CONGRÈS
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La Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
es VIes biennales monégasques ont été l’occasion de
faire le point sur les stratégies de traitement antihor-
monal adjuvant dans le cancer du sein et, notamment,
sur la place et les modalités de prescription des antiaromatases
chez les femmes ménopausées avec un cancer hormono-
sensible. La surveillance des patientes traitées par ces traite-
ments, sur le plan des tolérances gynécologiques, cardiaques et
rhumatologiques, est un élément du suivi quotidien par les dif-
férents intervenants que sont les oncologues et les gynéco-
logues. Il est ainsi important de connaître et de comprendre ces
éléments lors d’un traitement prolongé sur plusieurs années.
Exémestane est un antiaromatase qui se distingue des deux
autres produits par différents aspects biologiques et cliniques,
comme son caractère stéroïdien pur, et par son AMM en
schéma séquentiel après 2 à 3 ans de tamoxifène.
DONNÉES D’EFFICACITÉ : MISES À JOUR (1)
D’après la communication de T. Delozier (Caen)
Les données de l’étude IES (Intergroup Exemestane Study) ont
été récemment mises à jour avec un recul médian de plus de
37 mois. Cet essai, aussi appelé PACS 02 en France, a recruté
un total de 4 742 patientes (398 en France) réparties dans
37 pays. Les patientes ayant déjà été traitées par le tamoxifène
durant 2 à 3 ans étaient randomisées entre la poursuite du
tamoxifène et le relais par exémestane pendant 3 à 2 ans. Les
patientes ont reçu une chimiothérapie dans environ un tiers des
cas et les récepteurs hormonaux étaient positifs dans une large
majorité, avec seulement 12% de données inconnues. La durée
médiane du traitement par tamoxifène au moment de l’entrée
dans l’étude était de 28 mois. À 37,4 mois de suivi médian,
615 événements (262 pour exémestane et 353 pour tamoxi-
fène) et 339 décès étaient survenus, dont 219 par cancer du
sein. La survie sans récidive locale était significativement en
faveur du traitement par exémestane avec une réduction du
risque de 27% (p = 0,0001). De même, la survie sans cancer
du sein était hautement significative en faveur d’exémestane
(HR : 0,70 [0,58-0,83], p = 0,00005) ; la survie sans cancer du
sein controlatéral était augmentée de 50% (p = 0,04). La diffé-
rence en survie sans rechute a été retrouvée dans l’ensemble de
la population RE+ quel que soit le statut ganglionnaire ou le
traitement antérieur éventuel par chimiothérapie.
La survie globale n’est pas encore statistiquement différente entre
les deux groupes bien que 35 décès supplémentaires aient été enre-
gistrés dans le bras tamoxifène par rapport au bras exémestane.
Ainsi, remplacer le tamoxifène par exémestane réduit le risque
de métastases à distance (p = 0,0001) et de cancer controlaté-
ral (p = 0,04). Remplacer le tamoxifène par exémestane réduit
de façon non significative le risque de décès (p = 0,08).
Toutefois, les résultats semblent évoluer par rapport à la pre-
mière analyse de mars 2004 (p = 0,41).
DES DONNÉES DE TOLÉRANCE À LA PRATIQUE CLINIQUE
D’après les communications de F. Debiais (Poitiers)
A. Meunier, Lyon et E. Ferrari (Nice)
En ce qui concerne l’appareil locomoteur, la relation entre
estradiol résiduel à la ménopause et l’ostéoporose est bien éta-
blie. Chez les patientes ménopausées, le tamoxifène est
reconnu pour augmenter la densité minérale osseuse (DMO),
alors qu’il n’a pas d’effet chez les patientes non ménopausées
(2). Dans l’essai IES, les événements liées au traitement ont
été plus nombreux avec l’exémestane : plus de cas d’ostéopo-
rose nouvellement déclarée, plus d’arthralgies et d’arthrose,
alors que les douleurs musculaires étaient plus nombreuses
avec le tamoxifène. Les cas de fractures sont rapportés plus
fréquemment avec l’antiaromatase, la différence n’étant pas
significative. À 24 mois, il y a plus de cas d’ostéopénie, mais
seulement 4 patientes ont développé une véritable ostéoporose.
Il n’y a pas de différence dans l’incidence des fractures (2,8%
sous tamoxifène versus 3% sous exémestane). Une étude ran-
domisée avait comparé l’impact d’exémestane versus un pla-
cebo sur la densité minérale osseuse (3), elle n’avait révélé
qu’une perte de DMO annuelle de 1,24 % au niveau du col
fémoral (p = 0,024) et ne présentait pas de différence au niveau
du rachis lombaire. Des cas de fractures ont été observés : 4
dans le bras exémestane et 5 dans le bras tamoxifène. Le 17-
OH exémestane, principal métabolite de l’exémestane et anti-
aromatase stéroïdien, possède une affinité de 20 % pour les
récepteurs aux androgènes qui ont eux-mêmes une action indé-
pendante des estrogènes sur la densité osseuse. Ce métabolisme
constitue une hypothèse évoquée pour expliquer le faible
impact de l’exémestane sur l’os.
Tous les inhibiteur de l’aromatase (IA) ont un effet sur le
remodelage osseux comme le démontrent les essais cliniques
avec anastrozole et létrozole et les données précliniques de
Subar (4). Cependant, il ne nous est pas permis de comparer
ces effets, faute de données de comparaison directe entre les
différents antiaromatases. Les modalités de recueil des événe-
ments fracturaires ne sont pas précisées dans les essais que
nous connaissons.
En pratique
En tout état de cause, les patientes à haut risque d’ostéoporose
doivent être identifiées et prises en charge. Les principaux fac-
teurs de risque fracturaire chez les femmes ménopausées sont
l’âge, les antécédents personnels de fracture non traumatique
après 45 ans ou de pathologies endocriniennes ou de cortico-
thérapie, les antécédents familiaux de fracture, une intoxica-
tion tabagique et la diminution de la DMO. Dans ces cas, il
faudra réaliser un bilan biologique phosphocalcique et corriger
les éventuelles carences en calcium et en vitamine D. Un trai-
Un nouveau regard sur l’hormonothérapie adjuvante
du cancer du sein. Des preuves cliniques à la pratique
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