le maintien en UMD. Régu-
lièrement, c’est un retour dans le
service d’origine du patient qui
est décidé par la CSM.
De l’isolement d’un patient
àun positionnement éthique
Concernant l’hospitalisation, l’ar-
rêté du 14 octobre 1986 ne fait
pas expressément mention des
conditions de séjour en UMD ou
des soins qui doivent y être pro-
digués, mais ils sont extrapo-
lables à partir de la définition du
malade difficile qu’en donne l’ar-
ticle premier : “... Ils nécessitent
des protocoles thérapeutiques in-
tensifs adaptés et des mesures de
sûreté particulières...”. Les me-
sures de sûreté et de sécurité font
partie intégrante du processus
thérapeutique.
Les soins en UMD ont pour fina-
lité d’atténuer, voire de faire dis-
paraître la dangerosité, la violence
des malades mentaux qui y sont
admis. L’UMD de Montfavet dis-
pose pour cela d’un certain
nombre de moyens thérapeu-
tiques, l’isolement y occupant une
place prépondérante. L’utilisation
de l’isolement thérapeutique, en
UMD, représente un processus
de soins complexe, justifié par
une situation clinique initiale qui
demande de poser un cadre “es-
pace clinique-temps”, pour dé-
nouer une situation de violence,
de dangerosité ou d’éclatement
psychique. La procédure com-
prend de nombreux éléments
qui vont de la prescription à l’ac-
compagnement du patient, des
consultations à la délivrance et à
l’exécution des soins réalisés par
les différents professionnels de
l’unité, selon leurs champs de
compétence et de responsabilité.
Un sujet
“séparé de tout côté”
Selon D. Friard (2), l’utilisation
de l’isolement comme moyen de
maîtrise des malades mentaux
agités, violents et dangereux
existe depuis l’origine du traite-
ment de ce type de malades. Dès
l’Antiquité, des écrits font allu-
sion à la nécessité d’exercer un
contrôle physique sur les per-
sonnes agitées.
Le mot “isolement” vient de l’ita-
lien “isolato”, c’est un terme d’ar-
chitecture qui signifie “séparé de
toute chose comme une île l’est
de la terre ferme”. Selon Littré,
dont la définition est reprise par
D. Friard (3), isoler c’est “rendre
comme une île, séparer de tous
côtés” ; au sens figuré, c’est “ôter
à quelqu’un ses relations” et pour-
tant c’est ce que nous voulons tra-
vailler avec le patient. Autrement
dit, tous les patients d’UMD, du
fait de la structure de l’unité de
soins, sont isolés, mais certains,
les agités, les violents et les dan-
gereux, semblent l’être double-
ment, comme si, pour eux,
comme l’indiquaient J.-M. Jamet
et V. Depre (4), l’isolement re-
présentait un enfermement dans
l’enfermement, un enfermement
au carré, séparé de tous côtés.
Mais alors, comment faire pour
que cet enfermement devienne
un lieu thérapeutique, un lieu
d’échanges, d’altération, de chan-
gement et d’amélioration de l’état
du patient ? Aujourd’hui, en
UMD, ce qui motive l’isolement,
c’est, d’une part, l’état clinique du
patient, son agressivité, sa vio-
lence, sa dangerosité, son acte
posé à l’encontre d’un patient, du
personnel ou du cadre institu-
tionnel et, d’autre part, notre ca-
pacité à relier, à lier avec lui une
relation authentique et thérapeu-
tique qui lui permet de gérer sa
propre agressivité, de la contenir,
de la travailler, de la déplacer.
Trois problématiques s’imposent
alors à nous :
–celle de type clinique, qui im-
plique de poser l’indication en
fonction de l’état psychique du
patient et des troubles présentés,
ou des actes posés ;
–celle de type pratique, qui nous
interroge sur nos procédures
mises en place autour de l’isole-
ment et dans l’évaluation que
nous pouvons en faire, et sur
notre capacité à nouer des liens
avec lui ;
–celle de type éthique*, qui in-
terroge sur le respect des libertés
individuelles, le respect du pa-
tient, de l’institution et le respect
du rôle de chacun.
L’institution cadre la relation dans
la mise en isolement du patient
et son accompagnement. Toute
relation suppose le souci de soi,
le souci de l’autre, le souci de
l’institution. Celle-ci doit préser-
ver “le juste”, au sens où le juste
n’est pas “le bon” mais “la règle”,
qui permet non pas d’établir le
bien, toujours difficile à identi-
fier sans retrouver très vite la mo-
rale normative ou le jugement,
mais d’éviter le mal, l’injuste.
Dire d’un patient “il faut l’isoler”
est éminemment une prescrip-
tion de soins questionnante, in-
terrogeante, mais aussi une pres-
cription reconnue, assumée, sous
garantie thérapeutique, si effec-
tivement il y a en équipe une ré-
flexion professionnelle, éthique
vis-à-vis de l’isolement et, bien
évidemment, vis-à-vis de l’inté-
rêt de l’isolement pour ce patient.
Bruno Parra
Cadre de santé, Esquirol C,
UMD de Montfavet,
Centre hospitalier de Montfavet.
BIBLIOGRAPHIE
1. Arrêté du 14 octobre 1986 (paru au Journal
officiel du 23 octobre 1986).
2. Friard D. L’isolement en psychiatrie : séquestra-
tion ou soins ? Éditions hospitalières, coll. “Souf-
france psychique et soins”, Paris, 1998.
3. Ibid.
4. Jamet JM, Depre V. L’accueil en psychiatrie :
aspects juridique, théorique, pratique. Éditions hos-
pitalières, coll. “Souffrance psychique et soins”, Pa-
ris, 1997.
5. Foucault M. Morale et pratique de soi, histoire
de la sexualité, usage des plaisirs. Gallimard, Pa-
ris, 1984, p. 32-39.
6. Ibid.
7. Ricœur P. Soi-même comme un autre, Seuil, coll.
“L’ordre philosophique”, Paris.
* L’aspect éthique sera traité le mois prochain.
18
Unités pour malades difficiles
●●●
Professions Santé Infirmier Infirmière - No35 - mars 2002