Pythagore 5
Troisième degré : les acousmaticiens
Les acousmaticiens - ou acousmatiques - (άκουσματικοί : « auditeurs »). Ils reçoivent un enseignement de cinq ans,
donné sous forme de préceptes oraux (άκούσματα), sans démonstration, destinés à être gardés en mémoire ; par
exemple : « Ne pas avoir sur les dieux des opinions ou des paroles hâtives. » Ces cinq ans sont cinq ans de silence.
Les auditeurs sont devant le rideau derrière lequel Pythagore se dissimule. Ils mettent leurs biens en commun[33] .
Postulants, néophytes et auditeurs forment le grade des « exotériques » (έξωτερικοί) ou novices.
Quatrième et dernier degré : les mathématiciens
Les mathématiciens (μαθηματικοί « savants ») ou « ésotériques » ou sindonites (habillés de lin). « Ils devenaient des
ésotériques (έσωτερικοί) »[6] , dans la mesure où ils accèdent à la connaissance intérieure, cachée. Ils sont admis à
voir Pythagore derrière son rideau. Lui-même enseigne sous forme de « symboles » (σύμβολα), au sens de formules
codées, qui sont démontrées ; par exemple : « Ne pas toucher un coq blanc. » D'après Photius[34] on voit une division
des « ésotériques » en « vénérables » (sebastikoi σεβαστικοί), « politiques » (politikoi), « contemplatifs ». Les
vénérables ou pieux s'occupent de religion. Les politiques s'intéressent aux lois, aux affaires humaines, tant dans la
communauté pythagoricienne que dans la cité. Les « contemplatifs » étudient arithmétique, musique, géométrie,
astronomie : les quatre sciences selon Archytas, qui formeront le quadrivium du Moyen Âge. Il faudrait ajouter les
physiciens ou naturalistes (φυσικοί), qui se penchent sur les sciences concrètes : géographie, météorologie,
médecine, mécanique... mais aussi grammaire, poésie... Il est plus vraisemblable que les « acousmaticiens » soient
des « politiques, administrateurs ou législateurs » et les « mathématiciens » des « pieux » ou « contemplatifs »[6] .
De nombreuses règles, pour ne pas dire tabous, s'imposent à celui qui adopte « la vie pythagorique » (βίος
πυθαγορικός)[6] .
• règles diététiques (du pur végétarisme au « végétarisme » sélectif) [35] : interdiction de manger du rouget, le cœur,
le cerveau, la moelle, les fèves, les œufs... bref tout ce qui symbolise la vie. La consommation de la chair des
animaux sacrifiés semble autorisée par certains pythagoriciens, sans doute par concession à la religion officielle.
• rites religieux : sacrifices non sanglants et sans feu, « honorer les dieux », éviter bouchers et chasseurs, culte « aux
dieux farine, miel, fruits, fleurs et autres produits de la terre »[36] , « purifications, ablutions et aspersions » et
onctions lustrales...
• exercices spirituels : respect de soi-même, examen de conscience chaque soir[37] , continence sexuelle, « exercer
sa mémoire », « chanter en s'accompagnant de la lyre », lire des livres édifiants ensemble...
• exercices physiques[5] ,[6] : gymnastique, athlétisme, promenade à deux ou trois, danse...
• objets sacrés : « vêtements blancs » de lin (mais pas de laine, animale), signes de reconnaissance (le
pentagramme), symboles (la tétraktys)...
La rivalité acousmaticiens/mathématiciens
Dès Hippase (vers -450 ?), il semble qu'il y ait eu rivalité entre deux tendances idéologiques (et non plus degrés
initiatiques) chez les pythagoriciens : les « Acousmaticiens » et les « Mathématiciens[38] . » Il ne s'agit plus de la
hiérarchie novice/initié, mais de la polarité moraliste/scientifique. D'un côté, les Acousmaticiens insistent sur les
paroles (« acousmates ») léguées par Pythagore et privilégient la morale, les prescriptions rituelles, le « mode de vie
pythagoricien » ; entre -420 et -350, les auteurs de comédies (Cratinos, Mnésimaque, etc.) décrivent des
«–pythagoristes–», dès Diodore d'Aspendos (vers -380) et Lycon d'Iasos, végétariens et buveurs d'eau, chevelus et
barbus, pieds nus, vêtus d'un simple manteau (tribôn), un bâton à la main, faisant vœu de silence et ne se lavant pas.
De l'autre côté, les « Mathématiciens » (Hippase, Philolaos, Archytas, Eurytos, Eudoxe de Cnide), au sens de
savants, insistent sur les démonstrations et privilégient la science.