Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (13), n° 9, novembre 1999 238
être la solidarité. Et la pression, au demeu-
rant légitime, que représentent les victimes
conduit peu à peu à une remise en cause des
règles de responsabilité.
Dès lors, il s’agit moins de raisonner sur
la responsabilité, c’est-à-dire d’adapter le
régime de la faute, que de tendre vers un
droit à l’indemnisation des victimes. Le
législateur pourrait créer ce régime du
droit à indemnisation, comme il l’a fait
pour les accidents de circulation dans les-
quels est impliqué un véhicule automobile,
dans un esprit de solidarité devant le
risque. Le juge ne peut créer ce principe.
La seule possibilité technique à sa dispo-
sition est l’interprétation des règles de res-
ponsabilité, mais l’exercice peut créer l’in-
compréhension.
Perte de sens
Pour les victimes, la nouvelle jurispru-
dence de la Cour de cassation, qui rejoint
celle du Conseil d’État, constitue une
indiscutable avancée. Toutefois, sur le plan
de la responsabilité, on peut estimer qu’il
y a régression dès lors que prouver que les
règles d’hygiène ont été scrupuleusement
respectées est indifférent pour écarter la
responsabilité. La responsabilité de l’éta-
blissement ou du médecin est engagée
qu’il y ait faute ou non.
Des répercussions indirectes
sur le plan pénal ?
Le débat sur la faute est une donnée inté-
grante de la responsabilité, et il serait illu-
soire d’estimer que l’indemnisation
comble l’attente des victimes.
Les règles fixées par le Conseil d’État et
la chambre civile de la Cour de cassation
ne concernent que les procédures en
indemnisation, qui sont en fait gérées par
les compagnies d’assurances. Devant
faire face à un risque nouveau, les com-
pagnies d’assurances vont augmenter
leurs primes, et la charge financière
reviendra en définitive à l’établissement
ou au médecin.
Mais l’on peut se demander si toutes les
victimes trouveront leur compte avec ces
règles nouvelles. En effet, si la victime est
d’abord à la recherche de son indemnisa-
tion, elle cherche également souvent, par
le procès, une forme de réhabilitation par
la reconnaissance d’une faute. Le régime
jurisprudentiel ne permettra plus ce débat
sur les fautes civiles du médecin ou de
l’établissement, la seule question étant
l’existence d’une cause étrangère.
Ainsi, la victime qui estimera que l’in-
demnisation ne suffit pas et qu’il est néces-
saire que soit prononcée une sanction se
trouvera encouragée à choisir la voie
pénale, non pas par animosité à l’encontre
du médecin, mais parce que ce sera le seul
moyen d’obtenir qu’un tribunal se pro-
nonce sur le caractère fautif des causes de
l’infection.
Il est certain que la voie de l’indemnisa-
tion par l’assurance de l’établissement ou
du médecin offre un ensemble de facilités
procédurales qui recueilleront souvent la
préférence des victimes. Mais la victime
qui voudra rechercher l’implication per-
sonnelle du médecin n’aura plus que la
voie pénale pour obtenir un jugement se
prononçant sur les responsabilités. Et sur
ce plan, toute personne ayant participé à
la réalisation du dommage peut être
concernée par la procédure : infirmière
hygiéniste, médecin, chef de service, pré-
sident du CLIN.
Enfin, depuis le nouveau code pénal, la loi
n’attend plus la réalisation du dommage
et la plainte de la victime. La mise en dan-
ger de la personne d’autrui, qui suppose le
manquement à une obligation de sécurité,
telle que le serait la mauvaise mise en
œuvre de mesures d’hygiène, est désor-
mais une infraction pénale. Le débat se
situe entre le risque inhérent à toute pra-
tique de soins et le risque injustifié qui
génère la condamnation. À noter encore
que l’établissement de soins lui-même, en
tant que personne morale, peut être
condamné pour mise en danger de la per-
sonne d’autrui.
Information du patient
La règle jurisprudentielle est, là aussi, exi-
geante : l’information doit porter sur tous
les risques graves, même s’ils sont excep-
tionnels, et la responsabilité est engagée
si le déficit d’information a influé sur la
décision d’acceptation des soins. Les éta-
blissements et les praticiens doivent se
préoccuper de la mise en œuvre de cette
règle. La réponse ne peut provenir d’un
formalisme frileux qui serait celui d’un
recours systématique à des écrits exhaus-
tifs, visant moins à informer le patient qu’à
protéger le médecin. C’est au cas par cas
une démarche adaptée qui doit être trou-
vée, démarche au sein de laquelle l’écrit a
sa place, mais un écrit conçu dans un véri-
table but informatif. Les CLIN ont un
important rôle à jouer dans la fourniture
des éléments de réponse.
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