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La prise en charge psychosociale a pour fonction de faire ressentir les enjeux concrets et immédiats de la démarche de soins, dans une stratégie d’al-
liance avec le patient. Ce travail de lien se fait sur la durée. L’approche psychosociale doit permettre un diagnostic et une prise en charge précoces
de la maladie alcoolique.
Dans cette “maladie de la relation”, l’intervention, pivot de la prise en charge, se focalise sur la qualité des liens entre le patient et le travailleur
social, fondée sur la confiance et le respect mutuel, l’écoute et le non-jugement ; entre l’alcoolodépendant et la réalité sociale et institutionnelle, réa-
lité rejetante et rejetée par l’alcoolique. Il s’agit de reconnaître à la personne en cours de soins (ou non) sa capacité à se prendre en charge et ainsi lui
restituer sa dignité.
L’alcoolodépendance est une maladie particulière à dimension bio-psychosociale. De ce fait, les dispositifs de prise en charge intègrent :
•les soins médicaux, qui sont assurés par les professions médicales et soignantes ;
•l’écoute et le travail sur soi par des psychiatres et des psychologues ;
•la réinsertion dans une réalité sociale, professionnelle et familiale ainsi que l’accès aux soins par le travailleur social.
L’individu est considéré comme un sujet à part entière et non pas seulement comme le “porteur” d’une pathologie. L’action fait suite à une évaluation globale
interdisciplinaire tenant compte de tous les facteurs contribuant à la santé. Dès cette évaluation initiale, l’organisation des services est centrée sur le patient.
Au cours des premiers entretiens, une relation de confiance doit s’établir avec lui, fondée sur un dialogue véritable n’excluant pas l’alcool. Cela paraît
possible une fois que les représentations personnelles de la maladie alcoolique et du malade alcoolique sont clarifiées. Il est difficile de changer les
mentalités et l’attitude morale stigmatisant les alcooliques dans une population soignante, par delà même une connaissance scientifique poussée de
l’alcoolodépendance (1). “Le travailleur social (et pas seulement lui…) juge trop souvent le malade comme passif, immature, se laissant aller, peu
intelligent, indécis, inconstant. Lorsque les prises en charge se soldent par un échec, cela alimente une idéologie qui justifie l’échec en l’attribuant à
la personnalité de l’usager (2)”.
Les trois axes majeurs seront : citoyenneté, sens et temps. Cette approche permettra d’accompagner globalement le patient en le plaçant au premier
plan de son passé et de son devenir. En une phrase : “Distanciation et temps pour réfléchir, reconstruire une démarche facilitatrice pour les sujets qui
vont reconstruire avec moi.”
Notion fréquemment abordée en santé communautaire et en santé publique, qui considère le patient en citoyen, avec lequel il faut travailler son sens
critique pour susciter chez lui l’envie d’être autonome afin qu’il “investisse” sa maladie (en fréquentant un mouvement d’anciens buveurs, par
exemple). Le respect de cette notion implique que ce soit à partir des besoins ressentis par le patient que l’on mette en œuvre les soins.
L’usager est le maître d’œuvre du projet établi à son intention, le premier partenaire de son projet social. Agir sur le sens permet d’envisager avec l’in-
dividu son devenir en tant que sujet, puis acteur de sa santé de manière responsable, en le réhabilitant dans cette capacité. Le sens est un enjeu dans
la prise en charge de l’alcoolodépendance : s’agit-il, seulement, comme il est convenu de le poser aujourd’hui dans un système pourtant “désinté-
grant”, d’être rentable et productif ? Au travailleur social de rester lucide et conscient pour offrir au patient la capacité de se saisir des moyens de “res-
ter dans” la société tout en interrogeant les processus psychoaffectifs et psychosociaux.
Une logique de temps différente s’impose lorsque l’on accompagne et prend en charge un patient. Clé de fonctionnement à questionner : élaboration
de solution de vie avant le sevrage.
Le facteur temps est indissociable de la maladie : la mise à distance de l’alcool est difficile et longue, émaillée de réalcoolisations, nécessitant d’ins-
crire le changement dans un projet de réinsertion à long terme. Temps social et temps de la maladie diffèrent (3) :
•le temps sous alcool : c’est le temps devant faire l’objet du travail de deuil, deuil de l’alcool, deuil de soi sous alcool. Temps nécessaire dans la dyna-
mique de reconstruction ;
•le temps sans alcool : tourné encore vers le passé, sur la base d’un présent fragile et dominé essentiellement par le manque, le vide. Temps des
moments difficiles ;
•le temps hors alcool : tourné vers l’avenir, sur la base d’un présent plus solide et ouvrant sur le monde et la vie. Quelle sera demain la manière de
fonctionner sans ce produit ?
Ils caractérisent psychologiquement la prise de conscience et de distance avec l’alcool. Le patient évolue “dans ces stades” grâce à une écoute bien-
veillante, au non-jugement et à la confiance. Ils permettent de le situer dans l’évolution de sa maladie (3). On peut accompagner le patient tout au
long de ces stades en utilisant l’entretien motivationnel.
1er stade : c’est celui du déni. Le sujet adopte différents subterfuges pour montrer et démontrer qu’il boit normalement. Le déni et la dénégation ne
sont pas le propre des alcooliques, comme on tend souvent à la faire croire. Ce sont des mécanismes assez ordinaires, pouvant cohabiter avec grande
sincérité.
2estade : c’est celui de la culpabilité, de l’angoisse et de la faiblesse telles que le malade cherchera même à se faire rejeter.
N° 19
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