DEUX-TIERS DES CHUTES POURRAIENT ETRE PREVENUES !
CREATION D’UNE ECOLE DE PREVENTION DES CHUTES POUR LES PERSONNES AGEES :
L’ECOLE « PARACHUTE »
Dr Thierry PEPERSACK
Adresse pour correspondance :
Dr Thierry PEPERSACK, Clinique de Gériatrie, Département de Médecine Interne, C.H.U. Brugmann, Place
Van Gehuchten 4, 1020 Bruxelles ,
Tél. : 02.477.2386 ; Fax : 02.477.21.78 ; e-mail : thierry.pepersack@chu-brugmann.be
Ecole « Parachute » : Projet de l’asbl « La Gentiane » , Association pour la valorisation de la personne âgée dans
la société et la qualité de vie en gériatrie. Renseignements : 0479.768906
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RESUME
Les chutes constituent un problème fréquent et dangereux en gériatrie. A peu près 30% des personnes autonomes
de plus de 65 ans vivant à leur domicile présentent une chute chaque année. Dans ce groupe d’âge, les chutes
sont responsables de fractures osseuses dans 5% des cas. Des éléments propres au patient et à son environnement
constituent des facteurs de risque reconnus. La reconnaissance de ces facteurs permet de déterminer le sujet à
risque. Les mesures de prévention incluent une éducation (du patient, de son entourage), l’entraînement physique,
une évaluation du traitement médicamenteux et une adaptation de l’environnement. Une école de prévention de
chute a été crée à l’initiative de l’a.s.b.l. « la Gentiane ». Il s’agit d’une première en Belgique, ce type
d’expérience ayant déjà été réalisée en France, au Canada et en Suisse et aux Etats-Unis.
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INTRODUCTION
Environ 30% des personnes de plus de 65 ans qui vivent en institution présentent une chute par an (1). Cette
prévalence s’élève à 50% chez les quadragénaires. A peu près 5% de ces chutes vont aboutir à une fracture
osseuse et 1% à une fracture de la hanche (1) ce qui représente 250.000 fractures de hanches aux Etats Unis (2).
En plus du nombre de chutes qui croît avec l’âge, leur morbidité augmente également chez les plus de 80 ans :
une personne âgée qui tombe encourt des risques d’hospitalisation et de décès de respectivement dix et huit fois
supérieurs à ceux encourus par les enfants (3). Septante cinq pour-cent des décès consécutifs aux chutes
concernent des sujets âgés qui ne représentent que 12% de la population (2). Outre les problèmes physiques, ces
chutes posent des problèmes sociaux, financiers et économiques (par exemples, les chutes représentent 40% des
motifs d’admission en institution).
Pour un patient de plus de 75 ans, la probabilité qu’une chute soit « accidentelle » diminue au profit d’origines
organiques. Pourquoi la personne âgée chute-t-elle ?, Quels sont les facteurs qui lui confèrent un risque de
chute ?, Comment ces risques peuvent-ils être évalués et modifiés par le praticien ? Voilà des aspects que le
médecin généraliste doit intégrer dans sa pratique dans le cadre d’une politique de prévention primaire et
secondaire.
FACTEURS DE RISQUE : INTRINSEQUES ET EXTRINSEQUES
L’étiologie multi-factorielle de la plupart des chutes justifie une prise en charge globale de la personne et de son
environnement (1, 4-7).
Facteurs intrinsèques :
ceux ci sont extrêmement complexes et déterminés par les handicaps acquis, les maladies, et les processus de
vieillissement de l’individu.
Parmi les handicaps, citons la faiblesse de la hanche, les troubles de l’équilibre, les prises médicamenteuses
(surtout pour une prise de 4 médicaments ou plus quotidiennement). Les personnes qui ne présentent aucun de
ces facteurs présentent 12% de risque de chute chaque année, s’ils présentent les trois facteurs, ce risque
approche 100% (7).
La maladie augmente également le risque de chute : la pyrexie associée à une hyperleucocytose augmente le
nombre de chutes (8).
Les changements associés au vieillissement de l’individu accroissent le risque de chutes « accidentelles », ces
changements concernent la perte de vision ou d’audition, les troubles cognitifs, et la diminution de la
proprioception et du temps de réaction (1,7,9).
Enfin, des conditions socio-économiques peuvent également déterminer le risque de chutes, comme par exemple
le fait de vivre seul (2).
Facteurs extrinsèques :
Les caractéristiques de l’environnement sont considérées comme étant responsables de 22% des chutes (10),
particulièrement celles qui se produisent dans un environnement non familier. En effet, les chutes apparaissant
dans un environnement familier sont plus souvent en relation avec des facteurs intrinsèques. Ces facteurs
d’environnement sont : absence d’éclairage adéquat, objets laissés au sol (tapis, carpettes), meubles instables,
escaliers sans rampe, hauteur du lit inadapté, etc...
Le nombre de médicaments pris par le patient constitue en soi un facteur de risque important (11), toutefois ceci
peut, en partie, être le reflet du nombre de problèmes médicaux. Les médicaments associés au risque de chutes
sont les sédatifs, les hypnotiques, les principes susceptibles d’affecter la stabilité posturale, d’engendrer des effets
secondaires extra-pyramidaux, hypotenseurs, hypoglymiants, ou encore ceux affectant les fonctions
vestibulaires, ou susceptibles de provoquer des neuropathies, des hypothermies ou de la confusion (11).
Un risque accru de chutes est également associé à la prise de tranquillisants (phenothiazines, butyrophenones),
d’antidépresseurs tricycliques, de barbituriques et de benzodiazépines à longue durée d’action. Par contre il ne
semble pas exister de relation statistiquement significative entre le risque de chute et la prise d’alcool, de
diurétiques, ou de tranquillisants mineurs. Un changement du traitement médicamenteux dans les deux dernières
semaines est également associé à un risque accru de chute (12).
EVALUATION D’UNE PERSONNE AGEE QUI CHUTE
Anamnèse :
L’évaluation d’une personne âgée qui chute doit comprendre une recherche minutieuse des facteurs de risques,
d’un trouble de l’équilibre ou d’une instabilité à la marche, ainsi qu’une évaluation des antécédents de chutes ou
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d’accidents (1). La crainte de tomber, la diminution de l’activité, la dépendance pour les activités de la vie
quotidienne, la perte des capacités visuelles sont des éléments importants à rechercher (13).
Les problèmes liés à l’environnement doivent être recherchés avec le patient, sa famille, et les soignants
éventuels. Le sigle « SPLAT » est proposé comme moyen mmotechnique pour intégrer ces éléments dans
l’établissement de l’anamnèse (Tableau 1).
Examen physique :
La recherche de facteurs de risques intrinsèques (Tableau 2) comme la présence de maladies aiguës ou
chroniques s’impose : une élévation de la température, du pouls ou du rythme respiratoire peut révéler une
infection aiguë qui accroît le risque de chutes chez la personne âgée (2). La mesure de la pression artérielle et du
pouls peut attirer l’attention sur une hypotension orthostatique ou une arythmie. La diminution de la vision est
associée à une diminution des activités de la vie quotidienne et à un risque accru de chutes (13). L’examen des
pieds (hallux valgus, plaies, etc.) permet parfois d’expliquer les chutes. La faiblesse musculaire, la perte
d’équilibre, les troubles de la marche sont des éléments à rechercher : des manoeuvres simples sont proposées
dans la littérature pour évaluer ces symptômes (5). Le tableau 3 reprend une série de mesures proposées dans la
littérature pour évaluer la mobilité du patient dans le cadre de la prévention des chutes. Le « get up and go test »
peut constituer un moyen simple d’apprécier la marche (9). Des examens complémentaires comme une évaluation
biologique, un ECG ou un monitoring de Holter, ne semblent pas apporter de bénéfice dans l’identification du
risque de chutes en dehors de présomption clinique spécifique (10).
Evaluation de l’environnement
Après une évaluation clinique (examen physique et mobilité) centrée sur la recherche de facteurs intrinsèques,
l’environnement doit être observé. Plutôt que de modifier l’ensemble de la structure de l’habitat, il faut l’adapter
au status fonctionnel du patient, ôter les obstacles à ses activités quotidiennes. Des lignes de conduite visant à
adapter l’environnement aux handicaps sont proposées dans la littérature, il s’agit essentiellement d’éliminer les
risques de glissade, de prévoir des points d’appui, d’éliminer les obstacles et d’éclairer les endroits sombres.
TRAITEMENT DU TRAUMATISME ET PREVENTION SECONDAIRE
Le traitement des chutes et des accidents secondaires à celle-ci suit les recommandations standards des
traitements de tout traumatisme. Toutefois, des lignes de conduites inhérentes à la fragilité de la personne âgée et
à son homéostasie déficiente peuvent être proposées : éviter l’immobilisation, diminuer le nombre de
médicaments pendant une maladie aiguë ou une période d’inactivité, apporter une aide à domicile et une
kinésithérapie si nécessaire (2). L’encadrement social au moment de l’accident semble déterminant dans le succès
d’une guérison, alors que le manque d’encadrement social est en relation avec une fréquence accrue
d’institutionnalisations (9,14).
Le traitement des conséquences psychologiques et fonctionnelles (par exemple la peur de retomber, la perte des
activités habituelles, la perte de l’estime de soi est plus difficile. Une évaluation gériatrique multidisciplinaire
peut être efficace (15). Une revalidation spécifique des populations à haut risque de chute comprenant des
exercices de souplesse, de coordination et d’équilibre peut être efficace (16).
Les patients présentant des troubles visuels doivent faire l’objet d’un suivi ophtalmologique mais peuvent aussi
bénéficier d’une adaptation de leur environnement (afin d’éviter les éblouissements, les reflets, les contrastes et
d’assurer un éclairage optimal des pièces à risque) (13).
REDUCTION DES TRAUMATISMES LORSQUE LE PATIENT CHUTE
Des mesures d’information (éducation du patient) visant à réduire les multiples facteurs de risque de chutes
permettent de diminuer ce risque de 7-12% pour des patients âgés non institutionnalisés (17,18). Toutefois, en
dépit de cette diminution du nombre de chutes, la prévalence des traumatismes, leur morbidité et leur mortalité ne
sont pas réduites de manière significative (18). Or, le but ultime de cette prise en charge est de diminuer le
nombre de traumatismes. Des facteurs intrinsèques associés à ces traumatismes doivent alors être pris en
considération : c’est le cas de l’ostéoporose par exemple (intérêt de la substitution hormonale à la ménopause et
de la prescription de calcium et de vitamine D en gériatrie). L’application de protecteurs de hanche externes a
permis de réduire le nombre de fractures de hanche (19). La solidité osseuse pourrait être améliorée par des
programmes d’exercice physique, l’apprentissage d’une manière moins traumatisante de tomber a été suggérée
comme un moyen de réduction de morbidité (16).
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Enfin l’information du patient, de sa famille et de son entourage dans le domaine de la prévention reste utile dans
la mesure où, bien souvent, la personne âgée ne reconnaît pas suffisamment tôt les situations à risque de chute.
Un proposition de fiche d’information à remettre au patient et à ses proches est présentée à la table 4.
CAS CLINIQUES
Une fois les facteurs de risque de chute mis en évidence, le praticien peut prendre des mesures pour prévenir la
chute ou en réduire la fréquence. Toutefois, en raison de l’hétérogénéité des facteurs de risque et des causes de
chutes, chaque stratégie de prévention doit être individualisée. Des exemples de mesures de prévention primaire
et secondaire qui ont été efficaces sont illustrés dans les cas suivants :
Cas 1. Une femme de 74 ans séjournant en maison de repos a chuté de son lit un matin. Elle précise qu’en
sortant de son lit elle s’est sentie vertigineuse. La veille elle s’est également plainte de vertiges lorsqu’elle
passait de la position couchée à la position debout. Elle n’avait auparavant jamais présenté ce type de
symptômes, n’avait jamais chuté et était restée autonome dans ses activités de la vie quotidienne. Une
hypotension orthostatique est diagnostiquée.
Devant ce diagnostic, une prévention primaire aurait pu proposer de laisser la patiente au lit, prévoir un appareil
d’alarme afin d’éviter que la patiente ne quitte son lit sans assistance. Chez cette patiente il est apparu que cette
hypotension était le fait d’une déshydratation induite par un traitement diurétique nouvellement prescrit. Les
symptômes de la patiente se sont amendés après interruption du traitement diurétique et réhydratation, deux
mesures caractéristiques de prévention secondaire. La patiente retrouva son statut fonctionnel initial et les
mesures de prévention primaire citées plus haut n’ont plus eu d’objet. La surveillance d’une hydratation adéquate
a permis une prévention de la survenue de vertiges et de chutes.
Cas 2. Un homme de 73 ans est admis à l’hôpital pour l’évaluation d’une hypothyroïdie. La première nuit, le
patient chute en allant aux toilettes. Après cette chute, l’examen du patient met en évidence une faiblesse
musculaire proximale attribuable à l’hypothyroïdie. Comme mesure de prévention secondaire, le patient a
appris à utiliser une main-courante lui permettant de se déplacer seul jusqu’aux toilettes : ceci a permis une
diminution des chutes à l’hôpital. A son retour à domicile, il est apparu que le patient ne savait pas bien se
mobiliser entre son siège, sa toilette et sa salle de bain. L’utilisation de siège avec accoudoirs, l’installation de
main-courante aux toilettes et à la salle de bain a été conseillée.
Dans ce cas, un programme de prévention primaire a eu pour but d’identifier les activités à risque de chute à
l’admission du patient ce qui a clairement permis de diminuer ce risque à l’hôpital. Tous les patients âgés soumis
à un nouvel environnement devraient être évalués sur le plan fonctionnel afin de déterminer s’il peuvent évoluer
en sécurité dans ce dernier. Si le patient illustré ici avait fait l’objet d’une telle évaluation à l’admission, sa
dépendance vis-à-vis de ces activités de la vie quotidienne (aller aux toilettes, se laver, etc.) aurait été reconnue et
les besoins d’assistance (mains-courantes) auraient été couverts plus rapidement.
Cas 3. Une femme de 77 ans se présente en consultation pour un trouble de l’équilibre apparu depuis 3 mois.
Elle précise qu’elle présente ces symptômes lorsqu’elle doit se lever pendant le milieu de la nuit. Bien qu’elle
n’ait jamais fait de chute, elle fait part de sa crainte de tomber et de se casser la hanche. L’examen met en
évidence un signe de Romberg positif évoquant un trouble de la proprioception et une coxarthrose sévère qui
empêche la patiente de se lever sans assistance. Une évaluation plus approfondie met en évidence une anémie
associée à une hypovitaminose B12. L’interprétation clinique conclut au fait que lorsque la patiente marchait
dans des conditions d’éclairement précaire, sa vision ne peut compenser son trouble de la proprioception ce qui
conduit à cette perte d’équilibre.
La prévention primaire consiste ici à proposer un traitement à base de vitamine B12 et à aménager l’éclairage de
l’environnement domestique. De plus, devant l’impossibilité que la patiente présente de se relever seule, un
appareil de « télé-vigilance » est prescrit. Après un suivi de 6 mois, la patiente ne présente plus de problèmes.
PREVENTION : Création d’une école de prévention des chutes pour les peronnes âgées : l’école
« parachute » !
Etant donné l’importance des chutes parmi la population des personnes âgées, l’intérêt de développer un
programme pour améliorer l’équilibre des aînés prend tout son sens.
Dès lors un groupe de soignant s’est réuni par l’intermédiaire de la « Gentiane* » afin d’élaborer un projet visant
à diminuer les risques et conséquences d’une chute, ainsi est née l’école parachute.
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