Fistules artério-veineuses durales : un diagnostic d’imagerie D. Felten*, A. Drouet*, L. Guilloton* Cas clinique Depuis juin 1999, Mme A., 69 ans, ressentait des lombalgies basses intermittentes et une gêne mal définie du membre inférieur droit. La symptomatologie était fluctuante, peu invalidante. En décembre 1999 étaient apparues des dysesthésies des membres prédominant à gauche, associées à un trouble de la marche. En février 2000, la marche était qualifiée de dandinante. Il existait, au niveau des deux membres inférieurs, un déficit moteur modéré distal et proximal, sans anomalie sensitive objective. Les ROT étaient vifs, surtout au membre inférieur gauche et il était noté une ébauche de signe de Babinski. Il n’y avait pas de trouble sphinctérien. Le LCR était normal. L’IRM médullaire révélait un hypersignal en T2 étendu de D7 jusqu’au cône terminal, évocateur de myélomalacie. De petites structures serpigineuses dans le fourreau dural faisaient évoquer l’hypothèse d’une malformation artérioveineuse. L’artériographie était refusée par la patiente. Elle était réhospitalisée en octobre dans un tableau de paraparésie d’aggravation progressive. Elle marchait avec peine avec deux cannes et se plaignait de troubles sphinctériens. L’IRM médullaire était inchangée. L’artériographie, finalement acceptée, visualisait une fistule artério- * Service de neurologie, hôpital Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon. Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 5, juin 2003 veineuse durale à drainage veineux périmédullaire, localisée à hauteur de L2 (figure 1). Les pédicules issus de l’artère lombaire L2 gauche alimentant la fistule étaient embolisés. L’amélioration clinique était ensuite progressive avec atténuation franche des troubles sphinctériens et récupération d’une motricité permettant la des- P armi les myélopathies de l’adulte, celle induite par une fistule artério-veineuse (FAV) durale à drainage veineux périmédullaire est particulière. Elle n’est pas fréquente mais a une présentation clinique très évocatrice qui doit faire réaliser rapidement une IRM médullaire, clé du diagnostic. Le pronostic fonctionnel est en effet directement lié à la précocité du traitement. cente des escaliers. Les contrôles angiographiques successifs révélaient une reperméabilisation de la fistule nécessitant une nouvelle embolisation, 6 mois et 22 mois après le traitement initial. Commentaires Figure 1. Injection de l’artère L2 gauche opacifiant une fistule durale se drainant dans les veines spinales. Individualisées par Kendall et Merland dans les années 1980, les FAV durales sont les plus fréquentes des malformations artério-veineuses rachidiennes (1, 2). Elles sont constituées d’une communication artérioveineuse directe siégeant dans l’épaisseur de la dure-mère ou à son contact. L’artère nourricière est à destinée radiculo-méningée et le drainage, par une veine médullo-radiculaire, est périmédullaire. Artériolisées, les veines spinales ne rejoignent pas les veines épidurales mais se drainent sur toute la hauteur de la moelle, vers les veines de la fosse postérieure en haut et vers les veines hypogastriques en bas. De ce fait, il existe une hyperpression veineuse gênant le drainage médullaire normal. Cela entraîne des phénomènes œdémato-ischémiques qui sont responsables de l’expression clinique et en imagerie. 137 Cas clinique Cas clinique Contrairement aux MAV intramédullaires et aux FAV intradurales qui surviennent chez l’enfant ou l’adulte jeune, les FAV durales se révèlent en moyenne vers 60 ans (de 40 à 80 ans). La présentation clinique est assez stéréotypée, sous forme d’une myélopathie progressive, d’une atteinte pluriradiculaire ou encore médulloradiculaire. Les douleurs des membres inférieurs sont fréquentes au début, souvent à la marche, réalisant un tableau de claudication radiculaire d’aggravation progressive. Les déficits moteurs s’installent de manière insidieuse rendant la marche de plus en plus difficile, d’autant qu’une ataxie proprioceptive y est fréquemment associée. Un début brutal est tout à fait inhabituel, alors que des aggravations successives sont souvent observées, particulièrement après des efforts. Des périodes de rémission spontanées ne sont pas rares en début d’évolution. Des troubles sphinctériens sont très fréquents, souvent précoces. La difficulté clinique réside dans la présentation initiale qui évoque le plus souvent un syndrome du cône terminal ou de la queue de cheval, mais parfois aussi une neuropathie périphérique. Cela peut retarder la réalisation d’une IRM qui est aujourd’hui la base du diagnostic. Elle montre souvent l’association d’un œdème médullaire au niveau du cône en hypersignal T2 et d’images serpigineuses vides de signal autour du cordon médullaire (figure 2) (3). Elles remontent parfois très haut en région dorsale. L’injection de gadolinium peut se traduire en T1 par un réhaussement inhomogène du cône terminal d’aspect pseudo-tumoral. La myélographie a longtemps été l’examen de choix avec réalisation systématique de coupes tomographiques de face sur la région dorsale pour visualiser les empreintes vasculaires intradurales. Elle n’a plus cette place aujourd’hui, d’autant qu’elle peut induire des aggravations cliniques (4). Le LCR est très souvent anormal, présentant volontiers une dissociation albumino-cytologique et, directement à l’artériographie, sans nécessité de ponction lombaire. La fistule a pu être visualisée en ARM, mais l’artériographie reste indispensable (5). Il faut opacifier systématiquement tous les pédicules participant à la vascularisation dure-mérienne, la fistule pouvant se situer à un niveau très éloigné de l’orientation donnée par la clinique. Elle est située en région dorsale le plus souvent, au niveau lombaire plus rarement et exceptionnellement en région cervicale. L’artère nourricière peu dilatée injecte une veine radiculaire qui rejoint une ou deux veines spinales. Celles-ci sont dilatées (figure 3) et cir- Figure 2. IRM séquence en T2. Présence d’un hypersignal du cône médullaire et d’images tubulaires postérieures vides de signal. plus rarement, une réaction cellulaire. Il n’y a jamais de stigmates hémorragiques. Certains ont pu évoquer le risque potentiel d’aggravation clinique après ponction lombaire. Cette aggravation est rare, alors que les ponctions sont très souvent réalisées. La soustraction du liquide ne paraît pas être directement en cause. La position fléchie en avant a été incriminée comme facteur aggravant, au même titre que les efforts. Aujourd’hui, les IRM doivent être précoces et la suspicion radiologique de fistule doit conduire Figure 3. Dilatation des veines spinales et absence de drainage épidural. 138 Cas clinique Cas clinique culent lentement sur toute la hauteur du cordon médullaire. L’artère spinale antérieure doit être recherchée systématiquement car ses caractéristiques interviennent dans le choix du traitement. Elle est le plus souvent grêle et de faible débit. De ce fait, le retour veineux du cône est très faible, ce qui est un bon signe indirect de fistule (2). L’aggravation clinique est inexorable dans les FAV durales et conduit à une paraplégie. Le traitement visant à obturer le premier centimètre de la veine de drainage et à déconnecter la fistule des veines spinales est toujours indiqué (6). L’embolisation par voie endovasculaire à l’aide d’histoacryl est le traitement de choix qui doit être proposé de principe, en particulier dans les fistules de siège antérieur. Lorsque l’artère spinale antérieure naît du même tronc que l’artère nourricière, le traitement endovasculaire de la fistule présente un risque d’infarc- tus médullaire par migration de l’embol d’histoacryl. La solution chirurgicale avec pose d’un clip doit alors être privilégiée. Souvent très efficace, le traitement nécessite un contrôle artériographique systématique à distance et, en cas de reperméabilisation de la fistule, la réalisation d’une ou de plusieurs nouvelles embolisations, comme dans notre observation. Le résultat clinique est, quant à lui, directement lié à la précocité du traitement. Si la symptomatologie est évoluée, elle sera en règle générale stabilisée et, dans près d’un cas sur deux, une amélioration franche sera notée, parfois après plusieurs mois. Références 1. Kendall BE, Logue V. Spinal epidural angiomatous malformations draining into intrathecal veins. Neuroradiology 1977 ; 13 : 181-9. 2. Merland JJ, Riche MC, Chiras J. Les fistules artérioveineuses intracanalaires, extramédullaires à drainage veineux médullaire. J Neuroradiol 1980 ; 7 : 271320. 3. Gilbertson JR, Miller GM, Goldman MS, Marsh WR. Spinal dural arteriovenous fistulas : MR and myelographic findings. AJNR 1995 ; 16 : 2049-57. 4. Roullet E, Netter JM, Chiras J et al. Fistules artérioveineuses durales rachidiennes : aggravation après myélographie au métrizamide. Rev Neurol 1988 ; 144 : 371-5. 5. Bowen BC, Fraser K, Kochan JP et al. Spinal dural arteriovenous fistulas : evaluation with MR angiography. AJNR 1995 ; 16 : 2029-43. 6. Gobin YP, Rogopoulos A, Aymard A et al. Endovascular treatment of intracranial dural arteriovenous fistulas with spinal perimedullary venous drainage. J Neurosurg 1992 ; 77 : 718-23. Imprimé en France - Differdange S.A. 95110 Sannois - Dépôt légal à parution. © décembre 2001 - Aljac S.A., locataire-gérant de Médica-Press Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 5, juin 2003 139 Cas clinique Cas clinique