Première partie : le front pionnier §1 Depuis les années 1970‐1980, l'ouest de l'État de Bahia au Brésil fait partie des fronts pionniers agro‐industriels les plus actifs et les plus importants au monde. Il est le lieu d'un investissement agricole intense auquel participent de grandes entreprises brésiliennes et étrangères. Fig. 1 — Une exploitation de 3760 hectares dont la limite est un corridor boisé de 600 hectares. §2 Présentation de la zone d'étude La région, dont le nom local est Espigão Mestre, participe de la frange orientale du cerrado, la savane brésilienne, dont les potentialités naturelles sont faibles, mais que l'agro‐industrie transforme profondément en permettant des récoltes record. Fig. 2 — L'espigão Mestre sur la mosaïque de Google Earth. Les terres mises en culture forment une bande claire très visible au centre du cliché. L'échelle verticale à gauche mesure 560 km, l'équivalent de la distance à vol d'oiseau entre Marseille et Colmar. §3 L'Espigão Mestre forme la frange occidentale de l'État de Bahia, sur 560 km d'extension du nord au sud, au contact des États de Tocantins et Goiás, situés à l'ouest, et de Minas Gerais au sud. À l'ouest de la vallée du São Francisco et de sa dépression, commence le gigantesque « plateau brésilien », dont l'Espigão Mestre forme une microrégion. Le socle cristallin a été porté ici à plus de 1 000 m d'altitude. Vers l'est et le nord‐est, les couches sédimentaires de couverture s'abaissent en formant des chapadas (plateaux à bords escarpés) et des cuestas. L'Espigão Mestre et la Serra Geral de Goiás sont précisément une gigantesque cuesta dont le front regarde vers l'ouest, et dont le revers s'incline vers l'est. La cuesta culmine à 900‐930 m environ dans sa partie nord, et à plus de 1000 m au sud, et elle domine une dépression orthoclinale située à l'ouest, en contrebas, avec un dénivelé de 300 à 400 m. Le front de cuesta présente donc une puissance considérable qui justifie son nom de Serra Geral de Goiás. L'immense revers, qui se présente comme un plateau régulier et en pente douce vers l'est (avec une pente très faible de 1 à 2 m par km en moyenne), est découpé par une impressionnante série de rivières parallèles qui donnent au réseau hydrographique son aspect peigné (fig. 4). Toutes sont des affluents et sous‐affluents du São Francisco. Le plateau est découpé en une trentaine d'interfluves parallèles, jusqu'à une ligne Formosa‐ Barreiras‐Correntina‐Cocos, à l'est de laquelle l'irrégularité des formes domine à nouveau. Cet espace mesure près de 500 km sur 150 de large environ, offrant une superficie de l'ordre 75 000 km2 à la colonisation. §4 La région connaît un climat de savane tropical, qui devient plus humide et plus frais vers le sud‐est et le sud, plus chaud et plus humide vers le nord ; il est caractérisé par deux saisons bien nettes (pluies d'octobre à avril ; sècheresse de mai à septembre), des températures moyennes annuelles qui varient de 19 à 26°C et une grande amplitude diurne au cours de l'hiver sec. Fig. 3 — Le front de cuesta, dominant les terres de l'État de Goiás et le plateau en pente douce. §5 Fig. 4 — Le réseau hydrographique du haut plateau de l'Espigão Mestre. §6 Dans cette frange, la densité de la population a longtemps été très faible. Le boisement et la savane des plateaux calcaires s'opposaient au peuplement pérenne et la région est restée à l'écart de l'activité majeure des campos cerrados qu'est l'élevage extensif sur les grandes prairies naturelles. La colonisation du Centre‐Ouest a longtemps été embryonnaire et elle n'est devenue, ici, la grande préoccupation que depuis deux à trois décennies seulement. Par conséquent, le schéma n'est pas le schéma colonial habituel avec quelques postes fortifiés accompagnés de colonies militaires le long des voies fluviales, comme ce fut le cas le long du Paraná et du Paraguay dès le XVIe siècle, avec création de quelques fazendas isolées. Il s'agit ici d'une colonisation agro‐industrielle résolue et systématique. Jusque dans les années 1970 et 1980, c'était un espace forestier et de savane sans la moindre fondation. Seule la route BR 242 le traversait : au croisement avec la route BR 20, Luís Eduardo Magalhães fut d'abord un modeste point d'occupation apparu au début des années 1980 avant de devenir, aujourd'hui, une ville champignon de 50 000 habitants. §7 La dynamique du front pionnier associe trois mouvements : ‐ un mouvement général de progression vers l'ouest, qui est la tendance historique de base, suivant l'itinéraire de pénétration vers l'ouest qui va de Salvador de Bahia jusqu'au cœur des Campos Cerrados du Tocantins et de Goias, par la route BR 242. ‐ un mouvement interne à l'Espigão Mestre qui conduit vers le sud, le long de la route BR 20 (et en partie aussi vers le nord). ‐ enfin, un mouvement interne à chaque interfluve qui voit l'occupation et la mise en valeur agricole progresser de l'ouest vers l'est. Fig. 5 — Les dynamiques concurrentes du front pionnier agricole. §8 Fig. 6 — La conversion agricole de la savane, état vers 2006. §9 Les activités agricoles La région est devenue en une vingtaine d'années l'un des principaux lieux au monde de production de certaines commodités agricoles, avec une spécialisation autour du soja, du coton, du maïs et du café. C'est le soja qui exerce l'influence la plus déterminante dans la progression du front pionnier. Néanmoins le coton progresse fortement, passant de 260 000 ha cultivés en 2009‐2010 à 405 000 en 2010‐2011. Par rapport à la carte encore publiée en 1996 où la région apparaît comme dédiée à l'élevage extensif ou bien sans dominante, il faudrait, en 2011, l'inscrire comme région à très forte dominante agricole. Fig. 7 — Les dominantes de l'espace agraire et forestier brésilien en 1996. Le cadre identifie la zone d'étude. Source : IBGE, Censo agropecuario. La difficulté principale que rencontre la région de l'Espigão Mestre tient au coût du transport des produits de base jusqu'aux terminaux portuaires. C'est ce qu'explique Eduardo Logemann, de SLC Agricola : « De manière générale, le Brésil est extrêmement efficient jusqu'à la porte des exploitations, mais, quand on en sort, on affronte des coûts de transports les plus élevés. Aux États­Unis, pour transporter une tonne de soja de l'Illinois jusqu'à un port, il en coûte 20 $ US, par le Mississipi ou par rail. En Argentine, il en coûte 40 $ US pour l'apporter via le fleuve Parana. Au Brésil, le prix est de 60 $ US, parce que les routes sont déficitaires, les voies ferrées inexistantes, parce qu'il manque des infrastructures, nos ports en plus d'être très chers sont peu nombreux. » (Jornal do Comércio, Porto Alegre, 5 juillet 2010 ; notre traduction) §10 Dans le cerrado baianais, il existe encore environ 1,5 million d'ha disponibles pour une conversion agricole. Le front pionnier de l'Espigão Mestre est devenu un des lieux privilégiés de tous les gigantismes, et il est nécessaire d'avoir une constante appréciation des distances et des superficies pour l'étudier. Fig. 8 — Le domaine présenté au début de l'étude, comparé à la superficie de Paris. §11 Le diagnostic écologique en cours de réalisation Une opération nommée Geoprocessamento e cadastramento parcial das propriedades rurais do Oeste da Bahia est en cours sur trois municipes (Barreiras, Riachão das Neves e Luis Eduardo Magalhães) et doit être étendue à l'ensemble des municipes de l'Espigão Mestre. Cet inventaire a été conduit de juin 2008 à avril 2011, dans le but de produire un document de diagnostic de la situation environnementale, avec une attention particulière à l'usage du sol. Réalisé à partir d'images de satellite à haute résolution, le programme devrait couvrir à terme environ 10 millions d'hectares. Fig. 9 — Identification d'une propriété à Luis Eduardo Magalhães. Gérard Chouquer octobre 2011 §12 Bibliographie Rafael Botelho CONTE, Relatorio do projeto de geoprocessamento e cadastramento das propriedades rurais do oeste de Bahia, primeiro produto, Formosa do Rio Preto, aout 2010, 27 p. http://www.iica.int/Esp/regiones/sur/brasil/Lists/DocumentosTecnicosAbertos/Attachments/185/Cadastramento%20das%20Pr opriedades%20Rurais%20do%20Oeste%20da%20Bahia%20‐%20Formosa%20do%20Rio%20Pretor_Rafael_Conte.pdf Karoline Oliveira GAMA, "Nova organização fundiaria do Oeste da Bahia", I Simposio Regional de Geografia do Cerrado, SIREGEO, 9‐12 Outubro de 2010, Barreiras, disponible sur internet : http://www.geografia.icad.ufba.br/siregeo/GAMA,%20Karoline%20Oliveira.pdf Geoprocessamento e cadastramento das propriedades rurais do Oeste Baiano : http://www.iica.int/Esp/regiones/sur/brasil/Lists/projetos_e_acoes/DispForm.aspx?ID=4 Informations du Ministério do Desenvolvimento, Industria e Comércio Exterior (Brasil) Chineses anunciam investimento de R$ 4 bilhões no oeste da Bahia (23 mars 2011) http://www.pdp.gov.br/Paginas/DetalhamentoNoticia.aspx?ItemID=871 Sur le Cadastramento parcial das propriedades rurais de três municípios (Barreiras, Riachão das Neves e Luis Eduardo Magalhães) http://www.iica.int/Esp/regiones/sur/brasil/Lists/projetos_e_acoes/DispForm.aspx?ID=4 Article sur les investissements prévus par le groupe Pallas http://www.rbb.ba.gov.br/index.php/component/content/article/35‐governo‐do‐estado/359‐grupo‐chines‐vai‐investir‐em‐ energia‐renovaveis‐na‐bahia http://www.macauhub.com.mo/pt/2010/08/04/9541/ Blog de Brasnordeste http://brasnordeste.blogspot.com/ Sur le Groupe Horita http://ps‐sistemas.com.br/index.php?/Noticias/walter‐horita‐destaque‐nacional‐no‐ramo‐agricola&utm_source=Prodix%20e‐ Marketing&utm_campaign=80a63fec57‐Newsletter_Prodix_e_Markerting9_29_2010&utm_medium=email Sur Floryl http://www.floryl.com.br/home.htm Sur Chongqing http://www.ibahia.com/impressao/noticia/bahia‐e‐china‐oficializam‐instalacao‐de‐fabrica‐de‐beneficiamento‐de‐soja/ Sur SLC Agricola http://www.slcagricola.com.br/