Notre action contre la douleur
consiste pour l’instant en 144 pro
-
jets dans plus de cent établisse-
ments. Nous fournissons ainsi
des matelas anti-escarres qui,
comme vous le savez, coûtent
extrêmement cher ; des pompes
à morphine aussi, des coussins
de positionnement ou encore des
pousses seringues…
Vous savez, le grand âge, ce n’est
pas la fin de la vie active ! Nos
deux parrains, Aimé Jacquet et
Henri Salvador le montrent bien
par leur activité et l’aide qu’ils
nous apportent. Mais il faut lutter
contre l’isolement que procure
l’hospitalisation. C’est pourquoi
nous organisons ces lieux de vie
qui permettent de rapprocher les
personnes âgées non seulement
de leur famille ou de leurs proches
mais aussi des jeunes. Il y a des
expériences avec des élèves de
CP ou de maternelle. En Corrèze,
je viens d’inaugurer un espace qui
permet aux tout petits de passer
une journée ou une après-midi
avec des personnes âgées. Ce
type d’action intergénérationnelle
est bénéfique pour tous et, de
plus, les enfants sont ravis.
Nous sommes également sensibles
à une demande croissante de la
présence d’animaux à l’hôpital. Je
sais que c’est extrêmement difficile.
Mais quand on voit ce que peut
apporter un chien, par exemple,
comme je le constate dans la rela-
tion positive de mon petit-fils avec
son chien, je suis sensible à la
détresse des personnes âgées qui
doivent se séparer de leur animal
lors d’une hospitalisation.
PSII : Quelles sont vos priorités
pour cette année ?
Madame Chirac : Il est difficile
de dégager des priorités tant il y a
à faire. À titre indicatif, nous avons
reçu cette année plus de 600 dos
-
siers qui représentent un budget
de 6 millions d’euros !…
Le nombre de projets dépendra
des résultats de la collecte que
nous engageons en ce moment.
Celle de l’année dernière était de
1,3 million d’euros.
J’espère que cette année, la cam-
pagne que nous avons mise en
place grâce à des sponsors nous
permettra de dépasser ces résultats.
Il appartient maintenant à chaque
Française et à chaque Français de
faire un don, aussi minime soit-il.
PSII : Votre action, en tant que
présidente de la Fondation et
votre engagement dans l’opéra-
tion “+ de vie” ne peut réussir que
si elle s’inscrit dans le cadre d’une
volonté politique. Est-ce le cas ?
Madame Chirac : C’est quoi une
volonté politique ? Je ne suis pas
ministre et je ne fais pas ici de
politique. Mais il faut bien réaliser
que notre population vieillit.
L’INSEE prédit qu’en 2040, les
personnes dépendantes dépasse-
ront le million. Dans toutes les
enquêtes, les Français considè-
rent que les hôpitaux remplissent
toutes les missions de prise en
charge des personnes âgées. Et
c’est vrai que le travail des
équipes soignantes est extraordi-
naire. Mais peu de gens savent ce
que c’est de vivre hors de chez
soi surtout quand on est âgé. Peu
de gens veulent regarder la réalité
de la vieillesse en face. Aucun de
nous ne veut se projeter dans un
avenir de dépendance. Moi la
première ! Aussi, si cette action
citoyenne que je mène peut
contribuer à une meilleure qualité
de vie de ces Français vulné-
rables, elle peut effectivement
être considérée comme une
action politique. Même s’il ne
s’agit que de rendre leur dignité,
donner une certaine convivialité
aux personnes qui, par leur grand
âge, leur état de dépendance,
leur destin... s’en trouvent privées.
Par cette 8eédition de la cam-
pagne “+ de vie”, il s’agit de
remettre en place, en l’amélio-
rant, la condition de vie des per-
sonnes âgées. Il est de notre
devoir de soutenir, en somme,
ceux qui ont construit la France
d’aujourd’hui. Car l’État ne peut
tout faire. Il est donc du devoir de
chacun d’accompagner la poli-
tique d’un État qui ne peut pas
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 58 • octobre 2004
tout résoudre concrètement. Cela
va au-delà de l’État et devient un
enjeu de société.
PSII : Que vous inspirent les
inquiétudes de la profession en ce
qui concerne la prise en charge
de la dépendance ? Notamment
quant au faible niveau de recrute-
ment chez les soignants ?
Madame Chirac : Je suis cons-
ciente qu’il y a un manque d’infir-
mières. C’est une évidence. Mais
ce qui me surprend, c’est que per-
sonne ne l’ait prévu, alors que la
France ne manque pas d’orga-
nismes de prévision. On a réduit la
voilure en remontant le niveau du
concours national, par exemple,
sans se soucier de relever les quo-
tas du nombre d’infirmières. Il y a
eu incontestablement un défaut
de prévision. Aujourd’hui, le gou-
vernement de Monsieur Raffarin
fait face avec beaucoup de talent
pour intéresser les jeunes gens à
ce beau métier. Mais nous avons
perdu beaucoup de temps. Une
infirmière, c’est Bac plus 3. C’est
vous dire qu’il est bien difficile de
répondre instantanément aux
besoins qui existent.
PSII : Comment, à votre avis, sus-
citer les vocations chez les soi-
gnants et valoriser la profession ?
Madame Chirac : On ne va pas se
lamenter. Avançons et soyons posi-
tifs. J’ai souhaité, parce que j’ai une
grande admiration pour les infir-
mières – et que j’en ai aussi dans
ma famille –, j’ai donc souhaité
avec Michel Drucker que certaines
d’entre elles (de l’hôpital
Bretonneau,
pour ne pas le nom-
mer), viennent
témoigner, lors de
l’émission que nous
avons organisée
avec Michel Drucker
et France
Télévision, le 4 octobre, sur
France 3.
J’espère que cette émission et leur
témoignage convaincront beaucoup
de jeunes de tout l’intérêt qu’il y a à
se mobiliser pour notre cause.
Pour ce qui est de moi, je continue ce
travail que je mène à la Fondation
depuis 1976. Sans perdre courage.
Propos recueillis par François Engel
et Andrée-Lucie Pissondes
Infos ...
Quelques chiffres
– Près de
500 000 personnes
vivent dans
des établissements
spécialisés ;
– trois résidents sur
quatre sont âgés de
80 ans et plus ;
– 43,3 % de la
population française
ayant 80 ans ou
plus vivent dans un
service de soins de
longue durée ;
– 2/3 des résidents
souffrent d’une
dépendance
physique sévère ou
d’une dépendance
psychique ;
– 2/3 des personnes
dépendantes âgées
de 60 ans et plus
vivent en institution
quand elles sont
seules.
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