Prescrire les immunosuppresseurs en libéral

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Les immunosuppresseurs
lors des MICI
en pratique libérale
Maryan Cavicchi, Créteil
Introduction

En pratique de ville, la prescription de tous les
immunosuppresseurs y compris l’infliximab est
possible et même recommandable

Il n’est pas facile de respecter les AMM

La 6-mercaptopurine, la ciclosporine et le méthotrexate n’ont
pas l’AMM pour les MICI

Nécessite donc une bonne information des
professionnels de santé et des patients

Sous réserve d’une surveillance adaptée

Un bémol, les colites aiguës graves
Pourquoi ?

Trois grandes circonstances :

Limiter la prescription de corticoïdes : corticodépendance,
récidives fréquentes, récidive rapide après sevrage en
corticoïdes

Mettre en rémission ou la favoriser: corticorésistance,
maladies fistulisantes ou maladies chroniques actives

Maladie dont l’évolution risquerait d’être péjorative : atteinte
étendue notamment du grêle, lésions anopérinéales
sévères, première poussée grave, risque chirurgical élevé,
récidive post-opératoire précoce, terrains particuliers
Lesquels et pour qui ?

Maladie de Crohn

Mise en rémission : Méthotrexate, Infliximab, Azathioprine (?),
6-MP (?)

Maintien de la rémission : Azathioprine, 6-MP, Méthotrexate,
Infliximab

RCH

Mise en rémission : Ciclosporine, Infliximab (?)

Maintien de la rémission : Azathioprine, 6-MP
Quand ?

De plus en plus fréquemment et de plus en plus tôt


30-50 % des patients après 3 ans d’évolution de la maladie
Validé chez l’enfant dès la première poussée
(Markowitz et al., 2000)

Etude du GETAID en cours pour l’adulte :

introduction de l’azathioprine au décours de la première
poussée
Azathioprine – 6-MP


Efficacité :

autour de 70 % (rémission et sevrage corticoïde)

une fois la rémission obtenue, 5-10 % de rechute par an
Dosage :

Azathioprine : 2.5 mg/kg/j

6-MP : 1.5 mg/kg/j

Per os, comprimés sécables à 50 mg, générique
pour l’azathioprine, en une prise

Durée : supérieure à 4 ans (Lemann et al., 2002)

Délai d’action : 2-3 mois, on ne parle pas d’échec
avant 6 mois
Azathioprine – 6-MP

Surveillance :

NFS-plaq par semaine le premier mois puis une fois par
mois pendant 2 mois puis tous les 3 mois

BH toutes les 2 semaines pendant 1 mois puis tous les mois
pendant 2 mois puis tous les 3 mois

Marqueurs : macrocytose, leucopénie, lymphopénie

Coprescriptions à prendre en compte

5-ASA : risque théorique de toxicité

Allopurinol : augmente la toxicité

Infliximab : augmentation des 6-TGN (Roblin et al., 2003)

Vaccins vivants contre-indiqués
Effets indésirables et Risques à long terme



Problème fréquent : 10-20%
Divers : nausées, asthénie, alopécie
Leucopénie, thrombopénie, pancytopénie (5-10 %)




Réaction d’hypersensibilité (dans les premières semaines)
Pancréas :






3-5 %
Dans les 2 premiers mois
très rarement sévère
Foie


Précoce et sévère : déficit en TMPT ?
Modérée et n’importe quand
1%
Hépatite cytolytique, HNR, péliose
Lymphomes : risque faible, Cesame en cours
cancer : pas de risque
Que faire en cas de toxicité ?

Asthénie, nausées, phénomènes immunoallergiques :
6-MP

Pancréatique


Azathioprine et 6-MP interdits

Méthotrexate

Lanvis ?
Hépatique

Discutée car la physiopathologie est mal comprise (6MMP ?)

Diminution des doses

6-MP possible sous surveillance étroite
Que faire en cas de toxicité ?

Hématologique :

Arrêt du traitement si GB < 3000, PNN < 1500, plaq
< 100 000

si on peut la comprendre, c’est mieux

Déficit en TPMT : Azathioprine et 6-MP interdits

Polymorphisme TPMT ou pas de dosage : diminution
des doses sous surveillance, 6-MP faibles doses
Que faire en cas d’inefficacité ?
Lanvis®

6-thioguanine

Intérêt dans les effets indésirables graves de
l’azathioprine et du 6-MP (Dubinsky et al., 2001)

Dose 20 – 40 mg/j, per os

Problème de toxicité hépatique (HNR) dans
l’expérience américaine (Dubinsky et al., 2003)

Consensus pour ne plus le prescrire (pour le
moment ?)
Méthotrexate


Dosage :

25 mg/semaine pendant 3 mois ou jusqu’à rémission

Puis 15 mg/semaine
Efficacité :

Crohn: un peu moins bonne que la 6-MP (Feagan et al., 2000)

Non recommandé pour la RCH

IM dans les études mais biodisponibilité équivalente en SC

Durée : inconnue, par analogie avec l’azathioprine

Délai d’action : 4-6 semaines

Surveillance : NFS-plaq, BH toutes les semaines pendant 1
mois puis tous les mois pendant 2 mois puis tous les 3 mois
Méthotrexate


CI :

Grossesse, y compris l’homme

Insuffisance rénale, respiratoire ou hépatique
Coprescriptions à prendre en compte

Folates : 5 mg une à deux fois par semaine

Toxicité hématologique augmentée par la triméthoprime, les
AINS, les pénicillines, la ciclosporine

Diminue l’absorption de la phénytoïne (Dihydan®)

Vaccins vivants contre-indiqués en particulier fièvre jaune
Effets indésirables

Asthénie, nausées, myalgies dans les suites de
l’injection

Réactions allergiques

Toxicité hématologique : peu fréquente

Pneumopathies interstitielles (3-11%) : toux
chronique, dyspnée

Toxicité hépatique : discuté dans le cadre des MICI
(essentiellement rapportée en cas de psoriasis
sévère)
Que faire en cas de toxicité ?

Penser à la supplémentation en acide folique

Diminuer les doses de 25 mg à 15 mg/semaine si
possible

Pas d’efficacité reconnue en dessous

La voie orale n’est sans doute pas la solution

Arrêter et remplacer
Ciclosporine orale



Dosage : 5 mg/kg/j
Dans les suites de la voie IV dans le cadre des CAG
ou d’emblée dans les formes chroniques actives (?)
Efficacité :







75-80 % de mise en rémission des formes graves par voie IV
Réponse probablement proche par voie orale
Pourcentage élevé de colectomie à distance : 58 % à 7 ans
(Campbell et al., 2005)
Intérêt de la forme orale dans les colites chroniques actives
en cours d’évaluation
Orale, en deux prises, Néoral®
Durée : 3-6 mois, a priori pas en entretien
Délai d’action : quelques jours
Ciclosporine

Surveillance





Créatininémie, magnésémie et cholestérolémie avant
traitement
Créatininémie, NFS-plaq en cours de traitement
Ciclosporinémie discutée mais souhaitable (résiduelle entre
150 et 250 ng/ml)
CI : insuffisance rénale
Coprescription à prendre en compte



Vaccins vivants contre-indiqués
Immunosuppresseurs et risque infectieux : Bactrim forte
3/semaine ou Pentacarinat tous les mois
Erythromycine, amiodarone, inhibiteurs calciques,
pristinamycine : augmentent la concentration sanguine de
ciclosporine
Effets indésirables
Moins per os que IV
 Convulsions
 Insuffisance rénale : dose-dépendante et en général
réversible
 Paresthésies, Tremblements
 Hypertrichose
 Gingivite
 HTA
 Céphalées
 Anomalies du bilan hépatique
 Hyperuricémie
Que faire en cas de toxicité

S’assurer de l’absence d’interactions
médicamenteuses

Diminuer les doses

Arrêter
Infliximab

Dosage : 5 mg/kg/perfusion

Rythme des perfusions

Maladie fistulisante ou mise en rémission : S0, S2, S6

Entretien : toutes les 8 semaines

IV sur deux heures

Durée : inconnue

Délai d’action : quelques jours à quelques semaines
Infliximab



Surveillance

Initialement : Dépistage d’une tuberculose active ou latente, Ac
antiADN, sérologies des hépatites et VIH

Avant chaque perfusion : NFS-plaq, BH, créatininémie, βHCG

Ac-antiADN régulièrement
CI

Grossesse

Infection sévère évolutive ou de moins de 3 mois

Insuffisance cardiaque moyenne à sévère (classe III et IV de NYHA)
Coprescription à prendre en compte

Vaccins vivants CI

Les immunosuppresseurs pourraient avoir un effet « synergique »,
en partie parce qu’ils diminuent la formation d’Ac anti-infliximab
Infliximab et tuberculose
Recommandations de l’AFSSAPS

Interrogatoire

IDR (10 UI tuberculine ou 5 UI Tubertest®)

RP

Tuberculose active : QS

Tuberculose latente

PIT : virage ou IDR > 5 mm après contact avec une personne
infectée

Sujets à fort risque de réactivation : passé tuberculeux avant
1970 ou traités insuffisamment, contact avec personne
infectée, IDR > 5 mm à distance du BCG (> 10 ans), séquelles
tuberculeuses importantes sans certitude de stérilisation
Effets indésirables

6% d’effets indésirables sévères, 0.8 % de décès imputables à
l’Infliximab (Colombel et al., 2004)

Liés aux Ac anti-infliximab

Pendant ou au décours immédiat de la perfusion (4-5 %) : Fièvre,
frissons, rash cutané, dyspnée, oppression thoracique,
hypotension voire choc

Hypersensibilité retardée (2-3 %) : œdème, urticaire, arthralgies,
myalgies, céphalées

Infections bénignes (8-35 %) ou sévères (3 %) (sepsis grave,
tuberculose, histoplasmose, pneumocystose...)

Lupus induit : très rare et réversible mais Ac antiADN fréquents
(10-25 %)

Syndromes de démyélinisation et neuropathies : rares
Modalités pratiques

En ambulatoire, GHS dédié

Bolus de 200 mg d’HSHC si le patient n’est pas sous
immunosuppresseurs

Surveillance pendant la perfusion et deux heures
après

Température, pouls, tension toutes les 30 min
Que faire en cas de toxicité

En cas de réaction pendant la perfusion

Réaction grave : stop

Réaction peu sévère :

Arrêter temporairement ou ralentir la perfusion

Atarax® 25-50 mg et 40 mg de prednisone per os

Reprendre à débit progressivement croissant si
disparition des symptômes
Grossesse et Immunosuppresseurs

Methotrexate : strictement contre-indiqué chez la femme et
chez l’homme, délai de 3 mois après interruption

Azathioprine – 6-MP chez la femme: la grossesse est possible
mais en discuter avec la patiente

La 6-MP chez l’homme :

A fait l’objet d’articles contradictoires

Etude rétrospective de l’équipe de Present (Francella et al., 2003)

Ciclosporine : la grossesse est possible mais il s’agit d’un
traitement court, dans une période active de la maladie et le
problème ne se pose généralement pas

Infliximab : contre-indication en cas de grossesse mais de plus
en plus de données récentes laissent penser qu’il n’y a pas de
risque particulier
Conclusion

L’évolution de la prise en charge des MICI passe
indéniablement par une prescription plus large et plus précoce
des immunosuppresseurs et à une diminution nette des
hospitalisations et donc à une prise en charge accrue en libéral

L’amélioration de la qualité de vie des patients qui répondent
aux immunosuppresseurs est considérable, contrebalançant
les précautions d’usage et la surveillance

La connaissance des effets indésirables et de leur gestion ainsi
qu’une bonne information et une responsabilisation des
patients est essentielle

La formation des médecins généralistes m’apparaît également
souhaitable dans ce cadre
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