La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. V - janvier-février 2002
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Une contraction sphinctérienne, quelle que soit sa puissance, n’est
utile et efficace que si elle peut être utilisée dans les différentes
situations à risque d’incontinence : lors d’une envie de gaz ou de
selles, lors d’efforts tels que la toux, les éternuements, la marche.
Il faut donc travailler la qualité de la contraction qui doit être
effectuée sans apnée et sans participation des muscles parasites
ou antagonistes, tels que les adducteurs ou les fessiers.
Les muscles du plancher pelvien sont constitués de fibres de
type 1 et de type 2, afin d’assurer les différentes fonctions de toni-
cité, de puissance et d’endurance. Les exercices analytiques et
globaux doivent développer ces différentes propriétés.
La rééducation pelvipérinéale doit s’effectuer dans différentes
positions : allongée au début, puis assise, debout et enfin dans les
positions correspondant à chaque cas particulier selon la profes-
sion et les activités privées, gymniques et sportives. Ces change-
ments de circonstances participent au travail d’automatisation des
contractions lors des efforts, c’est-à-dire du verrouillage à l’effort.
Le travail à domicile est indispensable pour assurer les chances
de réussite du traitement. Entre autres, la motivation et la parti-
cipation du patient constituent d’ailleurs des limites à l’efficacité
de la rééducation. On établit une fiche individuelle reprenant les
exercices appris pendant la séance et indiquant chacun des exer-
cices, les séries et leur progression.
Le travail périnéosphinctérien peut être intégré dans un travail
global : la méthode ABDO-MG (7) associe un travail abdominal
volontaire des grands droits et du transverse par un mouvement
de bascule du bassin, un mouvement réflexe de la sangle abdo-
minale par une électrostimulation déclenchée exactement en
même temps que le mouvement volontaire, le tout étant effectué
pendant une expiration rendue totalement libre et sans résistance
par un tube d’exsufflation. Ce mouvement global déclenche une
contraction réflexe des muscles du plancher pelvien, ce qui rend
la méthode particulièrement intéressante lorsque la contraction
volontaire est mal effectuée ou faible. Cette technique permet
aussi la restauration de la compétence abdominale.
Les techniques abdominales hypopressives de Marcel Caufriez (8)
(techniques d’aspiration diaphragmatique, techniques de neuro-
facilitation, exercices de gymnastique hypopressive) peuvent géné-
rer une pression abdominale négative et activer ainsi un réflexe de
contraction de la musculature abdominale et périnéale.
RÉÉDUCATION PÉRINÉO-SPHINCTÉRIENNE
Les techniques manuelles permettent une évaluation du tonus, de
la puissance de la contraction, de la durée ou de la résistance de
la contraction et enfin de la fatigabilité. Les techniques manuelles
sont le meilleur moyen de contrôle de l’activité musculaire. Elles
sont particulièrement efficaces pour la prise de conscience du
mouvement adapté, c’est-à-dire sans syncinésies et sans apnée.
Elles permettent le travail des différents types de fibres et l’ap-
plication d’une résistance ; elles sont ainsi utilisées tout au long
du traitement, à la fois pour évaluer les progrès, adapter le pro-
tocole selon les résultats et favoriser le travail grâce à son effet
proprioceptif.
Le réflexe d’étirement est aussi utilisé comme technique de faci-
litation musculaire par la mise en jeu du réflexe myotatique
déclenché par un étirement bref de l’anus avec l’index. La réponse
précède et améliore la contraction volontaire par le recrutement
d’un plus grand nombre d’unités motrices.
On utilise depuis longtemps comme traitement de l’incontinence
fécale la rééducation instrumentale active par BFB, dont le prin-
cipe est d’effectuer des exercices musculaires périnéo-sphincté-
riens sous contrôle visuel et/ou auditif. Le BFB permet une prise
de conscience rapide du mouvement, par conséquent une partici-
pation plus efficace du patient et un gain de temps. Son intérêt ne
réside cependant pas dans une utilisation exclusive. Les capteurs
sont de différents types : EMG de surface, sondes EMG ou sondes
de pression. Le type de travail à réaliser doit être déterminé par un
bilan préalable qui précise les anomalies à rééduquer, et cela même
si les paramètres manométriques, tels que le tonus de repos et la
contraction volontaire, ne sont pas des facteurs prédictifs de l’ef-
ficacité du BFB (9). Il est à noter que la présence d’une lésion
sphinctérienne à l’échographie n’est pas un facteur de mauvais pro-
nostic du traitement par BFB de l’incontinence fécale (10). Cepen-
dant, l’existence d’une neuropathie du nerf pudendal représente un
facteur de mauvais pronostic quant à son efficacité (11). Il en est
de même pour l’hypotonie anale (12).
La technique nécessite une préparation tant physique que psy-
chologique, ainsi qu’une installation particulière. Une session de
rééducation bien planifiée peut durer de 60 à 90 minutes. Initia-
lement, le patient devrait être vu une ou deux fois par semaine
pour un total d’environ six à dix sessions. La motivation du patient
est un facteur important de succès. Le déroulement de chaque
séance est fondé sur un échange particulier avec le patient, d’au-
tant plus que celui-ci peut être jeune ou fragilisé par des expé-
riences traumatisantes antérieures. Il doit être explicatif et ensei-
gner le plus simplement possible la façon de corriger le trouble
mis en évidence par le système de visualisation du signal. Le BFB
périnéal vise surtout à renforcer la contraction volontaire, donc la
contraction du sphincter anal externe. Initialement, on insiste sur
la qualité et sur les différents types de contractions (toniques +
phasiques) ; on travaille par la suite de façon graduelle sur la puis-
sance de la contraction, sur sa résistance et sur sa fatigabilité.
Le BFB doit s’intéresser non seulement aux incontinences d’ori-
gine anale par le travail de la musculature pelvienne, mais aussi aux
incontinences d’origine rectale, par le travail de la coordination ano-
rectale (rééducation du réflexe rectosphinctérien) et la rééducation
du réservoir rectal (sensibilité, capacité et compliance) (13).
Durant la rééducation par BFB, il faut aussi s’efforcer de corri-
ger tout phénomène d’anisme (dyssynergie recto-sphinctérienne).
Le principe est d’obtenir une parfaite relaxation des muscles du
canal anal lors des essais de défécation.
DOSSIER THÉMATIQUE