Médecine
& enfance
octobre 2013
page 277
Les complications intracrâniennes sur-
viennent chez les adolescents qui ont
une sinusite frontale aiguë. Elles sont
évoquées en cas de céphalées violentes,
de photophobie, de convulsions ou de
signe neurologique déficitaire. Il peut
s’agir d’un empyème sous-dural, ou épi-
dural, d’une thrombose veineuse, d’un
abcès intracérébral ou d’une méningite.
ANTIBIOTHÉRAPIE
OU NON ?
L’antibiothérapie est préconisée dans
les formes sévères et dans les formes
avec aggravation secondaire. En cas
d’évolution prolongée sur plus de dix
jours d’une rhinopharyngite aiguë, le
praticien peut prescrire un antibiotique
ou attendre trois jours de plus sous trai-
tement symptomatique.
Trois essais cliniques randomisés versus
placebo ont été publiés, en 1984, 1986
et 2009. Ils montrent une augmentation
du nombre d’enfants guéris ou amélio-
rés dans le groupe traité par antibio-
tiques par rapport au groupe placebo.
Cependant, la solution d’attente est jus-
tifiée en cas de symptômes légers, peu
invalidants, par le fait que les chances
de guérison spontanée sont importantes
(de 60 à 80 %) et le risque de complica-
tion infectieuse extrêmement faible. Il
faut tenir compte, dans la discussion
avec les parents sur l’opportunité d’un
traitement antibiotique, du fait que ce-
lui-ci peut avoir des effets adverses, es-
sentiellement diarrhée et rash cutané.
QUEL ANTIBIOTIQUE ?
L’antibiotique à prescrire de première
intention, dans les formes qui ne sont
pas les formes sévères, est l’amoxicilli-
ne, associée ou non à l’acide clavula-
nique.
L’amoxicilline seule a un spectre relati-
vement étroit, mais couvrant les germes
habituellement en cause : Haemophilus
influenzae non sécréteur de bêtalacta-
mases et Streptococcus pneumoniae
sensible à la pénicilline. De fait, les es-
sais cliniques montrent qu’elle est effi-
cace et a peu d’effets adverses, que les
présentations ont généralement un goût
accepté par les enfants et sont peu coû-
teuses. La posologie recommandée est
de 45 mg/kg/j en deux prises. Cepen-
dant, dans les régions où la prévalence
de S. pneumoniae résistant ou intermé-
diaire à la pénicilline dépasse 10 %, la
posologie recommandée est de 80 à
90 mg/kg/j en deux prises avec un
maximum de 2 g par prise.
Si l’enfant a moins de deux ans, ou est
gardé en crèche, ou a reçu un antibio-
tique dans le mois précédent, le risque
qu’il ait un germe sécréteur de bêta lac -
tamase est plus élevé, et la recomman-
dation américaine est de prescrire l’as-
sociation amoxicilline-acide clavula-
nique (80-90 mg/kg/j d’amoxicilline,
6,4 mg/kg/j d’acide clavulanique en
deux prises).
Chez les enfants qui ont une intolérance
alimentaire absolue, il est possible d’uti-
liser une dose unique de ceftriaxone,
50 mg/kg en IM ou en IV, éventuelle-
ment renouvelée le lendemain, suivie
d’un relais per os s’il y a amélioration
clinique. En cas d’allergie à l’amoxicilli-
ne, le traitement peut être du cefdinir
(non commercialisé en France), du cé-
furoxime ou du cefpodoxime.
La situation doit être réévaluée en cas
d’aggravation ou d’apparition d’autres
symptômes, mais aussi s’il n’y a pas
d’amélioration au bout de trois jours.
Ce délai de trois jours vient du fait que,
dans les essais cliniques, pour 83 % des
enfants sous antibiotiques, l’améliora-
tion était effective au bout de trois jours
et qu’aucune amélioration ne s’est pro-
duite entre le troisième et le dixième
jour. Après réexamen et vérification du
diagnostic de sinusite et de l’absence
d’autre foyer infectieux, un traitement
antibiotique est initié si l’enfant n’en
avait pas. Si l’enfant était sous amoxicil-
line, il faut passer à l’association amoxi-
cilline-acide clavulanique ; si l’enfant
était sous fortes doses d’amoxicilline-
acide clavulanique, il faut passer à l’as-
sociation clindamycine-céfixime ou li-
nézolide-céfixime ou lévofloxacine.
La durée du traitement n’est pas encore
bien fixée. Il y a un consensus pour pro-
poser de traiter encore sept jours après
guérison clinique.
Dans les formes sévères, il est recom-
mandé d’emblée une antibiothérapie
parentérale par céfotaxime ou cef-
triaxone.
Dans les formes compliquées, le traite-
ment peut être ambulatoire, avec de
fortes doses de l’association amoxicilli-
ne-acide clavulanique, si l’œil s’ouvre au
moins de moitié et que l’enfant peut être
revu tous les jours jusqu’à guérison cli-
nique. Dans tous les autres cas, il est re-
commandé une hospitalisation pour an-
tibiothérapie parentérale par vancomy-
cine, ceftriaxone et métronidazole ou
ampicilline-sulbactam ou pipéracilline-
tazobactam.
LES TRAITEMENTS
ADJUVANTS
Il n’y a que deux essais cliniques chez
l’enfant qui ont étudié l’efficacité des
corticoïdes intranasaux. L’effet est mo-
deste (Barlan 1997, Yilmaz 2000).
Une étude chez l’enfant a montré l’inté-
rêt des lavages de nez (pas des simples
nébulisations) (Wang 2009).
Il n’y a aucune donnée sur les vasocons-
tricteurs oraux ou nasaux, les antihista-
miniques, les mucolytiques.
SINUSITES RÉCIDIVANTES
Il y a un consensus pour parler de sinu-
site récidivante si l’enfant fait au moins
4 épisodes par an, chacun durant moins
de 30 jours, avec un intervalle libre d’au
moins 10 jours entre 2 épisodes. Il est
alors recommandé de rechercher une
cause favorisante sur laquelle on peut
agir médicalement (reflux gastro-œso-
phagien, allergie respiratoire) ou chi-
rurgicalement, comme certaines ano-
malies anatomiques diagnostiquées sur
le TDM. En l’absence de cause favori-
sante, la recommandation est de vacci-
ner ces enfants tous les ans contre la
grippe et de les vacciner contre le pneu-
mocoque. Une antibiothérapie prophy-
lactique prolongée peut être envisagée
pendant la saison hivernale.
276-278 18/10/13 20:18 Page277