Allergie Encore un long chemin pour comprendre Les allergies ont été classées au 4e rang des maladies par l’OMS. En France, on évalue à 30 % le nombre de sujets atteints. Les causes ne sont pas toutes connues bien que certaines pistes soient privilégiées. Le phénomène est multifactoriel. E n allergologie, qui n’est pas encore une spécialité médicale, la recherche est active et la tâche complexe. Le coût financier direct et indirect est de plus en plus important, au point d’inquiéter l’assurance maladie. Il n’y a pas “une” mais “des” allergies. Le phénomène est multifactoriel et le poids d’un seul facteur peut varier d’un individu à l’autre, et selon les latitudes. La majorité des individus supporte des substances banales alors qu’une autre partie, les personnes allergiques, réagissent exagérément. Leur système immunitaire lutte sans cesse contre des agents extérieurs, provoquant un état d’hypersensibilité. Une réaction violente Parmi les allergies, on distingue les maladies atopiques (asthmes, rhinoconjonctivites saisonnières ou rhume des foins, urticaires) du choc anaphylactique (venins, aliments) dans l’hypersensibilité dite immédiate. L’hypersensibilité immédiate ou anaphylactique est caractérisée par la production d’IgE spécifiques qui se fixent sur les mastocytes tissulaires et basophiles du sang. L’allergène complexé aux IgE spécifiques fixés provoque la libération de médiateurs chimiques (histamine) et de cytokines à l’origine de la réaction. Les médiateurs chimiques sont des substances libérées par l’organisme après stimulation. On distingue les messagers chimiques, issus de cellules nerveuses, des autres médiateurs qui interviennent dans les réactions d’hypersensibilité, les maladies cardiovasculaires, etc. Au cours de l’hypersensibilité immédiate, ce sont l’histamine et les dérivés de l’acide arachidonique (prostaglandines, thromboxanes, leucotriènes) qui sont concernés. Les cytokines sont des protéines messagères du système immunitaire. Elles sont considérées comme des médiateurs de l’inflammation, allergique ou non. Par opposition aux médiateurs chimiques, doués de propriétés pharmacodynamiques (histamine), leur mode d’action relève davantage de la communication intercellulaire. Dans l’hypersensibilité dite retardée, la réaction allergique la plus fréquente se manifeste sous forme d’eczéma de contact. L’hypersensibilité retardée est dite à médiation cellulaire, c’est-à-dire sans production d’anticorps. Elle est à l’origine de phénomènes inflammatoires provoqués par la mobilisation des cellules (lymphocytes). L’eczéma ou la dermite de contact en sont un exemple. « Le point commun entre ces deux sensibilités réside dans l’installation d’un état chronique : dès que ●●● Asthme de l’enfant L’asthme de l’enfant représente toujours, et de plus en plus, la plus fréquente des maladies chroniques en pédiatrie, toutes causes confondues. « Sa prévalence et sa morbidité sont en croissance constante (6 à 10 % des enfants en âge scolaire) et la mortalité reste étale, souligne le Pr Alain Grimfield, chef du service pédiatrie à l’hôpital Armand-Trousseau à Paris. On peut considérer l’asthme comme une atteinte initiale de la muqueuse respiratoire répondant à diverses agressions par une réaction inflammatoire dépassant ses buts de défense et réparations tissulaires. Les principaux agents agresseurs sont les allergènes, les agents infectieux et notamment les virus à tropisme respiratoire, les polluants physicochimiques de l’air, le stress et l’effort, le reflux gastro-œsophagien jouant, quand ils existent, un rôle amplificateur. Le traitement de l’asthme a toujours associé les actions spécifiques vis-à-vis d’un ou de plusieurs agresseurs, et des médications à visée bronchodilatatrice et surtout anti-inflammatoire. Les traitements modernes gardent les mêmes principes, tout en essayant d’améliorer l’efficacité des médicaments utilisés, sans accroître les éventuels effets secondaires ». C’est en diversifiant l’action thérapeutique que l’on peut penser voir s’infléchir la courbe évolutive de l’asthme chez l’enfant. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 24 - mars 2001 41 LIBÉRALE ●●● la personne allergique est en présence de l’allergène, les réactions inflammatoires “s’emballent” avec leurs manifestations cliniques. La première phase, dite de sensibilisation, par un allergène est silencieuse. C’est seulement après réintroduction de l’allergène, et le plus souvent après des stimulations répétées, que la deuxième phase réactionnelle apparaît. Une personne peut donc être sensibilisée mais rester longtemps asymptomatique alors qu’une autre peut devenir allergique après avoir développé une réaction inflammatoire engendrant les symptômes de l’allergie. Le bagage génétique et l’environnement conditionnent tous les deux le passage de l’état d’hypersensibilité à celui de la pathologie allergique », explique le Pr Bernard David, chef d’unité d’immuno-allergie à l’Institut Pasteur. Des facteurs aggravants Pendant longtemps, les études se sont focalisées sur les immunoglobulines E et sur les lymphocites. Aujourd’hui, sont étudiées surtout la structure moléculaire des allergènes et les fonctions d’autres types cellulaires, notamment des mastocytes et des cellules dendritiques. Récemment a été émise l’hypothèse selon laquelle les mastocytes, grâce à leur capacité de présenter les antigènes, joueraient un rôle régulateur dans la réponse immunitaire et vraisemblablement dans l’emballement de la réponse. « Si la présence des allergènes environnementaux est une condition nécessaire à l’acquisition d’une sensibilisation par production d’immunoglobulines E spécifiques de cet antigène, l’environnement non spécifique, c’est-à-dire les infections (essentiellement virales), la pollution et le tabagisme passif sont les agresseurs de la muqueuse respiratoire. Cependant, il n’est pas établi que ces cofacteurs agissent directement sur la régulation de la production des immoglobulines E. Ils créent plutôt des conditions favorables à l’installation d’une sensibilisation ultérieure en réveillant la programmation génétique pour orienter la réponse immunitaire vers la synthèse des immunoglobulines E. Les traumatismes et le stress contribuent également à modifier les comportements immunologiques (spécifique et non spécifique) et représentent des éléments non négligeables de la réaction allergique », poursuit le Pr Bernard David. Aujourd’hui, les traitements qui endiguent les syndromes d’origine allergique sont les anti-inflammatoires (antihistaminiques et corticoïdes). Les voies de recherche pour de nouveaux médicaments vont vers des thérapies ciblées. Dans la 42 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 24 - mars 2001 plupart des cas, la cortisone est irremplaçable, mais on a aussi recours, dans l’asthme par exemple, aux bronchodilatateurs sympathomimétiques à action prolongée et à des alternatives à la corticothérapie tels les antileucotriènes. On attend la sortie des anti-IgE et celle des antineurokinines et des antiphosphodiestérases sélectives, mais elles ne sont pas encore pour demain. A.-L.P. 9es Journées parisiennes d’allergie, Paris. Petit lexique de l’allergologie • Allergène : substances naturelles qui sensibilisent l’organisme d’un individu. Antigènes inoffensifs pour les individus sains, elles provoquent les réactions allergiques chez des individus sensibles. Généralement, ce sont des produits organiques d’origine végétale ou animale (pollens, acariens de la poussière, poils d’animaux domestiques, aliments). • Allergie : le terme actuel désigne l’ensemble des symptômes ou maladies créés par un état d’hypersensibilité après pénétration d’antigènes ou d’allergènes. • Anaphylaxie : autre terme d’allergie de type immédiat. Ce terme est réservé lors de manifestations cliniques brutales, parfois mortelles. • Atopie : tendance héréditaire ou constitutionnelle à développer des manifestations d’hypersensibilité immédiates telles que l’asthme allergique, le rhume des foins, l’urticaire, l’eczéma constitutionnel, dus en particulier à des allergènes n’induisant pas ce type de réaction chez des sujets sains non atopiques. • Hypersensibilité : réaction immunitaire provoquant des lésions inflammatoires chez un individu sensibilisé lors de la réintroduction de l’antigène sensibilisant. L’état d’hypersensibilité conditionne les réactions allergiques. • Basophile : polynucléaire du sang (globule blanc) sur lequel se fixent les IgE spécifiques. Le contact de l’allergène et de l’IgE provoque une dégranulation qui conduit à la libération des médiateurs d’inflammation. • Éosinophile : globule blanc, polynucléaire impliqué dans la réaction d’hypersensibilité immédiate. Par sa multiplication et son activation, il joue un rôle important dans l’asthme bronchique. • Mastocyte : cellule tissulaire qui, comme le basophile, possède des granulations qui libèrent des médiateurs de l’inflammation après activation lors du contact entre l’IgE spécifique fixée à leur membrane et l’allergène. C’est une cellule-clé de l’inflammation allergique mais également non allergique.