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Un nouveau regard sur l’hormonothérapie adjuvante
du cancer du sein. Des preuves cliniques à la pratique
L
es VIes biennales monégasques ont été l’occasion de
faire le point sur les stratégies de traitement antihormonal adjuvant dans le cancer du sein et, notamment,
sur la place et les modalités de prescription des antiaromatases
chez les femmes ménopausées avec un cancer hormonosensible. La surveillance des patientes traitées par ces traitements, sur le plan des tolérances gynécologiques, cardiaques et
rhumatologiques, est un élément du suivi quotidien par les différents intervenants que sont les oncologues et les gynécologues. Il est ainsi important de connaître et de comprendre ces
éléments lors d’un traitement prolongé sur plusieurs années.
Exémestane est un antiaromatase qui se distingue des deux
autres produits par différents aspects biologiques et cliniques,
comme son caractère stéroïdien pur, et par son AMM en
schéma séquentiel après 2 à 3 ans de tamoxifène.
DONNÉES D’EFFICACITÉ : MISES À JOUR (1)
D’après la communication de T. Delozier (Caen)
Les données de l’étude IES (Intergroup Exemestane Study) ont
été récemment mises à jour avec un recul médian de plus de
37 mois. Cet essai, aussi appelé PACS 02 en France, a recruté
un total de 4 742 patientes (398 en France) réparties dans
37 pays. Les patientes ayant déjà été traitées par le tamoxifène
durant 2 à 3 ans étaient randomisées entre la poursuite du
tamoxifène et le relais par exémestane pendant 3 à 2 ans. Les
patientes ont reçu une chimiothérapie dans environ un tiers des
cas et les récepteurs hormonaux étaient positifs dans une large
majorité, avec seulement 12 % de données inconnues. La durée
médiane du traitement par tamoxifène au moment de l’entrée
dans l’étude était de 28 mois. À 37,4 mois de suivi médian,
615 événements (262 pour exémestane et 353 pour tamoxifène) et 339 décès étaient survenus, dont 219 par cancer du
sein. La survie sans récidive locale était significativement en
faveur du traitement par exémestane avec une réduction du
risque de 27 % (p = 0,0001). De même, la survie sans cancer
du sein était hautement significative en faveur d’exémestane
(HR : 0,70 [0,58-0,83], p = 0,00005) ; la survie sans cancer du
sein controlatéral était augmentée de 50 % (p = 0,04). La différence en survie sans rechute a été retrouvée dans l’ensemble de
la population RE+ quel que soit le statut ganglionnaire ou le
traitement antérieur éventuel par chimiothérapie.
La survie globale n’est pas encore statistiquement différente entre
les deux groupes bien que 35 décès supplémentaires aient été enregistrés dans le bras tamoxifène par rapport au bras exémestane.
Ainsi, remplacer le tamoxifène par exémestane réduit le risque
de métastases à distance (p = 0,0001) et de cancer controlatéral (p = 0,04). Remplacer le tamoxifène par exémestane réduit
de façon non significative le risque de décès (p = 0,08).
Toutefois, les résultats semblent évoluer par rapport à la première analyse de mars 2004 (p = 0,41).
38
DES DONNÉES DE TOLÉRANCE À LA PRATIQUE CLINIQUE
D’après les communications de F. Debiais (Poitiers)
A. Meunier, Lyon et E. Ferrari (Nice)
En ce qui concerne l’appareil locomoteur, la relation entre
estradiol résiduel à la ménopause et l’ostéoporose est bien établie. Chez les patientes ménopausées, le tamoxifène est
reconnu pour augmenter la densité minérale osseuse (DMO),
alors qu’il n’a pas d’effet chez les patientes non ménopausées
(2). Dans l’essai IES, les événements liées au traitement ont
été plus nombreux avec l’exémestane : plus de cas d’ostéoporose nouvellement déclarée, plus d’arthralgies et d’arthrose,
alors que les douleurs musculaires étaient plus nombreuses
avec le tamoxifène. Les cas de fractures sont rapportés plus
fréquemment avec l’antiaromatase, la différence n’étant pas
significative. À 24 mois, il y a plus de cas d’ostéopénie, mais
seulement 4 patientes ont développé une véritable ostéoporose.
Il n’y a pas de différence dans l’incidence des fractures (2,8 %
sous tamoxifène versus 3 % sous exémestane). Une étude randomisée avait comparé l’impact d’exémestane versus un placebo sur la densité minérale osseuse (3), elle n’avait révélé
qu’une perte de DMO annuelle de 1,24 % au niveau du col
fémoral (p = 0,024) et ne présentait pas de différence au niveau
du rachis lombaire. Des cas de fractures ont été observés : 4
dans le bras exémestane et 5 dans le bras tamoxifène. Le 17OH exémestane, principal métabolite de l’exémestane et antiaromatase stéroïdien, possède une affinité de 20 % pour les
récepteurs aux androgènes qui ont eux-mêmes une action indépendante des estrogènes sur la densité osseuse. Ce métabolisme
constitue une hypothèse évoquée pour expliquer le faible
impact de l’exémestane sur l’os.
Tous les inhibiteur de l’aromatase (IA) ont un effet sur le
remodelage osseux comme le démontrent les essais cliniques
avec anastrozole et létrozole et les données précliniques de
Subar (4). Cependant, il ne nous est pas permis de comparer
ces effets, faute de données de comparaison directe entre les
différents antiaromatases. Les modalités de recueil des événements fracturaires ne sont pas précisées dans les essais que
nous connaissons.
En pratique
En tout état de cause, les patientes à haut risque d’ostéoporose
doivent être identifiées et prises en charge. Les principaux facteurs de risque fracturaire chez les femmes ménopausées sont
l’âge, les antécédents personnels de fracture non traumatique
après 45 ans ou de pathologies endocriniennes ou de corticothérapie, les antécédents familiaux de fracture, une intoxication tabagique et la diminution de la DMO. Dans ces cas, il
faudra réaliser un bilan biologique phosphocalcique et corriger
les éventuelles carences en calcium et en vitamine D. Un traiLa Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
tement par bisphosphonate est discuté en fonction du risque
individuel et en cas d’ostéoporose objectivée par la DMO avec
un T-score ≤ - 2,5. L’avis du rhumatologue est nécessaire au
moindre doute pour un suivi optimal de ces patientes à risque.
Sur le plan cardiovasculaire, il y a eu plus d’infarctus du
myocarde dans l’étude IES : 20 versus 8, respectivement sous
exémestane et tamoxifène, sans différence significative lorsque
l’on considère les événements liés aux traitements. En
revanche, il y a eu plus d’accidents thromboemboliques sous
tamoxifène : 3,3 % versus 1,1 %(p < 0,01). Ces données sont
compatibles avec les résultats issus des essais adjuvants des
deux autres dérivés qui n’ont pas démontré de différence significative dans l’incidence des événements cardiovasculaires
entre l’antiaromatase étudié et le tamoxifène. En outre, ces
agents permettent de réduire de façon significative le nombre
de thromboses veineuses.
Les antiaromatases auraient-ils des effets sur le métabolisme
lipidique qui pourraient engendrer secondairement des accidents cardiovasculaires ? Les diverses études ancillaires ou
spécifiques ne permettent pas de tirer de conclusions univoques et encore moins de comparer les données entre elles.
Les effets mis en évidence sont résumés dans le tableau I
d’après Bundred (5).
En pratique quotidienne, il est prudent de réaliser un bilan
lipidique avant la prescription des inhibiteurs de l’aromatase et
Tableau I. Les effets des antiaromatases sur les lipides (d’après Bundred
NJ et al. Brit J Cancer, 2005).
tase, il est important d’établir avec certitude le diagnostic de
ménopause, car ces traitements n’ont aucune efficacité s’il persiste une sécrétion ovarienne. L’aménorrhée, secondaire à la
chimiothérapie adjuvante, est souvent transitoire et il n’est pas
rare que les cycles réapparaissent après quelques mois. Les
dosages de FSH, LH, 17 β estradiol dont les résultats sont souvent dissociés n’apportent aucune certitude.
En pratique
La définition stricte de la ménopause est l’aménorrhée pendant
plus de 12 mois en l’absence de chimiothérapie et plus de
24 mois après une chimiothérapie. L’induction d’une ménopause due à un blocage par les analogues LH-RH en association avec les IA n’a aucun substrat scientifique et elle ne doit
donc pas être proposée. Ainsi, devant une aménorrhée induite
par la chimiothérapie, quel que soit l’âge de la patiente, il est
prudent de prescrire le tamoxifène en première intention pendant au moins 2 ans avant les inhibiteurs de l’aromatase.
CONCLUSION
Les données actuelles suggèrent que les inhibiteurs de l’aromatase améliorent de manière significative le devenir des
patientes. Les données disponibles suffisent à démontrer leur
efficacité et il n’est pas nécessaire d’attendre les données de
survie. Si toutes femmes ménopausées avec un cancer du sein
et des récepteurs hormonaux positifs doivent recevoir ce type
de traitement, la meilleure stratégie séquentielle ou d’emblée
reste individuelle. Elle peut être guidée par la tolérance en
fonction des risques individuels osseux, cardiovasculaires et
gynécologiques. Le mode de vie et la qualité de vie des
patientes candidates aux IA sont également à considérer.
En attendant des preuves supplémentaires, les recommanda■
tions de Saint-Paul-de-Vence doivent être suivies (6).
R
au sixième mois de traitement. Compte tenu du bénéfice thérapeutique de cette hormonothérapie, il ne faut pas hésiter à
prescrire les traitements hypocholestérolémiants efficaces en
cas de perturbation du bilan lipidique.
Enfin, les troubles gynécologiques dans l’essai IES ont été plus
nombreux avec le tamoxifène, qu’ils s’agissent des symptômes
divers, des hyperplasies et des polypes de l’utérus, mais aussi
des cancers de l’endomètre avec 14 cas versus 6. Du point de
vue des patientes, la moindre fréquence des bouffées de chaleur, la prise de poids avec une disparition des sécrétions et des
irritations vaginales liées au tamoxifène sont significatifs. Bien
évidemment, la réduction du risque de cancer de l’endomètre
génère moins d’angoisse. Ce qui se traduit pour le praticien par
une réduction des examens de surveillance de l’endomètre.
Lors de l’initiation d’un traitement par inhibiteur de l’aromaLa Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
É F É R E N C E S
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I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Coombes RC, Hall E, Snowdon CF, Bliss JM. The Intergroup Exemestane
Study: a randomized trial in postmenopausal patients with early breast cancer
who remain disease-free after two to three years of tamoxifen-updated survival
analysis. Proceedings SABCS 2004. Breast cancer research and treatment. 88
(sup 1). Abstract 3.
2. Love RR, Mazess RB, Barden HS et al. Effects of tamoxifen on bone mineral
density in postmenopausal women with breast cancer. N Engl J Med
1992;326(13):852-6.
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2 years versus placebo on bone mineral density, bone biomarkers, and plasma
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J Cancer 2005;93,Suppl.1:S23-7.
6. Cancers du sein. Recommanadations pour la pratique clinique. Oncologie
2005;7:342-79.
39
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