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Létrozole et cancer du sein hormonosensible de la femme
ménopausée : actualités et perspectives
Letrozole and postmenopausal woman hormone-dependent
breast cancer: state of the art and prospects
● C. Bernard-Marty*, F. Cardoso*, M.J. Piccart*
n France, les taux d’incidence du cancer du sein chez
les femmes ménopausées – âge supérieur à 50 ans –
varient entre 189,5/100 000 et 296,6/100 000 selon les
tranches d’âge considérées (tranches d’âge de cinq ans), ce qui
permet une estimation de l’ordre de 26 000 nouveaux cas par an
en France (1). Parmi ces cas, 5 à 10 % sont d’emblée diagnostiqués au stade métastatique et 50 % récidivent dans les 10 ans, les
trois quarts sous une forme métastatique. Au total, le nombre de
cancers du sein métastatiques chez la femme ménopausée serait
de 10 900 à 12 200, dont 7 600 à 10 000 formes hormonosensibles (1).
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LE LÉTROZOLE AUJOURD’HUI
Données pharmacologiques
● Rappel sur les estrogènes. L’identification des récepteurs
estrogéniques (RE) comme médiateurs de l’action des estrogènes
a été une étape fondamentale dans la compréhension du mécanisme de l’hormonodépendance du cancer du sein (2). Lorsque
le développement du tissu tumoral dépend de la présence des
estrogènes et qu’une hormonothérapie est instituée, l’élimination
de la stimulation estrogénique est une condition préalable à une
réponse de la tumeur. La première stratégie développée pour lutter contre cette stimulation estrogénique a été l’utilisation d’antiestrogènes (tamoxifène), qui entrent en compétition avec les
estrogènes au niveau des RE de la cellule tumorale. La deuxième
possibilité est la déprivation estrogénique, soit, par exemple chez
la femme préménopausée, par ovariectomie, soit par l’utilisation
d’anti-aromatases chez la femme ménopausée. En effet, chez ces
dernières, la principale source d’estrogènes provient de l’action
d’une enzyme, l’aromatase, qui transforme les androgènes (principalement l’androstènedione et la testostérone) en estrone et
estradiol. La suppression de la biosynthèse des estrogènes au
niveau des surrénales, des tissus périphériques (adipeux et musculaires) et du tissu tumoral lui-même peut donc être obtenue par
une inhibition de l’aromatase (3).
* Unité de chimiothérapie, Institut Jules-Bordet, Bruxelles, Belgique.
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 1 - janvier-février 2004
Mécanisme d’action. Le létrozole est un inhibiteur non stéroïdien de l’aromatase. L’inhibition provoquée est hautement spécifique, efficace (98 %), et n’entraîne pas de modification clinique
de la stéroïdogenèse surrénalienne (4, 5). La liaison compétitive
à la fraction hème du complexe cytochrome P450-aromatase
entraîne une réduction de la biosynthèse des estrogènes au niveau
de tous les tissus où ce complexe est présent, non seulement au
niveau périphérique, mais aussi au niveau intratumoral.
Chez les patientes ménopausées présentant un cancer du sein au
stade avancé et recevant des doses de létrozole supérieures ou
égales à 0,5 mg, la plupart des taux d’estrone et de sulfate
d’estrone se situent au-dessous de la limite de détection des
méthodes de dosage, ce qui indique une suppression estrogénique marquée et maintenue tout au long du traitement. In vitro,
le létrozole s’est montré dix à trente fois plus puissant que l’anastrozole dans l’inhibition de l’aromatase intracellulaire étudiée
sur diverses lignées cellulaires animales et humaines, notamment
sur la lignée de cellules cancéreuses mammaires humaines MCF7Ca (6). Une étude clinique a confirmé l’inhibition par le létrozole de l’aromatase périphérique et a montré la réduction des taux
circulants des estrogènes (7).
●
Données pharmacocinétiques. À la dose quotidienne de
2,5 mg en une prise, le létrozole est rapidement et complètement
absorbé (biodisponibilité de 99,9 %). Le létrozole peut être pris
sans tenir compte de l’heure des repas [effet mineur sur la vitesse
d’absorption] (8). Avec une liaison protéique de 60 %, la distribution tissulaire du létrozole est rapide et importante, les taux
d’équilibre étant atteints en 2 à 6 semaines (9). Le létrozole est
principalement éliminé par métabolisation hépatique en un métabolite inactif retrouvé ensuite dans les urines.
●
Données de tolérance
Le létrozole a généralement été bien toléré au cours des études
cliniques développées ci-dessous. Les effets indésirables des inhibiteurs de l’aromatase de troisième génération sont similaires en
nature et en fréquence à ceux du tamoxifène (10). Ils sont rarement la cause d’un arrêt prématuré du traitement.
Approximativement un tiers des patientes est susceptible de présenter des effets indésirables, le plus souvent à type de bouffées
de chaleur (10,8 %), nausées (6,9 %) et fatigue (5 %).
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Sur le plan osseux, il est probable que les inhibiteurs de l’aromatase ont un impact péjoratif, du fait de l’augmentation de la résorption secondaire à la déprivation estrogénique, à l’inverse du tamoxifène du fait de son caractère agoniste protecteur. Il faudra attendre
une confirmation à long terme, mais il convient de surveiller l’intégrité osseuse en cas de traitement prolongé par létrozole.
Les événements thromboemboliques sont moins fréquents qu’avec
le tamoxifène. L’effet du létrozole sur le métabolisme lipidique est
mal connu et nécessite une surveillance à long terme pour connaître
ses implications exactes dans les risques cardiovasculaires (11).
des sous-groupes prédéfinis (récepteurs inconnus et métastases
des tissus mous et viscérales). Malgré cette différence en termes
de réponse, les deux groupes sont comparables en termes de bénéfice clinique, durée médiane de réponse, temps jusqu’à échec du
traitement ou survie globale et également tolérance.
Ces résultats indiquent donc que le létrozole obtient un meilleur
taux de réponse que l’anastrozole en deuxième ligne métastatique
après échec du tamoxifène. Mais une critique majeure soulevée
contre cette étude est le fait que le design ne permettait pas l’administration des produits en double aveugle.
LES ÉTUDES CLINIQUES
Létrozole versus tamoxifène en première ligne métastatique :
étude pivotale
Une étude de phase III randomisée, multicentrique, en double
aveugle, incluant 916 patientes ménopausées présentant un cancer du sein avancé hormonodépendant a comparé l’efficacité et
la tolérance du létrozole 2,5 mg (n = 458) à celles du tamoxifène
20 mg (n = 458) jusqu’à progression (13). Un crossover était alors
autorisé et laissé au choix du médecin (non randomisé).
Le principal critère d’efficacité étudié sur 907 patientes était
l’intervalle jusqu’à progression.
La durée médiane du suivi est de 32 mois.
La supériorité du létrozole sur le tamoxifène est confirmée en
termes de :
✓ Intervalle jusqu’à progression (médiane 9,4 versus 6,0 mois ;
p < 0,0001) (figure 1). Cette différence était déjà retrouvée dans
les premiers résultats de l’étude (14), dans les sous-groupes récepteurs inconnus ou récepteurs positifs, quelle que soit l’administration préalable ou non d’un anti-estrogène adjuvant ou quel que
soit le site métastatique (des tissus mous ou viscéral).
✓ Temps jusqu’à échec du traitement (médiane : 9 versus 5,7 mois,
p < 0,0001).
✓ Taux de réponse globale (32 versus 21 % ; p = 0,0002).
Le développement des inhibiteurs de l’aromatase a commencé
classiquement par l’utilisation en situation métastatique après
échec du tamoxifène, considéré comme le traitement de référence en situation adjuvante. Les anti-aromatases ont été comparés entre eux, puis avec le tamoxifène.
Létrozole versus anastrozole en deuxième ligne métastatique
Une étude de phase IIIb/IV randomisée, multicentrique, ouverte,
a comparé l’efficacité et la tolérance du létrozole 2,5 mg/j (n = 356)
à celles de l’anastrozole 1 mg (n = 357) chez 713 patientes ménopausées présentant un cancer du sein métastatique après échec
du tamoxifène (12). Les récepteurs RE et/ou RP étaient positifs
dans 48 % des cas et inconnus dans 52 % des cas.
L’étude s’est déroulée en deux phases, avec une première phase
de 12 mois, qui était prolongée de 18 mois supplémentaires en
cas de bénéfice clinique.
Le principal critère d’efficacité était l’intervalle jusqu’à progression, et la différence était non statistiquement significative,
avec 5,7 mois dans chaque groupe.
En revanche, le taux de réponse était significativement plus élevé
dans le groupe létrozole (19,1 versus 12,3 % ; p = 0,013) et dans
létrozole (n = 453) : 9,4 mois
0,9
Absence de progression
tamoxifène (n = 454) : 6,0 mois
p < 0,0001
0,7
Réduction du risque
de progression d'environ 30 %
dans le groupe létrozole
(HR = 0,72)
0,5
0,3
0,0
0
6
12
18
24
30
36
42
48
54
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Mois
Figure 1. Durée médiane de survie sans progression.
10
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13 mois*
0,9
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Survie médiane à 32 mois
– létrozole : 34 mois
– tamoxifène : 30 mois
p = NS
17 mois*
Survie
0,7
Différence significative
en faveur du létrozole
entre 6 et 20 mois
(p = 0,003)
0,5
0,3
létrozole en 1re ligne
0,0
tamoxifène en 1re ligne
0
6
12
18
24
30
Mois
36
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54
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* Temps médian jusqu'au croisement
létrozole-tamoxifène : 17 mois
tamoxifène-létrozole : 13 mois
Figure 2. Survie à 32 mois de suivi médian.
✓ Bénéfice clinique global (50 versus 38 % ; p = 0,0004).
✓ Délai avant recours à la chimiothérapie (16,3 versus 9,3 mois ;
p = 0,005).
✓ Nombre de patientes avec dégradation de l’index de Karnofsky d’au moins 20 points (19 versus 25 % ; p = 0,02).
Le design de l’étude avait prévu de proposer aux patientes en progression soit de bénéficier d’un crossover non randomisé (changer de traitement pour recevoir l’autre hormonothérapie), soit de
sortir de l’étude. Environ 50 % des patientes ayant participé au
crossover ont reçu 36 mois de traitement.
Le temps médian du crossover est de 17 mois pour les patientes
traitées par létrozole en première ligne puis par tamoxifène, et de
13 mois pour les autres (figure 2).
La survie globale est supérieure dans le groupe létrozole jusqu’à
24 mois, avec une différence statistiquement significative entre
le sixième et le vingtième mois (p = 0,003). Cette supériorité précoce durant les deux premières années de traitement est cohérente
avec l’allongement significatif de l’intervalle jusqu’à progression
observé dans le groupe létrozole par rapport au groupe tamoxifène. Après deux ans, une tendance en faveur du groupe létrozole par rapport au groupe tamoxifène est observée (médiane 34
versus 30 mois), mais la différence n’est pas significative.
L’absence d’un avantage du létrozole sur la survie à partir de
24 mois peut s’expliquer par le design de l’étude, qui proposait un
crossover non randomisé. En effet, il est généralement démontré
que, si le traitement de deuxième ligne est significativement
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 1 - janvier-février 2004
meilleur que le traitement donné en première ligne, le crossover
peut alors modifier l’évaluation de la survie globale attribuable à
l’agent de première ligne. De fait, la durée de survie est plus longue
avec le létrozole en deuxième ligne qu’avec le tamoxifène en
deuxième ligne. Cette interprétation reste sujette à caution étant
donné que le crossover n’était pas randomisé dans cette étude.
La tolérance est similaire dans les deux groupes. Le taux de fractures osseuses est de 5,3 % dans le groupe létrozole première ligne
et de 4,2 % dans le groupe tamoxifène première ligne.
Cette étude permet une évaluation de l’attitude adoptée en pratique courante, où un changement de traitement est souvent réalisé. Elle démontre la supériorité du létrozole vis-à-vis du tamoxifène en première ligne dans cette situation : une réduction de 30 %
du risque de progression dans le groupe létrozole par rapport au
groupe tamoxifène allonge significativement l’intervalle jusqu’à
progression, et ce indépendamment du recours à une hormonothérapie adjuvante, du statut des récepteurs et de la localisation
prédominante des métastases.
Létrozole versus tamoxifène en première ligne métastatique :
étude ancillaire stratifiée selon la présence de HER2
Il était intéressant d’évaluer l’efficacité des inhibiteurs de l’aromatase en cas de surexpression de HER2. Une fraction de la population de l’étude précédente (n = 562) a permis de comparer le taux
de réponse du létrozole (n = 283) à celui du tamoxifène (n = 279)
en fonction du statut sérique de HER2 évalué avant traitement (15).
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En l’absence de surexpression de HER2 (70,5 % des cas), le taux
de réponse est significativement plus élevé dans le groupe létrozole (39 versus 26 %, p = 0,008), comme l’intervalle médian
jusqu’à progression (12,2 versus 8,5 mois ; p = 0,0019) et le temps
médian jusqu’à échec du traitement (11,6 versus 6,2 mois ;
p = 0,0066). En revanche, en cas de surexpression de HER2
(29,5 % des cas), la différence des taux de réponse n’est pas significative (respectivement 17 % et 13 % ; p = 0,45), même s’il existe
une tendance en faveur d’un plus long intervalle médian jusqu’à
progression (6,1 versus 3,3 mois ; p = 0,0596), et une différence
significative de l’intervalle médian jusqu’à échec du traitement (6,0
versus 3,2 mois ; p = 0,0418) dans le groupe traité par létrozole.
Malgré la faible puissance statistique de cette étude du fait d’un
nombre de patientes relativement faible, il semble que la surexpression de HER2 reste un facteur prédictif d’une relative hormonorésistance.
Létrozole versus tamoxifène en néoadjuvant
L’efficacité du létrozole par rapport au tamoxifène en situation
métastatique a fait envisager la possibilité d’un intérêt en situation néoadjuvante.
Une étude de phase III randomisée, multicentrique, en double
aveugle, incluant 324 patientes ménopausées avec un cancer du
sein RE et/ou RP+ non éligible pour la chirurgie conservatrice,
a comparé l’efficacité (taux de réponse et taux de chirurgie
conservatrice) après 4 mois de traitement par létrozole 2,5 mg
(n = 154) ou tamoxifène 20 mg (n = 170) (16) [encadré 1].
Biopsie
RE/RP+
ménopausique
sans chirurgie
conservatrice
possible
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Tamoxifène
4 mois
Létrozole
4 mois
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Traitement
adjuvant
si nécessaire
Encadré 1. Étude en néoadjuvant.
Le taux de réponse est supérieur dans le groupe létrozole, que ce
soit dans la population entière (55 versus 36 % ; p < 0,001) ou
dans la population dont le statut des récepteurs a fait l’objet d’une
révision centralisée (respectivement 124 versus 126 patientes,
60 versus 41 % ; p = 0,004).
Cet essai comportait une étude de recherche translationnelle qui
a permis de corréler le statut des récepteurs hormonaux RE/RP et
des récepteurs de facteurs de croissance HER-1+ et/ou HER-2+
avec la réponse clinique (17). Le taux de réponse est nettement
majoré dans le sous-groupe des tumeurs RE+ et HER-1+ et/ou
HER-2+ (88 versus 21 % ; p = 0,0004), alors qu’il est identique
dans le sous-groupe de tumeurs HER-1– et/ou HER-2 négatives.
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Le taux de patientes bénéficiant d’une chirurgie conservatrice est
également significativement plus élevé dans le groupe létrozole
(48 versus 36 % ; p = 0,036).
D’un point de vue clinique, une hormonothérapie néoadjuvante
par le létrozole offre une nouvelle perspective en cas d’impossibilité de chirurgie conservatrice. La recherche de biomarqueurs
prédictifs de réponse pourrait permettre de mieux identifier les
patientes les plus à même de bénéficier d’une hormonothérapie
néoadjuvante par le létrozole.
LE LÉTROZOLE : PERSPECTIVES CLINIQUES
Situation adjuvante
Deux stratégies peuvent démontrer l’intérêt du létrozole en situation adjuvante : soit l’administration du létrozole après avoir terminé un traitement adjuvant de 5 ans de tamoxifène (étude MA
17), soit la prescription de ces deux agents utilisés seuls ou de
façon séquentielle pendant les cinq premières années postopératoires (étude BIG 1-98 [BIG FEMTA]) (18).
L’étude MA 17 (encadré 2). Un traitement adjuvant par
tamoxifène administré pendant 5 ans améliore significativement
la survie sans progression et la survie globale des cancers du sein
RE/RP+ (19). Compte tenu de l’efficacité du létrozole en première ligne métastatique après échec du tamoxifène et de
l’absence jusqu’ici d’un bénéfice associé à la poursuite du tamoxifène au-delà de 5 ans, il était logique d’évaluer si le létrozole
apportait un bénéfice clinique supplémentaire à des patientes
ayant reçu 5 ans de tamoxifène en adjuvant.
C’est pourquoi une étude de phase III randomisée, multicentrique,
coordonnée par le National Cancer Institute of Canada (NCIC),
sur des patientes ménopausées traitées par tamoxifène pendant
environ 5 ans a comparé l’efficacité et la tolérance du létrozole
2,5 mg/j (n = 2 593) à celles d’un placebo (n = 2 594), tous deux
administrés en double aveugle pendant 5 ans (20).
●
Chirurgie
Tamoxifène
adjuvant
5 ans
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Létrozole
2,5 mg/j
Placebo
5 ans
Encadré 2. Étude MA 17.
Le critère principal d’efficacité est la survie sans maladie. Deux
analyses intermédiaires ont été prévues, avec une interruption de
l’étude en cas de différence significative (p < 0,05) entre les deux
groupes à l’une ou l’autre analyse.
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Groupe
létrozole
Groupe
placebo
100
Patientes survivantes libres
de cancer (%)
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80
60
40
Chirurgie
20
p < 0,001
0
0
10
30
40
20
Mois après randomisation
50
60
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Figure 3. Survie sans progression.
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Tamoxifène 20 mg/j
Létrozole 2,5 mg/j
Tamoxifène
20 mg/j
Tamoxifène
20 mg/j
Létrozole
2,5 mg/j
Létrozole
2,5 mg/j
2 ans
3 ans
Encadré 3. Étude BIG 1-98.
La durée de suivi médian est de 2,4 ans. Lors de la première analyse intermédiaire, le nombre total de récidives locales et à distance ou de cancers du sein controlatéraux correspondait à un taux
estimé de survie sans maladie à 4 ans de 93 et 87 % respectivement [p ≤ 0,001] (figure 3). L’importance du bénéfice clinique,
avec une réduction de 43 % du risque de récidive ou de cancer
controlatéral (HR = 0,57, IC95 : 0,43-0,75 ; p = 0,000077), est
considérablement plus élevée que le bénéfice prévu (21). Les
résultats de cette analyse intermédiaire ont donc conduit, comme
cela était attendu, à l’interruption de l’étude et à la communication des résultats. En revanche, il faut noter qu’il n’y a pas de
différence de survie globale.
Sur le plan de la tolérance, les effets indésirables de grade 1-2 du
type bouffées de chaleur ou arthromyalgies ont été plus fréquents
dans le groupe létrozole, à l’inverse des saignements vaginaux,
plus fréquents dans le groupe placebo. L’ostéoporose est un peu
plus fréquente avec le létrozole (5,8 versus 4,5 % ; p = 0,07), mais
avec des taux de fractures similaires dans les deux groupes. Il n’y
avait pas de différence d’effets indésirables cardiovasculaires
(4,1 versus 3,6 %).
En conclusion, le létrozole administré après une hormonothérapie de 5 ans par tamoxifène améliore significativement la survie
sans maladie par rapport à un placebo dans cette situation. Les
questions de la durée optimale de traitement et de la tolérance à
long terme sont toujours en suspens.
L’étude BIG 1-98 (BIG FEMTA) (encadré 3). L’étude BIG
(Breast International Group), commencée en mars 1999, est une
étude randomisée, en double aveugle, à 4 bras : un bras tamoxifène pendant 5 ans, un bras létrozole pendant 5 ans, un bras
tamoxifène 2 ans suivi par létrozole 3 ans, un bras létrozole 2 ans
suivi par tamoxifène 3 ans (22).
Le critère principal de l’étude est la survie sans maladie.
En avril 2003, près de 8 000 patientes ménopausées RE+, RPg+ ont
été incluses. L’étude est toujours en cours. Son design particulièrement intéressant devrait apporter des réponses sur la comparaison des deux traitements administrés pendant 5 ans, mais aussi sur
l’intérêt du traitement séquentiel avec le crossover proposé.
●
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 1 - janvier-février 2004
Association aux agents biologiques
● Trastuzumab. La surexpression de HER2 dans 15 à 30 % des
cancers du sein a été identifiée par certains comme un facteur de
mauvais pronostic chez les patientes RE+ (23, 24). Actuellement, les résultats contradictoires n’ont pas permis un consensus
sur le choix d’une hormonothérapie basée sur le statut HER2.
L’association chimiothérapie et anticorps anti-HER2 (trastuzumab) en cas de cancer du sein métastatique surexprimant HER2
a permis une augmentation de la durée de survie médiane, de
l’intervalle jusqu’à progression et du taux de réponse dans une
étude de phase III bien menée dans laquelle les deux tiers des
femmes recevant de la chimiothérapie seule ont eu accès au trastuzumab au moment de la progression (25).
Face à un tel constat, et compte tenu des différences de résultats
retrouvées dans l’étude de Lipton (15) entre les sous-groupes de
patientes surexprimant ou non HER2, il paraît rationnel d’envisager l’association létrozole-trastuzumab chez des patientes
ménopausées avec un cancer du sein avancé RE/RP+ HER2+.
Une étude est en cours pour comparer l’efficacité du létrozole seul
à celle de l’association létrozole-trastuzumab.
Biphosphonates. Il est logique de vouloir gommer l’effet de
déprivation estrogénique des anti-aromatases sur le turnover
osseux par l’utilisation des biphosphonates. Deux études cliniques
sont actuellement en cours en situation adjuvante pour comparer
le létrozole avec l’association létrozole-acide zolédronique : le
Zometa Femara Adjuvant Synergy program, connu sous le sigle
Z-FAST en Amérique du Nord (n = 500, recrutement terminé) et
sous le sigle ZO-FAST en dehors de l’Amérique du Nord (n = 900).
●
● Everolimus RAD001. Ce nouveau macrolide dérivé de la
rapamycine agit comme un inhibiteur du signal de transduction,
mais il a une activité antitumorale propre, en particulier dans le
cancer du sein (26, 27). Étant donné la notion d’une interaction
avec les RE, qui serait à l’origine d’une hormonorésistance, il est
intéressant d’étudier une combinaison de l’everolimus avec le
létrozole dans le cadre du cancer du sein métastatique. Une étude
de phase I est actuellement en cours.
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Chimioprévention à base de létrozole ?
La justification de l’utilisation d’un médicament anti-aromatase
comme alternative au tamoxifène en chimioprévention doit se
baser sur la connaissance des effets du traitement sur le sein normal et sur le métabolisme, en particulier osseux et lipidique.
Chez la femme ménopausée, on sait que, parmi les facteurs de
risque hormonaux de cancer du sein, on retrouve le traitement
hormonal substitutif et l’obésité, corrélée à un taux sérique élevé
d’estradiol. Après des études précliniques chez la souris (28), une
étude pilote a été réalisée chez 29 femmes en bonne santé traitées par 3 mois de létrozole (29). Il n’y a pas de modification significative de l’index de prolifération cellulaire (Ki67) ou des RE.
De la même façon, il n’y a pas de changement du profil lipidique,
mais il existe une augmentation significative de la résorption
osseuse.
D’autres recherches s’imposent avant d’imaginer des études de
chimioprévention à base de létrozole.
CONCLUSION
Aujourd’hui, les inhibiteurs de l’aromatase peuvent être considérés comme le nouveau standard de prise en charge des patientes
ménopausées présentant un cancer du sein métastatique hormonodépendant. Dans cette indication, le létrozole a démontré sa
supériorité sur le tamoxifène, l’anastrozole étant au moins aussi
efficace que le tamoxifène (13).
Dans le contexte néoadjuvant, le létrozole a démontré sa supériorité sur le tamoxifène (17).
En adjuvant étendu, le létrozole, après 5 ans d’hormonothérapie par
tamoxifène, apporte un gain supplémentaire significatif aux patientes
en termes de survie sans maladie (20). Par ailleurs, le résultat de
l’essai BIG (létrozole versus tamoxifène en adjuvant) devrait permettre de préciser la place de cette molécule dans la prise en charge
de la patiente ménopausée porteuse d’un cancer du sein localisé (22).
L’association du létrozole avec des agents biologiques pour circonvenir un mécanisme de résistance ou pour éviter certains
effets indésirables sont actuellement en cours d’étude.
Les inhibiteurs de l’aromatase, et notamment le létrozole, participent aux progrès thérapeutiques développés dans le traitement
médical du cancer du sein au cours de la dernière décennie, avec
l’adoption de nouveaux standards thérapeutiques pour la maladie métastatique et un foisonnement d’idées nouvelles à l’étude
en situation adjuvante.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no 1 - janvier-février 2004
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