Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n°s8/9, novembre-décembre 2003
Le debriefing psycho-
logique est-il une perte
de temps ?
Londres (Royaume-Uni)
L
es personnes ayant vécu des événe-
ments graves et traumatisants sont
susceptibles de souffrir de dépression
et risquent de développer une maladie
psychologique. Actuellement, le
debriefing psychologique est particu-
lièrement populaire. Le raisonnement à
la base des interventions de ce type est
la nécessité d’essayer de réduire la
détresse émotionnelle aiguë et de pré-
venir l’installation d’un PTSD (état de
stress post-traumatique). Une revue
récente de la littérature a permis
d’identifier plus de cinquante indica-
tions ou utilisations du débriefing psy-
chologique, impliquant toutes sortes de
traumatismes. De nombreux orga-
nismes offrent ce type de service dans
le cadre de la réponse organisée à cer-
tains accidents, comme les attaques à
main armée. Toutefois, la réelle effica-
cité de ces actions est aujourd’hui
sujette à controverse et le débat concer-
nant l’efficacité du débriefing psycho-
logique illustre bien la nécessité d’exa-
miner soigneusement la littérature. En
effet, en se fondant sur une même revue
systématique de la littérature consacrée
au sujet, les Drs Wessely et Deahl sont
arrivés à des conclusions différentes.
Pour Wessely, le debriefing psycholo-
gique est en effet une perte de temps. Il
met l’accent sur les effets nocifs du
débriefing non spécifique, mené en une
seule séance par une personne incon-
nue de la victime. Il fait aussi remar-
quer que le débriefing peut entraver
l’utilisation par la personne de son
propre réseau social d’entraide. Il relè-
ve néanmoins l’efficacité de deux pro-
cédés spécifiques. Le premier, exploré
par des Australiens, a été appliqué uni-
quement aux sujets les plus traumatisés
et donc les plus à même de développer
un PTSD, et implique plusieurs ses-
sions fondées sur un modèle cognitivo-
comportemental cohérent. Le deuxiè-
me, expérimenté chez des marines
américains, implique la formation à
l’intervention de debriefing de tous les
membres de l’unité, ce qui permet que
le sujet ayant subi un traumatisme psy-
chologique soit pris en charge par une
personne de sa connaissance, ce qui
évite la “professionnalisation” de la
détresse.
Deahl, pour sa part, est un défenseur
des actions de débriefing psycholo-
gique. Il met l’accent sur les faiblesses
de cette revue de la littérature. En effet,
en ont été exclues des études écolo-
giques de type naturalistique qui, quoi-
qu’elles n’aient pas été randomisées,
étaient peut-être plus à même d’illus-
trer la réalité clinique, et dont certaines
mettaient en évidence des effets posi-
tifs. Il reproche aussi aux études pré-
sentées de n’avoir pris en compte que le
risque de PTSD, alors qu’il n’est qu’un
syndrome susceptible d’émerger parmi
d’autres, et que les effets sur la
consommation d’alcool et de drogues,
ou sur la vie sociale et professionnelle,
auraient été importants à évaluer. Il
reconnaît qu’une intervention unique
peut en effet être préjudiciable, mais il
insiste sur le fait que le débriefing
devrait être un élément d’un traitement
raisonné du stress, qui permette aux
individus de bénéficier d’un suivi, qui
assure le recensement des besoins et
des possibilités individuels. Il affirme,
en outre, qu’il est primordial de main-
tenir la détection précoce et le traite-
ment rapide de PTSD avérés. En fin de
compte, les deux chercheurs sont d’ac-
cord sur le fait qu’une session unique
standardisée de débriefing n’est proba-
blement pas utile et que des interven-
tions psychologiques adaptées à chaque
individu pourraient être plus efficaces
(Wessely S, Deahl M. Psychological
debriefing is a waste of time. Br J
Psychiatry 2003 ; 183 : 12-4).
Mots clés. Psychopathologie –
Débriefing PTSD.
Passage transplacentaire
de médications
antidépressives
Los Angeles (États-Unis)
À
ce jour, plus de 2 000 expositions
prénatales à un certain nombre
d’inhibiteurs de recapture de la séroto-
nine n’ont pas permis de mettre en évi-
dence un risque majeur d’anomalies
congénitales. Cependant, plusieurs
rapports ont décrit des complications
périnatales, incluant une grande nervo-
sité, une irritabilité et des difficultés
respiratoires après le 3etrimestre d’ex-
position aux antidépresseurs. Il était
néanmoins difficile de savoir si ces
complications étaient le résultat de
l’exposition médicamenteuse. Une
étude s’est attachée à mesurer le passage
transplacentaire des antidépresseurs et
de leurs métabolites, lorsque ces médi-
caments avaient été consommés à la fin
de la grossesse (Hendrick V, Stowe Z,
Altshuler L et al. Placental passage of
antidepressant medications. Am J
Psychiatry 2003 ; 160 : 993-6). Trente-
huit femmes enceintes en bonne santé
physique, âgées de 35 ans en moyenne,
ont été incluses dans l’étude. Toutes
consommaient des antidépresseurs et
avaient pris le médicament un mini-
mum de 5 demi-vies d’élimination
avant l’accouchement. Un échantillon
sanguin maternel, ainsi qu’un prélève-
ment veineux du cordon ombilical
avaient été récoltés aussitôt après
l’expulsion du placenta. Les jeunes
femmes avaient consommé du citalo-
pram, de la fluoxétine, de la paroxétine,
ou de la sertraline. Aucun enfant n’était
né avant terme ou ne présentait de défi-
cit pondéral. Des concentrations mesu-
rables d’antidépresseurs et de leurs
métabolites étaient retrouvées dans les
échantillons du cordon ombilical dans
221
Revue de presse
Revue de presse
Le clin d’œil et la loupe
E. Bacon
Inserm, Strasbourg
87 % des cas. Les rapports de concen-
tration entre le sérum maternel et celui
du cordon ombilical allaient de 29 à
89 %. Les proportions observées les
plus faibles concernaient la sertraline et
la paroxétine, cependant que les plus
élevées étaient celles du citalopram et
de la fluoxétine. Les taux maternels de
sertraline et de fluoxétine étaient corré-
lés aux concentrations ombilicales de
ces deux médicaments. Les concentra-
tions ombilicales des antidépresseurs et
de leurs métabolites étaient invariable-
ment plus faibles que celles du sérum
maternel correspondant et, en ce qui
concerne la sertraline et la fluoxétine,
les doses maternelles prédisaient les
doses retrouvées dans le cordon ombi-
lical. Les doses plus faibles observées
pour la sertraline suggèrent que cette
dernière est moins susceptible d’entraî-
ner une exposition médicamenteuse
fœtale. Les auteurs n’ont pas noté chez
les enfants de symptômes laissant sup-
poser un syndrome de sevrage ; ils
remarquent néanmoins que les signes
d’un tel état chez les nouveau-nés res-
tent encore à définir avec exactitude et
à être distingués de complications pro-
venant d’autres causes. La concentra-
tion plus élevée de métabolites dans le
cordon laisse penser que le fœtus est
capable de métaboliser et d’éliminer
ces médicaments, au moins dans une
certaine mesure. Étant donné que la
clairance fœtale à terme est d’environ
un tiers de celle des adultes, il est
encourageant de savoir que l’utilisation
maternelle d’antidépresseurs à la fin de
la grossesse n’amène pas une accumu-
lation du médicament dans la circula-
tion fœtale. Une autre étude a cherché à
mesurer les taux d’olanzapine dans le
plasma des bébés et le lait maternel. Ils
en concluent que les enfants sont expo-
sés à une dose d’olanzapine d’environ
1 % de la dose maternelle (Gardiner S,
Kristensen J, Begg E et al. Transfer of
olanzapine into breast milk, calcula-
tion of infant drug dose, and effect on
breast-fed infants. Am J Psychiatry
2003 ; 160 : 1428-31).
Mots clés. Antidépresseurs – Passage
transplacentaire.
Développement anormal
de la taille du cerveau au
cours de la première
année chez les autistes
San Diego (États-Unis)
A
u cours de la deuxième année
d’existence, des signes comporte-
mentaux et un certain nombre de symp-
tômes, incluant le retard de l’acquisi-
tion du langage, des réactions émotion-
nelles et sociales inhabituelles, des
déficits dans l’intérêt porté à l’environ-
nement et dans son exploration, doivent
amener à suspecter qu’un enfant puisse
être atteint d’autisme. L’autisme est un
trouble neurobiologique, et des anoma-
lies neurobiologiques doivent forcément
précéder les premières manifestations
comportementales de la maladie.
Cependant, des signes annonciateurs
précoces de ce type n’ont pas encore été
clairement identifiés. La connaissance
de tels signes pourrait permettre de
mettre en place des tests objectifs quan-
tifiables et fiables de dépistage, l’iden-
tification précoce de la maladie et, par
la suite, peut-être de mieux comprendre
les causes et/ou les mécanismes impli-
qués à ses stades précoces. Une anoma-
lie neurobiologique, l’augmentation du
volume du cerveau, est détectable à
l’âge auquel les signes cliniques appa-
raissent. Quatre-vingt-dix pour cent des
enfants autistes de 2 et 3 ans ont un cer-
veau de taille supérieure à celui des
enfants sains du même âge, ainsi
qu’une circonférence crânienne plus
grande. Une équipe californienne a
avancé l’hypothèse que ce développe-
ment anormal du cerveau pourrait
commencer avant l’apparition des
signes cliniques. Les chercheurs ont
donc essayé de déterminer si le déve-
loppement anormal de la taille du cer-
veau précède ou non les premiers
signes cliniques du désordre autistique
(Autism Spectrum Disorder [ASD]) et
si les taux de surdéveloppement au
cours de la première année sont liés à
l’évolution neuroanatomique et clinique
dans la petite enfance (Courchesne E,
Carper R, Aksoomoff N. Evidence of
brain overgrowth in the first year of life
in autism. JAMA 2003 ; 290 : 337-44).
Le périmètre crânien (PC), la taille du
corps, et le poids au cours de la pre-
mière année ont été obtenus à partir des
dossiers médicaux pour 48 enfants,
âgés de deux à cinq ans, présentant un
désordre autistique. Les auteurs dispo-
saient pour 15 d’entre eux (le groupe
longitudinal) de mesures à quatre
époques de la petite enfance : la nais-
sance, 1 à 2 mois, 3 à 5 mois, et 6 à 14
mois. Pour les 33 autres jeunes
patients, les mesures avaient été faites à
la naissance et entre 6 et 14 mois
(7 enfants), ou seulement à la naissance
(28 enfants). Ce groupe était qualif
de groupe PC partiel. Les données ont
été comparées aux valeurs normatives
existant pour les enfants sains. Les
résultats montrent que le PC des
enfants présentant un désordre autis-
tique était significativement plus petit à
la naissance. Ensuite, le PC augmentait
de 1,67 déviation standard et atteignait
84 % entre 6 et 14 mois. Le PC à la
naissance était corrélé au volume de
matière grise cérébrale aux âges de 2 à
5 ans, quoique l’augmentation excessi-
ve de PC entre la naissance et 6 à
14 mois était liée à un volume plus
grand du cortex cérébral entre 2 et
5 ans. Dans le groupe de patients,
chaque enfant présentait une croissance
de PC entre la naissance et 6 à 14 mois
qui était supérieure à celle d’enfants
présentant des troubles développemen-
taux d’autres types. Seulement 6 % des
enfants sains présentaient lors de l’étude
longitudinale une trajectoire accélérée
de croissance de PC, entre la naissance
et la période se situant entre 6 et 14 mois,
cependant que 59 % des enfants souf-
frant de désordres autistiques présen-
taient cette trajectoire de développement
accélérée. L’installation clinique de l’au-
tisme semble donc être précédée de deux
phases anormales de développement
cérébral : une taille de la tête réduite à la
naissance et sa croissance subite et
excessive entre les périodes de 1 à
2 mois et de 6 à 14 mois. Cette crois-
222
Revue de presse
Revue de presse
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n°s8/9, novembre-décembre 2003
sance cérébrale anormalement accélé-
rée pourrait servir de signal d’alarme
pour le risque de survenue de l’autisme.
Mots clés. Autisme – Croissance céré-
brale – Signes précliniques.
Différences selon le sexe
concernant l’évolution de
la schizophrénie
Maastricht (Pays-Bas), Munich (Allemagne)
et Londres (Royaume-Uni)
O
n semble assister à une augmenta-
tion de l’incidence de la schizo-
phrénie à l’adolescence. Cette dernière
a lieu de façon plus précoce chez les
garçons que chez les filles, d’où une
prévalence à l’adolescence plus élevée
chez ces premiers. Selon Kraepelin et
d’autres chercheurs actuels, ce déséqui-
libre épidémiologique serait dû à des
différences selon le sexe dans le dérou-
lement temporel d’événements de la
maturation cérébrale qui facilitent
l’installation du trouble psychotique.
Mais l’interprétation de cette observa-
tion épidémiologique cruciale dépend en
fait de l’existence ou non de différences
liées au sexe dans l’expression, en fonc-
tion de l’âge, d’expériences psychotiques
subcliniques associées. Une manière
d’élucider ce point est donc d’examiner
s’il existe ou non une différence reliée
au sexe dans l’expression, en fonction
du temps, d’expériences subcliniques
subtiles, non cliniques mais fréquentes,
comme des idées délirantes de bas
niveau ou des hallucinations auditives
qui accompagnent le trouble mais ne
nécessitent pas de traitement. Un pro-
gramme allemand d’étude des étapes
précoces du développement de la psy-
chopathologie a rassemblé des données
concernant un échantillonnage
d’adolescents et de jeunes adultes de la
région de Munich (Spauwen J,
Krabbendam L, Lieb R et al. Sex diffe-
rences in psychosis : normal or patholo-
gical ? Schizophrenia Research 2003 ;
62 : 45-9). Des données ont ainsi été
recueillies pour 2 548 personnes, âgées
de 17 à 28 ans. Les résultats montrent
que le risque de survenue d’expé-
riences subcliniques de la schizophré-
nie est plus élevé chez les garçons dans
la première moitié du groupe, celle
constituée de jeunes âgés de 17 à
21 ans, alors qu’il est similaire entre
garçons et filles dans le groupe des par-
ticipants plus âgés (22 à 28 ans).
L’évolution en fonction de l’âge des
expériences non cliniques de psychose
est donc différente selon le sexe, et res-
semble à l’évolution des signes cli-
niques de la schizophrénie. Les auteurs
en concluent que ces résultats suggèrent
que ce sont des changements normaux,
liés au sexe, de la maturation lors de
l’adolescence, qui sont à la source de
l’expression de la psychose, sa forme
extrême étant la schizophrénie.
Mots clés. Schizophrénie – Sexe –
Adolescence – Signes subcliniques.
Différence en fonction
du sexe concernant le
risque de schizophrénie
Utrecht (Pays-Bas)
I
l existe des différences entre les sexes
en ce qui concerne l’âge d’apparition,
le fonctionnement prémorbide, les
caractéristiques symptomatologiques et
l’évolution de la schizophrénie. Toutefois,
en dépit des affirmations déjà fort
anciennes de Kraepelin, il n’est pas
encore vraiment établi que la schizo-
phrénie affecte un sexe plus souvent
que l’autre. Il a souvent été reproché
aux études qui rapportent une prédomi-
nance masculine pour le risque de schi-
zophrénie de présenter des biais d’âge,
de critères d’inclusion et de recrute-
ment hospitalier, qui auraient exclu
plus de femmes que d’hommes. Pour
tenter d’apporter une réponse claire,
des chercheurs installés en Hollande
ont analysé les résultats de la littérature
et cherché à obtenir un index quantita-
tif du rapport homme/femme de l’inci-
dence de la schizophrénie (Aleman A,
Kahn R, Selten J. Sex differences in the
risk of schizophrenia. Arch Gen
Psychiatry 2003 ; 60 : 565-71). Ils ont
consulté les bases de données Medline
et PsychLit afin d’identifier les articles
ayant évoqué l’association entre “inci-
dence” et “schizophrénie”, pour la
période allant de janvier 1980 à sep-
tembre 2001. La catégorisation et l’ex-
traction des résultats ont été réalisées
indépendamment par deux des auteurs.
Trente-huit articles remplissaient les
conditions d’inclusion. Les calculs
révèlent que le rapport de risque pour
un homme par rapport à une femme de
développer une schizophrénie était de
1,42 quand toutes les études étaient
incluses dans l’analyse, de 1,31 quand
les études qui minimisaient les risques
de biais étaient analysées séparément,
et de 1,39 quand étaient prises en consi-
dération uniquement les études de
grande qualité. Cette différence entre
les sexes était significativement plus
faible dans les études publiées avant
1980 que dans celles publiées par la
suite. Les auteurs n’ont pas mis en évi-
dence de différence significative entre
les sexes dans les études provenant de
pays en voie de développement. Enfin,
une dernière analyse limitant l’âge à
64 ans révélait un rapport de risque
moyen de 1,32. La littérature des deux
dernières décennies confirme donc
l’existence d’une différence de risque
liée au sexe pour la survenue de la schi-
zophrénie. Toutefois, les auteurs n’ex-
cluent pas la persistance de problèmes
méthodologiques et concluent que le
sexe mâle présente un facteur de risque
majeur de développer une forme plus
sévère de la maladie, donc plus facile-
ment identifiable.
Mots clés. Schizophrénie – Sexe –
Facteur de risque – Incidence.
223
Revue de presse
Revue de presse
Le thème de la revue de presse du mois de janvier-février sera :
Le vieillissement
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