Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n° 6, décembre 1998
Masse osseuse
et risque de fracture
De nombreuses Žtudes ŽpidŽmiologiques
transversales et longitudinales ont montrŽ
quÕil existait une relation significative
entre le niveau de masse osseuse et le
risque de fracture, ce dernier Žtant multi-
pliŽ environ par deux pour toute diminu-
tion de la DMO Žgale ˆ 1 Žcart type (3). La
mesure de la DMO reste prŽdictive des
fractures, m•me chez les femmes de 80 ans
et plus. Le gradient de risque associŽ ˆ la
diminution de la DMO est de type continu,
et il nÕy a pas vŽritablement de Òseuil frac-
turaireÓ. Toute tentative de dŽfinition dÕune
masse osseuse ÒbasseÓ (par exemple, infŽ-
rieure ˆ Ð 2,5 T.Score) a donc forcŽment un
caract•re arbitraire. La notion de seuil reste
cependant utile en pratique clinique pour
dŽcider de la mise en route dÕun traitement.
Si lÕon compare les distributions des valeurs
de DMO des cas de FESF et de tŽmoins
appariŽs sur lÕ‰ge et le sexe, on observe un
recouvrement important des deux distribu-
tions. Cela tŽmoigne de lÕŽtiologie plurifac-
torielle des fractures (voir chapitre suivant),
mais indique Žgalement que les mesures de
la DMO ont une faible capacitŽ de discrimi-
nation des sujets ˆ haut risque de fracture.
Les rŽsultats de lÕŽtude EPIDOS, une Žtude
prospective multicentrique rŽalisŽe chez
7 575 femmes fran•aises de 75 ans et plus,
suivies en moyenne pendant trois ans, indi-
quent que si lÕon place le seuil de haut
risque au 25epercentile, cÕest-ˆ-dire si lÕon
consid•re comme Žtant ˆ haut risque les
25 % de femmes qui ont la DMO la plus
basse, la sensibilitŽ vis-ˆ-vis de la prŽdic-
tion du risque de FESF est de 50 % (9). En
dÕautres termes, la moitiŽ seulement des
femmes ayant souffert dÕune FESF au cours
du suivi a ŽtŽ initialement classŽe dans le
groupe ˆ haut risque. Pour obtenir une sen-
sibilitŽ correcte, cÕest-ˆ-dire de lÕordre de
80 %, environ la moitiŽ des femmes doit
•tre considŽrŽe comme Žtant ˆ haut risque
(seuil au 50epercentile). La discrimination
serait probablement encore moins bonne si
les mesures Žtaient effectuŽes au moment
de la mŽnopause, cÕest-ˆ-dire quelque vingt
ˆ trente annŽes avant la survenue de la frac-
ture. Black et coll. (10) ont dŽveloppŽ un
mod•le qui permet dÕestimer la probabilitŽ,
pour une femme de 50 ans, de souffrir
dÕune FESF avant la fin de sa vie, ˆ partir
de la mesure de sa masse osseuse au niveau
du radius ˆ 50 ans. Le mod•le se fonde sur
les donnŽes prospectives ˆ court terme
concernant la relation entre masse osseuse
et risque de FESF, la corrŽlation entre la
masse osseuse ˆ 50 ans et ˆ des ‰ges plus
avancŽs, les taux dÕincidence des FESF et
de mortalitŽ par ‰ge, et les donnŽes pros-
pectives concernant la relation entre masse
osseuse et mortalitŽ. Les auteurs ont ainsi
estimŽ que la probabilitŽ pour une femme
de 50 ans de souffrir dÕune FESF avant la
fin de sa vie Žtait de 19 % si sa masse
osseuse Žtait Žgale au 10epercentile pour
son ‰ge, contre 11 % si sa masse osseuse
Žtait Žgale au 90epercentile pour son ‰ge.
Cette diffŽrence de risque, relativement
faible entre des femmes situŽes pourtant
aux extr•mes opposŽs de la distribution de
la DMO, confirme le manque de sensibilitŽ
des mesures de la DMO vis-ˆ-vis de la prŽ-
diction du risque de FESF.
LÕintŽr•t dÕune stratŽgie de prŽvention des
fractures ostŽoporotiques sÕappuyant sur un
dŽpistage de masse des femmes ˆ haut
risque par ostŽodensitomŽtrie a ŽtŽ beau-
coup dŽbattu. Pour en juger, plusieurs ŽlŽ-
ments doivent •tre pris en considŽration : la
valeur discriminante de lÕoutil de dŽpistage,
mais aussi les caractŽristiques des traite-
ments actuellement disponibles ainsi que
lÕexistence Žventuelle de stratŽgies alterna-
tives applicables ˆ lÕensemble de la popula-
tion (et pas seulement aux femmes ˆ haut
risque). LÕintŽr•t dÕun dŽpistage de masse
des femmes ˆ haut risque par ostŽodensito-
mŽtrie a surtout ŽtŽ discutŽ dans le cadre de
la prescription du THS au moment de la
mŽnopause. Or les risques et bŽnŽfices des
estrog•nes sÕŽtendent au-delˆ du squelette.
En effet, lÕeffet bŽnŽfique majeur du THS ˆ
long terme est la protection contre les mala-
dies cardiovasculaires, et le risque potentiel
majeur associŽ ˆ ce traitement est le risque
de cancer du sein. Une stratŽgie de dŽpistage
de masse, dans laquelle le THS serait prescrit
uniquement sur la base du risque ostŽoporo-
tique, ne para”t donc pas appropriŽe. De plus,
lÕefficacitŽ du THS vis-ˆ-vis de la FESF est
quelque peu compromise par le fait que lÕad-
hŽsion au traitement ˆ long terme nÕest pas
bonne et que lÕeffet du traitement sÕestompe
progressivement apr•s lÕarr•t de celui-ci. Un
certain nombre de traitements prŽventifs,
dont lÕaction sÕexerce spŽcifiquement sur
lÕos, commencent ˆ •tre disponibles ou sont
en cours de dŽveloppement. Il est possible
quÕun dŽpistage de masse visant ˆ cibler la
prescription de ces nouveaux traitements
chez des femmes ˆ distance de la mŽnopau-
se, par exemple entre 60 et 70 ans, puisse
•tre utile pour diminuer sensiblement la
proportion de FESF au sein de la popula-
tion. Cette stratŽgie est dÕautant plus intŽ-
ressante ˆ Žvaluer quÕaucune mesure gŽnŽ-
rale de prŽvention applicable ˆ lÕensemble
de la population (comme, par exemple,
lÕaugmentation du niveau dÕactivitŽ phy-
sique, la diminution de la consommation de
tabac et dÕalcool, une alimentation plus
ŽquilibrŽe et plus riche en calcium, ou une
supplŽmentation en vitamine D) nÕa, pour
lÕinstant, fait la preuve de son efficacitŽ
dans cette tranche dÕ‰ge.
Dans tous les cas, lÕostŽodensitomŽtrie
reste utile en clinique dans un certain
nombre dÕindications : chez les femmes
prŽsentant un risque a priori ŽlevŽ dÕostŽo-
porose (du fait, par exemple, dÕune mŽno-
pause prŽmaturŽe ou dÕune corticothŽrapie
prolongŽe), une ostŽopŽnie radiologique
et/ou des dŽformations vertŽbrales, ou des
antŽcŽdents de fracture ostŽoporotique.
LÕostŽodensitomŽtrie est Žgalement indi-
quŽe dans le cadre dÕun suivi thŽrapeutique,
mais les conditions exactes dÕutilisation en
fonction de la technique utilisŽe et du type
de traitement ne sont pas encore codifiŽes.
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