284 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 4 - avril 2010
CONGRÈS
RÉUNION
Voie de l’EGFR et cancer bronchique
non à petites cellules : actualités
sur le géfitinib dans le traitement
du cancer métastatique à l’ICACT 2010
(Paris, 1-5 février 2010)
N. Charbonnier*
* Paris.
La voie de l’EGFR,
un rôle prédominant
dans le cancer bronchique non
à petites cellules
Les progrès réalisés dans la connaissance de la voie
de l’EGFR constituent actuellement une des plus
grandes avancées dans le CBNPC.
En effet, comme l’a rappelé J. Mazières (Toulouse),
le récepteur à l’EGF (EGFR ou HER1) et son ligand,
l’EGF, jouent un rôle majeur dans l’oncogenèse
bronchique, en activant les voies de signalisation
cellulaire AKT-PI3K et ERK impliquées dans des
phénomènes essentiels tels que la survie et la proli-
fération cellulaire ainsi que les processus d’invasion,
de dissémination métastatique et d’angiogenèse
tumorale.
Autre fait important, des mutations activatrices du
gène codant pour l’EGFR identifiées chez certains
patients sont à l’origine d’une augmentation consé-
quente de l’affinité des inhibiteurs de tyrosine kinase
anti-EGFR tels que le géfitinib (Lynch NEJM 2004).
Ces mutations sont à prendre en compte car elles
conduisent à un principe d’addiction oncogénique,
c’est-à-dire que les cellules présentant des muta-
tions de l’EGFR se développent prioritairement et
vont progressivement prédominer au sein de la
tumeur (1, 2).
Le géfitinib, première thérapie
ciblée avec un biomarqueur
dans le cancer bronchique non
à petites cellules
Le géfitinib est une petite molécule orale qui agit
au niveau du domaine intracellulaire du récepteur à
l’EGF en inhibant les mécanismes de phosphoryla-
tion et la cascade enzymatique en aval (3). Son déve-
loppement dans le CBNPC a débuté il y a environ
10 ans ; des premières études de phase I avaient
montré quelques réponses très spectaculaires.
Le géfitinib en traitement de première
ligne métastatique dans le cancer
bronchique non à petites cellules
(F. Shepherd, Toronto)
Le développement du géfitinib en première ligne
métastatique s’est effectué en plusieurs étapes :
une première série d’études de phase III a été menée
auprès de populations non sélectionnées, portant
sur l’association géfitinib-chimiothérapie et sur la
Alors que l’incidence du cancer bronchique semble se stabiliser chez les hommes,
elle ne cesse d’augmenter chez les femmes. Le cancer bronchique est aujourd’hui la
première cause de décès par cancer dans le monde (données de l’Institut de veille
sanitaire 2005 [InVS]) ; il s’agit dans plus de 80 % des cas d’un cancer bronchique non
à petites cellules (CBNPC).
D’un point de vue thérapeutique, de nombreux progrès ont été réalisés au cours des
15 dernières années : doublets de chimiothérapie, association de cétuximab ou de
bévacizumab à un doublet de chimiothérapie, et, maintenant, résultats très intéressants
obtenus avec le géfitinib auprès de populations ciblées présentant une mutation de
l’EGFR, avec des taux de réponse et des taux de survie jamais observés auparavant
avec les autres thérapeutiques.
Figure 1. Schéma de l’étude IPASS.
IPASS
n = 1 217
1:1 randomisation
Non-fumeurs : < 100 cigarettes dans la vie
Ex-petits fumeurs (ex-fumeurs ou fumeurs légers) : moins de 10 paquets-
année, arrêt datant de plus de 15 ans
* Maximum 6 cycles
Carboplatine/paclitaxel possible dans le bras géfitinib après progression
ASC : aire sous la courbe
Patients
Pas de chimiothérapie antérieure
• Âge ≥ 18 ans
• Adénocarcinome
Non-fumeurs
ou ex-petits fumeurs
(ex-fumeurs ou fumeurs légers)
Espérance
de vie > 12 semaines
• PS 0-2
• Maladie “mesurable”
• Stade IIIB/IV (6 TNM)
Géfitinib
(250 mg/j)
Carboplatine
(ASC 5 ou 6)/
paclitaxel (200 mg/m2)
21 jours
Objectifs
Principal
Survie sans progression
(non-infériorité)
Secondaires
• Réponse objective
• Survie globale
• Qualité de vie
• Symptômes liés à la maladie
• Toxicité et tolérance
Exploratoires
• Biomarqueurs
EGFR : mutation
EGFR : nombre de copies du gène
EGFR : expression de protéines
La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 4 - avril 2010 | 285
CONGRÈS
RÉUNION
monothérapie, suivie d’une deuxième série d’essais,
avec le géfitinib en monothérapie, ayant inclus
uniquement des patients sélectionnés selon des
critères cliniques ou moléculaires.
Populations non sélectionnées
Les résultats des premières études de phase III,
INTACT 1 et 2, initiées avec le géfitinib associé à la
chimiothérapie (versus chimiothérapie seule) ont été
négatifs (taux de réponse, survie globale et survie
sans progression) [4, 5].
Deux études ont ensuite évalué l’intérêt du géfitinib
en monothérapie chez des patients âgés de plus de
70 ans (étude INVITE) ou avec un mauvais perfor-
mance status (étude INSTEP), et n’ont pas non plus
mis en évidence de différence d’efficacité avec la
chimiothérapie (6, 7).
Populations sélectionnées 
Sélection sur des critères cliniques
Des taux de réponse objective plus élevés ayant
été observés avec les inhibiteurs de tyrosine kinase
anti-EGFR chez les femmes, les patients porteurs
d’un adénocarcinome, les patients asiatiques et les
patients non fumeurs, 2 études de phase III, IPASS et
FIRST SIGNAL, ont recruté des patients présentant
un certain nombre de ces caractéristiques cliniques.
Létude IPASS qui a inclus des patients asiatiques,
des patients porteurs d’un adénocarcinome et des
patients non fumeurs ou fumeurs légers, a comparé
l’efficacité et la tolérance du géfitinib (250 mg/j) à
celles d’une chimiothérapie associant carboplatine et
paclitaxel (8). Dans cette étude, un meilleur taux de
réponse objective a été observé dans le bras géfitinib
(43 % versus 32,2 % ; p = 0,0001), mais les résultats
en termes de survie sans progression et de survie
globale ont été décevants.
Dans l’étude coréenne FIRST SIGNAL, qui a recruté
des patients non fumeurs atteints d’un adénocar-
cinome, aucune différence significative d’efficacité
(taux de réponse objective, survie sans progression et
survie globale) n’a été observée entre les 2 groupes
de traitement, géfitinib 250 mg et chimiothérapie
(gemcitabine-cisplatine).
Sélection à partir de biomarqueurs moléculaires
Alors que les études ISEL, Br.21, puis INSTEP, avaient
mis en évidence un bénéfice significatif du traite-
ment par inhibiteur de tyrosine kinase anti-EGFR
chez les patients présentant une amplification du
gène de l’EGFR (détectée par la méthode FISH),
l’étude INVITE, menée spécifiquement chez des
patients FISH-positifs pour l’EGFR, avait montré,
au contraire, de meilleurs résultats (survie globale
et survie sans progression) avec la chimiothérapie
qu’avec le géfitinib.
Létude IPASS est l’essai princeps qui a ensuite
permis de comprendre le rôle joué par les différents
facteurs moléculaires liés à l’EGFR dans l’efficacité
du géfitinib (figure 1).
L’analyse des résultats au sein de la population
FISH-positive montre une réduction du risque de
progression chez les patients traités par géfitinib
(versus chimiothérapie) tandis que le phénomène
inverse est observé chez les patients FISH-négatifs,
avec un bénéfice en faveur de la chimiothérapie (9).
Mais le facteur prédictif le plus puissant de l’effi-
cacité du géfitinib est clairement la présence d’une
mutation de l’EGFR. Dans l’étude IPASS, les patients
porteurs d’une mutation de l’EGFR et traités par
géfitinib ont présenté (versus chimiothérapie) une
diminution de 52 % du risque de progression, ce qui
n’a pas été le cas des patients non porteurs d’une
mutation(figure 2,p.286) [9] ; ce bénéfice est
apparu comparable, qu’il s’agisse d’une mutation
de l’exon 19 ou de l’exon 21. Bien que les données
de survie ne soient pas encore complètement
matures, les premières analyses montrent aussi,
dans le groupe traité par géfitinib, un allongement
de la survie globale, la médiane de survie atteignant
actuellement 18,6 mois.
En fait, il s’avère que les patients ayant une muta-
tion de l’EGFR présentent presque toujours aussi
1,0
Survie sans progression
(probabilité)
Mutation positive de l’EGFR
Traitement selon les sous-groupes, test d’interaction, p < 0,0001
0,4
0,8
0,6
0,2
0,0 0 4
HR (IC95) = 0,48 (0,36-0,64)
p < 0,0001
Nombre d’événements géfitinib : 97 (73,5%)
Nombre d’événements carboplatine/paclitaxel : 111 (86,0 %)
Mois
8 12 16 20 24
132
129
À risque
Géfitinib
Carboplatine/paclitaxel
À risque
Géfitinib
Carboplatine/paclitaxel
Géfitinib
Carboplatine/paclitaxel
108
103 71
37 31
711
23
10
0
1,0
Survie sans progression
(probabilité)
Mutation négative de l’EGFR
0,4
0,8
0,6
0,2
0,0 0 4
HR (IC95) = 2,85 (2,05-3,98)
p < 0,0001
Nombre d’événements géfitinib : 88 (96,7%)
Nombre d’événements carboplatine/paclitaxel : 70 (82,4 %)
Mois
8 12 16 20 24
91
85 21
58 4
14 2
11
00
00
0
Figure 2. IPASS : efficacité du géfitinib en fonction du statut mutationnel EGFR.
286 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 4 - avril 2010
CONGRÈS
RÉUNION
une amplification du gène de l’EGFR, mais c’est la
mutation qui constitue le caractère le plus impor-
tant pour prédire l’efficacité du géfitinib (par
exemple, HR = 3,85 chez les patients FISH-positifs
et non mutés [10]). L’intérêt hautement prédictif
de la mutation de l’EGFR vis-à-vis de l’efficacité
du géfitinib a été confirmé dans l’étude FIRST
SIGNAL (11).
Deux études japonaises plus récentes, WJTOG 3405
(12) et NEJ-002 (13), ayant inclus uniquement des
patients porteurs d’une mutation de l’EGFR, ont
confirmé que le géfitinib est particulièrement effi-
cace dans ce cas, avec des résultats très significatifs
versus chimiothérapie (tableau).
Conclusion
Toutes ces données suggèrent qu’en première ligne
de traitement par inhibiteur de tyrosine kinase les
patients ne devraient pas être sélectionnés sur des
critères cliniques mais sur la présence d’une muta-
tion du gène de l’EGFR, facteur prédictif d’efficacité
identifié comme étant le plus robuste.
Les études réalisées à ce jour suggèrent que le
géfitinib constitue un traitement de choix pour les
patients porteurs d’une mutation activatrice de
l’EGFR.
Tableau. Efficacité du géfitinib versus chimiothérapie chez des patients mutés pour l’EGFR.
Étude WJTOG 3405 Étude NEJ-002
Géfitinib
n = 71
Chimiothérapie
(cisplatine-docétaxel)
n = 79
Géfitinib
n = 98
Chimiothérapie
(carboplatine-paclitaxel)
n = 100
Taux de réponse
objective (%)
56,3 25,3 74 29
Survie sans progression
(mois)
[médianes; p < 0,001
pour les 2 études)
9,2 6,3 10,5 5,5
1. Weinstein B et al. Science 2002.
2. Irmer D, Funk JO, Blaukat A. EGFR kinase domain muta-
tions - functional impact and relevance for lung cancer
therapy. Oncogene 2007;26(39):5693-701.
3. Herbst 2002.
4. Giaccone G, Herbst RS, Manegold C et al. Gefitinib in
combination with gemcitabine and cisplatin in advanced
non-small-cell lung cancer: a phase III trial--INTACT 1. J Clin
Oncol 2004;22(5):777-84.
5. Herbst RS, Giaccone G, Schiller JH et al. Gefitinib in
combination with paclitaxel and carboplatin in advanced
non-small-cell lung cancer: a phase III trial--INTACT 2. J Clin
Oncol 2004;22(5):785-94.
6. Crinò L, Cappuzzo F, Zatloukal P et al. Gefitinib versus
vinorelbine in chemotherapy-naive elderly patients with
advanced non-small-cell lung cancer (INVITE): a rando-
mized, phase II study. J Clin Oncol 2008;26(26):4253-60.
7. Goss G, ferry D, Wierzbicki R et al. Randomized phase II
study of gefitinib compared with placebo in chemotherapy-
naive patients with advanced non-small-cell lung cancer and
poor performance status. J Clin Oncol 2009;27(13):2253-60.
8. Mok TS, Wu YL, Thongprasert S et al. Gefitinib or carbo-
platin-paclitaxel in pulmonary adenocarcinoma. N Engl J
Med 2009;361(10):947-57.
9.Fukuoka M, Wu Y, Thongprasert S et al. Biomarker
analyses from a phase III, randomized, open-label, first-
line study of gefitinib (G) versus carboplatin/paclitaxel
(C/P) in clinically selected patients (pts) with advanced
non-small cell lung cancer (NSCLC) in Asia (IPASS). J Clin
Oncol 2009;27(Suppl. 15): abstract 8006.
10. Mok et al. Proc IASLC 2009.
11. Lee et al. Proc IASL WCLC 2009.
12. Tsurutani J, Mitsudomi T, Mori S et al. A phase III, first-line
trial of gefitinib versus cisplatin plus docetaxel for patients
with advanced or recurrent non-small cell lung cancer
harboring activating mutation of the epidermal growth
factor receptor gene: a preliminary results of WJTOG 3405.
EJC 2009;7(2), abstract 9002.
13. Inoue et al. Proc ESMO 2009.
Références bibliographiques
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