REVUE DE PRESSE Transplantation de cellules hématopoïétiques dans les formes progressives de SEP Cette méta-analyse avait pour objectifs d’évaluer l’efficacité et la sécurité de la transplantation de cellules hématopoïétiques (TCH) chez des patients porteurs de formes progressives de SEP réfractaires aux traitements conventionnels. Les études retenues dans les bases de données PubMed et Embase™ devaient être publiées dans des revues de langue anglaise et inclure un minimum de 5 patients ayant bénéficié de TCH. Les patients devaient avoir une SEP progressive, c’est-à-dire une progression supérieure ou égale à 1 point d’EDSS sur les 6 derniers mois avant l’inclusion. Ils devaient être réfractaires aux traitements conventionnels et bénéficier d’un suivi minimal de 2 ans. Parmi 290 études, 33 ont été retenues, et 14 remplissaient les critères d’inclusion. L’objectif principal était de mesurer la survie sans progression, c’est-àdire la probabilité d’être en vie sans progression du handicap après TCH. La progression du handicap était définie comme l’augmentation sur 6 mois de 1 point d’EDSS si l’EDSS initial était inférieur à 5, et de 0,5 point si l’EDSS initial était supérieur à 5,5. Cent soixante et un patients avec SEP réfractaire au traitement classique et avec un suivi de 24 mois ont été inclus ; 77 % étaient secondairement progressifs. Avant TCH, la préparation des patients était d’intensité intermédiaire pour 5 études (étoposide, melphalan, carmustine et cytosine arabinoside ou carmustine et cyclophosphamide). Pour les 3 autres études, la préparation à la TCH était de haute intensité (cyclophosphamide et irradiation corps entier avec ou sans immunoglobuline anti-thymus). Le mode de préparation à la TCH était significativement associé à la survie sans progression (p = 0,0145), et ce de façon plus marquée pour la préparation d’intensité intermédiaire. Les patients ayant bénéficié d’une préparation de haute intensité étaient plus âgés de 3 à 4 ans, avec un score EDSS initial plus élevé, et il y avait plus d’hommes. Parmi les effets indésirables, la fièvre, le syndrome de prise de greffe, l’entérite et l’aggravation neurologique transitoire étaient les plus fréquents. Sept décès liés à la TCH ont été rapportés parmi les 13 séries de cas. La principale cause était la pneumonie. Six décès non directement liés à la TCH ont été déplorés, dont 5 par progression de la maladie. A. Fromont, Dijon Commentaire Cette étude montre que les meilleurs résultats de survie sans progression sont obtenus avec une préparation avant TCH d’intensité moyenne. Les préparations de forte intensité entraînent probablement des dommages axonaux importants, secondaires à l’irradiation corps entier. Compte tenu des faibles effectifs de patients et de l’indication étroite de la TCH dans cette étude, les résultats doivent être validés à plus grande échelle. Référence bibliographique Reston JT, Uhl S, Treadwell JR et al. Autologous hematopoietic cell transplantation for multiple sclerosis: a systematic review. Mult Scler 2011;17(2):204-13. Commentaire Effet du natalizumab sur les potentiels évoqués L’objectif de cette étude était de mesurer l’impact du natalizumab sur les données d’électrophysiologie des potentiels évoqués (PE) : visuels (PEV), sensitifs (PES) et moteurs (PEM). Quarante-quatre patients porteurs d’une SEP certaine selon les critères de McDonald ont été inclus de façon consécutive. Ils bénéficiaient d’un examen physique et neurologique, PEV et/ou PES et/ou PEM, 1 an avant la mise sous natalizumab, au début du traitement et à 6-12 mois. L’altération des PE était corrélée au score EDSS. Un score ordinal des PE était défini, de 0 à 4, en fonction du nombre d’anomalies de latence et/ou d’amplitude, et de leur caractère unilatéral ou non. Avant traitement, seuls 9 % des patients voyaient leur score PEV s’améliorer. Sous traitement, 33 % des patients avaient un score PEV qui s’améliorait, 41 % restaient stables et 26 % avaient un score qui s’aggravait. De même pour les PES, 5 % des patients voyaient leur score s’améliorer avant traitement, versus 32 % sous traitement. Aucun effet significatif n’a été constaté concernant les PEM. Les changements de scores des PEV étaient plus évidents en termes d’amplitude qu’en termes de latences. Ceux des PES concernaient de façon égale latences et amplitudes. Une corrélation significative a été montrée uniquement entre PEV, PEM et EDSS. L’amélioration des PEV sous natalizumab est probablement due à son effet immunomodulateur sur les lymphocytes T plus qu’à une action directe sur la conduction nerveuse ou la remyélinisation, puisque amplitudes et latences sont améliorées. L’absence de modification des PEM reste inexpliquée ; elle est possiblement liée à des problèmes techniques d’étude de la capacité fonctionnelle de la voie pyramidale. Cette étude révèle une corrélation significative entre changement des PEV, PEM et EDSS, bien que l’EDSS soit plus sensible à l’atteinte pyramidale qu’aux systèmes visuel et sensoriel. Si les résultats de cette étude sont confirmés de façon prospective et sur un groupe plus important de patients, les PEV et PEM pourront être un outil afin d’évaluer l’effet des traitements sur la SEP et de suivre l’évolution de la maladie. Référence bibliographique Meuth SG, Bittner S, Seiler C et al. Natalizumab restores evoked potential abnormalities in patients with relapsingremitting multiple sclerosis. Mult Scler 2011;17(2):198-203. A. Fromont, Dijon La Lettre du Neurologue • Vol. XV - n° 4 - avril 2011 | 131 REVUE DE PRESSE dirigée par le Pr T. Moreau L’âge de début de la maladie de Parkinson influence-t-il le phénotype moteur ? La présentation clinique de la maladie de Parkinson (MP) varie d’un sujet à l’autre dans les signes moteurs inauguraux, la réponse au traitement et la fréquence des complications motrices induites par les traitements médicamenteux. L’âge de début de la maladie a été identifié dans plusieurs études comme un facteur influençant le phénotype de la MP. Cependant, la limite de l’âge de début des symptômes pour considérer un début précoce de la maladie est définie arbitrairement et varie selon les études. Enfin, la plupart de ces travaux sont menés dans des centres référents de la pathologie du mouvement, ce qui peut introduire un biais de sélection dans l’analyse des résultats. Cette étude anglaise rétrospective a inclus 358 patients parkinsoniens, dont 125 issus de la population globale et 233 de centres référents régionaux. Au moment de l’évaluation, la durée moyenne d’évolution de la MP était de 9 ans, l’âge de début moyen des symptômes était de 56 ans et le score UPDRS moteur moyen était de 28 sous traitement. Quatre groupes de patients ont été constitués selon l’âge de début des symptômes : inférieur à 45 ans, entre 45 et 54 ans, entre 55 et 64 ans et supérieur ou égal à 65 ans. L’âge de début était recueilli par les informations du dossier médical et l’interrogatoire du patient. Les résultats montrent une variation des symptômes moteurs inauguraux selon l’âge de début de la maladie : le tremblement est 2 fois plus fréquent chez les patients qui commencent leur maladie à plus de 65 ans que chez ceux qui la commencent avant 45 ans, alors que le syndrome akinéto-hypertonique est 2 fois plus fréquent lorsque l’âge de début est inférieur à 45 ans que lorsqu’il est supérieur à 65 ans. On observe une tendance − non significative − à l’augmentation des troubles de la marche comme symptôme révélateur, avec un âge de début plus tardif de la maladie. Une dystonie présente précocement avant la mise en place d’un traitement dopaminergique est significativement plus fréquente chez les sujets jeunes, en particulier si la maladie débute avant l’âge de 48 ans. Enfin, plus l’âge de début de la maladie avance, plus la fréquence des dyskinésies induites par la L-dopa diminue, un début de la maladie à moins de 55 ans étant un facteur de risque significatif, indépendamment des facteurs confondants (durée d’évolution de la maladie, durée du traitement par L-dopa et dose totale de L-dopa). En dehors de la dystonie, les changements du phénotype apparaissent linéaires avec l’âge. Il est donc difficile de déterminer un âge seuil pour définir une maladie de Parkinson de début précoce. La physiopathologie de ces variations reste pour le moment indéterminée. I. Benatru, Poitiers Le syndrome des jambes sans repos de la maladie de Parkinson : caractéristiques cliniques L’origine du syndrome des jambes sans repos (SJSR) est partiellement élucidée ; un déficit dopaminergique semble jouer un rôle prépondérant. Le SJSR peut être primaire ou secondaire ; il peut être associé à diverses pathologies, dont la maladie de Parkinson (MP). L’objectif de ce travail était d’évaluer la fréquence et les caractéristiques cliniques du SJSR chez les patients parkinsoniens de l’étude de cohorte PROPARK (Profiling Parkinson’s disease). Le SJSR est diagnostiqué si les 4 critères essentiels (sensations désagréables dans les jambes, survenant plutôt le soir, lorsque le patient est au repos, et améliorées par l’activité) sont remplis. L’étude a inclus 269 patients parkinsoniens, dont 29 (11 %) présentaient un SJSR. L’âge moyen de début du SJSR est de 52 ans, et le score moyen de sévérité est de 11 sur 132 | La Lettre du Neurologue • Vol. XV - n° 4 - avril 2011 Commentaire L’avantage de cette étude est la grande taille de l’échantillon, avec des patients issus à la fois de la communauté et de centres référents. La principale limite est le caractère rétrospectif du recueil des données. Par ailleurs, les auteurs ne se sont intéressés qu’aux symptômes moteurs, et il est maintenant bien connu qu’il existe une phase prémotrice caractérisée par des symptômes non moteurs comme les troubles du comportement en sommeil paradoxal, le syndrome dépressif, ­l’hyposmie, et cette phase peut durer jusqu’à 6 ans avant l’apparition des signes moteurs. Il serait intéressant de chercher à savoir si la fréquence ou la sémiologie de ces symptômes non moteurs varient selon l’âge au moment de la révélation de la maladie, qui est souvent considérée comme la date d’appa­rition des signes moteurs. Référence bibliographique Wickremaratchi MM, Knipe MD, Sastry BS et al. The motor phenotype of Parkinson’s disease in relation to age at Onset. Mov Disord 2011 (sous presse). REVUE DE PRESSE l’échelle de l’IRLSSG (International Restless Legs Syndrome Study Group). La plupart des patients développent un SJSR après le diagnostic de MP, et 28 % ont une histoire familiale de SJSR. En dehors de la prédominance significativement féminine du SJSR chez les patients parkinsoniens, les autres variables cliniques et démographiques (âge du patient, âge de survenue de la MP, sévérité et durée d’évolution de la MP) ne sont pas significativement associées au SJSR. En revanche, la sévérité du SJSR est corrélée de manière significative aux symptômes non moteurs (dépression, dysautonomie, troubles cognitifs, psychose et troubles du sommeil) et à la sévérité de la MP et des ­fluctuations motrices. La faible prévalence du SJSR observée dans cette étude (la prévalence du SJSR chez les sujets parkinsoniens est habituellement estimée à 2 à 3 fois celle de la population générale) pourrait s’expliquer par l’effet des traitements dopaminergiques, qui masquent en effet les symptômes du SJSR. La corrélation entre la sévérité du SJSR, les symptômes non moteurs et la sévérité de la maladie de Parkinson laisse suggérer le rôle de facteurs non dopaminergiques dans la survenue de ce syndrome, en particulier un dysfonctionnement du système adrénergique. I. Benatru, Poitiers Commentaire Cette étude montre que le SJSR n’est pas uniquement lié à un dysfonctionnement dopaminergique mais qu’il implique d’autres neuro­médiateurs, en particulier le système adrénergique, le locus cœruleus contenant de nombreux neurones noradrénergiques. Ce système est impliqué dans les fonctions autonomes, motrices et cognitives, ainsi que dans le sommeil et la dépression. Cette hypothèse reste à valider. En effet, une des limites de ce travail est la faible prévalence du SJSR, ce qui rend les données non généralisables. Référence bibliographique Verbaan D, van Rooden SM, van Hilten JJ et al. Prevalence and clinical profile of restless legs syndrome in Parkinson’s disease. Mov Disord 2010;25:2142-7. V 7208 - Mars 2011 chan En n geo eurol ns le ogie s règ , les V7208 Lettre Neuro 180x130.indd 1 09/03/11 14:46 La Lettre du Neurologue • Vol. XV - n° 4 - avril 2011 | 133 REVUE DE PRESSE dirigée par le Pr T. Moreau Intérêt du rituximab dans la myasthénie et le syndrome de Lambert-Eaton Les traitements immunomodulateurs ou immunosuppresseurs standard sont habituellement efficaces dans la myasthénie auto-immune. Cependant, une proportion non négligeable de patients reste réfractaire aux traitements traditionnels. De nouvelles options thérapeutiques sont envisagées pour ces sujets, parmi lesquelles le rituximab, anticorps monoclonal anti-CD20 qui vise à diminuer l’immunité cellulaire de type B. L’efficacité de ce traitement est bien connue pour les syndromes lymphoprolifératifs de type B, mais aussi pour certaines maladies dysimmunes comme la polyarthrite rhumatoïde. Son efficacité dans la myasthénie auto-immune est suggérée par un certain nombre de cas rapportés isolés. Afin d’étudier les effets du rituximab dans les pathologies auto-immunes de la jonction neuromusculaire, les auteurs ont collecté rétrospectivement les données concernant l’ensemble des patients du Royaume-Uni atteints de myasthénie auto-immune ou de syndrome myasthénique de Lambert-Eaton (LEMS) et traités par rituximab depuis 2004 (1). Cette étude a concerné 12 patients au total : 10 myasthénies généralisées séropositives, dont 3 avec anticorps anti-MuSK, et 2 LEMS. Les patients présentaient une forme modérée à sévère de la maladie, avec notamment 10 patients (83 %) souffrant d’une atteinte respiratoire et/ou bulbaire. Tous les patients avaient reçu précédemment une corticothérapie, et 11 d’entre eux au moins une deuxième ligne d’immunosuppresseurs. Parmi les 7 patients porteurs d’anticorps antirécepteurs à l’AChR, 6 avaient eu une thymectomie. Le rituximab a été prescrit à une dose totale standard de 375 mg/m2, en général en perfusions hebdomadaires pendant 4 semaines. Le traitement a été bien toléré, en dehors d’un épisode fébrile chez 1 patient. Sur une période de 4 à 48 mois après le traitement par rituximab, 3 patients ont été en rémission complète (25 %) et 5 autres ont vu leur état s’améliorer (42 %). À noter : l’état de tous les patients avec des anticorps anti-MuSK ou atteints d’un LEMS s’est amélioré. Seul un patient a vu ses symptômes s’aggraver. L’état des 3 derniers patients est resté inchangé. C. Carra-Dallière, Montpellier Myasthénie avec anticorps anti-MuSK Environ 15 % des patients atteints d’une myasthénie généralisée n’ont pas d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine (AChR). Chez 40 à 60 % de ces patients − anciennement dénommés “séronégatifs” −, on met en évidence des anticorps dirigés contre une autre protéine de la membrane postsynaptique de la jonction neuromusculaire, la muscle-specific receptor tyrosine-kinase (MuSK) [1]. La myasthénie anti-MuSK atteint préférentiellement les femmes dans leur troisième décennie, en moyenne plus précocement que les autres formes de myasthénie autoimmune. J. Guptill et al. (2) insistent sur l’existence de 3 phénotypes distincts : une forme avec faiblesse et atrophie marquée des muscles pharyngofaciaux, une autre avec atteinte des muscles extenseurs du cou et respiratoires, et, enfin, une forme cliniquement proche de la myasthénie avec anticorps anti-AChR. Les muscles oculomoteurs sont souvent relativement épargnés, notamment en début de maladie. Rapidement, l’évolution a tendance à être plus sévère, avec la survenue plus fréquente de décompensations respiratoires. 134 | La Lettre du Neurologue • Vol. XV - n° 4 - avril 2011 Commentaire Le rituximab semble être un traitement de deuxième ligne intéressant dans la myasthénie auto-imune et le LEMS, notamment lorsque la maladie est réfractaire aux thérapies immuno­ suppressives habituelles et qu’elle exige un recours régulier aux immunoglobulines intraveineuses ou aux plasmaphérèses. Son efficacité est notamment intéressante chez les patients porteurs d’anticorps anti-MuSK. Les indications précises et le schéma thérapeutique devront être précisés à l’avenir par des essais thérapeutiques randomisés. Néanmoins, malgré l’absence d’effets indésirables notables dans cette série, il faut garder à l’esprit le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive après traitement par rituximab (2). Références bibliographiques 1. Maddison P, McConville J, Farrugia ME et al. The use of rituximab in myasthenia gravis and Lambert-Eaton myasthenic syndrome. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2010 (sous presse). 2. Carson KR, Evens AM, Richey EA et al. Progressive multifocal leukoencephalopathy after rituximab therapy in HIV-negative patients: a report of 57 cases from the Research on Adverse Drug Events and Reports project. Blood 2009;113(20):4834-40.