le secret est institué dans l’intérêt des malades. Entre le code
pénal, c’est-à-dire la loi, et le code de déontologie, c’est-à-dire
le décret, le match est inégal. Le code de déontologie enrichit la
loi mais ne peut la redéfinir. La référence est l’intérêt général. La
loi pénale protège le secret professionnel et pas seulement le secret
médical. La valeur en cause est la confiance, et non pas le patient.
Le secret est institué dans l’intérêt des patients... mais des patients
entendus collectivement. Le secret est protégé en tant que valeur
collective. Le médecin, quoi qu’il arrive, est tenu au secret pro-
fessionnel, non parce qu’il aurait conclu un accord avec le patient,
mais parce que globalement l’exercice médical ne peut exister
sans la garantie du secret. La conséquence est l’indisponibilité
du secret : le médecin ne peut se libérer du secret même si le
patient lui demande. Il faut sur ce plan savoir résister aux modes
et aux tentations éphémères.
Trois points s’imposent :
–Le secret n’est pas opposable au patient qui est en droit de tout
savoir sur son état de santé, la seule limite étant que le médecin
doit différer l’annonce d’un diagnostic ou d’un pronostic grave
quand cette annonce serait contraire à l’intérêt du patient.
–Le patient lui-même n’est pas tenu par le secret et peut révéler
ce que lui a dit ou écrit le médecin.
–Le médecin ne peut s’impliquer dans une violation du secret,
ni la cautionner, car la règle est pour lui d’ordre public.
S’il y a loi, et loi pénale, pour protéger le secret, c’est parce que
l’acte de soin suppose l’intimité et que la loi a choisi de faire pré-
valoir la santé, et en définitive la vie, sur d’autres objectifs.
Lorsque le patient s’adresse à un médecin, il doit savoir que celui-
ci lui dira tout, mais que, quelles que soient les circonstances, il
ne dira rien à autrui. L’interprétation du code pénal est éclairée
par le code civil et notamment la disposition fondamentale de
l’article 9 : “Chacun a droit au respect de sa vie privée”.
Qui est tenu au secret ?
La lecture de l’article 226-13 conduit à plus d’interro-
gations que de certitudes : état, profession, fonction ou mission
temporaire... L’essentiel est ailleurs : c’est la notion de déposi-
taire. On revient à l’idée de secret confié. Toutes les professions
de santé sont concernées. Les textes le prévoient explicitement
pour les médecins, les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes, les
sages-femmes, les infirmières... mais l’analyse doit être étendue
aux aides-soignants ou aux auxiliaires-puéricultrices, qui du fait
de leur proximité avec les patients se trouvent au cœur de nombre
de secrets. Chaque professionnel se trouve dépositaire d’un cer-
tain nombre de secrets du fait de sa fonction.
Qu’entend-on
par secret partagé ?
La prise en charge thérapeutique suppose un travail en
équipe et un partage de l’information. Il n’y a pas de violation du
secret professionnel entre les membres d’une équipe. Ceux-ci
doivent partager les informations qui leur ont été confiées par le
patient, c’est-à-dire, pour reprendre la formule du code de déon-
tologie, non seulement ce qui leur a été dit, mais encore ce qu’ils
ont vu, entendu ou compris.
Mais cette notion de secret partagé issue de la pratique et consa-
crée par la loi du 4 mars 2002 est restrictive : elle est limitée à ce
qui est strictement nécessaire et ne peut déborder le cadre de
l’équipe soignante. Un praticien n’a pas la capacité de consulter
un autre praticien non-membre de l’équipe sans l’accord du patient.
Il commettrait alors une violation du secret. Il ne s’agit pas de rai-
sonner pour éviter la sanction mais pour intégrer le sens de la règle.
Chacun doit comprendre combien il est insupportable pour un
patient de découvrir que son cas a été discuté à son insu. À l’in-
verse, un patient acceptera volontiers que son médecin confronte
ses analyses ou cherche des éclairages complémentaires auprès
d’autres praticiens,... dès lors qu’on aura sollicité son accord.
Cette notion de secret partagé soulève de véritables difficultés en
psychiatrie de secteur car la prise en charge suppose le travail en
commun de professionnels tenus à des secrets professionnels dis-
tincts. Les secrets professionnels du médecin et du travailleur
social se chevauchent mais ne se recoupent pas. Aucun texte ne
résout cette difficulté et la règle doit être la prudence et le souci
de défendre l’intimité. Seules les informations, strictement indis-
pensables à la prise en charge, peuvent être partagées. La trans-
parence n’est pas une valeur, à l’inverse de la confiance.
Quelles sont les dérogations légales ?
Le législateur est à la recherche de l’équilibre entre la
préservation de l’intimité de la relation soignante et le partage
d’information nécessaire à la cohérence sociale.
La famille et le corps médical sont associés pour déclarer les nais-
sances et les décès. Cette mission incombe en premier lieu à la
famille et à défaut aux professions de santé (code civil, article 56).
La loi, par contre, laisse à la femme la possibilité d’accoucher
sous X et la volonté de la femme s’impose alors à l’équipe médi-
cale, à l’état civil... et à l’enfant. Un projet législatif est actuelle-
ment discuté, qui mettrait en place un organisme tiers qui pour-
rait permettre à l’enfant de reconstituer sa filiation.
Fondée sur les critères de santé publique, la loi a institué certaines
déclarations obligatoires bien connues :
✔Loi du 30 octobre 1946 : maladies professionnelles.
✔Loi du 15 avril 1954 : alcooliques dangereux.
✔Loi du 3 janvier 1968 : certificats médicaux en vue de l’adop-
tion d’un régime de protection d’un incapable majeur.
De même, le code de la santé publique impose la déclaration des
cas de maladie vénérienne en période contagieuse, la déclaration
restant anonyme. Le décret du 19 septembre 1996 a rendu obli-
gatoire la déclaration de la suspicion de la maladie de Creutz-
feldt-Jakob ou d’autres encéphalites subaiguës spongiformes
transmissibles à l’homme, sous forme nominative.
S’agissant du VIH, la règle est le secret, malgré les tentatives de
remise en cause. L’option retenue est celle de la responsabilisa-
tion des patients, ce qui peut placer le médecin dans une situation
particulièrement inconfortable, quand le patient refuse que sa séro-
positivité soit révélée alors même qu’il est marié ou concubin. Le
médecin est renvoyé à sa force de conviction et à son sens des res-
ponsabilités. Cette incertitude est une condition de la qualité.
La Lettre du Gynécologue - n° 275 - octobre 2002
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