Présentation de la conférence

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Les schizophrénies débutantes
Conférence de consensus des 23 et 24 janvier 2003
E. Esposito*
Présentation de la conférence
Le diagnostic
Le point de départ de cette conférence
correspondait à la question suivante :
quels éléments sémiologiques caractérisent une schizophrénie débutante, et au
sein de quelle temporalité ? Dans la
perspective d’une prévention primaire,
les experts ont décliné les critères cliniques des deux formes possibles d’entrée dans la schizophrénie : l’épisode
psychotique aigu et l’évolution insidieuse.
Dans le cas de l’épisode psychotique
aigu, ont été rappelés les facteurs classiques de mauvais pronostic : traits
schizoïdes, froideur du contact, délire
pauvre, absence de signes thymiques
associés, apparition subaiguë de la
symptomatologie et présence, même
discrète, d’une symptomatologie négative, voire catatonique. Si l’on considère
les formes insidieuses, il est important
de repérer deux phases successives.
L’une “prodromique”, rassemblant des
symptômes peu spécifiques à tonalité
négative (retrait, dépersonnalisation,
manifestations pseudo-névrotiques) ;
l’autre, déterminant les premiers symptômes psychotiques, qui compléterait la
première par des symptômes positifs.
Ces derniers peuvent apparaître euxmêmes progressivement ; ils sont souvent
caractérisés par des idées délirantes de
référence et de persécution. Cette sémiologie sera finalisée par l’élimination des
autres diagnostics que l’on peut faire
devant toute suspicion d’entrée dans la
schizophrénie, en particulier les causes
organiques et toxiques. Si, confronté à la
forme aiguë, le clinicien a, dans les
suites de l’épisode correctement traité,
une surveillance relativement attentiste,
* Centre hospitalier d’Heinlex,
Saint-Nazaire.
ne diagnostiquant une schizophrénie au
sens propre du terme que quelques mois
plus tard, selon la qualité de la récupération, la situation est toute autre devant
l’apparition de prodromes impliquant,
chez le praticien, une surveillance active
et régulière d’une éventuelle “intrusion”
psychotique. La forme insidieuse ne
pose pas, a priori, la question du diagnostic différentiel avec le début d’une
psychose maniaco-dépressive, à l’inverse
d’un épisode psychotique aigu, dont
l’évolution vers un trouble bipolaire ou
schizo-affectif reste sans facteurs prédictifs validés ou même discernés. On
retiendra donc le facteur de mauvais
pronostic d’une bouffée délirante
comme un critère faisant craindre une
évolution plus schizophrénique que
bipolaire, l’épreuve thérapeutique étant
susceptible d’orienter le clinicien. À ce
titre, le débat sur la prescription préférentielle de normothymiques lors d’un
état psychotique aigu, qui n’est pas clos,
montre à l’évidence les incertitudes diagnostiques à ce stade de la prise en charge. Au terme de ces premières conférences, l’existence d’un constat clinique
autour d’analyses rétrospectives sur la
valeur diagnostique des prodromes
introduisait l’intérêt à venir d’analyses
prospectives afin d’engager des thérapeutiques appropriées ou de s’abstenir.
La conférence a ensuite pris une orientation plus étiopathogénique. La question
de la vulnérabilité fut abordée en rappelant que cette vulnérabilité peut notamment s’envisager sous l’angle psychodynamique, familiosystémique, ou même
phénoménologique. Avec la prudence
nécessaire à l’égard des théories trop
responsabilisantes vis-à-vis d’un système parental pathogène, il est depuis
longtemps admis que certaines interactions environnementales peuvent participer à l’émergence d’une maladie schizophrénique sur une vulnérabilité par
ailleurs composée d’autres facteurs,
génétiques par exemple. Si aucune
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n°s 8/9, novembre-décembre 2003
N
euf ans après la conférence de
consensus sur les stratégies de
prise en charge au long cours
de la schizophrénie, la Fédération française de psychiatrie propose un thème
relatif au diagnostic et aux modalités
thérapeutiques des schizophrénies
débutantes. Ces deux conférences de
consensus permettent d’envisager des
recommandations susceptibles de
nous aider à la prise en charge globale
de la schizophrénie, pathologie psychiatrique encore aujourd’hui très
invalidante et dont la “guérison” ne
s’envisage qu’en termes de réinsertion
socio-affective et de stabilité clinique
au long cours. La première partie de
cette nouvelle conférence abordait le
diagnostic de ses formes débutantes,
incluant l’étude des prodromes, des
facteurs de risques et du concept de
vulnérabilité. La deuxième partie invitait les experts à répondre aux questions sur les moyens thérapeutiques les
mieux adaptés dans le cadre de schizophrénies débutantes. Une dernière
partie abordait les questions éthiques
et méthodologiques posées dans le
cadre des deux premiers thèmes. Notre
objectif est ici de résumer les données
générales de la conférence, puis de
discuter des interventions transversales
face aux experts. Il ne s’agit évidemment
pas d’exposer les recommandations
tirées de cette conférence, puisque
cette tâche incombe au jury.
échelle ne vient valider cette composante
psychodynamique, et que la littérature
ne semble pas favoriser cette voie de
recherche, elle semble pourtant s’imposer naturellement à notre expérience de
clinicien. Notre subjectivité est d’ailleurs
sollicitée lors de prodromes dans lesquels les premières modifications des
affects ou du comportement s’intègrent
à l’aune d’un choc émotionnel, de
bouleversements familiaux ou d’un trau-
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Écho des congrès
Écho des congrès
matisme. N’évoque-t-on pas des facteurs
déclenchants à l’origine d’un épisode
psychotique aigu, lui-même potentiellement précurseur d’une schizophrénie ?
À la composante “vulnérabilité” s’est vu
associé le recueil par d’autres experts
des facteurs non plus déclenchants, mais
de risque statistique au développement
d’une pathologie schizophrénique. Des
données variées ont été rappelées,
comme l’excès de 10 à 15 % de naissances hivernales chez les sujets schizophrènes, ainsi que celle liée à la durée
totale d’exposition à un environnement
urbain de la naissance jusqu’à l’âge de
15 ans. Plus classiques, l’exposition à
des agents infectieux pendant la grossesse, les complications obstétricales ou les
carences nutritionnelles sont autant
d’hypothèses à considérer avec prudence,
toute relation causale unique ou directe
restant non fondée.
Les recherches de facteurs de risques
génétiques (aidées par de nouvelles
méthodes d’analyse, notamment du phénotype) périnataux et tardifs s’associent
à la démarche d’une prévention primaire.
Celle-ci ne peut logiquement faire l’économie des connaissances actuelles en
pédopsychiatrie ni non plus de la place
des schizophrénies dans la pathologie
infantile. La parole a donc été donnée, à
ce stade de la réflexion, aux experts
pédopsychiatres, à propos du concept de
schizophrénie infantile, ou encore des
relations entre adolescence et “expérience psychotique”. Moins qu’un modèle
théorique de plus, la schizophrénie de
l’enfant présente des similitudes avec
celle de l’adulte, tant sur le plan sémiologique (hallucinations) que sur celui
des déficits neurobiologiques retrouvés
ou encore des facteurs de risque. Les
pédopsychiatres rencontrent surtout une
difficulté diagnostique lorsque certaines
présentations cliniques se rapprochent
des troubles envahissants du développement. La question d’un continuum entre
schizophrénie de l’enfant et schizophrénie de l’adulte reste entière. Plus tard,
après une enfance jugée normale, la
période tourmentée de l’adolescence
peut également effleurer ou fusionner
avec un début de psychose schizophrénique. Jusqu’où la rupture représentée
par l’adolescence peut-elle être considé-
rée comme pathologique ? L’adolescent,
tiraillé entre ses modèles identificatoires
et sa démarche inconsciente d’individuation, peut naturellement, ou à la
faveur d’une vulnérabilité, échouer dans
son cheminement de structuration et ne
pas survivre psychiquement aux changements qu’impose cette période “expérimentale”.
Ces interventions, relatives au développement de l’enfance et à l’adolescence,
renvoyaient à d’autres modèles de vulnérabilité et permettaient de répondre à
des questions transversales sur le diagnostic des schizophrénies débutantes,
après celles de la sémiologie, des prodromes et des facteurs de risque. Mais
ce diagnostic venait également se
confronter au débat sur la participation
de l’abus de substances psychoactives,
pour lequel des études ont démontré un
lien de comorbidité, plus évident lorsque
l’on considère l’abus de substance
comme secondaire aux troubles schizophréniques que comme inducteur d’une
réelle pathologie schizophrénique. Les
toxiques restent un facteur de risque évident au déclenchement de tableaux psychotiques de novo, mais sont-ils pour
autant superposables aux modes d’entrée
dans une schizophrénie ? La position
actuellement la plus sûre, mais aussi la
plus intermédiaire, est de considérer le
risque lié à la consommation d’une substance psychoactive comme inducteur
ou comme facteur précipitant d’une
pathologie schizophrénique chez un
sujet prédisposé (vulnérable, pourrait-on
arguer). Ces recherches sont à développer car le constat quotidien, dans nos
services d’urgences, d’association entre
un état psychotique aigu, souvent agité,
et une consommation régulière de cannabis, risque de venir compliquer l’analyse diagnostique et pronostique de ces
états. Avec ou sans abus de substance
toxique, les troubles graves du comportement peuvent inaugurer une schizophrénie et l’un des intervenants a rappelé
combien le passage à l’acte imprévisible, parfois teinté de bizarrerie et de
motivations floues, doit orienter le clinicien vers une entrée possible dans une
schizophrénie. Nous retiendrons les
comportements plus ou moins motivés
de fugue, de tentatives de suicide et
d’addictions, notamment à l’alcool,
comme autant de révélateurs d’une
symptomatologie psychotique insidieuse.
La dimension de rupture progressive
mais sensible avec les comportements
antérieurs, souvent rapportée par la
famille, est précieuse. Des schizophrénies débutantes diagnostiquées dans les
services médicopsychologiques régionaux pénitentiaires ne sont pas rares, ne
regroupant que trop peu de symptômes
lors de l’expertise, dans les cas où elle
avait paru nécessaire, pour demander
l’application des articles 122-1 ou 122-2
du code pénal…
Ces difficultés, évidentes au diagnostic,
relatives à tous les points que nous
venons de développer, peuvent être atténuées par des apports techniques, grâce
auxquels l’on pourra tenter la confirmation ou l’infirmation d’un début de schizophrénie. C’est l’exploration du champ
plus médical de la schizophrénie, ou
l’espoir de voir émerger des examens
paracliniques, permettant une contribution au diagnostic précoce de la maladie.
Il s’agirait de repérer, par exemple, une
anomalie neuropsychologique “symptomatique” comme marqueur de vulnérabilité qui, dans l’idéal, concernant ce
dernier, remplirait quatre conditions de
fiabilité : spécificité, héritabilité, stabilité, réplication. Encore faut-il résoudre la
première étape et l’on se doit d’admettre
qu’aucune anomalie psychométrique ou
cognitive n’a aujourd’hui valeur de test
diagnostique. Des perturbations franches
de ces valeurs neuropsychométriques
n’apportent que des indices supplémentaires au diagnostic clinique, sans que le
principal diagnostic différentiel, à savoir
les troubles de l’humeur, ne soit significativement écarté. La démarche scientifique reste donc à développer. Celle
concernant les techniques d’imagerie
cérébrale structurelles et fonctionnelles
s’avère très utile à l’élargissement des
connaissances physiopathologiques, même
si l’expert appelé à se positionner sur
l’apport de telles techniques dans le diagnostic précoce des schizophrénies reste
prudent. La réalisation d’un scanner
cérébral est préconisée devant l’apparition de prodromes de la maladie, avant
tout dans l’optique d’éliminer un diagnostic différentiel d’ordre neuro-
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Écho des congrès
Écho des congrès
logique, moins dans celle d’affirmer un
diagnostic positif de schizophrénie
(dilatations des ventricules latéraux et
du troisième ventricule, diminution globale du volume cérébral). Les explorations fonctionnelles par différentes techniques modernes de tomographie (PET,
SPECT) de résonance magnétique (IRM)
ou encore de spectroscopie par résonance
magnétique (MRS), n’ont pas, à ce jour,
d’application pratique envisageable,
malgré les anomalies qu’elles mettent
régulièrement en évidence. Il en va de
même en ce qui concerne les potentiels
cérébraux endogènes évoqués ou les
anomalies de la poursuite oculaire,
même si d’autres espoirs se fondent sur
de nouvelles techniques, comme la
mesure de la conductance électrodermale
tonique et phasique, marqueur de la vulnérabilité à la schizophrénie au spectre
d’action prometteur.
La prise en charge
L’enjeu de cette réflexion sur le diagnostic est évidemment celui d’un dépistage
précoce de la maladie et d’une rapidité
d’action dans la prise en charge, notamment médicamenteuse, dont on sait
qu’elle serait susceptible d’améliorer le
pronostic de la maladie. Les experts ont
donc abordé les moyens thérapeutiques
à instaurer afin de traiter de façon optimale les schizophrénies débutantes.
Concernant les structures les mieux
adaptées pour cette prise en charge, il est
d’abord remarqué que nous fonctionnons encore principalement sur un mode
hospitalier, dès qu’elle nous apparaît
complexe ou urgente. Un expert soumis
à la question met clairement en avant les
avantages attendus d’interventions thérapeutiques à domicile, impliquant des
centres de crise capables de prendre en
charge la décompensation psychotique
en articulation avec les médecins généralistes, les CMP et les services d’urgences. Si, dans un certain nombre de
situations, l’hospitalisation s’impose
(surveillance constante, dangerosité,
etc.), le traitement institutionnel d’une
schizophrénie débutante ne s’envisage
pas d’emblée par une hospitalisation
longue, dont les effets délétères (régression, perte rapide de l’autonomie)
paraissent évidents. En psychiatrie, la
prise en charge conjointe de la famille
et, parfois, de l’environnement proche,
dans l’explication de la maladie et la
déculpabilisation face à des soins parfois organisés sous contrainte, est essentielle, d’autant qu’elle garantit les
chances de réinsertion sociale et affective
du patient.
Cet aspect institutionnel des soins se
voit complété par celui des agents pharmacologiques les mieux adaptés au traitement des schizophrénies débutantes.
L’emploi des neuroleptiques classiques
ou atypiques reste une donnée fiable,
avec la crainte d’effets neurologiques
pour les premiers, et d’une tolérance à
long terme inconnue pour les deuxièmes.
La clozapine est réservée aux formes
résistantes de schizophrénie ou pour les
patients dont l’intolérance neurologique
à ces produits est majeure. Néanmoins,
certaines recommandations préconisent
son utilisation non plus en “dernier
recours”, mais dans des cas présentant
des accès de violence importants ou des
conduites suicidaires. Les neuroleptiques d’action prolongée (NAP) sont
eux aussi réservés, a priori, aux formes
sévères de schizophrénie, garantissant
un meilleur contrôle de l’observance. Il
est donc rare qu’un patient chez qui l’on
soupçonne une schizophrénie débutante
bénéficie d’un NAP, excepté peut-être si
cette forme débutante paraît d’emblée
sévère et que la compliance est mauvaise.
D’une manière générale, y compris chez
les enfants et les adolescents, les cas de
schizophrénie débutante devront bénéficier préférentiellement de neuroleptiques atypiques, au vu de leur meilleure
tolérance neurologique et de la protection cognitive qu’ils pourraient assurer.
Si la composante thymique s’avère prédominante, la prescription d’un thymorégulateur représente une alternative
pertinente aux neuroleptiques, sans
qu’un consensus clair ne se soit dégagé
quant à leur rapport bénéfice-risque respectif dans ce contexte.
Aux propositions de chimiothérapie
s’adjoignent les approches psychothérapiques et médicopédagogiques relatives
à cette phase précoce de la maladie. La
place des approches psychanalytiques
chez les sujets psychotiques reste en
débat. Les experts recommandent eux-
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n°s 8/9, novembre-décembre 2003
mêmes une meilleure lisibilité quant à
leur codification. Celle-ci pourrait s’envisager dans une perspective de traçabilité, tant vers les schizophrènes améliorés que vers les psychothérapeutes semblant le mieux prendre en charge cette
pathologie. Il s’agirait alors de repérer
les caractéristiques de chacun, et de
dégager des profils. Actuellement, les
psychothérapies psychanalytiques avec
l’adolescent et l’adulte jeune s’associent
le plus souvent avec une prise en charge
médicale, impliquant un psychiatre.
L’une des spécificités de la psychothérapie dans les schizophrénies débutantes
est que la gestion de la relation transférentielle paraît moins thérapeutique que
la création d’un espace délimité par le
patient dans son lien avec le thérapeute.
Cet espace pourrait, dans sa progression,
correspondre à l’émergence d’un univers de représentations. Mais l’approche
psychothérapique des schizophrénies
débutantes peut s’envisager par le biais
d’interventions cognitives et comportementales, dont les objectifs semblent
assez généraux : amélioration de la compliance, limitation des résistances initiales, promotion de l’adaptation psychologique à la maladie, amélioration
des troubles cognitifs. Associées à la
chimiothérapie, l’efficacité d’interventions familiales et de techniques cognitives issues du modèle de Beck ou de
psychoéducation a été démontrée. Les
techniques comportementales, comme
les stratégies de coping ou la tenue d’un
carnet, sont autant d’outils thérapeutiques à favoriser afin d’initialiser un
contact avec le schizophrène au début de
sa maladie, jusqu’à des procédés plus
élaborés permettant un travail cognitif
sur les hallucinations et les idées délirantes. Il est admis que ces stratégies
plus ou moins associées peuvent diminuer le taux de rechutes, ce qui encourage
à leur mise en place à une phase précoce
de la maladie.
Mais la prise en compte de la souffrance
ressentie par le patient pose aussi des
questions éthiques centrées autour du
consentement et du traitement précoce
du schizophrène. La question de l’annonce du diagnostic se révèle particulièrement complexe chez le patient psychotique, qui ne perçoit pas toujours la
251
Écho des congrès
Écho des congrès
dimension pathologique de son état. Les
règles de déontologie concernant la
prise en charge d’une schizophrénie
débutante justifieraient à elles seules
une conférence de consensus, tant les
pratiques et les devoirs semblent hétérogènes selon l’orientation donnée aux
soins. Les dernières interventions rappelaient combien l’alliance avec la famille
et les approches médicopédagogiques
restaient des axes de prise en charge
incontournables, au moins dans leur
évocation, devant l’émergence d’une
maladie schizophrénique. Encore une
fois, et l’on constate un curieux parallèle
avec le modèle chimiothérapeutique,
plus les interventions dans le domaine
sociofamilial sont précoces, plus le pronostic s’améliore. Banaliser le choc
affectif et émotionnel ressenti par l’entourage d’un jeune patient schizophrène
est en effet une perte de chance thérapeutique évidente. Le meilleur moment
pour proposer ces approches familiales
pourrait se situer au décours du premier
épisode aigu, inaugurant la maladie
chronique. Le contexte de crise en luimême est peu propice à la mise en place
d’une thérapie familiale. Toujours complémentaire des autres approches, la thérapie familiale permet d’aplanir les sentiments de culpabilité ou d’agressivité
de part et d’autre, liés à l’intrusion brutale ou progressive de la maladie. D’une
manière plus générale, la prise en charge
globale du jeune patient schizophrène
doit inclure l’adaptation de son environnement, y compris scolaire. Des expériences associant les soins aux études
sont tentées, éclairant l’enjeu d’une intégration sociale optimale à venir. Mais de
telles expériences au sein d’un même
établissement ne sont pas envisageables
sans condition. Le risque principal est de
majorer des mécanismes de déni déjà
opérants, et d’augmenter leurs conséquences néfastes vis-à-vis du soin. Un
projet scolaire idéalisé risque de creuser
l’écart entre l’état clinique du patient et
ses attentes en termes de performances
scolaires et donc sociales. Une référence
médicale extérieure aide à réduire ce
risque. Malgré ces réserves, les
approches médicopédagogiques sont à
développer afin d’atténuer les effets parfois dévastateurs d’une déscolarisation
rapide.
Discussion
Assister à une conférence de consensus
fait apparaître l’intérêt paradoxal de
mettre en évidence ce qui, jusqu’ici, ne
fait pas consensus. Les interventions
successives se sont révélées très riches
en informations, parfois contradictoires,
toujours éclairées à la lumière des dernières avancées concernant le sujet. La
participation d’experts étrangers, dont le
Dr Mac Gorry, auteur de nombre de
recherches et d’écrits sur la schizophrénie débutante, a favorisé l’ouverture des
débats. Le sujet le plus sensible représentait le diagnostic et la prise en charge
des “prodromes”, à traiter par neuroleptiques pour certains, à surveiller sans
interventionnisme trop précoce pour
d’autres. La seule question du diagnostic
paraissait une gageure. Difficile, par
exemple, de différencier chez certains
orateurs l’évocation du traitement d’une
schizophrénie débutante de celui d’un
épisode psychotique aigu dont on peut
craindre une évolution schizophrénique.
Or, la différence est évidemment de
taille, même si dans un certain nombre
de cas, ces deux situations n’en font
qu’une. L’exploration du champ thérapeutique a couvert une multitude de pratiques dont la mise en place précoce
paraît très utile à une meilleure évolution des troubles. Mais cet aspect thérapeutique est également, à ce stade débu-
✔ 29-30 janvier 2004, Salon-de-Provence
Colloque réalisé à l’initiative du Pr Boris Cyrulnik, sous le
haut patronage de M. Hubert Falco, secrétaire d’État aux
personnes âgées), sur le thème :
Vieillissement et résilience
Ces petits vieux qui rebondissent
tant de la maladie, très dépendant de la
première étape, c’est-à-dire du diagnostic. Or, le spectre d’un diagnostic prématuré de schizophrénie rend délicate
toute recommandation d’emblée trop
rigide.
À chaque rapport d’expert, le jury, composé de personnes d’horizons différents
(médecins, cadre de soins, juge des
enfants, journaliste, etc.), intervenait en
priorité par rapport au public pour poser
des questions en vue d’éclaircissements.
Cette diversité du jury a éloigné le
risque d’une ambiance trop académique
et a favorisé l’émergence d’opinions
parfois éclairantes sur l’approche médicale du problème, le président de la
conférence rappelant qu’il ne s’agissait
pas de débattre, mais simplement de
poser des questions précises. Et, dans
cette optique, M.B. Escaig, le président
de l’UNAFAM, s’est montré particulièrement actif en interrogeant quasiment
chacun des experts, notamment dans les
domaines sensibles des thérapies familiales et de l’éthique. Ces questions de
membres du jury n’exerçant pas dans le
milieu médical avaient une toute autre
résonance et elles ont aidé à percevoir
l’image que détient encore aujourd’hui
la schizophrénie. Deux corporations se
sont rencontrés sur un sujet les concernant d’un point de vue différent. Deux
groupes aux antipodes : le public et les
experts. Psychopharmacologues, psychanalystes, chercheurs en neurobiologie et autres intervenants ont répondu à
des questions, dont les réponses seront
validées par un jury pluridisciplinaire,
renforçant la cohésion de l’ensemble.
Au-delà d’une qualité scientifique évidente, cette conférence aura largement
démontré combien le travail est immense
face à une maladie dont les retombées
sociales et affectives restent douloureuses pour le patient et son environnement.
Le colloque se déroulera les journées du vendredi 30 et du
samedi 31 janvier. Elle seront précédées, le jeudi 28 au soir,
d’une conférence grand public donnée par le Pr Cyrulnik.
Contact, renseignements et inscriptions :
Diane Djamoussian
131, rue Saint-Pierre – 13005 Marseille
Tél. - Fax : 04 91 47 75 39
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Écho des congrès
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