À propos des biosimilaires : cadre réglementaire et conditions d’utilisation P

La Lettre du Pharmacologue - vol. 22 - n° 3 - juillet-août-septembre 2008
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À propos des biosimilaires :
cadre réglementaire et conditions d’utilisation
Jean-Louis Prugnaud*
En raison de la spécifi cité de ces produits, obtenus par la techno-
logie de l’ADN recombinant consistant à insérer des séquences de
gènes naturels ou intentionnellement modifi és dans un système
hôte approprié afi n de lui faire exprimer le produit génétique
d’intérêt, les autorités européennes d’enregistrement ont publié
des directives et des recommandations précisant la défi nition
de ces nouvelles entités et le contenu du dossier à produire
pour obtenir l’AMM. La copie est appelée médicament biolo-
gique similaire à un médicament biologique de référence, et
plus couramment “biosimilaire”. Ces médicaments diff èrent
des médicaments génériques.
DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE AU MÉDICAMENT
BIOSIMILAIRE
Les nouveaux textes européens (1) marquent une évolution
signifi cative par rapport aux directives précédentes de l’Eu-
ropean Medicine Agency (EMEA) concernant les copies des
produits princeps.
La directive 2004/27/EC, amendement des directives de 2001,
défi nit les produits biosimilaires et leur donne un statut régle-
mentaire diff érent de celui des génériques (2).
Une spécialité générique d’une spécialité de référence y est
défi nie comme “celle qui a la même composition qualitative et
quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique
et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est
démontrée par des études de biodisponibilité appropriées”.
Selon le même texte, est un médicament biologique similaire
“tout médicament biologique de même composition qualitative
et quantitative en substance active et de même forme pharma-
ceutique qu’un médicament biologique de référence mais qui ne
remplit pas les conditions prévues […] pour être regardé comme
une spécialité générique en raison de diff érences liées notam-
ment à la variabilité de la matière première ou aux procédés
de fabrication et nécessitant que soient produites des données
précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions
déterminées par voie réglementaire”.
La disposition la plus remarquable de ce texte est l’obligation
faite de démontrer la similarité des médicaments biosimilaires
avec le produit princeps par de nouveaux essais précliniques
et cliniques.
Par ailleurs, si un médicament biosimilaire a plus d’une indication,
la démonstration de sa sécurité et de son effi cacité doit être faite,
si nécessaire, pour chacune des indications revendiquées. Cette
* Service de pharmacie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
RÉSUMÉ
La directive 2004/27/EC publiée par les instances réglemen-
taires européennes précise les conditions qu’un médicament
biosimilaire, dont la structure est la plus proche possible de
celle d’un médicament biologique princeps déjà commer-
cialisé, doit remplir pour obtenir son autorisation de mise
sur le marché. Cette réglementation spéci que di ère sur
plus d’un point de celle appliquée aux produits génériques
classiques. D’autres conditions que la seule démonstration
d’une bioéquivalence sont à remplir pour qu’une interchan-
geabilité thérapeutique prudente, c’est-à-dire sans risque
pour le patient et fondée sur une prescription médicale,
puisse être envisagée.
Mots-clés : Biosimilaire – Générique – Enregistrement –
Similarité – Interchangeabilité.
Summary. The directive 2004/27/EC published by the Eu-
ropean Parliament stipulates the marketing authorization
requirements for a biosimilar medicinal product, whose
structure is as near as possible to one of a marketed biologi-
cal drug. This directive di ers in more than one way from the
other one governing conventional generic drugs. Besides the
demonstration of bioequivalence, further safety conditions
have to be ful lled before product interchangeability can be
envisaged without risk for the patient and based on a medi-
cal prescription .
Keywords: Biosimilar – Generic – Registration – Similarity –
Interchangeability.
U
ne vingtaine d’années après l’autorisation de mise sur le
marché (AMM) des premiers médicaments issus de la
biotechnologie, l’extinction des brevets protégeant ces
produits innovants crée une situation nouvelle : il est possible
pour les fi rmes ayant les compétences technologiques adaptées
de développer des copies des produits princeps et d’en demander
l’enregistrement à des fi ns de commercialisation.
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obligation de démontrer une sécurité et une effi cacité identiques
nest pas forcément imposée pour les médicaments génériques
classiques, dont l’équivalence est considérée comme acquise dès
lors que la copie a la même biodisponibilité que l’original.
Il est donc clair que le législateur a voulu faire des médica-
ments biosimilaires une catégorie distincte des médicaments
génériques. Cette diff érence de statut est liée à la nature même
du produit thérapeutique et au risque de modifi cations dues à
des altérations mineures, diffi ciles à détecter, des nombreuses
étapes du procédé de production.
À MOLÉCULE COMPLEXE,
PROCÉDÉ DE PRODUCTION COMPLEXE
Di érences dans la structure de la protéine
en fonction de la cellule de production
Les médicaments biotechnologiques sont souvent des protéines
dont la structure moléculaire complexe tertiaire se replie sur
elle-même. Sur le squelette de la molécule peuvent être fies
des chaînes complémentaires d’hydrates de carbone, éven-
tuellement nécessaires à l’activité pharmacologique. Toutes
les cellules de production nont pas l’équipement enzymatique
pour fabriquer et fi xer les chaînes glycosylées. Ainsi, en fonction
du type cellulaire de production, il peut y avoir des variations
de la protéine obtenue.
Certains produits commercialisés, tels les facteurs de croissance
hématopoïétiques, présentent, pour un même type moléculaire,
des diff érences de glycosylation en fonction de la cellule de
production. Le premier G-CSF (granulocyte colony-stimulating
factor C) mis sur le marché est produit par Escherichia coli. Il
nest pas glycosylé. Un autre G-CSF commercialisé est produit
par des cellules ovariennes de hamster. Il est glycosylé. Leur
activité pharmacologique est identique mais leur pharmaco-
cinétique est diff érente.
Produits dérivés et impuretés
La production industrielle des médicaments issus des biotechno-
logies s’appuie sur des banques cellulaires, véritables collections
de clones de cellules, ce qui garantit, entre autres, la reproducti-
bilité du procédé. La production de la protéine voulue est faite au
sein de bioréacteurs dans des milieux de culture appropriés, dont
la protéine brute est ensuite extraite. Plusieurs étapes supplé-
mentaires permettent d’obtenir cette dernière, qui sera le plus
souvent purifi ée sur des systèmes de chromato graphie permet-
tant d’éliminer les impuretés indésirables. Ensuite, le produit
purifi é est mis sous forme pharmaceutique puis conditionné
pour être délivré comme médicament.
Pour des raisons liées aux conditions de culture et à la géométrie
des bioréacteurs, les cellules productrices natteignent pas simul-
tanément le même stade de production. On obtient donc, après
l’arrêt de cette étape, des protéines plus ou moins complètes,
parmi lesquelles les “variants ou produits dérivés” sont théori-
quement éliminés lors des étapes de purifi cation ultérieures. Il
convient déliminer aussi les protéines ou les acides nucléiques
de la cellule hôte, autres impuretés. La réglementation stipule
que leurs taux doivent être le plus bas possible, certaines de ces
impuretés pouvant être immunogènes. Or elles aff ectent autant
les produits biosimilaires que les produits princeps et ne sont
jamais identiques, car tant la cellule productrice que le procédé
de production sont diff érents d’un produit à l’autre.
Les variations s’observent d’un produit à l’autre, d’un fabricant à
l’autre. Même quand elles sont mineures, elles peuvent modifi er
l’activité, la pharmacocinétique ou la pharmacodynamique des
molécules produites. Cest pourquoi la réglementation exige que
les produits biosimilaires fassent la preuve de leur similarité,
non seulement en termes de qualité (3-8), mais aussi en termes
de sécurité et d’effi cacité (5) pour obtenir leur AMM. En eff et,
les résultats des tests physico-chimiques concernant la qualité
ne permettent pas toujours de bien discriminer les variants
susceptibles de modifi er le produit testé. Les tests biologiques
sont parfois imprécis : ils ne mesurent pas toutes les activités et
peuvent donc ne pas détecter une activité cliniquement impor-
tante. L’intérêt des études comparatives pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques eff ectuées chez l’animal peut être limité
en raison des particularités de chaque espèce (affi nité pour les
récepteurs, clairance). Il est donc nécessaire d’eff ectuer des essais
cliniques pour évaluer l’effi cacité et la sécurité d’un biosimilaire.
Ces essais doivent être construits suivant des guidelines scien-
tifi ques édictées par l’EMEA, qui évaluera rigoureusement les
résultats via une procédure centralisée. Lavis favorable de l’EMEA
conditionne l’AMM octroyée par la Commission européenne.
COMMENT ÉVALUER LA SIMILARITÉ DES BIO-
SIMILAIRES AU PLAN EFFICACITÉ ET SÉCURITÉ ?
E cacité
La seule bioéquivalence – mesurée par la biodisponibilité –
demandée pour les génériques est nécessaire mais non suffi sante
pour évaluer l’effi cacité des biosimilaires. Cest pourquoi des
études cliniques complémentaires comparant le biosimilaire
au produit de référence sont exigées par la réglementation. Des
recommandations spécifi ques (9-12) ont été élaborées pour
guider les fi rmes devant réaliser ces études. Cinq textes sont
actuellement disponibles, qui concernent l’insuline, l’hormone
de croissance, l’érythropoïétine, le G-CSF et les héparines de
bas poids moléculaire (HBPM). Notons que les biosimilaires ne
concernent pas que les protéines obtenues par la technologie
de l’ADN recombinant, mais tout produit biologique dès lors
que des exigences particulières s’imposent pour son obtention
et pour montrer sa similarité avec un produit de référence.
Sécurité d’emploi
Des essais cliniques comparant biosimilaires et produits de
référence sont là aussi nécessaires. Déterminer les eff ectifs et la
durée d’observation requis dans ces essais de comparabilité pour
affi rmer la sécurité d’emploi du produit biosimilaire représente
un problème dont la résolution requiert une réfl exion commune
entre les fabricants et les autorités d’enregistrement. Ces études
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sont toujours complétées par des études précliniques évaluant
la toxicité à dose répétée et la tolérance locale, si nécessaire.
Immunogénicité
La démonstration de l’absence d’immunogénicité est un élément
essentiel des demandes d’approbation des produits biosimilaires.
Cette exigence nest pas requise pour les produits génériques.
Les protéines peuvent en eff et induire des réactions immuno-
logiques entraînant la formation d’anticorps. S’il s’agit d’anti-
corps neutralisants, l’effi cacité du produit est compromise. S’ils
ne sont pas neutralisants, ces anticorps peuvent entraîner des
problèmes majeurs de tolérance.
L’immunogénicité des protéines complexes issues des biotechnolo-
gies dépend de la nature de la substance active, de la présence d’im-
puretés, de la composition et nature des excipients, de la stabilité
du produit, ainsi que de la voie et du rythme d’administration. Elle
dépend également de la population cible et de la pathologie.
Tout cela explique que les éléments à inclure dans la partie
préclinique et clinique des dossiers d’enregistrement des produits
biosimilaires soient l’objet de négociations au cas par cas avec
les autorités européennes, en complément des recommanda-
tions publiées.
LA SUBSTITUTION EST-ELLE POSSIBLE POUR UN
BIOSIMILAIRE ?
Dans quelles conditions la substitution d’un biosimilaire à un
produit princeps sera-t-elle possible ? La nature et la complexité
de leurs systèmes de production font que produits biosimilaires et
produits princeps ne seront jamais identiques. Avec un profi l d’effi -
cacité identique, ils peuvent avoir un profi l de sécurité diff érent.
La substitution à laquelle on peut procéder avec les génériques
ne peut en aucun cas être eff ectuée aussi directement avec les
produits biologiques similaires. Une des raisons fondamen-
tales empêchant cette substitution est la nécessité de surveiller
l’immunogénicité et la tolérance des biosimilaires après leur
commercialisation. Lexpérience a montré qu’un suivi de pharma-
covigilance classique ne permet pas toujours un suivi satisfaisant
de l’immunogénicité de ces produits. Les produits biologiques
similaires ne peuvent pas être inscrits dans un groupe du réper-
toire des génériques (13). De fait, leur substitution par le phar-
macien d’offi cine nest pas possible.
Est-il possible d’obtenir une interchangeabilité optimale des
biosimilaires et des produits princeps qui ne fasse pas courir
de risque majeur aux patients ?
Pour ce faire, plusieurs questions devront être résolues :
La prescription de produits biosimilaires doit-elle être
réservée aux médecins hospitaliers ?
Comment éviter le “nomadisme” entre les produits, lié par
exemple aux changements des approvisionnements hospitaliers ?
Comment assurer la nécessaire traçabilité des produits et
corriger les insuffi sances fl agrantes dans ce domaine afi n de
pouvoir imputer les problèmes éventuels d’immunogénicité
au produit responsable ?
La seule mention de la dénomination commune internatio-
nale lors de la prescription est-elle compatible avec la traçabilité
des produits ?
Finalement, que doit comporter le résumé des caractéris-
tiques d’un produit biosimilaire, en plus de la mention de celles
du princeps, concernant son utilisation et la possibilité d’inter-
changeabilité ?
Ces questions trouvent en partie leurs réponses dans le plan
de gestion de risque élaboré au niveau européen et déjà
demandé pour les AMM délivrées aux nouveaux médicaments
bio similaires. En complément, une traçabilité doit être instaurée
à la fois pour les médicaments biologiques princeps et pour les
biosimilaires. Traçabilité et plan de gestion des risques sont les
conditions indispensables, mais non suffi santes, d’une interchan-
geabilité thérapeutique prudente, dont le prescripteur devra être
parfaitement informé s’il nen est pas l’initiateur.
La substitution thérapeutique d’un médicament biosimilaire est
un acte médical prenant en compte, notamment, le risque immu-
nogène. Il conviendra également, pour chaque patient, d’évaluer
la nécessité d’un ajustement des doses et de tenir compte de son
exposition éventuelle à d’autres thérapeutiques biologiques.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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technology-derived proteins as active substance: non-clinical and clinical issues.
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technology-derived proteins as active substance: non-clinical and clinical issues.
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modifi ant le code de la santé publique (CSP) Article L5121-1 (15°) - Article.
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