La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004
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Les données de tolérance montraient que le taux d’infec-
tions sévères était plus élevé dans le groupe CYC (13/69)
que dans le groupe MMF (6/71), p = 0,03. Le principal effet
indésirable dans le groupe MMF était la survenue de diar-
rhée. Cependant, cet effet indésirable connu avec ce médi-
cament n’est survenu que dans 15 % des cas, ce qui est peu
fréquent, à une dose de 3 g/j, en comparaison avec les don-
nées de la littérature. La dose moyenne tolérée de MMF dans
cette étude a été de 2,7 g/j et 64 % des patients inclus dans
le bras MMF ont effectivement reçu la dose de 3 g/j. L’aug-
mentation progressive des doses explique sans doute la
bonne tolérance digestive du médicament malgré la forte
posologie utilisée.
Au total, ces données importantes nous confortent dans la
possibilité de traiter en première intention par le MMF les
atteintes rénales graves du lupus afin d’éviter ainsi les effets
indésirables du CYC. Toutefois, cette étude n’a été réalisée
que sur 24 semaines, et il sera très important d’avoir le suivi
à long terme pour adopter cette attitude.
L’hydroxychloroquine (HCQ) pourrait prévenir
les thromboses dans le lupus
Le groupe d’Alarcon a suivi pendant près de 3 ans une
cohorte de 384 malades lupiques ayant une durée d’évolu-
tion de la maladie depuis moins de 5 ans (Ho, 916). Il a été
observé dans le suivi 39 cas de thromboses veineuses ou
artérielles. Curieusement, la présence d’anticorps anticar-
diolipine, observée chez environ 35 % des patients, ne pré-
disposait pas à l’apparition d’une thrombose. Le seul fac-
teur favorisant un tel événement était l’absence de traitement
par HCQ (tableau I).
Ainsi, il se confirme que l’HCQ pourrait avoir un rôle pré-
ventif des thromboses dans le lupus en dehors de toute asso-
ciation avec le syndrome des antiphospholipides. Cet effet
préventif de l’HCQ avait déjà été suggéré dans le syndrome
des antiphospholipides. Une autre communication (Begh-
dadi, 328) a démontré, dans un modèle animal de syndrome
des antiphospholipides où les animaux étaient immunisés
avec de la bêta-2 GP1, que le traitement par HCQ réduisait
le titre des anticorps anti-bêta-2 GP1 apparaissant après
immunisation.
Le mécanisme d’action de l’héparine dans le syn-
drome des antiphospholipides pourrait passer par
une inhibition du complément
Dans un modèle animal où une injection d’anticorps anti-
cardiolipine chez la souris pendant la grossesse entraîne des
avortements spontanés, Girardi et al. (324) ont démontré
que l’effet protecteur de l’héparine sur ces avortements à
répétition s’exerçait par un effet anticomplément. En effet,
les auteurs ont démontré l’inhibition de l’activation du com-
plément par l’héparine et l’absence d’efficacité d’un autre
anticoagulant n’ayant pas d’activité anticomplément : l’hi-
rudine. De plus, Pierangeli et al. (325) ont observé que,
chez des souris déficitaires en complément, il était impos-
sible d’entraîner des thrombus vasculaires en injectant des
anticorps anticardiolipine, contrairement à ce qui était
observé chez les souris sauvages.
Le traitement hormonal substitutif (TSH) peut-il
être prescrit en cas de lupus ?
Il est bien connu qu’une augmentation des estrogènes peut
aggraver l’évolution du lupus, en particulier le traitement
contraceptif estroprogestatif et la grossesse. Cependant, il
est possible que le traitement hormonal substitutif (THS)
après la ménopause, qui ne vise qu’à rétablir la concentra-
tion normale d’estrogène, ne soit pas délétère dans le lupus.
C’est ce que laissait déjà évoquer une première étude contrô-
lée mexicaine rapportée à l’ACR 2002, mais qui n’avait
inclus qu’un nombre limité de femmes.
Les résultats de l’étude SELENA, qui a randomisé
351 femmes lupiques d’âge moyen 50 ans ayant un lupus
inactif (72 %) ou stable (18 %) entre un traitement par estro-
gène oral 0,625 mg/j plus médroxyprogestérone 5 mg/j de
J1 à J12 de chaque mois et un placebo, étaient très attendus
(Buyon, LB10). Le suivi de l’étude a été en moyenne de
12 mois. Les auteurs ont étudié la survenue de poussées dans
les deux groupes. Une poussée modérée était définie par une
augmentation de l’indice d’activité SLEDAI supérieur à 3
ou par toute augmentation du traitement corticoïde si celui-
ci était donné à une dose inférieure à 0,5 mg/kg. Une pous-
sée sévère était définie soit par une augmentation du SLE-
DAI de plus de 12 points, soit par un doublement de la
corticothérapie, soit par la nécessité d’une corticothérapie
supérieure à 0,5 mg/kg.
Le nombre de nouvelles poussées a été faible dans les deux
groupes, mais il était très discrètement supérieur dans le
MALADIES SYSTÉMIQUES
Analyse Analyse
univariée multivariée
Thrombose Pas
(n = 36) de thrombose p p
(n = 348)
Âge 37,1 ± 13,3 36,4 ± 12,8 0,052 NS
Anti-CL (%) 37,2 34,4 0,742 NS
Durée de la maladie (ans)
13,2 ± 13,1 18,2 ± 18,3 0,063 NS
Corticostéroïdes (%) 26,7 13,3 0,109 NS
HCQ (%) 28,6 54,1 0,024 0,0202
Tableau I. Effet protecteur de l’apparition de thromboses de l’HCQ
dans un suivi de cohorte de 384 malades lupiques.