Quand se décide l’isolement
L
es UMD sont des services hos-
pitaliers psychiatriques spé-
deux arrêtés préfectoraux, l’un
du préfet du département d’ori-
gine du patient et l’autre du pré-
fet du département de l’UMD où
sera accueilli le patient ;
une biographie détaillée repre-
nant les éléments et les événe-
ments importants concernant le
patient, ainsi que, si possible, son
génogramme ;
un engagement signé par le pré-
fet du département d’origine de
reprendre en charge, dans un dé-
lai de vingt jours, la personne
ayant fait l’objet d’un arrêté de
sortie de l’unité, ainsi que les ren-
seignements concernant les me-
sures de protection des biens des
patients.
Trois situations juridiques
àarticuler
Les malades mentaux présentant
un état dangereux majeur, et
admis en UMD peuvent se trou-
ver dans trois situations juri-
diques différentes, impliquant
bien évidemment trois législa-
tions distinctes.
1/ Selon la loi du 27 juin 1990,
(loi du 30 juin1938 au moment
de l’arrêté du 14 octobre 1986),
le placement d’office est requis
pour les malades mentaux dan-
gereux. Lorsque ceux-ci ont des
troubles du comportement de na-
ture agressive tels que les soins ne
sont plus possibles en service de
psychiatrie ordinaire, le transfert
en UMD est proposé.
2/ En application de l’article
122-1 du nouveau Code pénal
(l’article 64 de l’ancien Code pé-
nal), toute personne bénéficiant,
pour démence au moment des
faits, d’une ordonnance de non-
lieu rendue par le juge d’instruc-
tion ou d’une décision de relaxe
ou d’acquittement prononcée par
la juridiction de jugement, est
placée d’office en service de psy-
chiatrie ou transférée directement
du lieu d’incarcération à l’UMD.
Cet article stipule : “N’est pas res-
ponsable pénalement la personne
qui était atteinte, au moment des
faits, de troubles psychiques ou
neuropsychiques ayant aboli son
discernement ou le contrôle de
ses actes”.
3/ Selon l’article D398 du Code
de procédure pénale, les préve-
nus ou condamnés, responsables
pénalement, qui présentent des
troubles mentaux en cours d’in-
carcération, sont transférés en ser-
vice de psychiatrie, parfois direc-
tement en UMD, car cet article
stipule que : “Les détenus en état
d’aliénation mentale ne peuvent
être maintenus dans un établis-
sement pénitentiaire”.
Modalités de sortie
Malgré des situations juridiques
différentes, les modalités de sor-
tie de tout patient d’UMD sont
définies elles aussi par l’arrêté
du 14 octobre 1986 qui prévoit
quatre modalités théoriques de
sortie. Elles sont abordées à
l’article 15 : “la sortie du patient
hospitalisé dans l’unité pour ma-
lades difficiles peut être pronon-
cée sous forme” :
1/ de sortie immédiate et défi-
nitive ;
2/ de sortie d’essai dans les condi-
tions prévues par la circulaire 47b
du 4 juin 1957 ;
3/ de transfert dans une unité de
soins relevant d’un secteur psy-
chiatrique rattaché à un établis-
sement assurant le service public
hospitalier ;
4/ de retour dans le service d’ori-
gine du patient.
C’est la Commission du suivi mé-
dical (CSM), composée de quatre
membres nommés par le préfet
du département d’implantation,
qui prononce les sorties ou
Les Unités pour malades difficiles (UMD) s’intègrent à part en-
tière dans le dispositif de la psychiatrie publique, mais sont peu,
voire pas connues des professionnels de santé.
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Unités pour malades difficiles
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No35 - mars 2002
cialisés dans le traitement des ma-
lades mentaux réputés extrême-
ment dangereux et ceux ayant
commis des actes médico-légaux.
Le fonctionnement des UMD ré-
sulte de l’arrêté du 14 octobre
1986 (1) relatif au règlement in-
térieur type de ces UMD.
Le malade difficile
Le malade difficile y est défini
par deux critères qui doivent
coexister et conditionnent son
admission.
Il doit relever de la procédure
de l’hospitalisation d’office, c’est-
à-dire présenter des “troubles
mentaux compromettant l’ordre
public ou la sûreté des per-
sonnes”, selon l’article L342 du
Code de la santé publique tel qu’il
découle de la loi du 27 juin 1990.
Le deuxième critère est “un état
dangereux majeur, certain ou im-
minent” et “présenter pour autrui
un danger tel qu’il nécessite des
protocoles thérapeutiques inten-
sifs adaptés et des mesures de sû-
reté particulières, mises en œuvre
dans une unité spécialement or-
ganisée à cet effet”.
Les modalités d’admission en
UMD résultent réglementaire-
ment des articles 12,13 et 14 de
l’arrêté du 14 octobre 1986. L’ar-
ticle 12 précise que la décision
d’admission en UMD est prise
par le préfet du département
d’implantation de l’unité, après
avis du médecin psychiatre de
l’UMD, et au vu d’un dossier mé-
dical et administratif compre-
nant notamment :
un certificat médical détaillé
précisant les motifs de la de-
mande d’hospitalisation du pa-
tient à l’UMD ;
le maintien en UMD. Régu-
lièrement, c’est un retour dans le
service d’origine du patient qui
est décidé par la CSM.
De l’isolement d’un patient
àun positionnement éthique
Concernant l’hospitalisation, l’ar-
rêté du 14 octobre 1986 ne fait
pas expressément mention des
conditions de séjour en UMD ou
des soins qui doivent y être pro-
digués, mais ils sont extrapo-
lables à partir de la définition du
malade difficile qu’en donne l’ar-
ticle premier : “... Ils nécessitent
des protocoles thérapeutiques in-
tensifs adaptés et des mesures de
sûreté particulières...”. Les me-
sures de sûreté et de sécurité font
partie intégrante du processus
thérapeutique.
Les soins en UMD ont pour fina-
lité d’atténuer, voire de faire dis-
paraître la dangerosité, la violence
des malades mentaux qui y sont
admis. L’UMD de Montfavet dis-
pose pour cela d’un certain
nombre de moyens thérapeu-
tiques, l’isolement y occupant une
place prépondérante. L’utilisation
de l’isolement thérapeutique, en
UMD, représente un processus
de soins complexe, justifié par
une situation clinique initiale qui
demande de poser un cadre “es-
pace clinique-temps”, pour dé-
nouer une situation de violence,
de dangerosité ou d’éclatement
psychique. La procédure com-
prend de nombreux éléments
qui vont de la prescription à l’ac-
compagnement du patient, des
consultations à la délivrance et à
l’exécution des soins réalisés par
les différents professionnels de
l’unité, selon leurs champs de
compétence et de responsabilité.
Un sujet
“séparé de tout côté”
Selon D. Friard (2), l’utilisation
de l’isolement comme moyen de
maîtrise des malades mentaux
agités, violents et dangereux
existe depuis l’origine du traite-
ment de ce type de malades. Dès
l’Antiquité, des écrits font allu-
sion à la nécessité d’exercer un
contrôle physique sur les per-
sonnes agitées.
Le mot “isolement” vient de l’ita-
lien “isolato”, c’est un terme d’ar-
chitecture qui signifie “séparé de
toute chose comme une île l’est
de la terre ferme”. Selon Littré,
dont la définition est reprise par
D. Friard (3), isoler c’est “rendre
comme une île, séparer de tous
côtés” ; au sens figuré, c’est “ôter
à quelqu’un ses relations” et pour-
tant c’est ce que nous voulons tra-
vailler avec le patient. Autrement
dit, tous les patients d’UMD, du
fait de la structure de l’unité de
soins, sont isolés, mais certains,
les agités, les violents et les dan-
gereux, semblent l’être double-
ment, comme si, pour eux,
comme l’indiquaient J.-M. Jamet
et V. Depre (4), l’isolement re-
présentait un enfermement dans
l’enfermement, un enfermement
au carré, séparé de tous côtés.
Mais alors, comment faire pour
que cet enfermement devienne
un lieu thérapeutique, un lieu
d’échanges, d’altération, de chan-
gement et d’amélioration de l’état
du patient ? Aujourd’hui, en
UMD, ce qui motive l’isolement,
c’est, d’une part, l’état clinique du
patient, son agressivité, sa vio-
lence, sa dangerosité, son acte
posé à l’encontre d’un patient, du
personnel ou du cadre institu-
tionnel et, d’autre part, notre ca-
pacité à relier, à lier avec lui une
relation authentique et thérapeu-
tique qui lui permet de gérer sa
propre agressivité, de la contenir,
de la travailler, de la déplacer.
Trois problématiques s’imposent
alors à nous :
celle de type clinique, qui im-
plique de poser l’indication en
fonction de l’état psychique du
patient et des troubles présentés,
ou des actes posés ;
celle de type pratique, qui nous
interroge sur nos procédures
mises en place autour de l’isole-
ment et dans l’évaluation que
nous pouvons en faire, et sur
notre capacité à nouer des liens
avec lui ;
celle de type éthique*, qui in-
terroge sur le respect des libertés
individuelles, le respect du pa-
tient, de l’institution et le respect
du rôle de chacun.
L’institution cadre la relation dans
la mise en isolement du patient
et son accompagnement. Toute
relation suppose le souci de soi,
le souci de l’autre, le souci de
l’institution. Celle-ci doit préser-
ver “le juste”, au sens où le juste
n’est pas “le bon” mais “la règle”,
qui permet non pas d’établir le
bien, toujours difficile à identi-
fier sans retrouver très vite la mo-
rale normative ou le jugement,
mais d’éviter le mal, l’injuste.
Dire d’un patient “il faut l’isoler”
est éminemment une prescrip-
tion de soins questionnante, in-
terrogeante, mais aussi une pres-
cription reconnue, assumée, sous
garantie thérapeutique, si effec-
tivement il y a en équipe une ré-
flexion professionnelle, éthique
vis-à-vis de l’isolement et, bien
évidemment, vis-à-vis de l’inté-
rêt de l’isolement pour ce patient.
Bruno Parra
Cadre de santé, Esquirol C,
UMD de Montfavet,
Centre hospitalier de Montfavet.
BIBLIOGRAPHIE
1. Arrêté du 14 octobre 1986 (paru au Journal
officiel du 23 octobre 1986).
2. Friard D. L’isolement en psychiatrie : séquestra-
tion ou soins ? Éditions hospitalières, coll. “Souf-
france psychique et soins”, Paris, 1998.
3. Ibid.
4. Jamet JM, Depre V. L’accueil en psychiatrie :
aspects juridique, théorique, pratique. Éditions hos-
pitalières, coll. “Souffrance psychique et soins”, Pa-
ris, 1997.
5. Foucault M. Morale et pratique de soi, histoire
de la sexualité, usage des plaisirs. Gallimard, Pa-
ris, 1984, p. 32-39.
6. Ibid.
7. Ricœur P. Soi-même comme un autre, Seuil, coll.
“L’ordre philosophique”, Paris.
* L’aspect éthique sera traité le mois prochain.
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Unités pour malades difficiles
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No35 - mars 2002
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