Médecine
& enfance
Rubrique dirigée par C. Copin
octobre 2013
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RECOMMANDATIONS
LE DIAGNOSTIC DE
SINUSITE BACTÉRIENNE
AIGUË EST CLINIQUE
La distinction entre une rhinopharyngi-
te et une sinusite bactérienne se fait sur
la durée ou l’intensité des symptômes.
L’examen clinique est peu informatif,
car la congestion des cornets et leur as-
pect inflammatoire ne sont pas sci-
fiques. La douleur à la pression ou à la
percussion des pommettes n’a pas de
valeur. La transillumination est aban-
donnée car non fiable. Les prélève-
ments microbiologiques au niveau du
nez ou du cavum ne peuvent pas prédi-
re la nature bactérienne ou non d’une
sinusite, si sinusite il y a.
Le diagnostic de sinusite bactérienne
peut être porté devant l’un des trois ta-
bleaux cliniques suivants :
infection des voies respiratoires supé-
rieures avec persistance depuis au
moins dix jours, sans tendance à l’amé-
lioration, dune rhinorrhée ou dune
toux diurne ;
accentuation de la rhinorrhée ou de
la toux ou réapparition dune fièvre
après un début d’amélioration, en géné-
ral vers le sixième ou septième jour ;
forme sévère d’emblée, avec une tem-
pérature supérieure ou égale à 39 °C et
une rhinorrhée purulente depuis au
moins trois jours.
IMAGERIE
Les praticiens ne peuvent pas compter
sur l’imagerie pour différencier une in-
fection bactérienne d’une infection vira-
le. En effet, une opacité sinusienne, un
épaississement muqueux de plus de
4 mm et même un niveau liquide peu-
vent se voir chez des enfants qui ont
une rhinopharyngite virale.
Un examen tomodensitométrique
(TDM) avec injection de produit de
contraste doit être demandé s que
l’on suspecte une complication endocrâ-
nienne ou intraorbitaire. Il sera éven-
tuellement complé par une imagerie
par résonance magnétique nucléaire
(IRM) avec injection de produit de
contraste, surtout en cas de complica-
tion intracrânienne. Les complications
intraorbitaires surviennent essentielle-
ment chez des enfants de moins de cinq
ans qui ont une ethmoïdite aiguë. Elles
doivent être évoquées en cas d’œdème
palpébral, surtout s’il y a un proptosis ou
une diminution de la mobilité oculaire.
Sinusites aigs bacriennes :
diagnostic et prise en charge
M. François
service ORL, hôpital Robert-Debré, Paris
L’American Academy of Pediatrics (AAP) a mis à jour ses recommandations
pour le diagnostic et la prise en charge des sinusites aigs bactériennes
de l’enfant [1]. Le document complet est disponible sur internet (1). Cette révi-
sion a éfaite à partir de l’analyse des études prospectives et randomisées,
ainsi que des ta-analyses parues sur le sujet en langue anglaise depuis la
dernière mise à jour, qui date de 2001 [2]. Ces recommandations ne concer-
nent pas les nouveau-nés et les nourrissons de moins de un an, ni les adultes.
Elles se limitent aux sinusites bactériennes aiguës ; elles ne concernent pas les
sinusites allergiques, ni les sinusites subaiguës ou chroniques. Enfin, elles ne
concernent pas les enfants de un à dix-huit ans qui ont une malformation des
sinus, une immunodéficience, une mucoviscidose ou une dyskinésie ciliaire.
(1) http://www2.aap.org/informatics/PPI.html.
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Les complications intracrâniennes sur-
viennent chez les adolescents qui ont
une sinusite frontale aiguë. Elles sont
évoquées en cas de céphalées violentes,
de photophobie, de convulsions ou de
signe neurologique ficitaire. Il peut
s’agir d’un empyème sous-dural, ou épi-
dural, d’une thrombose veineuse, d’un
abcès intracérébral ou d’une méningite.
ANTIBIOTHÉRAPIE
OU NON ?
Lantibiothérapie est préconisée dans
les formes sévères et dans les formes
avec aggravation secondaire. En cas
d’évolution prolongée sur plus de dix
jours dune rhinopharyngite aiguë, le
praticien peut prescrire un antibiotique
ou attendre trois jours de plus sous trai-
tement symptomatique.
Trois essais cliniques randomisés versus
placebo ont été publiés, en 1984, 1986
et 2009. Ils montrent une augmentation
du nombre d’enfants guéris ou amélio-
rés dans le groupe traité par antibio-
tiques par rapport au groupe placebo.
Cependant, la solution d’attente est jus-
tifiée en cas de symptômes légers, peu
invalidants, par le fait que les chances
de guérison spontanée sont importantes
(de 60 à 80 %) et le risque de complica-
tion infectieuse extrêmement faible. Il
faut tenir compte, dans la discussion
avec les parents sur l’opportunité d’un
traitement antibiotique, du fait que ce-
lui-ci peut avoir des effets adverses, es-
sentiellement diarrhée et rash cutané.
QUEL ANTIBIOTIQUE ?
L’antibiotique à prescrire de première
intention, dans les formes qui ne sont
pas les formes sévères, est l’amoxicilli-
ne, associée ou non à l’acide clavula-
nique.
L’amoxicilline seule a un spectre relati-
vement étroit, mais couvrant les germes
habituellement en cause : Haemophilus
influenzae non créteur de bêtalacta-
mases et Streptococcus pneumoniae
sensible à la pénicilline. De fait, les es-
sais cliniques montrent qu’elle est effi-
cace et a peu d’effets adverses, que les
présentations ont généralement un goût
accepté par les enfants et sont peu coû-
teuses. La posologie recommandée est
de 45 mg/kg/j en deux prises. Cepen-
dant, dans les régions la prévalence
de S. pneumoniae résistant ou intermé-
diaire à la pénicilline dépasse 10 %, la
posologie recommandée est de 80 à
90 mg/kg/j en deux prises avec un
maximum de 2 g par prise.
Si l’enfant a moins de deux ans, ou est
gardé en crèche, ou a reçu un antibio-
tique dans le mois précédent, le risque
qu’il ait un germe sécréteur de bêta lac -
tamase est plus élevé, et la recomman-
dation américaine est de prescrire l’as-
sociation amoxicilline-acide clavula-
nique (80-90 mg/kg/j d’amoxicilline,
6,4 mg/kg/j dacide clavulanique en
deux prises).
Chez les enfants qui ont une intolérance
alimentaire absolue, il est possible d’uti-
liser une dose unique de ceftriaxone,
50 mg/kg en IM ou en IV, éventuelle-
ment renouvee le lendemain, suivie
d’un relais per os s’il y a amélioration
clinique. En cas d’allergie à l’amoxicilli-
ne, le traitement peut être du cefdinir
(non commercialisé en France), du cé-
furoxime ou du cefpodoxime.
La situation doit être réévaluée en cas
d’aggravation ou d’apparition d’autres
symptômes, mais aussi sil ny a pas
d’amélioration au bout de trois jours.
Ce délai de trois jours vient du fait que,
dans les essais cliniques, pour 83 % des
enfants sous antibiotiques, l’améliora-
tion était effective au bout de trois jours
et qu’aucune amélioration ne s’est pro-
duite entre le troisième et le dixième
jour. Après réexamen et vérification du
diagnostic de sinusite et de l’absence
d’autre foyer infectieux, un traitement
antibiotique est initié si lenfant nen
avait pas. Si l’enfant était sous amoxicil-
line, il faut passer à l’association amoxi-
cilline-acide clavulanique ; si lenfant
était sous fortes doses d’amoxicilline-
acide clavulanique, il faut passer à l’as-
sociation clindamycine-fixime ou li-
nézolide-céfixime ou lévofloxacine.
La durée du traitement n’est pas encore
bien fixée. Il y a un consensus pour pro-
poser de traiter encore sept jours après
guérison clinique.
Dans les formes sévères, il est recom-
mandé demblée une antibiothérapie
parentérale par céfotaxime ou cef-
triaxone.
Dans les formes compliquées, le traite-
ment peut être ambulatoire, avec de
fortes doses de l’association amoxicilli-
ne-acide clavulanique, si l’œil s’ouvre au
moins de moitié et que l’enfant peut être
revu tous les jours jusqu’à guérison cli-
nique. Dans tous les autres cas, il est re-
commandé une hospitalisation pour an-
tibiothérapie parentérale par vancomy-
cine, ceftriaxone et tronidazole ou
ampicilline-sulbactam ou pipéracilline-
tazobactam.
LES TRAITEMENTS
ADJUVANTS
Il n’y a que deux essais cliniques chez
l’enfant qui ont étudié l’efficacité des
corticoïdes intranasaux. L’effet est mo-
deste (Barlan 1997, Yilmaz 2000).
Une étude chez l’enfant a montré l’inté-
rêt des lavages de nez (pas des simples
nébulisations) (Wang 2009).
Il n’y a aucune donnée sur les vasocons-
tricteurs oraux ou nasaux, les antihista-
miniques, les mucolytiques.
SINUSITES RÉCIDIVANTES
Il y a un consensus pour parler de sinu-
site récidivante si l’enfant fait au moins
4 épisodes par an, chacun durant moins
de 30 jours, avec un intervalle libre d’au
moins 10 jours entre 2 épisodes. Il est
alors recommandé de rechercher une
cause favorisante sur laquelle on peut
agir médicalement (reflux gastro-œso-
phagien, allergie respiratoire) ou chi-
rurgicalement, comme certaines ano-
malies anatomiques diagnostiquées sur
le TDM. En l’absence de cause favori-
sante, la recommandation est de vacci-
ner ces enfants tous les ans contre la
grippe et de les vacciner contre le pneu-
mocoque. Une antibiothérapie prophy-
lactique prolongée peut être envisagée
pendant la saison hivernale.
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COMMENTAIRES
Ce qui est très nouveau par rapport aux
recommandations de l’AAP de 2001 et
par rapport aux recommandations de la
Société de pathologie infectieuse de
langue fraaise et de la Société fran-
çaise d’ORL de 2011, c’est la prise en
compte pour le diagnostic de sinusite
d’une aggravation secondaire après un
début damélioration des symptômes
d’une rhinopharyngite aiguë. L’associa-
tion fièvre et rhinorrhée est fréquente
chez l’enfant, et correspond le plus sou-
vent à une rhinopharyngite aiguë virale.
Dans ce cas, la rhinorrhée est au départ
claire et fluide, puis devient plus vis-
queuse et éventuellement purulente
(épaisse, colorée et opaque). Elle rede-
vient ensuite claire avant de disparaître,
le tout sur quelques jours. La rhinorrhée
s’accompagne d’obstruction nasale et de
toux. La fvre est présente au début,
avec des signes d’accompagnement tels
que céphalées et myalgies et ne dure
quun à deux jours. La durée totale
d’évolution d’une rhinopharyngite non
compliquée est de cinq à sept jours. La
réapparition de la fièvre au quatrième
ou cinquième jour ou l’exacerbation de
la toux dans ce délai doivent faire envi-
sager le diagnostic de sinusite, sans at-
tendre dix jours comme le préconisaient
les recommandations précédentes de
lAAP et les recommandations fran-
çaises actuelles.
Par ailleurs, les Américains introduisent
un délai de trois jours pour le diagnostic
des formes sévères, pour différencier les
formes sévères de rhinosinusite des
formes sévères de rhinopharyngite type
« grippe » (sans test rapide pour prouver
la responsabilité de tel ou tel virus),
la fièvre ne dure en principe que deux
jours et la rhinorrhée purulente si el-
le existe n’appart pas d’emblée mais
au bout de quelques jours. Cela nest
pas valable pour les formes extériori-
sées avec œdème périorbitaire, ni pour
les formes avec complications endocrâ-
niennes, où on ne saurait attendre trois
jours avant d’initier le traitement anti-
biotique idoine !
Ces recommandations insistent sur l’inu -
tilité de l’imagerie pour identifier les en-
fants qui relèvent d’une antibiothérapie.
Elles recommandent en première inten-
tion un TDM pour la recherche de com-
plications intraorbitaires ou intracrâ-
niennes suspectées à l’examen clinique.
Et, nouveau par rapport aux recom-
mandations de l’AAP de 2001 [2] et de la
Société française de radiologie de 2009
[3], elles actent le fait que le TDM peut
être pris en défaut et qu’en cas de discor-
dance entre la clinique et le TDM, il faut
compléter par une IRM avec injection de
produit de contraste.
En ce qui concerne le traitement, on no-
te un petit recul de l’antibiotrapie,
puisqu’il est envisageable, lorsque les
symptômes sont légers, de se donner un
lai d’observation de trois jours. Les
doses damoxicilline recommandées
(45 mg/kg/j) sont inférieures à celles
des recommandations françaises (80-
90 mg/kg/j) [4], mais avec de nom-
breuses exceptions. Par ailleurs, il est
clairement dit qu’il est licite de traiter
en ambulatoire une ethmoïdite aiguë
extériorisée si l’œdème n’empêche pas
l’enfant d’ouvrir son œil à moitet si
les parents peuvent ramener l’enfant le
lendemain.
Le vrai problème est qu’il n’existe aucune
étude épidémiologique récente sur la
bactériologie des sinusites aiguës de l’en-
fant. Les deux études citées sont celles
d’Ellen Wald et al. de 1981 et 1984. Cela
tient au fait que les ponctions de sinus
sont très rares, car elles nécessitent une
anesthésie générale chez l’enfant. Les in-
dications des ponctions de sinus sont ac-
tuellementservées aux formes les plus
graves, dont la bactériologie est proba-
blement différente de celle des formes
légères. Il est montque le prélèvement
endonasal et le prélèvement dans le pha-
rynx ne préjugent en rien de ce qui se
passe dans les sinus. Par ailleurs, le pré-
lèvement au méat moyen est en pratique
impossible chez le jeune enfant du fait
de l’étroitesse de ses fosses nasales.
En conclusion, une meilleure analyse des
données cliniques, la prise en compte
non pas seulement de l’existence d’un
symptôme mais aussi de son intensité, et
le dialogue avec la famille permettent
d’optimiser la prise en charge des enfants
qui ont une sinusite bactérienne aiguë,
de cibler les indications de l’antibiothéra-
pie, de duire les demandes d’examens
inutiles et les jours hospitaliers.
Références
[1] WALD E.R., APPLEGATE K.E., BORDLEY C., DARROW D.H.,
GLODE M.P. et al. : « Clinical practice guideline for the diagnosis
and management of acute bacterial sinusitis in children aged 1
to 18 years », Pediatrics, 2013 ; 132 : e262-80.
[2] AMERICAN ACADEMY OF PEDIATRICS, SUBCOMMITTEE
ON MANAGEMENT OF SINUSITIS AND COMMITTEE ON
QUALITY IMPROVEMENT : « Clinical practice guideline : mana-
gement of sinusitis », Pediatrics, 2001 ; 108 : 798-808.
[3] SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOLOGIE, SOCIÉTÉ FRANÇAI-
SE DE BIOPHYSIQUE ET DE MÉDECINE NUCLÉAIRE : « Guide
du bon usage des examens dimagerie médicale », 2009,
www.sfrnet.org.
[4] SFORL : « Recommandations pour la pratique clinique. Anti-
biothérapie des infections des voies aériennes supérieures de
l’adulte et de l’enfant », www.orlfrance.org.
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