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La Lettre du Pharmacologue - Volume 14 - n° 5 - mai 2000
ADPC
ont également montré que les patients qui présentent un défi-
cit en TPMT accumulent de très fortes concentrations de
6-TGN dans leurs globules rouges et probablement d’autres tis-
sus hématopoïétiques.
!Toxicité clinique. La sévérité de la toxicité des 6-TGN pré-
sents en concentration anormalement élevée a été montrée chez
des patients transplantés rénaux et/ou cardiaques. Des épisodes
itératifs d’aplasie auxquels s’ajoutent des complications infec-
tieuses ont ainsi été rapportés, ne cédant qu’à l’arrêt définitif
de la prise d’Aza. La caractérisation du phénotype et du géno-
type de ces patients a confirmé l’existence de mutations homo-
zygotes du gène de la TPMT.
Une autre étude a montré que pour des patients leucémiques
traités par MP, 100 % des patients homozygotes pour la muta-
tion devaient arrêter leur traitement en raison d’une toxicité
hématologique, contre 54 % chez les patients hétérozygotes et
23 % des patients ne présentant pas de mutation.
!Efficacité clinique. Il a été montré que chez les patients leu-
cémiques déficients en TPMT, le dosage de mercaptopurine
peut être réduit à 6 à 10 % du dosage habituel et d’environ 60 %
pour les patients hétérozygotes pour obtenir les mêmes effets
cliniques.
Enfin, une étude conduite chez des patients transplantés rénaux
a suggéré que les patients présentant une activité TPMT élevée
pourraient bénéficier de doses à la limite supérieure de celles
utilisées habituellement.
DIAGNOSTIC D’UN DÉFICIT EN TPMT
Un test d’activité de la TPMT doit être réalisé avant de com-
mencer un traitement par MP ou Aza quand les circonstances
cliniques le permettent.
Un test phénotypique doit être réalisé en première intention
pour mesurer cette activité dans les globules rouges puisque,
dans le meilleur des cas, la corrélation entre phénotype et géno-
type est de 98 %. Cela s’explique par l’existence de mutations
non encore déterminées. Ce test permet de détecter le phéno-
type normal, hétérozygote ou homozygote du patient. En cas
de phénotype normal, une dose normale du traitement peut être
prescrite. Si le patient présente un phénotype d’activité inter-
médiaire ou faible, la posologie doit être diminuée. En cas d’ac-
tivité nulle, le traitement doit être évité. Dans tous ces cas, un
génotypage permettra de préciser le type de mutation, et/ou de
découvrir de nouvelles mutations. Le génotypage est également
nécessaire si une transfusion de globules rouges a été effectuée
dans les deux mois précédant la mesure de l’activité ou si le
patient reçoit des traitements susceptibles de modifier l’acti-
vité TPMT. Ces deux circonstances sont fréquentes chez des
patients leucémiques ou en attente de transplantation d’organe.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
La mesure de l’activité TPMT illustre l’importance clinique
potentielle que revêt un polymorphisme génétique d’un méta-
bolisme médicamenteux. La caractérisation des mécanismes
moléculaires d’une variabilité phénotypique a permis à la fois
de faire avancer la connaissance des mécanismes et, en pratique
clinique, d’individualiser un traitement aussi bien en ce qui
concerne sa dose toxique que sa dose efficace.
Une limite à la détection génotypique est la multiplicité des
mutations et, de ce fait, la difficulté pratique d’une évaluation
individuelle. Le développement d’une technologie de “puce à
ADN” présente le potentiel d’automatiser complètement le dia-
gnostic génotypique de nombreux gènes comme celui de la
TPMT, permettant ainsi un diagnostic rapide d’un plus grand
nombre d’allèles mutés.
Par ailleurs, il a été montré que l’activité de la TPMT est induc-
tible après traitement par azathioprine ou mercaptopurine. Cette
induction est corrélée à l’efficacité thérapeutique du traitement
par Aza après transplantation rénale. Des travaux sont en cours
afin de préciser les mécanismes de cette induction avec pour
objectif de mieux individualiser le traitement immunosuppres-
seur proposé après transplantation d’organe. "
POUR EN SAVOIR PLUS
– Weinhilboum R.M., Sladek S.L. Mercaptopurine pharmacogenetics : monogenic
inheritance of erythrocyte thiopurine methyltransferase activity. Am J Hum Genet
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rine S-methyltransferase : clinical importance and molecular mechanisms.
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– Shütz E., Gummert J., Mohr F., Oellerich M. Azathioprine-induced myelosup-
pression in thiopurine methyltransferase deficient heart transplant recipient.
Lancet 1993 ; 341 : 436.
– Soria-Royer C., Legendre C., Mircheva J., Premel S., Beaune P., Kreis H.
Thiopurine-methyl-transferase activity to assess azathioprine myelotoxicity in
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– Mircheva J., Legendre C., Soria-Royer C., Thervet E., Beaune P., Kreis H.
Monitoring of azathioprine-induced immunosuppression with thiopurine methyl-
transferase activity in kidney transplant recipients. Transplantation 1995 ; 60 :
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