CURRICULUM Forum Med Suisse No36 3 septembre 2003 845
l’eau au moulin de ceux qui mettent en doute
l’efficacité des antibiotiques en cas de rhino-
sinusite aiguë. Ceci dit, il est très important de
souligner qu’une sinusite bactérienne aiguë
prouvée expose les patients à des complications
très rares mais graves tel que l’abcès cérébral
ou la méningite. Le but idéal de l’examen cli-
nique et des éventuelles investigations serait
donc de détecter les patients qui pourraient
effectivement développer ces complications et
donc bénéficier d’un traitement antibiotique
précoce. L’usage abusif des antibiotiques per-
met probablement de prévenir ces complica-
tions graves mais au prix d’un nombre énorme
de patients traités pour une infection virale.
Avec l’émergence de bactéries résistantes,
s’agit-il du prix à payer pour prévenir des com-
plications graves? La question reste sans ré-
ponse à ce jour.
Il n’y a donc pas de recommandations possibles
basées sur la preuve si l’on considère la littéra-
ture. Les recommandations de comités d’ex-
perts se basent sur un ensemble d’éléments
convergents et non pas sur des preuves validées
dans le cadre d’études cliniques [4, 12]. Afin
d’éviter des complications graves le traitement
antibiotique est indiqué chez les patients pré-
sentant 4 ou 5 signes cliniques considérés
comme majeurs (tableau 2). Un traitement
antibiotique sera aussi considéré chez des
patients qui ont des symptômes persistants de
plus de 7 jours accompagnés d’au moins
2 ou 3 signes cliniques majeurs. Cette dernière
recommandation ne s’applique évidemment
pas au personnes souffrant de rhinosinusite
chronique.
Quelle doit être la durée
du traitement antibiotique?
Pour des raisons historiques, la durée préconi-
sée du traitement antibiotique lors d’une sinu-
site est de 10 jours. Ces dernières années, de
multiples études ont montré que le taux de gué-
rison et la résolution des symptômes étaient
tout à fait comparables lorsque le traitement
était plus court, de l’ordre de 5 ou 7 jours. Ceci
a été démontré avec des antibiotiques de la fa-
mille des macrolides, des céphalosporines ou
des dérivés des pénicillines. Il est donc tout à
fait raisonnable, lors d’un premier traitement
d’une sinusite aiguë, d’envisager un traitement
court de l’ordre de 5 à 7 jours si l’évolution est
rapidement favorable. Il n’y a pas de preuve
qu’un traitement plus long préviendra le déve-
loppement d’une sinusite chronique. En terme
de risque de sélection de germes résistants, il
est aussi préférable d’utiliser des traitements
courts, bien dosés et ciblés, plutôt que des trai-
tements longs, à doses plus faibles et à spectres
élargis, condition idéale pour favoriser l’émer-
gence de germes résistants. Le choix de l’anti-
biotique doit tenir compte de l’épidémiologie
locale. En Suisse, Streptococcus pneumoniae,
Haemophilus influenzae et Moraxella catar-
rhalis restent sensibles à des dérivés des ami-
nopénicilline tel que l’amoxicilline dans envi-
ron 80% des cas. Dans certaines régions, 15 à
20% des Streptococcus pneumoniae sont par-
tiellement résistants à la pénicilline (résistance
intermédiaire). Si des dérivés de la pénicilline
ou des céphalosporines sont utilisés à hautes
doses permettant de surmonter cette résistance
qui est relative, il n’y a en général pas
de répercussion clinique. Environ 15% des
Haemophilus influenzae en suisse romande sé-
crètent des bêtalactamases et sont donc résis-
tants à l’amoxicilline et c’est aussi; le cas pour
l’immense majorité des Moraxella catarrhalis.
Une association avec l’acide clavulanique est
indispensable pour assurer un effet optimal
contre ce type de germes. Finalement la résis-
tance aux macrolides est de l’ordre de 20 à 30%
pour le pneumocoque. Cette résistance ne peut
pas être surmontée par un dosage élevé de ma-
crolides et nécessite d’utiliser d’autres classes
d’antibiotiques lorsqu’elle est présente.
En résumé, un traitement d’amoxicilline, 3 ou
4 fois par jour, à dose adaptée au poids prescrit
pour 7 jours, doit permettre de guérir la plupart
des sinusites aiguës à pneumocoque. En pré-
sence de germes sécrétant des bêtalactamases
une combinaison avec l’acide clavulanique est
à préférer. Des céphalosporines, très fréquem-
ment utilisées, ont certains avantages permet-
tant une prescription 2 fois par jour et sont
efficaces contre les germes producteur de bêta-
lactamases. Cependant, ces antibiotiques ont
un spectre large qui n’est pas absolument
nécessaire dans cette situation. En cas de non
réponse au traitement, tout praticien doit envi-
sager de récolter des sécrétions nasopharyn-
gées dans le but d’identifier un germe résistant,
par exemple un pneumocoque résistant à la pé-
nicilline. En cas de résistance clinique et micro-
biologique, les alternatives résident dans
l’usage de céphalosporines à haute doses ou de
quinolones «respiratoires», voire de macro-
lides si ceux-ci restent efficaces (car les résis-
tances croisées avec les pénicillines sont fré-
quentes). Il est important de souligner que les
quinolones «respiratoires» (levofloxacine ou
moxifloxacine par exemple) ne devraient être
utilisées qu’en seconde intention (germes mul-
tirésistants ou allergies multiples) afin de pré-
server l’émergence de pneumocoques résis-
tants, aux quinolones.