Pythagore et les Pythagoriciens PYTHAGORE de Samos, né sans doute entre – 580 et –570 [contemporain de Bouddha, Zarathoustra, et en Grèce, d’Anaximène], a passé la première partie de sa vie à voyager en Orient (Phénicie, Égypte, jusqu’en Perse et en Inde). Puis il s’établit en Grande Grèce (Italie du sud), où il acquit une énorme réputation pour l’étendue de sa science. Son nom signifie « parole de la Pythie », il se disait « envoyé d’Apollon » (dieu de la lumière et de la connaissance). Il a fondé (à Crotone) une école philosophique exceptionnelle dont il devint le « maître » et qui exerça une influence considérable. C’est lui qui le premier a revendiqué le titre, non de « sage » (sophos), prétendant savoir toutes choses et dicter des lois aux Cités, mais de « philo-sophos », l’ami de la sagesse, c’est-à-dire : -a) celui qui cherche la science, contemple le monde pour connaître la structure intelligible de sa réalité, et atteindre ainsi des vérités éternelles par une science théorique universelle et rationnelle qui peut se démontrer et s’enseigner ; -b) celui qui se propose de purifier l’âme, et d’éduquer à une forme de sagesse tirée de cette connaissance des choses, pour guider la conduite dans la vie, progresser intellectuellement et se perfectionner moralement, espérer une forme d’accomplissement, d’harmonie avec soi et avec le monde… – Il a fondé des communautés de disciples suivant une règle précise et un programme d’études comprenant : une sélection préparatoire des postulants (trois ans), un noviciat des « auditeurs » (« acousticiens ») d’abord tenus au silence (« savoir se taire et écouter »), qui écoutaient les « conférences » (cinq ans), une initiation plus poussée des « ésotériques » (admis à participer à l’intérieur du « séminaire » en présence du maître, à poser des questions et à exprimer leur pensée). Leur instruction de « mathématiciens » comprenait les disciplines abstraites fondées sur l’étude des nombres et des figures : l’arithmétique, la géométrie, la musicologie. Venait ensuite une formation de physiciens : astronomie ; géographie, météorologie, anatomo-physiologie, médecine. Ils menaient une vie commune fondée sur une éducation morale (« par dessus tout, respecte-toi toi-même », Paroles d’or, 12) et sur l’amitié, observant un rythme de vie, des règles d’hygiène, des prescriptions alimentaires..., mais aussi des rites religieux et cultuels, visant à l’harmonie. Ils retournaient le soir à leurs domiciles privés, accomplissaient leurs obligations familiales et civiques : plus qu’une « École », ce n’était pas une secte. La communauté accueillait également des adeptes « exotériques », qui partageaient l’idéal spirituel de la doctrine, mais exerçaient à l’extérieur des responsabilités sociales et politiques. PYTHAGORE est le premier à avoir institué un cursus d’éducation méthodique rationnel et scientifique, autonome par rapport à la famille, qui s’adresse aux jeunes gens, et même aux enfants, et qui fasse une place notable à des femmes. – PYTHAGORE n’imposa pas d’abord une doctrine close et définitive, mais des règles de conduite et de pensée pour qui veut cultiver sa dignité humaine et atteindre la vérité. Avec lui, le philosophe se fait d’emblée instructeur, directeur d’études, initiateur moral, et sa théorie une œuvre commune que l’école élabore et perfectionne, à son initiative et sous sa direction : PYTHAGORE avait créé la philosophie comme méthode et comme projet. Cependant (selon le double sens du mot archè) il posa des « principes » ou des « commencements » de vérité et de connaissance destinés à être systématiquement prolongés, nécessaires pour comprendre toutes choses, car : « Le commencement est la moitié du tout » (Pythagore, Aphorismes, 5). – Sa théorie est centrée sur les privilèges des nombres, principes de toutes les choses et de toutes les sciences, ainsi que sur les propriétés symboliques, ou mystiques, de leurs combinaisons et rapports. « Sans le nombre, rien ne peut être pensé ni connu ». « Les formes et les essences idéelles, PYTHAGORE les a situées dans les nombres et leurs harmonies, et dans […] les éléments géométriques, dans une existence inséparable de celle des corps ». « Il a dit […] non pas que tout naissait du Nombre, mais que tout était formé conformément au Nombre, puisque dans le Nombre réside l’ordre essentiel » (Stobée). Le Nombre : forme, idée, structure intellectuelle des choses, étant en tous les nombres, est l’explication de tout, sa connaissance nous révèle ce qui unit toutes les réalités. « Le Nombre est l’intelligence de tous les nombres ». De cette métaphysique il déduisit une philosophie complète : une cosmologie, une théologie, une théorie de l’âme, un idéal de science, une éthique, une théorie politique… – En science, PYTHAGORE a imposé la norme et la méthode de la démonstration mathématique. – Selon son éthique, la vertu consiste à se perfectionner pour atteindre l’unité de toutes choses. On lui attribue l’invention du mot « philanthropie ». Les fonctions supérieures de l’âme, grâce à la science, peuvent réaliser en nous l’équilibre et l’harmonie des rapports entre les réalités dont nous sommes composés. L’éducation musicale procure cette unité avec un sentiment esthétique de beauté. PYTHAGORE le premier a appliqué à l’univers le terme de « cosmos », signifiant « ordre et beauté ». Il a adopté les croyances en l’immortalité et la transmigration de l’âme, séparée du corps sensible. Il a fondé une religion philosophique sur la considération de l’harmonie universelle, synthèse de mystique et de rationalité. Il a montré que des spéculations sur les fondements métaphysiques peuvent diriger un projet scientifique, éducatif, éthique et politique. Il fut l’un des inspirateurs de PLATON. Il aurait découvert que l’Étoile du Soir et l’Étoile du Matin ne font qu’une (deux aspects de la planète Aphrodite - Vénus). Il enseignait que le Monde et la Terre sont sphériques, que tous les corps célestes sont animés d’un mouvement circulaire autour d’un feu central (non visible), « le Foyer du monde ». “ Les pythagoriciens disent que la norme du jugement est la raison ; non la raison commune, mais celle qui se fonde sur les mathématiques ” (Sextus Empiricus). On dit que “ Pythagore fut le premier [du moins l’un des premiers] à appeler cosmos l’enveloppe de l’univers en raison de la belle disposition* qui s’y voit ” , et à voir dans les proportions géométriques et l’égalité les modèles de la justice entre amis et dans la Cité. Professe une croyance en la réincarnation de l’âme, qui prescrit de s’abstenir de consommer de la chair de certains animaux (peut-être ceux qu’il estimait avoir le plus de parenté avec les Hommes).[* traduction modifiée]. Pour lui, les dieux immortels ne sont que des créatures, inférieures au dieu suprême. « Au Dieu suprême nous n’offrons ni ne consacrerons rien de sensible […]. C’est par le silence pur et des pensées pures qu’on l’honore » (Porphyre, fidèle ,à la tradition pythagoricienne). Citations : Pythagore et textes pythagoriciens. Source : Ivan Gobry, Pythagore, E. U., 1992.