matisme. N’évoque-t-on pas des facteurs
déclenchants à l’origine d’un épisode
psychotique aigu, lui-même potentielle-
ment précurseur d’une schizophrénie ?
À la composante “vulnérabilité” s’est vu
associé le recueil par d’autres experts
des facteurs non plus déclenchants, mais
de risque statistique au développement
d’une pathologie schizophrénique. Des
données variées ont été rappelées,
comme l’excès de 10 à 15 % de nais-
sances hivernales chez les sujets schizo-
phrènes, ainsi que celle liée à la durée
totale d’exposition à un environnement
urbain de la naissance jusqu’à l’âge de
15 ans. Plus classiques, l’exposition à
des agents infectieux pendant la grosses-
se, les complications obstétricales ou les
carences nutritionnelles sont autant
d’hypothèses à considérer avec prudence,
toute relation causale unique ou directe
restant non fondée.
Les recherches de facteurs de risques
génétiques (aidées par de nouvelles
méthodes d’analyse, notamment du phé-
notype) périnataux et tardifs s’associent
à la démarche d’une prévention primaire.
Celle-ci ne peut logiquement faire l’éco-
nomie des connaissances actuelles en
pédopsychiatrie ni non plus de la place
des schizophrénies dans la pathologie
infantile. La parole a donc été donnée, à
ce stade de la réflexion, aux experts
pédopsychiatres, à propos du concept de
schizophrénie infantile, ou encore des
relations entre adolescence et “expérien-
ce psychotique”. Moins qu’un modèle
théorique de plus, la schizophrénie de
l’enfant présente des similitudes avec
celle de l’adulte, tant sur le plan sémio-
logique (hallucinations) que sur celui
des déficits neurobiologiques retrouvés
ou encore des facteurs de risque. Les
pédopsychiatres rencontrent surtout une
difficulté diagnostique lorsque certaines
présentations cliniques se rapprochent
des troubles envahissants du développe-
ment. La question d’un continuum entre
schizophrénie de l’enfant et schizophré-
nie de l’adulte reste entière. Plus tard,
après une enfance jugée normale, la
période tourmentée de l’adolescence
peut également effleurer ou fusionner
avec un début de psychose schizophré-
nique. Jusqu’où la rupture représentée
par l’adolescence peut-elle être considé-
rée comme pathologique ? L’adolescent,
tiraillé entre ses modèles identificatoires
et sa démarche inconsciente d’indivi-
duation, peut naturellement, ou à la
faveur d’une vulnérabilité, échouer dans
son cheminement de structuration et ne
pas survivre psychiquement aux change-
ments qu’impose cette période “expéri-
mentale”.
Ces interventions, relatives au dévelop-
pement de l’enfance et à l’adolescence,
renvoyaient à d’autres modèles de vul-
nérabilité et permettaient de répondre à
des questions transversales sur le dia-
gnostic des schizophrénies débutantes,
après celles de la sémiologie, des pro-
dromes et des facteurs de risque. Mais
ce diagnostic venait également se
confronter au débat sur la participation
de l’abus de substances psychoactives,
pour lequel des études ont démontré un
lien de comorbidité, plus évident lorsque
l’on considère l’abus de substance
comme secondaire aux troubles schizo-
phréniques que comme inducteur d’une
réelle pathologie schizophrénique. Les
toxiques restent un facteur de risque évi-
dent au déclenchement de tableaux psy-
chotiques de novo, mais sont-ils pour
autant superposables aux modes d’entrée
dans une schizophrénie ? La position
actuellement la plus sûre, mais aussi la
plus intermédiaire, est de considérer le
risque lié à la consommation d’une sub-
stance psychoactive comme inducteur
ou comme facteur précipitant d’une
pathologie schizophrénique chez un
sujet prédisposé (vulnérable, pourrait-on
arguer). Ces recherches sont à dévelop-
per car le constat quotidien, dans nos
services d’urgences, d’association entre
un état psychotique aigu, souvent agité,
et une consommation régulière de can-
nabis, risque de venir compliquer l’ana-
lyse diagnostique et pronostique de ces
états. Avec ou sans abus de substance
toxique, les troubles graves du compor-
tement peuvent inaugurer une schizo-
phrénie et l’un des intervenants a rappelé
combien le passage à l’acte imprévi-
sible, parfois teinté de bizarrerie et de
motivations floues, doit orienter le clini-
cien vers une entrée possible dans une
schizophrénie. Nous retiendrons les
comportements plus ou moins motivés
de fugue, de tentatives de suicide et
d’addictions, notamment à l’alcool,
comme autant de révélateurs d’une
symptomatologie psychotique insidieuse.
La dimension de rupture progressive
mais sensible avec les comportements
antérieurs, souvent rapportée par la
famille, est précieuse. Des schizophré-
nies débutantes diagnostiquées dans les
services médicopsychologiques régio-
naux pénitentiaires ne sont pas rares, ne
regroupant que trop peu de symptômes
lors de l’expertise, dans les cas où elle
avait paru nécessaire, pour demander
l’application des articles 122-1 ou 122-2
du code pénal…
Ces difficultés, évidentes au diagnostic,
relatives à tous les points que nous
venons de développer, peuvent être atté-
nuées par des apports techniques, grâce
auxquels l’on pourra tenter la confirma-
tion ou l’infirmation d’un début de schi-
zophrénie. C’est l’exploration du champ
plus médical de la schizophrénie, ou
l’espoir de voir émerger des examens
paracliniques, permettant une contribu-
tion au diagnostic précoce de la maladie.
Il s’agirait de repérer, par exemple, une
anomalie neuropsychologique “sympto-
matique” comme marqueur de vulnéra-
bilité qui, dans l’idéal, concernant ce
dernier, remplirait quatre conditions de
fiabilité : spécificité, héritabilité, stabili-
té, réplication. Encore faut-il résoudre la
première étape et l’on se doit d’admettre
qu’aucune anomalie psychométrique ou
cognitive n’a aujourd’hui valeur de test
diagnostique. Des perturbations franches
de ces valeurs neuropsychométriques
n’apportent que des indices supplémen-
taires au diagnostic clinique, sans que le
principal diagnostic différentiel, à savoir
les troubles de l’humeur, ne soit signifi-
cativement écarté. La démarche scienti-
fique reste donc à développer. Celle
concernant les techniques d’imagerie
cérébrale structurelles et fonctionnelles
s’avère très utile à l’élargissement des
connaissances physiopathologiques, même
si l’expert appelé à se positionner sur
l’apport de telles techniques dans le dia-
gnostic précoce des schizophrénies reste
prudent. La réalisation d’un scanner
cérébral est préconisée devant l’appari-
tion de prodromes de la maladie, avant
tout dans l’optique d’éliminer un dia-
gnostic différentiel d’ordre neuro-
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Écho des congrès
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