10 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 318 - juillet-août-septembre 2009
CONGRÈS
RÉUNION
qui incitent le bébé à renouveler ses réponses. Chez
les prématurés, il faut tenir compte de l’âge corrigé.
Le testeur doit contrôler l’état de vigilance du bébé
et doit savoir préserver son capital attentionnel. Les
meilleures réponses sont obtenues au seuil de l’en-
dormissement, les réactions aux stimuli devant être
recherchées en dehors des moments d’activité spon-
tanée du bébé. Avant 4 mois, les réponses pourront
être des crispations de paupières, une modification du
rythme respiratoire ou de la succion si l’enfant a une
tétine, un éveil, une ouverture des yeux, des réactions
de surprise. Le testeur devra rester en relation visuelle
d’échange par des mimiques, des gestes, de la parole,
pour renforcer symboliquement la stimulation auditive
et les réponses. Ce jeu relationnel va donner du sens
à la perception. À partir de 6 mois, les réactions de
recherche, d’investigation et d’orientation apparaissent.
Annonce du diagnostic de surdité
(D’après la communication du Dr G. Lina-
Granade, Lyon)
Les médecins ORL audiophonologistes auxquels
revient la lourde tâche d’annoncer une surdité n’ont
pas été formés à ce genre d’épreuve lors de leurs
études médicales. Ils se sentent donc souvent un
peu livrés à eux-mêmes pour annoncer à de jeunes
parents une pathologie qui s’avère être incurable.
Pour ces parents, il y aura un AVANT et un APRÈS.
“La forme, c’est le fond qui revient à la surface”
(V. Hugo) : la manière d’annoncer le diagnostic va
compter sur la façon dont les parents vont réaliser et
accepter ce qui se passe pour leur enfant. L’annonce
ne doit pas être faite sans y mettre la forme. Mieux
vaut prévoir un rendez-vous plus long, pour avoir
le temps d’expliquer, de choisir les mots, d’amener
petit à petit le diagnostic et pouvoir répondre aux
questions. Il faut rester clair sur le diagnostic sans
pour autant être péremptoire, mais apporter aussi
un peu d’espoir en parlant des différents moyens qui
existent pour aider cet enfant sourd. Le mot “surdité”
lui-même renvoie dans l’inconscient collectif à des
équivalences du type “sourd total”, “muet”, “langue
des signes”, voire “sourdingue”, avec sa connotation
de débilité associée à l’atteinte sensorielle.
Le diagnostic est plus facile à amener si les parents
ont déjà eux-mêmes des doutes sur l’audition de leur
enfant et s’ils ont assisté aux tests audiométriques en
champ libre et se sont rendu compte des sons qui ne
provoquent aucune réaction de la part de leur enfant.
L’annonce est plus délicate pour les bébés diagnos-
tiqués sourds à la suite du dépistage systématique :
les parents sont moins préparés. Devant des PEA
anormaux (PEAA), mieux vaut parler “d’anomalies
nécessitant de compléter les explorations auditives”
plutôt que parler déjà de “surdité”.
En pratique, l’ORL devra annoncer le diagnostic en
reprenant les doutes antérieurs des parents, en leur
rappelant les réactions qu’ils ont eux-mêmes consta-
tées en cabine, en rappelant les facteurs de risque, s’il
y en avait. Il pourra expliquer l’audiogramme sur un
schéma, les sons pouvant être perçus ou non par leur
enfant. Il pourra aussi expliquer l’anatomie de l’oreille,
la différence entre les atteintes de l’oreille moyenne
et celles de l’oreille interne. L’ORL doit avoir envers
les parents une “empathie”, une écoute bienveillante,
il doit justifier leur peine, accepter leurs larmes, qui
sont souvent un témoin positif de la bonne prise de
conscience des enjeux. Expliquer ce qui peut être entre-
pris pour aider cet enfant sourd débute la guidance et
l’accompagnement des parents. Parler de chirurgie
et d’implant dès ce premier rendez-vous est risqué,
car l’illusion d’une réparation possible est probable et
elle pourra empêcher les parents de prendre toute la
mesure du handicap réel de leur enfant. En revanche,
il faut déjà expliquer ce que sont les prothèses audi-
tives (il est bon d’avoir des modèles pour les faire mani-
puler) et donner des pistes de communication globale
pour que les parents se sentent moins démunis face
à leur très jeune enfant. Il faut bien expliquer l’impor-
tance de continuer à parler au bébé et de renforcer
les échanges globaux en s’aidant de câlins, mimiques,
chansons, comptines, voire en associant des signes issus
de la langue des signes française (LSF) ou de quelques
mots auxquels on associera le code du langage parlé
complété (LPC), le plus urgent étant de restaurer une
communication compréhensible pour l’enfant. Il faudra
expliquer le rôle des audioprothésistes, des orthopho-
nistes, des centres pour enfants sourds, des modes de
communication. Des adresses d’associations de parents
d’enfants sourds pourront être communiquées.
La réaction des parents pourra être de divers ordres :
– une sidération : pour certains parents, un long temps
sera nécessaire pour accepter ce diagnostic ;
– un déni, les parents refusant le diagnostic : la
reprise des explications lors des différentes visites
sera donc importante ; on peut aussi proposer d’aller
voir un autre audiologiste pour deuxième avis ;
– de la colère, soit vis-à-vis des professionnels n’ayant
pas fait le diagnostic avant, soit vis-à-vis du médecin
annonceur, soit vis-à-vis de cet enfant qui ne répond
plus aux critères de l’enfant idéal, etc. ;
– un hypercontrôle : les parents vont essayer de
rationnaliser au maximum pour se mettre à distance
de ce qui leur arrive ;