r Cong è s Con grès Cong rès Cong è s Con grès r Deuxième Conférence latine de réduction des risques liés aux usages de drogues (Perpignan : 22 au 24 mai 2003) Jimmy Kempfer* Cent soixante et une communications espagnoles, italiennes, portugaises, suisses, françaises ont permis à 961 participants de prendre le pouls de la réduction des risques et de pressentir les grandes tendances européennes. La CLAT a pleinement joué son rôle en permettant à de nombreux acteurs de terrain de confronter leurs expériences et pratiques dans le cadre d’une culture commune : la culture latine. Après la CLAT-1, qui s’est tenue à Barcelone, l’édition numéro deux de Perpignan a indéniablement gagné ses galons de conférence internationale. Les pratiques changent, les représentations se modifient, et les mentalités évoluent très certainement en Europe : la CLAT-2 en a été le vivant et vibrant témoignage, parfois touffu, dense, voire houleux (à l’énoncé de tous les crédits menacés remettant en cause l’existence d’associations, et des attentes de la politique en France…). Ainsi, les présentations de Ruth Dreyfuss décrivant la stratégie suisse, qui a consisté, avec l’aide des médias, à faire évoluer les mentalités du grand public face aux drogues. Résultat : la drogue perçue comme le fléau numéro 1 en 1994 est maintenant classée par les habitants à la huitième place, derrière le chômage et le terrorisme… Bilan connu déjà depuis quelque temps qui a suscité la création, par les Espagnols, d’un site qui propose d’aider les médias à améliorer la qualité et la pertinence des informations concernant les drogues : www.drogomedia.com. Autre indice de ces changements : cinquante pour cent des Français seraient favorables à une prescription médicale d’héroïne, dispensée dans un cadre médical. Et 70 % d’entre eux pensent que l’alcool est plus dangereux que les drogues illicites (OFDT). * Responsable de l’équipe mobile Sud 92. Association Liberté, 10, rue de la Liberté, 92220 Bagneux. Questions de chiffres Si le nombre de décès liés à l’usage des drogues semble relativement stabilisé dans de nombreux pays, la Grèce présente un bilan alarmant. Mille décès en 2 000 versus 250 en 1993. En revanche, le Portugal, où l’on déplorait environ 1 100 morts liées à la drogue en 1999, est repassé sous la barre des 1 000. Il s’agit principalement d’hommes dans la trentaine, injecteurs d’opiacés ne bénéficiant pas d’un traitement de substitution et consommant également alcool et benzodiazépines. Pourtant, les réponses efficaces sont connues : information et formation des usagers, secours distincts des services de police, délivrance de Narcan® et formation à son utilisation, comme cela se pratique dans plusieurs villes d’Italie, création de salles d’injection et surtout large mise en œuvre des traitements de substitution. En Finlande, Irlande, Norvège, où les traitements de substitution sont rares et très contraignants, le nombre des overdoses est en progression constante, alors que la France peut témoigner du succès de sa politique en la matière : les overdoses ont baissé de 80 % depuis 1996 avec la généralisation des prescriptions de méthadone et surtout de buprénorphine haut dosage (voir article : “Buprénorphine haut dosage, l’âge de raison”). Le Courrier des addictions (5), n° 3, juillet-août-septembre 2003 116 Où en sont les programmes d’héroïne médicalisée ? Outre la Suisse, qui était le seul pays au monde où des programmes médicalisés dispensent de l’héroïne injectable à plus de 1 400 usagers réfractaires au traitement à la méthadone, l’Allemagne vient de créer des programmes d’héroïne injectable. Quant aux Pays-bas, ils ont permis aux usagers de bénéficier de la dispensation d’héroïne fumable. L’Espagne a annoncé, pour sa part, le démarrage d’un programme d’héroïne très prochainement. Quant à la France, le président de la MILDT affirme qu’un tel projet est dans les tiroirs depuis un certain temps. Hépatites C : l’état du front • Concernant les maladies infectieuses, on assiste à un renversement radical des tendances : la France fait part de 800 décès liés au VIH et 3 300 attribués à l’hépatite C. Une étude pilote (Coquelicot), portant sur une cohorte d’usagers de drogues marseillais de moins de 30 ans, compte 43 % de personnes contaminées par le VHC et 0 % de contaminations par le VIH. Par ailleurs, 30 % des usagers de drogues, persuadés d’être négatifs, étaient en fait positifs pour le VHC lors du dépistage. En projetant la combinaison de ces données sur le plan national, Julien Emmanuelli, responsable de Coquelicot, estime que 9 % des 30 000 des injecteurs séronégatifs au VHC (soit un tiers d’une population estimée à 100 000 personnes) se contamineront dans l’année. Prévention et soins de l’hépatite C sont donc devenus indiscutablement des priorités absolues de santé publique pour aujourd’hui et les prochaines années. • Mis en cause : les filtres contenant des résidus de drogues sont réutilisés, partagés, stockés, ce qui en fait des vecteurs essentiels dans la transmission du virus. Le nouveau filtre présenté par Apothicom, et qu’on espère trouver bientôt dans le Stéribox, sera un élément aussi important que la seringue à usage unique. Mais, si celle-ci est néanmoins réutilisable, le filtre, unanimement apprécié par les injecteurs, ne le sera pas. • Autre initiative prometteuse : l’échange de seringues en pharmacie qui se développe dans treize départements français. Ce sys- r Cong è s Con grès Cong Cong è s Con g r tème, bien rôdé dans les Pyrénées orientales, permet de récupérer plus de 80 % des seringues dans les pharmacies de Perpignan. Ces actions, efficaces et peu coûteuses, s’appuient sur l’expérience anglaise, dont une étude menée sur six ans constate un taux de retour de 86 % des seringues délivrées ainsi qu’une participation croissante des pharmaciens et des usagers. Salles d’injection et de consommation : surtout en Suisse • Sur les 60 lieux de consommation existant en Europe, la majorité se trouve en Suisse. Leur efficacité, finement évaluée, est réelle mais seulement lorsque l’institution s’est donné les moyens de ses ambitions. Ces salles sont également des lieux d’accueil favorisant l’accès à diverses services médicosociaux. Permettant d’injecter dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité, d’éviter la transmission de maladies infectieuses, de limiter les risques d’abcès… et d’overdoses : 419 en 1992 versus 197 en 2001. • À Lausanne, des ateliers proposent de former les usagers aux mesures d’hygiène, techniques d’injection, connaissance du réseau veineux… • Plusieurs villes ont ouvert des salles d’inhalation où il est possible de fumer l’héroïne ou la cocaïne sous forme de crack. Le projet Cactus, à Bienne, se qualifiant de “local de consommation à moindre risque”, projet d’intérêt public et d’économie privée, offre de favoriser l’intégration sociale des Analyses de drogues, testing en milieu festi f Outre les opérations de testing lancées en Suisse par Quai 9, la dynamique association Sida de Genève, dans un souci de prévention et de réduction des risques, principe repris en France par Médecins du Monde, la CLAT-2 a été l’occasion de “se compter” sur ce front de la harm reduction, en milieu festif aussi : ainsi, une trentaine d’organismes dans de nombreux autres pays (en Angleterre, Portugal et Espagne notamment) font le même travail. Au Pays basque, c’est l’association Ai Laket, fonctionnant comme association d’auto-support (le mouvement Brèv Brèv s Brèv es èv es r B s e e Contamination par le VHC : dépistage et prévention insuffisants consommateurs tout en contribuant à la sécurité et à l’ordre public. • À Rotterdam, la municipalité propose un lieu de consommation fonctionnant “à la bonne franquette”, l’église Saint-Paulus qui permet, depuis 1994, à des centaines d’usagers d’injecter, sniffer, fumer selon des règles précises dictées par le bon sens. Pas de cocaïne, de crack ou d’autres stimulants le soir, par exemple. Trois dealers “patentés” approvisionnent les 1 385 usagers fréquentant le lieu avec des drogues vendues à un prix raisonnable, dont la qualité est régulièrement contrôlée par un laboratoire municipal. Au-delà des aspects sanitaires, l’objectif est aussi la préservation de l’ordre public. Ainsi, pour la petite histoire : un des dealers est enregistré comme travailleur social et paye des impôts ! • Signalons également les programmes d’échange de seringues dans deux prisons suisses et une prison espagnole qui n’ont provoqué à ce jour aucun incident. À l’issue des deux premières années de surveillance épidémiologique de l’hépatite C, l’Institut national de veille sanitaire constate de nettes améliorations dans le “rendement” du dépistage et des traitements institués mais qui restent insuffisants : ainsi, l’activité de dépistage des laboratoires d’analyse de biologie médicale (LABM) publics et privés a augmenté de 10 % entre 2000 et 2001, mais le ratio entre les tests confirmés positifs et ceux qui ont été trouvés négatifs a beaucoup baissé, ce qui tend à prouver que les campagnes de promotion de ce dépistage ont beaucoup plus “atteint” les sujets peu ou pas “à risque” de contamination. Quant à la prise en charge des patients, elle a été plus précoce au cours de la Attention à tous les accessoires de l’injection ! Est-il besoin de démonter à quel point il convient d’insister sur l’utilisation unique et personnelle du matériel d’injection ? Un cas, présenté à la CLAT-2 par le Dr Xavier Aknine, médecin généraliste, responsable du centre Gainville à Aulnay en Seine-Saint-Denis, illustre parfaitement cette urgence : un patient atteint du VHC et traité avec succès, a contracté à nouveau la maladie quelques mois plus tard : le virus était d’une souche différente. Le patient s’était recontaminé en manipulant du matériel souillé, probablement des filtres. Le Courrier des addictions 2002 ; n° 2, vol 4 : 73. des associations d’auto-support sur ce terrain d’actions s’est montré particulièrement dynamique), qui sillonne les discothèques et autres lieux festifs. Dans le minibus acheté à l’équipe du Tour de France, les animateurs, pharmaciens, médecins, chimistes, travailleurs sociaux… tous eux-mêmes consommateurs ou ex-consommateurs, procèdent au contrôle rapide des produits et sensibilisent et responsabilisent les usagers. Un accord informel avec la police leur garantit de pouvoir tester ecstasy et drogues diverses sans se faire interpeller. Leur action, financée par le gouvernement basque, a permis d’identifier rapidement l’apparition de nouvelles drogues telles la kétamine et “d’accompagner” l’explosion de la consommation de la cocaïne et des drogues de synthèse dans le milieu festif en tentant d’envisager une prévention conséquente. même période dans 26 des 30 pôles de référence de l’hépatite C, puisque 10 % seulement des patients avaient une forme évoluée de la maladie versus 21 % entre 1993 et 1995. Reste que 31 à 41 % des patients nouvellement traités avaient été dépistés, pour ainsi dire de façon fortuite, parce qu’ils avaient un facteur de risque : parmi ces facteurs, l’injection de drogues par voie intraveineuse était prééminente, seuls 10 à 14 % des patients n’en n’ayant apparemment aucun. Actuellement, avec 73 % de sujets atteints, la prévalence de cette maladie reste très élevée parmi les usagers de drogues, alors que celle du VIH est toujours quasi nulle. Cela tend à prouver que la prévention du sida a été mieux suivie et plus efficace que celle de l’hépatite C. Desenclos JC. (InVS, Saint-Maurice). Bulletin Epidémiologique HebdoF.A.R. madaire 2003 ; n° 16-7. Brèv s Brè ves 117 e