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MISE AU POINT
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - no1 - janvier-février 2004
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n France, les taux d’incidence du cancer du sein chez
les femmes ménopausées – âge supérieur à 50 ans –
varient entre 189,5/100 000 et 296,6/100 000 selon les
tranches d’âge considérées (tranches d’âge de cinq ans), ce qui
permet une estimation de l’ordre de 26 000 nouveaux cas par an
en France (1). Parmi ces cas, 5 à 10 % sont d’emblée diagnosti-
qués au stade métastatique et 50 % récidivent dans les 10 ans, les
trois quarts sous une forme métastatique. Au total, le nombre de
cancers du sein métastatiques chez la femme ménopausée serait
de 10 900 à 12 200, dont 7 600 à 10 000 formes hormono-
sensibles (1).
LE LÉTROZOLE AUJOURD’HUI
Données pharmacologiques
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Rappel sur les estrogènes. L’identification des récepteurs
estrogéniques (RE) comme médiateurs de l’action des estrogènes
a été une étape fondamentale dans la compréhension du méca-
nisme de l’hormonodépendance du cancer du sein (2). Lorsque
le développement du tissu tumoral dépend de la présence des
estrogènes et qu’une hormonothérapie est instituée, l’élimination
de la stimulation estrogénique est une condition préalable à une
réponse de la tumeur. La première stratégie développée pour lut-
ter contre cette stimulation estrogénique a été l’utilisation d’anti-
estrogènes (tamoxifène), qui entrent en compétition avec les
estrogènes au niveau des RE de la cellule tumorale. La deuxième
possibilité est la déprivation estrogénique, soit, par exemple chez
la femme préménopausée, par ovariectomie, soit par l’utilisation
d’anti-aromatases chez la femme ménopausée. En effet, chez ces
dernières, la principale source d’estrogènes provient de l’action
d’une enzyme, l’aromatase, qui transforme les androgènes (prin-
cipalement l’androstènedione et la testostérone) en estrone et
estradiol. La suppression de la biosynthèse des estrogènes au
niveau des surrénales, des tissus périphériques (adipeux et mus-
culaires) et du tissu tumoral lui-même peut donc être obtenue par
une inhibition de l’aromatase (3).
●
Mécanisme d’action. Le létrozole est un inhibiteur non sté-
roïdien de l’aromatase. L’inhibition provoquée est hautement spé-
cifique, efficace (98 %), et n’entraîne pas de modification clinique
de la stéroïdogenèse surrénalienne (4, 5). La liaison compétitive
à la fraction hème du complexe cytochrome P450-aromatase
entraîne une réduction de la biosynthèse des estrogènes au niveau
de tous les tissus où ce complexe est présent, non seulement au
niveau périphérique, mais aussi au niveau intratumoral.
Chez les patientes ménopausées présentant un cancer du sein au
stade avancé et recevant des doses de létrozole supérieures ou
égales à 0,5 mg, la plupart des taux d’estrone et de sulfate
d’estrone se situent au-dessous de la limite de détection des
méthodes de dosage, ce qui indique une suppression estrogé-
nique marquée et maintenue tout au long du traitement. In vitro,
le létrozole s’est montré dix à trente fois plus puissant que l’anas-
trozole dans l’inhibition de l’aromatase intracellulaire étudiée
sur diverses lignées cellulaires animales et humaines, notamment
sur la lignée de cellules cancéreuses mammaires humaines MCF-
7Ca (6). Une étude clinique a confirmé l’inhibition par le létro-
zole de l’aromatase périphérique et a montré la réduction des taux
circulants des estrogènes (7).
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Données pharmacocinétiques. À la dose quotidienne de
2,5 mg en une prise, le létrozole est rapidement et complètement
absorbé (biodisponibilité de 99,9 %). Le létrozole peut être pris
sans tenir compte de l’heure des repas [effet mineur sur la vitesse
d’absorption] (8). Avec une liaison protéique de 60 %, la distri-
bution tissulaire du létrozole est rapide et importante, les taux
d’équilibre étant atteints en 2 à 6 semaines (9). Le létrozole est
principalement éliminé par métabolisation hépatique en un méta-
bolite inactif retrouvé ensuite dans les urines.
Données de tolérance
Le létrozole a généralement été bien toléré au cours des études
cliniques développées ci-dessous. Les effets indésirables des inhi-
biteurs de l’aromatase de troisième génération sont similaires en
nature et en fréquence à ceux du tamoxifène (10). Ils sont rare-
ment la cause d’un arrêt prématuré du traitement.
Approximativement un tiers des patientes est susceptible de pré-
senter des effets indésirables, le plus souvent à type de bouffées
de chaleur (10,8 %), nausées (6,9 %) et fatigue (5 %).
Létrozole et cancer du sein hormonosensible de la femme
ménopausée : actualités et perspectives
Letrozole and postmenopausal woman hormone-dependent
breast cancer: state of the art and prospects
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C. Bernard-Marty*, F. Cardoso*, M.J. Piccart*
* Unité de chimiothérapie, Institut Jules-Bordet, Bruxelles, Belgique.