•Perte de sens
Pour les victimes, la nouvelle ju-
risprudence de la Cour de cassa-
tion, qui rejoint celle du Conseil
d’État, constitue une indiscu-
table avancée. Toutefois, sur le
plan de la responsabilité, on peut
estimer qu’il y a régression dès
lors que prouver que les règles
d’hygiène ont été scrupuleuse-
ment respectées est indifférent
pour écarter la responsabilité. La
responsabilité de l’établissement
ou du médecin est engagée qu’il
y ait faute ou non.
3. Des répercussions
indirectes sur le plan pénal ?
Le débat sur la faute est une
donnée intégrante de la respon-
sabilité et il serait illusoire d’esti-
mer que l’indemnisation comble
l’attente des victimes.
Les règles fixées par le Conseil
d’État et la chambre civile de la
Cour de cassation ne concernent
que les procédures en indemni-
sation, qui sont en fait gérées par
les compagnies d’assurances.
Devant faire face à un risque
nouveau, les compagnies d’assu-
rances vont augmenter leurs
primes, et la charge financière
reviendra en définitive à l’éta-
blissement ou au médecin.
Mais l’on peut se demander si
toutes les victimes trouveront
leur compte avec ces règles nou-
velles. En effet, si la victime est
d’abord à la recherche de son in-
demnisation, elle cherche égale-
ment souvent, par le procès,
une forme de réhabilitation par
la reconnaissance d’une faute.
Le régime jurisprudentiel ne
permettra plus ce débat sur les
fautes civiles du médecin ou de
l’établissement, la seule ques-
tion étant l’existence d’une
cause étrangère.
Ainsi, la victime qui estimera
que l’indemnisation ne suffit pas
et qu’il est nécessaire que soit
prononcée une sanction, se
trouvera encouragée à choisir la
voie pénale, non pas par animo-
sité à l’encontre du médecin,
mais parce que ce sera le seul
moyen d’obtenir qu’un tribunal
se prononce sur le caractère fau-
tif des causes de l’infection.
Il est certain que la voie de l’in-
demnisation par l’assurance de
l’établissement ou du médecin
offre un ensemble de facilités
procédurales qui recueilleront
souvent la préférence des vic-
times. Mais la victime qui vou-
dra rechercher l’implication per-
sonnelle du médecin, n’aura
plus que la voie pénale pour ob-
tenir un jugement se prononçant
sur les responsabilités. Et sur ce
plan, toute personne ayant parti-
cipé à la réalisation du dommage
peut être concernée par la pro-
cédure : infirmière hygiéniste,
médecin, chef de service, prési-
dent du CLIN.
Enfin, depuis le nouveau Code
pénal, la loi n’attend plus la
réalisation du dommage et la
plainte de la victime. La mise en
danger de la personne d’autrui
qui suppose le manquement à
une obligation de sécurité, telle
que le serait la mauvaise mise
en œuvre de mesures d’hygiène,
est désormais une infraction
pénale. Le débat se situe entre le
risque inhérent à toute pratique
de soins, et le risque injustifié
qui génère la condamnation. A
noter encore que l’établissement
de soins lui-même, en tant que
personne morale, peut être
condamné pour mise en danger
de la personne d’autrui.
4. Information du patient
La règle jurisprudentielle est, là
aussi, exigeante : l’information
doit porter sur tous les risques
graves, même s’ils sont excep-
tionnels, et la responsabilité est
engagée si le déficit d’informa-
tion a influé sur la décision d’ac-
ceptation des soins. Les établis-
sements et les praticiens doivent
se préoccuper de la mise en
œuvre de cette règle. La réponse
ne peut provenir d’un forma-
lisme frileux qui serait celui
d’un recours systématique à des
écrits exhaustifs, visant moins à
informer le patient qu’à protéger
le médecin. C’est au cas par cas
une démarche adaptée qui doit
être trouvée, démarche au sein
de laquelle l’écrit a sa place,
mais un écrit conçu dans un vé-
ritable but informatif. Les CLIN
ont un important rôle à jouer
dans la fourniture des éléments
de réponse.
Gilles Devers
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Brèves…
Infections
nosocomiales
Après les déclarations du Pre-
mier ministre Lionel Jospin
qui vont dans le sens du droit
des malades, notamment en ce
qui concerne l’accès direct au
dossier de soins, une décision
de la Cour de cassation a ren-
forcé ces droits. Cette décision
a été prise lors d’un procès
intenté par un patient infecté
par des staphylocoques dorés
lors d’une opération d’un
genou dans une clinique de
Rodez (Aveyron). Si les méde-
cins ne sont tenus qu’à l’obli-
gation de moyens pour leurs
seuls actes médicaux, puis-
qu’ils ne peuvent assurer une
guérison, ils sont en revanche
responsables, même en l’ab-
sence de faute, des infections
contractées durant le séjour
dans un établissement de
soins. Les juges expliquent la
décision : « les médecins sont
tenus d’une obligation de sécu-
rité de résultat, dont ils ne
pourront se libérer qu’en appor-
tant la preuve d’une cause étran-
gère ». Il faut rappeler que
800 000 personnes sont vic-
times chaque année en France
d’une infection nosocomiale et
que ces infections sont la
cause de 10 000 décès.