Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n° 6, décembre 1998
Épidémiologie de l’ostéoporose chez la femme
P. Dargent-Molina*
5
Dossier
La définition de l’ostéoporose met
l’accent sur la fragilité osseuse, déter-
minant essentiel du risque de frac-
ture. Dans l’état actuel des connais-
sances, la meilleure façon d’appré-
cier la fragilité osseuse en clinique est
d’effectuer une mesure de la densité
minérale osseuse (DMO).
L’importance clinique de l’os-
téoporose est liée à la survenue de
fractures. La plupart des fractures
survenant chez les femmes âgées
sont liées à une DMO basse et peu-
vent donc être considérées comme
ostéoporotiques.
Les fractures ostéoporotiques sont
plus fréquentes chez les femmes que
chez les hommes pour plusieurs rai-
sons : le pic de masse osseuse atteint
en fin de croissance est plus bas, la
ménopause s’accompagne d’une
accélération de la perte osseuse, le
risque de chute est plus élevé, l’espé-
rance de vie est plus grande.
Du fait du vieillissement attendu
de la population, le nombre de
fractures ne peut qu’augmenter
dans les années à venir. En particu-
lier, le nombre annuel de fractures
de l’extrémité supérieure du fémur
(FESF) devrait passer de 50 000
actuellement à près de 150 000 au
milieu du siècle prochain.
La perte osseuse liée à l’âge est
physiologique. L’ostéoporose cor-
respond à une vitesse de perte
osseuse exagérée et/ou à un faible
capital osseux initial. Trois types de
facteurs de risque (facteurs géné-
tiques, statut hormonal et facteurs
environnementaux) sont diverse-
ment impliqués aux différents âges
de la vie.
La relation entre le niveau de
DMO et le risque de fracture étant
continue et exponentielle, toute défi-
nition de seuil a nécessairement un
caractère arbitraire, même si elle est
intéressante du point de vue de la
décision clinique. Le seuil diagnos-
tique de – 2,5 T.Score est largement
reconnu. Cependant, il ne corres-
pond pas nécessairement à un seuil
d’intervention thérapeutique.
Il est maintenant généralement
admis qu’une stratégie de prévention
des fractures ostéoporotiques s’ap-
puyant sur un dépistage de masse
des femmes à haut risque par ostéo-
densitométrie au moment de la
ménopause n’est pas la plus appro-
priée. Un dépistage systématique à
distance de la ménopause (autour de
65 ans) est actuellement envisagé.
Une DMO basse n’est pas exac-
tement synonyme de fragilité os-
seuse. La résistance de l’os peut
être également influencée par
d’autres facteurs, en particulier par
certaines modifications de la quali-
té de l’os qui accompagnent la
perte osseuse. Celles-ci pourraient
être indirectement appréciées par
de nouvelles techniques de mesure
basées sur la propagation d’ondes
ultrasonores à travers l’os.
Chez les femmes âgées, les
paramètres ultrasonores (vélocité et
atténuation des ultrasons) mesurés
au niveau du calcanéum semblent
avoir une valeur prédictive sur la
FESF aussi bonne que celle de la
DMO du col fémoral mesurée par
ostéodensitométrie. Ces résultats
laissent penser que cette nouvelle
technique pourrait constituer, dans
l’avenir, un excellent outil de dépis-
tage ou de diagnostic.
Chez les femmes âgées, les fac-
teurs qui augmentent la propension
aux chutes ou la force d’impact de
la chute jouent également un rôle
très important dans le déterminisme
des fractures, en particulier des
FESF. La prévention des fractures
chez les femmes âgées doit donc
être orientée non seulement vers la
prévention de la perte osseuse, mais
aussi vers la prévention des chutes.
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ostŽoporose est une affection du sque-
lette caractŽrisŽe par une masse os-
seuse basse et une dŽtŽrioration de la micro-
architecture du tissu osseux, conduisant ˆ
une fragilisation de lÕos et ˆ une susceptibili-
tŽ accrue aux fractures. Elle touche essentiel-
lement les femmes apr•s la mŽnopause.
La masse osseuse, estimŽe par sa densitŽ
minŽrale, est un dŽterminant majeur de la
rŽsistance de lÕos. Gr‰ce aux progr•s
rŽcents rŽalisŽs dans le domaine de la den-
sitomŽtrie osseuse, il est dŽsormais
possible de mesurer la densitŽ minŽrale
osseuse (DMO) de fa•on fiable, reproduc-
tible, et avec un minimum dÕexposition
radioactive. En revanche, la micro-architec-
ture de lÕos est difficile ˆ apprŽcier de fa•on
non invasive. Cela a conduit ˆ proposer dif-
fŽrentes dŽfinitions opŽrationnelles de lÕos-
tŽoporose, basŽes sur la mesure de la DMO.
Celle-ci diminuant avec lÕ‰ge, il est habi-
tuel dÕexprimer les rŽsultats en Z.Score.
Celui-ci reprŽsente la diffŽrence entre la
valeur mesurŽe et la valeur moyenne thŽo-
rique chez des sujets de m•me ‰ge et de
m•me sexe. Cette diffŽrence est exprimŽe
en fraction dÕŽcart type. Les rŽsultats peu-
vent Žgalement •tre exprimŽs en termes de
T.Score. Celui-ci correspond ˆ la diffŽrence
entre la valeur mesurŽe et la moyenne de la
masse osseuse des femmes jeunes en fin de
croissance (pic de masse osseuse). Le
T.Score sÕexprime Žgalement en fraction
dÕŽcart type, mais a lÕavantage dÕ•tre indŽ-
pendant de lÕ‰ge. RŽcemment, des experts
de lÕOMS ont proposŽ de dŽfinir lÕostŽopo-
rose comme une rŽduction de la masse (ou
densitŽ minŽrale) osseuse dÕau moins
2,5 Žcart type par rapport au pic de masse
osseuse, ce qui correspond ˆ un T.Score
infŽrieur ou Žgal ˆ Ð 2,5 (1).
Lorsque la diminution de masse osseuse
sÕaccompagne de fractures, lÕostŽoporose
est dite sŽv•re ou compliquŽe. DÕautres
seuils peuvent •tre dŽfinis, en fonction des
actions prŽventives ou thŽrapeutiques
entreprises, de lÕ‰ge des sujets ou des fac-
teurs de risque associŽs.
LÕimportance clinique de lÕostŽoporose est
liŽe ˆ la survenue de fractures. Les plus frŽ-
quentes et les plus classiquement rappor-
tŽes ˆ lÕostŽoporose sont celles des ver-
t•bres (tassements), du poignet (Pouteau-
Colles) et de lÕextrŽmitŽ supŽrieure du
fŽmur. Mais la plupart des fractures qui
surviennent chez les femmes ‰gŽes sont
associŽes ˆ une masse osseuse basse indŽ-
pendamment de lÕ‰ge, et peuvent donc •tre
considŽrŽes comme ostŽoporotiques. Les
fractures de lÕextrŽmitŽ supŽrieure du
fŽmur (FESF) sont celles dont les consŽ-
quences sont les plus sŽv•res puisquÕelles
peuvent mettre en jeu le pronostic vital et
sÕaccompagnent souvent dÕune perte de
mobilitŽ importante et durable, pouvant
conduire ˆ lÕentrŽe en institution.
Ë ‰ge Žgal, les femmes ont un risque plus
ŽlevŽ de fracture que les hommes pour plu-
sieurs raisons : le pic de masse osseuse
atteint en fin de croissance est plus bas
chez les femmes que chez les hommes, la
mŽnopause sÕaccompagne dÕune accŽlŽra-
tion de la perte osseuse et, enfin, le risque
de chute est plus ŽlevŽ chez les femmes
‰gŽes que chez les hommes ‰gŽs. De plus,
les femmes ont une espŽrance de vie plus
grande que les hommes, et sont donc plus
nombreuses ˆ atteindre les ‰ges les plus
avancŽs, o• le risque de fracture est le plus
grand. Cela explique que le nombre de
fractures dues ˆ lÕostŽoporose soit environ
six fois plus ŽlevŽ chez les femmes ‰gŽes
que chez les hommes ‰gŽs (1).
La plupart des Žtudes ŽpidŽmiologiques
antŽrieures ont mis lÕaccent sur la masse
osseuse et ont ŽtudiŽ, dÕune part, les facteurs
de risque de masse osseuse basse et, dÕautre
part, le lien entre une masse osseuse basse et
le risque de fracture. De nombreuses revues
de la littŽrature ont fait le point sur ces deux
sujets (2, 3). Plus rŽcemment, les
recherches ŽpidŽmiologiques se sont orien-
tŽes vers les autres dŽterminants du risque
de fracture et ont ŽtudiŽ, en particulier, le
r™le des facteurs qui augmentent la propen-
sion aux chutes ou la force dÕimpact dÕune
chute. De nouvelles mŽthodes dÕŽvaluation
de la fragilitŽ osseuse ont Žgalement ŽtŽ
dŽveloppŽes, en particulier des techniques
fondŽes sur la propagation dÕondes ultraso-
nores ˆ travers lÕos, et un certain nombre
dÕŽtudes ŽpidŽmiologiques ont ŽvaluŽ leur
valeur vis-ˆ-vis de la prŽdiction des frac-
tures. Ë partir des rŽsultats de ces diffŽ-
rents travaux, de nombreuses discussions
ont ŽtŽ menŽes sur les meilleures stratŽgies
de prŽvention de lÕostŽoporose et des
fractures associŽes, en particulier sur lÕin-
tŽr•t de lÕostŽodensitomŽtrie en tant quÕou-
til de dŽpistage des femmes ˆ haut risque
de fracture.
Dans un premier temps, nous nous attache-
rons ˆ montrer lÕimportance de lÕostŽopo-
rose et des fractures ostŽoporotiques sur le
plan de la santŽ publique, puis nous exami-
nerons les facteurs de risque de masse
osseuse basse, ˆ la lumi•re de ce que lÕon
conna”t de lÕŽvolution naturelle de la masse
osseuse avec lÕ‰ge. Nous accorderons
ensuite une place importante aux dŽvelop-
pements les plus rŽcents, en distinguant les
recherches portant, en premier lieu, sur la
masse osseuse et le risque de fracture et, en
second lieu, sur les autres dŽterminants du
risque de fracture.
Fréquence de l’ostéoporose
et des fractures associées
En utilisant le seuil diagnostique proposŽ
par lÕOMS (T.Score ² Ð 2,5), on a estimŽ
quÕenviron 30 % des femmes blanches
amŽricaines ‰gŽes de 50 ans et plus Žtaient
ostŽoporotiques, sur la base de mesures rŽa-
lisŽes au niveau du rachis, du col fŽmoral
ou de lÕavant-bras (tableau I). Plus lÕ‰ge
augmente, plus le pourcentage de femmes
ostŽoporotiques est ŽlevŽ. Ainsi, parmi les
femmes de 80 ans ou plus, 70 % seraient
6
Dossier
* INSERM U149, 94807 Villejuif.
L’
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ostŽoporotiques et, parmi ces derni•res,
60 % auraient dŽjˆ souffert dÕune ou de plu-
sieurs fractures ostŽoporotiques (1).
LÕimportance de lÕostŽoporose sur le plan de
la santŽ publique peut •tre apprŽciŽe de fa•on
encore plus pertinente en examinant la frŽ-
quence des fractures ostŽoporotiques. En
France, on estime quÕil y a chaque annŽe pr•s
de 50 000 nouveaux cas de FESF (4).
Environ 75 % des FESF surviennent chez des
femmes, et, parmi les femmes victimes dÕune
FESF, 87 % ont plus de 70 ans lors de la frac-
ture. On manque de donnŽes ŽpidŽmiolo-
giques prŽcises concernant lÕincidence des
autres fractures ostŽoporotiques en France, et
leurs consŽquences sont probablement sous-
estimŽes, surtout chez les personnes ‰gŽes.
Ë partir de donnŽes
amŽricaines, on a esti-
mŽ, en cumulant les
taux dÕincidence par
‰ge de diffŽrentes frac-
tures, que le risque
pour une femme de
50 ans de souffrir dÕune
fracture ostŽoporotique
majeure avant la fin de
sa vie (lifetime risk)
Žtait de 40 % (5). Si
lÕon sÕintŽresse plus
spŽcifiquement ˆ la
FESF, le risque serait
de 17,5 % (tableau II). Pour comparaison,
le risque pour une femme de 50 ans dÕavoir
pendant le restant de sa vie un cancer du sein
ou une cardiopathie ischŽmique est, respec-
tivement, de 9 % et de 40 %. Ces chiffres
tŽmoignent de lÕimportance de lÕostŽo-
porose dans notre sociŽtŽ, importance qui ne
peut que sÕaccro”tre dans les annŽes ˆ venir,
compte tenu du vieillissement attendu de la
population. CÕest ainsi quÕen France le
nombre annuel de FESF devrait presque tri-
pler dÕici le milieu du si•cle prochain.
Évolution et déterminants
de la masse osseuse
Loin dÕ•tre figŽ, le squelette de lÕadulte est
une structure en perpŽtuel renouvellement.
Au niveau cellulaire, ce renouvellement ou
remodelage osseux comprend deux Žtapes,
la rŽsorption dÕos ÒancienÓ par les ostŽo-
clastes et la formation dÕos ÒnouveauÓ par
les ostŽoblastes. Ces deux processus sont
couplŽs dans le temps et dans lÕespace, au
sein dÕunitŽs structurales ŽlŽmentaires de
remodelage (6). La rŽgulation du remode-
lage osseux est complexe et fait intervenir
les cellules osseuses elles-m•mes, des fac-
teurs de croissance locaux, des cytokines,
des molŽcules supports de la matrice
osseuse et des hormones circulantes, en
particulier les estrog•nes, la calcitonine, et
les hormones calciotropes (parathormone
et vitamine D).
La pathophysiologie de lÕostŽoporose doit
•tre examinŽe ˆ la lumi•re de lÕŽvolution
naturelle du squelette avec lÕ‰ge (7).
Pendant la pŽriode de croissance et de
consolidation, la masse osseuse augmente,
pour atteindre un maximum ou Òpic de
masse osseuseÓ, gŽnŽralement avant lÕ‰ge
de 30 ans. Ce pic de masse osseuse est plus
ŽlevŽ chez lÕhomme que chez la femme (de
10 ˆ 50 % selon les sites mesurŽs). Ensuite,
probablement ˆ partir de la quatri•me
dŽcennie de vie et jusquÕˆ la fin de la vie,
la masse osseuse diminue lentement chez
les hommes (taux de perte de lÕordre de 3 ˆ
5 % par dŽcennie).
Chez la femme, le mŽcanisme est plus
complexe. La perte de masse osseuse avant
la mŽnopause est faible et vraisemblable-
ment analogue ˆ celle des hommes. Mais, ˆ
partir de la mŽnopause et pendant les cinq
ˆ quinze ans qui suivent, la perte osseuse
sÕaccŽl•re, avec un taux moyen de perte
estimŽ ˆ 2 % par an (8). Pendant cette
pŽriode, la perte osseuse suit en fait une
courbe exponentielle, avant de retourner ˆ
des valeurs comparables ˆ celles de la
pŽriode qui prŽc•de la mŽnopause. Ë
80 ans, les femmes ont ainsi perdu en
moyenne 40 % de leur pic de masse os-
seuse, tandis que les hommes en ont perdu
environ 25 %.
La perte osseuse liŽe ˆ lÕ‰ge est donc phy-
siologique, et lÕostŽoporose correspond ˆ
une vitesse de perte osseuse exagŽrŽe et/ou
ˆ un pic suboptimal de masse osseuse.
LÕaccŽlŽration de la perte osseuse post-
mŽnopausique et le pic de masse osseuse
plus bas expliquent pourquoi lÕostŽoporose
est plus frŽquente chez la femme que chez
lÕhomme.
LÕacquisition du capital osseux dŽpend
principalement de facteurs gŽnŽtiques.
LÕinfluence des facteurs gŽnŽtiques peut
•tre vue ˆ travers les diffŽrences de pic de
masse osseuse observŽes dans diffŽrents
groupes ethniques. Par exemple, les Noirs
ont un pic de masse osseuse plus ŽlevŽ que
les Caucasiens, qui eux-m•mes ont un pic
de masse osseuse plus ŽlevŽ que les
Asiatiques. Les Žtudes dÕhŽritabilitŽ com-
7
Âge Femmes ostéoporotiques (%)
Au niveau Au niveau
d’au moins un site du col fémoral
30-39 ans 0 0
40-49 ans 0 0
50-59 ans 14,8 3,9
60-69 ans 21,6 8,0
70-79 ans 38,5 24,5
80 ans et plus 70,0 47,5
50 ans et plus 30,3 16,2
Tableau I. Pourcentage de femmes blanches ostŽoporotiques (T.Score
² Ð 2,5) par ‰ge et en fonction du site de mesure. DÕapr•s (1).
Fracture Femmes
Extrémité proximale 17,5 (16,8-18,2)
du fémur
Vertèbre* 15,6 (14,8-16,3)
Poignet 16,0 (15,7-16,7)
Au moins une 39,7 (38,7-40,6)
des trois fractures
* Tassement vertébral symptomatique
Tableau II. Estimations du risque pour une
femme de 50 ans de souffrir dÕune fracture ostŽo-
porotique avant la fin de sa vie (lifetime risk en
pourcentage et intervalle de confiance ˆ 95 %).
DÕapr•s (5).
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parant des jumeaux monozygotes et dizy-
gotes sugg•rent que 60 ˆ 80 % du pic de
masse osseuse sont contr™lŽs gŽnŽtique-
ment. Les rŽsultats dÕune Žtude rŽcente, rŽa-
lisŽe dans une population de jumelles aus-
traliennes, montrent une association signifi-
cative entre la prŽsence dÕun gŽnotype spŽ-
cifique des rŽcepteurs de la vitamine D et la
masse osseuse. Cette association nÕa cepen-
dant pas ŽtŽ retrouvŽe de fa•on constante, et
le r™le jouŽ par les variations allŽliques du
g•ne codant pour le rŽcepteur de la vita-
mine D a probablement ŽtŽ initialement sur-
estimŽ. Le r™le dÕautres polymorphismes
gŽnŽtiques, en particulier ceux des g•nes
codant pour le collag•ne de type I, le rŽcep-
teur aux estrog•nes, IL-6 et TGF-βa Žgale-
ment ŽtŽ suggŽrŽ. DÕautres facteurs sont
clairement importants pour lÕacquisition du
capital osseux durant lÕadolescence, en par-
ticulier lÕactivitŽ physique et surtout la
consommation de calcium, qui permet-
traient dÕoptimiser le potentiel gŽnŽtique de
chacun. Les facteurs qui influencent la pro-
gression de la pubertŽ joueraient Žgalement
un r™le : une pubertŽ retardŽe a des consŽ-
quences nŽfastes sur lÕacquisition du capital
osseux chez la femme, et probablement
aussi chez lÕhomme.
Il est gŽnŽralement admis que la perte
osseuse liŽe ˆ lÕ‰ge a deux composantes
dont les dŽterminants sont distincts : une
composante liŽe au vieillissement propre-
ment dit et, chez la femme, une compo-
sante liŽe ˆ la carence estrogŽnique. La
perte osseuse liŽe au vieillissement a ŽtŽ
comparŽe ˆ dÕautres consŽquences du
vieillissement, comme, par exemple, la
perte de masse musculaire. Ainsi, si lÕon
ajuste la DMO du radius pour la masse
maigre du corps entier, on nÕobserve plus
de diminution de la masse osseuse avec
lÕ‰ge, et les diffŽrences de masse osseuse
entre hommes et femmes sÕamenuisent,
sauf apr•s 50 ans. Ces observations sugg•-
rent que la cause principale de la perte
osseuse liŽe ˆ lÕ‰ge pourrait •tre le dŽclin
de lÕactivitŽ physique, la diminution de la
masse osseuse reprŽsentant une rŽponse
fonctionnelle proportionnelle ˆ la diminu-
tion de lÕactivitŽ physique.
Chez la femme, un grand nombre dÕŽlŽ-
ments indiquent lÕexistence dÕune relation
causale entre la mŽnopause et lÕaccŽlŽration
de la perte osseuse. Apr•s ovariectomie
bilatŽrale, par exemple, on observe une
perte osseuse rapide qui peut •tre prŽvenue
par la prise dÕestrog•nes. Le taux de perte
osseuse dans les dix premi•res annŽes sui-
vant la mŽnopause varie beaucoup dÕune
femme ˆ lÕautre, allant de moins de 1 % ˆ
plus de 5 % par an. Ë partir de cette consta-
tation, les femmes mŽnopausŽes ont ŽtŽ
classŽes en deux groupes : un groupe ˆ
perte osseuse ÒnormaleÓ et un groupe ˆ
perte osseuse rapide. Ce dernier groupe, qui
comprendrait environ 25 ˆ 30 % des
femmes mŽnopausŽes, serait plus exposŽ au
risque de fractures ostŽoporotiques ultŽ-
rieures. Cependant, il nÕy a pas dÕŽlŽments
forts pour affirmer que la distribution de la
perte osseuse est vŽritablement bimodale.
Certains ont estimŽ quÕen moyenne, chez la
femme ‰gŽe, environ deux tiers de la perte
osseuse Žtaient dus ˆ la mŽnopause et un
tiers au vieillissement. Bien que tous les
auteurs ne soient pas dÕaccord avec cette
estimation, tous sÕaccordent ˆ penser que la
carence estrogŽnique est un dŽterminant
majeur de la perte osseuse chez la femme.
La carence dÕapport en calcium est impli-
quŽe dans la perte osseuse tout au long de
la vie, mais elle prend une importance toute
particuli•re chez la femme ‰gŽe, qui est
souvent carencŽe en vitamine D, en raison
notamment dÕune faible exposition au
soleil. Les deux facteurs combinŽs condui-
sent ˆ un hyperparathyro•disme secondaire
responsable dÕune augmentation du turn-
over osseux. Plusieurs autres facteurs peu-
vent contribuer ˆ accŽlŽrer la perte osseuse,
en particulier des facteurs liŽs au mode de
vie, comme le fait de fumer, de consommer
de grandes quantitŽs dÕalcool ou de cafŽ, et
dÕ•tre sŽdentaire ou physiquement peu
actif. Il faut Žgalement noter que certains
mŽdicaments, en particulier les cortico•des,
et certaines maladies (lÕhyperthyro•die, le
diab•te), en interfŽrant sur le mŽtabolisme
du calcium, peuvent conduire ˆ des ostŽo-
poroses dites secondaires. Le tableau III
rŽsume les principaux facteurs de risque
dÕostŽoporose qui ont ŽtŽ mis en Žvidence
ˆ partir dÕenqu•tes ŽpidŽmiologiques.
Les facteurs de risque Žtablis de lÕostŽopo-
rose expliquent gŽnŽralement seulement 20
ˆ 40 % de la variance de la masse osseuse
et ne permettent pas dÕidentifier nettement
les femmes qui ont les masses osseuses les
plus basses. La mesure directe de la masse
osseuse reste donc, pour lÕinstant, le
meilleur moyen dÕapprŽcier la fragilitŽ
osseuse en pratique clinique. La reconnais-
sance des facteurs de risque dÕostŽoporose
reste cependant importante, dans la mesure
o• elle peut contribuer ˆ mieux com-
prendre lÕŽtiologie de lÕostŽoporose et ˆ
dŽvelopper des stratŽgies de prŽvention.
8
Dossier
Âge élevé
Sexe féminin
Origine ethnique (sujets caucasiens)
Antécédents familiaux de fractures
Faible rapport poids/taille (minceur
exces-sive)
Carences alimentaires, en particulier apports
calciques réduits
Consommation abusive de tabac, d’alcool,
de café, de protéines
Carence en vitamine D
Sédentarité, immobilisation prolongée
Facteurs hormonaux
– puberté tardive
– carence estrogénique en préménopause
(en particulier anovulation par anorexie
mentale, activité physique excessive ou
surmenage)
– ménopause précoce, ménopause chirur-
gicale
Causes d’ostéoporose secondaire, en parti-
culier corticothérapie prolongée, hyperthy-
roïdie, diabète de type I
Tableau III. Facteurs associŽs ˆ une masse
osseuse basse.
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Masse osseuse
et risque de fracture
De nombreuses Žtudes ŽpidŽmiologiques
transversales et longitudinales ont montrŽ
quÕil existait une relation significative
entre le niveau de masse osseuse et le
risque de fracture, ce dernier Žtant multi-
pliŽ environ par deux pour toute diminu-
tion de la DMO Žgale ˆ 1 Žcart type (3). La
mesure de la DMO reste prŽdictive des
fractures, m•me chez les femmes de 80 ans
et plus. Le gradient de risque associŽ ˆ la
diminution de la DMO est de type continu,
et il nÕy a pas vŽritablement de Òseuil frac-
turaireÓ. Toute tentative de dŽfinition dÕune
masse osseuse ÒbasseÓ (par exemple, infŽ-
rieure ˆ Ð 2,5 T.Score) a donc forcŽment un
caract•re arbitraire. La notion de seuil reste
cependant utile en pratique clinique pour
dŽcider de la mise en route dÕun traitement.
Si lÕon compare les distributions des valeurs
de DMO des cas de FESF et de tŽmoins
appariŽs sur lÕ‰ge et le sexe, on observe un
recouvrement important des deux distribu-
tions. Cela tŽmoigne de lÕŽtiologie plurifac-
torielle des fractures (voir chapitre suivant),
mais indique Žgalement que les mesures de
la DMO ont une faible capacitŽ de discrimi-
nation des sujets ˆ haut risque de fracture.
Les rŽsultats de lÕŽtude EPIDOS, une Žtude
prospective multicentrique rŽalisŽe chez
7 575 femmes fran•aises de 75 ans et plus,
suivies en moyenne pendant trois ans, indi-
quent que si lÕon place le seuil de haut
risque au 25epercentile, cÕest-ˆ-dire si lÕon
consid•re comme Žtant ˆ haut risque les
25 % de femmes qui ont la DMO la plus
basse, la sensibilitŽ vis-ˆ-vis de la prŽdic-
tion du risque de FESF est de 50 % (9). En
dÕautres termes, la moitiŽ seulement des
femmes ayant souffert dÕune FESF au cours
du suivi a ŽtŽ initialement classŽe dans le
groupe ˆ haut risque. Pour obtenir une sen-
sibilitŽ correcte, cÕest-ˆ-dire de lÕordre de
80 %, environ la moitiŽ des femmes doit
•tre considŽrŽe comme Žtant ˆ haut risque
(seuil au 50epercentile). La discrimination
serait probablement encore moins bonne si
les mesures Žtaient effectuŽes au moment
de la mŽnopause, cÕest-ˆ-dire quelque vingt
ˆ trente annŽes avant la survenue de la frac-
ture. Black et coll. (10) ont dŽveloppŽ un
mod•le qui permet dÕestimer la probabilitŽ,
pour une femme de 50 ans, de souffrir
dÕune FESF avant la fin de sa vie, ˆ partir
de la mesure de sa masse osseuse au niveau
du radius ˆ 50 ans. Le mod•le se fonde sur
les donnŽes prospectives ˆ court terme
concernant la relation entre masse osseuse
et risque de FESF, la corrŽlation entre la
masse osseuse ˆ 50 ans et ˆ des ‰ges plus
avancŽs, les taux dÕincidence des FESF et
de mortalitŽ par ‰ge, et les donnŽes pros-
pectives concernant la relation entre masse
osseuse et mortalitŽ. Les auteurs ont ainsi
estimŽ que la probabilitŽ pour une femme
de 50 ans de souffrir dÕune FESF avant la
fin de sa vie Žtait de 19 % si sa masse
osseuse Žtait Žgale au 10epercentile pour
son ‰ge, contre 11 % si sa masse osseuse
Žtait Žgale au 90epercentile pour son ‰ge.
Cette diffŽrence de risque, relativement
faible entre des femmes situŽes pourtant
aux extr•mes opposŽs de la distribution de
la DMO, confirme le manque de sensibilitŽ
des mesures de la DMO vis-ˆ-vis de la prŽ-
diction du risque de FESF.
LÕintŽr•t dÕune stratŽgie de prŽvention des
fractures ostŽoporotiques sÕappuyant sur un
dŽpistage de masse des femmes ˆ haut
risque par ostŽodensitomŽtrie a ŽtŽ beau-
coup dŽbattu. Pour en juger, plusieurs ŽlŽ-
ments doivent •tre pris en considŽration : la
valeur discriminante de lÕoutil de dŽpistage,
mais aussi les caractŽristiques des traite-
ments actuellement disponibles ainsi que
lÕexistence Žventuelle de stratŽgies alterna-
tives applicables ˆ lÕensemble de la popula-
tion (et pas seulement aux femmes ˆ haut
risque). LÕintŽr•t dÕun dŽpistage de masse
des femmes ˆ haut risque par ostŽodensito-
mŽtrie a surtout ŽtŽ discutŽ dans le cadre de
la prescription du THS au moment de la
mŽnopause. Or les risques et bŽnŽfices des
estrog•nes sÕŽtendent au-delˆ du squelette.
En effet, lÕeffet bŽnŽfique majeur du THS ˆ
long terme est la protection contre les mala-
dies cardiovasculaires, et le risque potentiel
majeur associŽ ˆ ce traitement est le risque
de cancer du sein. Une stratŽgie de dŽpistage
de masse, dans laquelle le THS serait prescrit
uniquement sur la base du risque ostŽoporo-
tique, ne para”t donc pas appropriŽe. De plus,
lÕefficacitŽ du THS vis-ˆ-vis de la FESF est
quelque peu compromise par le fait que lÕad-
hŽsion au traitement ˆ long terme nÕest pas
bonne et que lÕeffet du traitement sÕestompe
progressivement apr•s lÕarr•t de celui-ci. Un
certain nombre de traitements prŽventifs,
dont lÕaction sÕexerce spŽcifiquement sur
lÕos, commencent ˆ •tre disponibles ou sont
en cours de dŽveloppement. Il est possible
quÕun dŽpistage de masse visant ˆ cibler la
prescription de ces nouveaux traitements
chez des femmes ˆ distance de la mŽnopau-
se, par exemple entre 60 et 70 ans, puisse
•tre utile pour diminuer sensiblement la
proportion de FESF au sein de la popula-
tion. Cette stratŽgie est dÕautant plus intŽ-
ressante ˆ Žvaluer quÕaucune mesure gŽnŽ-
rale de prŽvention applicable ˆ lÕensemble
de la population (comme, par exemple,
lÕaugmentation du niveau dÕactivitŽ phy-
sique, la diminution de la consommation de
tabac et dÕalcool, une alimentation plus
ŽquilibrŽe et plus riche en calcium, ou une
supplŽmentation en vitamine D) nÕa, pour
lÕinstant, fait la preuve de son efficacitŽ
dans cette tranche dÕ‰ge.
Dans tous les cas, lÕostŽodensitomŽtrie
reste utile en clinique dans un certain
nombre dÕindications : chez les femmes
prŽsentant un risque a priori ŽlevŽ dÕostŽo-
porose (du fait, par exemple, dÕune mŽno-
pause prŽmaturŽe ou dÕune corticothŽrapie
prolongŽe), une ostŽopŽnie radiologique
et/ou des dŽformations vertŽbrales, ou des
antŽcŽdents de fracture ostŽoporotique.
LÕostŽodensitomŽtrie est Žgalement indi-
quŽe dans le cadre dÕun suivi thŽrapeutique,
mais les conditions exactes dÕutilisation en
fonction de la technique utilisŽe et du type
de traitement ne sont pas encore codifiŽes.
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