (50 %), des infirmières (20 %) et des dentistes (10 %), imposant ainsi sa dimension internationale. Les autres partenaires de soins, tels que pharmaciens, industriels, psychologues, etc., sont également représentés. Les missions de la MASCC sont les suivantes : ▶ optimiser les soins de support oncologiques pour les patients cancéreux partout dans le monde ; ▶ stimuler une recherche multidisciplinaire ; ▶ encourager les échanges internationaux d’informations scientifiques ; ▶ étendre l’expertise professionnelle en soins de support ; ▶ promouvoir la formation en soins de support des professionnels de santé dans le monde ; ▶ apporter des ressources d’information pour les patients, leurs proches et les soignants. Ces missions sont réalisées par le biais de groupes de travail et permettent de produire des recommandations d’experts dans les différents domaines proposés (tableau). La plupart des publications des groupes sont présentées dans le journal Supportive Care in Cancer, mais également dans d’autres revues internationales essentielles. Les importantes publications récentes sont des recommandations concernant la mucite et les antiémétiques, ces dernières s’accompagnant d’une grille d’évaluation du risque émétique. tableau. liste des groupes de travail de la Mascc. Antiémétiques Métabolisme osseux Fatigue Facteurs de croissance Hémostase Infection Mucite Soins oraux Médecine palliative Éducation des patients et professionnels Pédiatrie Psychosocial Qualité de vie Réhabilitation Toxicité cutanée M. Aapro a insisté durant son exposé sur l’importance du regroupement des forces pour faire évoluer l’idée des soins de support et leur prise en charge à l’échelle internationale, mais aussi en France. soins de suppoRt en fRance L’émergence du mouvement des soins de support en France date des États généraux du cancer de 1999, du fait de plusieurs réunions émanant de la FNCLCC dès 2001 ainsi que de la création d’un groupe de réflexion. En 2003 paraît un texte fondateur, publié dans plusieurs revues, définissant l’organisation des soins de support dans tous les établissements prenant en charge des patients atteints de cancer. Le Plan Cancer, en 2004, puis la circulaire de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) du 22 février 2005, fixent les bases des soins de support et en établissent la définition française : “Ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie, conjointement aux traitements oncohématologiques spécifiques lorsqu’il y en a.” Cette définition propose deux voies d’exploration : la voie des soins – techniques et traitements – à proposer aux patients (antiémétiques, érythropoïétines, antalgiques, traitements des mucites, etc.) et la voie des soutiens, qui comprend l’organisation des soins autour du patient (réunions de concertation pluridisciplinaires, conseils en image corporelle, coordination par établissement de l’organisation des soins de support). Les soins de support doivent être étroitement liés et concomitants aux traitements spécifiques en cours de traitement curatif antinéoplasique, et devenir prédominants en phase de rémission. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 On voit l’importance de cette écoute particulière, notamment en ce qui concerne les troubles cognitifs post-thérapeutiques qui perturbent les patients à distance des chimiothérapies et des radiothérapies. En phase palliative, les soins de support prennent progressivement le pas sur les soins spécifiques jusqu’à ce que s’y substituent des soins palliatifs propres à la fin de vie du patient. Cette articulation souple et progressive doit permettre d’éviter toute rupture dans la prise en charge du patient. La fi gure 1 reflète la différence de perception des patients et des soignants vis-à-vis des nausées-vomissements, révélatrice du chemin à parcourir dans l’écoute et dans la prise en charge des symptômes ressentis par les malades. Ce résultat d’étude est majeur dans la promotion du mouvement des soins de support, dont le but est de mobiliser la communauté soignante en cancérologie pour l’écoute et la prise en charge attentive des plaintes des patients. 100 Patients Soignants Patients (%) 80 60 60 40 20 0 50 39 33 34 22 12 17 Nausées aiguës Vomissements aigus Nausées retardées Vomissements retardés Figure 1. Perception des soignants versus perception des patients dans un contexte de chimiothérapie fortement émétisante. Différentes recommandations relatives aux nausées-vomissements ont été rappelées, parmi lesquelles l’importance de l’administration des sétrons le jour de la chimiothérapie et de celle de corticoïdes associés à l’aprépitant le jour et les deux jours suivant chaque chimiothérapie fortement et moyennement émétisante ; l’importance également d’une utilisation prophylactique des facteurs de croissance hématopoïétiques en cas de risque de neutropénie supérieur à 20 %. L’étude ECAS (The European Cancer Anaemia Survey) avait montré en 2001 le déficit de prise en charge de l’anémie pour 60 % des patients. L’étude FACT, en 2006, a montré une nette amélioration de cette prise en charge, puisque 22 % “seulement” des patients ne sont pas traités pour leur anémie aujourd’hui. On observe un changement des mentalités sur ces cinq années dans l’écoute des symptomatologies des patients, en faveur des agents de l’érythropoïèse pour l’anémie. Les dernières recommandations de l’EORTC ont également été rappelées, avec toutefois une réserve concernant les publications actuelles et l’impact sur la survie et sur les taux de réponse de l’utilisation d’érythropoïétines hors recommandation. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 La vigilance est de mise avec l’utilisation des biphosphonates et leur mise à disposition en pharmacie de ville, notamment au regard du risque d’ostéonécrose et d’insuffisance rénale. L’étude IRMA et la recommandation d’une mesure de la clairance plutôt que de la créatinine ont été soulignées. D’autres techniques et soutiens ont été présentés : ▶ Le yoga, déjà présenté à l’ASCO 2006, avec un bénéfice de 100 % en termes de satisfaction, mais une absence de bénéfice statistique sur les échelles de qualité de vie. ▶ La promotion de l’utilisation des gants et chaussons réfrigérants en prévention des toxicités unguéales et cutanées liées au docétaxel a été développée. Les résultats significatifs sont largement en faveur du développement de cette technique dans les centres. ▶ L’action de l’association Apprivoiser son image dans la maladie (APIMA) a été soutenue. Son bénéfice a été démontré par une exposition de photographies commentées par des patientes. Les soins de support en France s’intègrent à la dynamique du Plan Cancer avec des recommandations faites par les sociétés savantes et une coordination de ces soins propre à chaque centre. Le patient doit être replacé au centre du dispositif de soins et l’objectif est l’optimisation de sa qualité de vie. Prévoir, anticiper et rendre l’essentiel visible doivent également être des objectifs de ce mouvement. Dans le domaine des soins de support, un regard particulier peut être porté sur les médecines dites complémentaires, avec toute la vigilance scientifique nécessaire. À titre d’exemple, une unité de prise en charge nommée “Prendre soin” et regroupant des acteurs de soins complémentaires (auriculothérapie, relaxation, conseils en image, massages) a été créée à l’hôpital européen Georges-Pompidou, et le retour des patients sur l’accompagnement complémentaire aux traitements antinéoplasiques que ces disciplines apportent est très positif. Qualité et confort de vie pendant et après le traitement sont les objectifs des acteurs de cette unité. dossier thématique d ossier thématique auRiculothéRapie Le principe de cette technique vient d’Orient et remonte à 2 500 ans av. J.-C. Des observations intéressantes ont été faites par le Pr Malgaigne en 1850 à l’hôpital Saint-Louis, puis son développement a été repris en France à partir de 1950, initialement par le Dr Nogier, rhumatologue à Lyon. Ce praticien a été étonné de voir des patients soulagés de leur sciatalgie par des cautérisations de l’oreille à un point très précis. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu l’auriculothérapie en 1987. Les observations et les réflexions de Nogier l’ont mené à décrire, dans le pavillon de l’oreille, un fœtus tête en bas. Chaque point précis correspond à un organe, et une cartographie spécifique a par la suite été définie avec, sur le schéma de l’oreille, une face sensitive et une face motrice. Cette cartographie a été validée sous la forme d’une nomenclature internationale en 1990 par l’OMS. Des études scientifiques ont alors été imposées afin de prouver la véracité neurophysiologique des relations entre les points et leurs zones de correspondance spécifique. Le scan par 393 dossier thématique d ossier thématique tomographe à émission de positons, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle et les potentiels évoqués ont été des outils de recherche fondamentaux et ont permis d’assurer la base neurophysiologique nécessaire à toute démonstration scientifique moderne. En 2002, une traduction thermo-auriculographique des affichages pathologiques sur les auricules a été mise en évidence. Le principe de l’auriculothérapie suit dès lors les données anatomiques démontrées de notre médecine contemporaine. Le traitement d’une douleur consistera en des applications d’aiguilles sur le trajet de la douleur à des points précis correspondant aux relais nerveux ; pour une sciatalgie, on piquera sur le trajet du nerf sciatique, sur la substance réticulée, sur le thalamus et enfin sur le relais du cortex. Une étude menée à Villejuif et publiée en 2000 a montré l’efficacité sur la douleur de cette technique (3). Des enregistrements des niveaux douloureux par échelle visuelle analogique (EVA) ont été faits en préthérapeutique, après traitement antalgique pharmaceutique bien conduit (paliers 2 et 3), puis après deux mois de traitement par auriculothérapie associée aux antalgiques. Une nette régression des scores EVA a été retrouvée grâce à l’association des traitements. Une étude versus placebo (aiguilles placées de façon aléatoire) a été publiée en 2003, montrant une supériorité de l’auriculothérapie sur le placebo (amélioration des scores EVA de 30 % versus 10 %, respectivement) [4]. Une étude, actuellement soumise à publication, évoque les xérostomies postradiques et une amélioration soutenue à 1 et 2 mois avec le traitement par auriculothérapie. D’autres développements sont en cours, dans d’autres indications. L’auriculothérapie est une médecine complémentaire, qui vise à apporter des solutions supplémentaires aux souffrances des patients. En aucun cas cette dernière technique ne doit être présentée comme “traitement du cancer”, mais son utilisation peut faire partie de l’ensemble des outils nécessaires à un meilleur accompagnement des malades. la visite viRtuelle Un exemple de développement d’un outil de surveillance et d’accompagnement des patients en cours de traitement a été présenté lors de cette session. L’utilisation de la télémédecine et des nouveaux outils informatiques de communication pourrait être, dans le futur, un élément intéressant pour faire face aux inquiétudes démographiques, tout en préservant une surveillance étroite du patient et une attention portée aux symptômes qu’il éprouve. L’augmentation pressante du nombre de cas de cancer, la pauvreté de la démographie médicale et la volonté d’une surveillance optimale des patients ont conduit à une réflexion sur un nouvel outil d’évaluation au domicile du patient. Les nouveaux traitements anticancéreux, essentiellement administrés sous forme ambulatoire, voire par voie orale au domicile, imposent, en raison de leur toxicité non négligeable, d’être particulièrement vigilant à l’encadrement des soins. Cet outil développé peut, par ailleurs, avoir d’autres implications, pour le suivi de patients hospitalisés à domicile, ou encore pour enregistrer, avec une précision proche 394 de l’exhaustivité, des données d’essais cliniques. Surveiller à distance, régulièrement, devrait permettre de prévoir, anticiper et mieux gérer au domicile les toxicités. On peut facilement imaginer obtenir une diminution des consultations d’urgence en décelant les effets indésirables et en organisant précocement leur prise en charge au domicile du patient. La technique utilise les outils modernes de communication, à savoir l’informatique, Internet et éventuellement des connexions via GPRS (satellite). La rencontre entre société informatique, prestataires au domicile, patient et soignant est la base d’un développement tel qu’il nécessite une réflexion des tutelles et des financiers. Le principe de la visite virtuelle repose sur une surveillance continue, qualitative et quantitative, menée en temps réel. La surveillance “pancarte infirmière” (pouls, tension, température) est associée à des données subjectives de ressenti du patient (commentaires). La visite est menée à des moments précis, choisis par les soignants au cours de la journée. Tous les intervenants ayant l’autorisation peuvent se connecter sur le dossier du patient, par le biais d’une connexion sécurisée, afin d’obtenir les données nécessaires à la prise en charge. La notion d’équipe soignante garde un sens et le patient retrouve une place naturelle au centre du dispositif de soins mis en place. En pratique, le patient entre, à différents moments de la journée, des données relatives à l’hémodynamique, la température, la saturation en oxygène, les toxicités digestives, et il renseigne des échelles EVA douleur et fatigue précises. Il complète également sa visite par une page de commentaire, ce qui rend possible l’analyse de ses plaintes subjectives au même titre que le permettrait l’entretien soignant-soigné. Ces données sont par la suite recueillies via le serveur Internet par le prescripteur, qui les analyse. Le médecin mène alors sa visite à tout moment de la journée, se connecte au site Internet et accède, toujours par connexion sécurisée, à la liste des patients qu’il suit. Les résultats peuvent apparaître sous la forme brute de chiffres et de commentaires, mais également sous celle de tableaux montrant l’évolution des constantes. Le médecin peut alors déclencher une prise en charge adaptée à chaque situation : adapter un traitement antalgique, antiémétique ou encore laxatif, demander un passage infirmier ou médical selon les besoins, voire déclencher une prise en charge d’urgence en cas de situation à risque. Le serveur suit un principe de portail multi-entrée permettant à tout membre autorisé de l’équipe soignante d’avoir accès aux données. On imagine aisément l’intervention possible du médecin traitant, de l’équipe infirmière, du kinésithérapeute ou de la diététicienne. On envisage également l’accès des services médicaux d’urgence au dossier du patient (antécédents, pathologie, traitements en cours, suivi des constantes et des événements récents), ceux-ci pouvant ainsi intervenir dans des conditions optimales au domicile. Au cours de cette première phase de faisabilité, la visite virtuelle a été profitable au patient autant qu’à l’équipe soignante. Pour le patient traité pour cancer du rein sous thérapie ciblée orale, le suivi a été simple, la gestion des événements plus rapide et mieux menée. Deux idées principales ont été précisées par le patient : “J’ai le sentiment d’être à nouveau accompagné, surveillé La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 Un symposium s’est également tenu et a regroupé trois visions des soins de support : ▶ L’organisation de l’enquête “Cancer, prise en charge initiale du malade” (CPRIM) relative à la mise en place du dispositif d’annonce sur le territoire français et ses résultats, présentés dans les comptes-rendus de la IVe Journée nationale des soins de support ; ▶ La prévention des toxicités, avec une présentation de l’étude IRMA 2 sur l’insuffisance rénale associée au cancer ; ▶ Le suivi des patients en post-thérapeutique, avec une présentation sur les troubles cognitifs. Rappelons que l’étude IRMA 1 a eu pour objectif de définir la prévalence de l’insuffisance rénale dans le cancer et de décrire le potentiel néphrotoxique et la nécessité d’adaptation posologique des traitements anticancéreux. L’insuffisance rénale est définie par le débit de filtration glomérulaire, approchée par le calcul de la clairance de la créatinine, avec une définition en 5 grades depuis 2005. La clairance est évaluée selon la formule de Gault et Cockroft ou la MDRD (Modification of the diet in renal disease) abrégée. Un suivi a porté sur 4 684 patients, pour une tumeur solide, et les données ont été analysées rétrospectivement. La créatininémie a été anormale (> 110 µM) pour 7 % des patients, mais, après calcul de la clairance de la créatinine, 57,4 % et 52,3 % des patients (selon la formule de Gault et Cockroft ou La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 Niveau de difficulté coMMunications loRs du sYMposiuM CANCER ET SOINS DE SUPPORT : L’AVIS DES PATIENTS ET NOUVELLES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES la MDRD, respectivement) ont présenté une insuffisance rénale (clairance < 90 ml/mn). Malgré ces chiffres, 80,1 % des patients ont reçu au moins un médicament néphrotoxique et 79,9 % d’entre eux ont reçu un traitement nécessitant une adaptation posologique. Il est à noter que 40 % des patients ont présenté une anémie. Les objectifs de l’étude IRMA 2 sont les mêmes que ceux d’IRMA 1, avec un suivi de cohorte de la fonction rénale et des prescriptions (et évolutions) d’anticancéreux, sur deux ans en deux phases avec des recueils périodiques tous les 6 mois. Les résultats de la première phase sont en cours d’analyse avec 4 562 patients inclus dans l’étude. Une vigilance particulière a été demandée pour certains médicaments : ▶ L’association aprépitant et ifosfamide semble majorer la néphrotoxicité de l’ifosfamide. On sera également attentif à la déshydratation liée aux vomissements, facteur de risque d’insuffisance rénale. ▶ Les anti-inflammatoires sont à éviter, et il importe d’être vigilant dans le maniement des antalgiques de palier 3. ▶ Les biphosphonates sont, pour la plupart, potentiellement néphrotoxiques (avec une supériorité du zolédronate sur le pamidronate), à l’exception de l’ibandronate. La posologie de chaque biphosphonate doit être réduite en cas d’insuffisance rénale afin d’éviter une surcharge médicamenteuse osseuse. Enfin, une attention particulière doit être portée aux fonctions cognitives, dont une présentation à l’ASCO 2006 a montré qu’elles se détérioraient en cours et à distance des traitements anticancéreux (fi gure 2). Niveau de difficulté par mon équipe médicale” et “Je me sens à nouveau acteur de mes soins, au centre du dispositif.” Ces propos mettent en avant le sentiment de sécurité et soulignent combien il est important de communiquer et composer avec le patient. Du côté médical, les données objectives (mesurées) et subjectives (page de commentaire) ont permis un suivi précis, rapide et correctement évalué. Les appels téléphoniques ont été dirigés par l’équipe médicale en fonction des besoins. Le patient n’a pas eu à se heurter aux multiples standards et boîtes vocales et a reçu directement l’information et les recommandations. En aucun cas cet outil ne doit remplacer l’entretien face à face entre soignant et soigné, mais il peut aider à une meilleure gestion des événements indésirables au domicile, nombreux au cours d’une prise en charge de cancérologie. Son utilisation dans le cadre de la recherche clinique pourrait également apporter des précisions importantes sur les temps de survenue des effets indésirables, mais également permettre de suivre les toxicités de grades 1 et 2, qui peuvent se révéler difficilement supportables en cas de chronicité. Le développement est attendu avec des appels à projets. Comme tout outil de télémédecine, la pierre angulaire de l’extension des soins hors du cadre de la recherche clinique est le financement. La participation des tutelles, comme celle des patients, est une question à soulever. D’autres questions sont encore non résolues. dossier thématique d ossier thématique Troubles de la mémoire 4,5 4 3 2 1 0 Prétraitement Post-traitement Post-traitement à 6 mois Troubles de la concentration 4,5 4 3 2 1 0 Prétraitement Post-traitement Post-traitement à 6 mois Chimiothérapie Chimiothérapie et radiothérapie Radiothérapie Figure 2. Évolution des troubles des fonctions cognitives avec les traitements anticancéreux (asco 2006, d’après Kohli s et al. abstract 8502). 395 dossier thématique d ossier thématique Les fonctions cognitives regroupent l’attention et la concentration, la mémoire, le langage, la maîtrise de l’espace et l’imagerie mentale, le raisonnement. Leur altération lors des pathologies cancéreuses peut provoquer des étiologies diverses : ▶ anémie ; ▶ effets de la chimiothérapie ; ▶ anomalies métaboliques et endocriniennes ; ▶ infections, fièvre ; ▶ dénutrition ; ▶ âge ; ▶ troubles du sommeil ; ▶ anxiété, dépression. L’analyse de la littérature apporte des données contradictoires quant à l’impact des chimiothérapies sur les troubles cognitifs (chemobrain). Certains vont jusqu’à modifier le terme de chemobrain en chemocrisis, définissant un état d’altération transitoire lié à la sidération engendrée par la maladie et les traitements. Une étude en cours évaluant l’impact de l’erythropoïétine (EPO) sur le maintien de ces fonctions supérieures et dont les résultats devraient être connus fin 2007 a été présentée au cours de cet exposé. Le rationnel de l’étude se fonde sur l’existence de récepteurs à l’EPO dans le système nerveux central et sur son efficacité dans les études précliniques et dans les neuropathies (maladie d’Alzheimer et diabète). 396 conclusion Ces IIIes Journées ont été l’occasion de refaire un point particulier sur le développement des soins de support à l’échelle locale comme sur la scène internationale, notamment avec des données actualisées sur la prise en charge des toxicités des nouveaux traitements antinéoplasiques. Le champ d’exploration des soins de support est large, diversifié et en grande partie non exploré. L’un des objectifs principaux de cette association est la formation, mission en partie remplie par ces journées de communication. L’ensemble des présentations sont disponibles sur le site de l’association : www.aesco.fr. Les IVes Journées se dérouleront les 15 et 16 avril 2008 à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris XV). ■ RéféRences bibliogRaphiques 1. 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