Diagnostic biologique de Helicobacter pylori :
le point de vue des microbiologistes
J.L. Fauchère*
A
u regard des données clinico-biologiques récentes
rappelées dans les articles de J.C. Delchier et de
A. Courillon-Mallet, le consensus actuel (1) pour
le diagnostic de Helicobacter pylorimérite d’évoluer. L’amélio-
ration des techniques anciennes et l’émergence de nouvelles tech-
niques biologiques de diagnostic plaident également dans le sens
d’une évolution du consensus.
Les microbiologistes pensent que les recours à l’isolement de la
souche par culture et à l’antibiogramme sont globalement insuf-
fisants. En effet, le test rapide à l’uréase actuellement préconisé
est peu sensible, et la recherche de H. pylorilors de l’examen
anatomo-pathologique qui est censé le compléter a des perfor-
mances très variables d’un laboratoire à l’autre, avec des possi-
bilités de confusion avec d’autres bactéries spiralées. Par ailleurs ,
on ne peut plus considérer que les souches de H. pylori ont des
profils de résistance aux antibiotiques et des profils de virulence
constants. De notre point de vue, la fréquence des résistances pri-
m a i res aux traitements habituellement utilisés est maintenant suf-
fisamment élevée pour justifier l’antibiogramme des souches dès
l’examen initial.
L’implication de H. pylori dans les cancers gastriques est à pré-
sent bien établie,et il est avéré que l’éradication de l’infection
d i m i n ue le risque de cancer ga s t ri q u e. Un dépistage systémat i q u e
de l’infection devient donc beaucoup plus légitime. Les tests non
i nvasifs classiques (séro l ogie et test re s p i rat o i re) ont écom-
plétés par de nouveaux tests, comme ceux fondés sur la re ch e rch e
des antigènes dans les selles. Tous ces tests sont simples, fiables
et peu onéreux.
E n fi n , des méthodes moculaires permettant des diag n o s t i c s
rapides et incluant le dépistage de l’antibiorésistance sont appa-
rues et commencent à être utilisées.
MÉTHODES RECOMMANDÉES POUR LA RECHERCHE
DE H. PYLORI
Méthodes invasives
(2, 3)
Elles consistent à pratiquer plusieurs biopsies de la mu q u e u s e
antrale ou fundique au cours d’un examen endoscopique et à y
rechercher H. pylori.
Chaque fois qu’une biopsie est pratiquée,il faut en adresser un
échantillon au laboratoire de bactériologie pour isoler la souche
et étudier ses marq u e u rs de résistance ou de viru l e n c e. Les éch a n-
tillons doivent être adressés au laboratoire dans les trois heures
qui suivent leur prélèvement. Si le délai avant examen est plus
long, il faut utiliser un milieu de transport fourni par le labora-
toire. On doit évidemment continuer d’adresser des biopsies en
a n a t o m o p at h o l o gi e, l’intérêt majeur de l’examen anat o m o p a -
t h o l ogique étant la re ch e rche d’anomalies histologiques de la
muqueuse.
Mise en évidence des germes : un diagnostic présomptif peut
se fa i re en salle d’endoscopie s le prélèvement effe c t u é , e n
recherchant l’activité uréasique par test rapide. Le résultat doit
être confirpar un examen bactériologique, une sérologie ou
un test respiratoire.
Au laboratoire, l’examen direct après coloration de Gram per-
met un diagnostic rapide en général plus fiable que lorsqu’il est
p ratiqué en anat o m o p at h o l ogi e. La culture est la méthode de réfé-
rence. Elle est très spécifique mais soumise au caractère “capri-
c i e u x ” des pri m o - c u l t u r es et aux faux négatifs dus aux aléas
d’échantillonnage. Cette méthode a cependant une bonne sensi-
bilité dans les laboratoires entraînés. En primo-culture, les colo-
nies apparaissent en 3 à 12 jours sur gélose au sang. En subcul-
ture, la croissance est plus rapide (2 à 4 jours) ; l’identification
bactériologique ne pose pas de problème majeur. Il n’y a pas de
diagnostic différentiel. H. pyloriest la seule bactérie cultivable
retrouvée dans l’estomac humain.
Des méthodes par PCR mu l t i p l ex pour re c h e rcher H. py l o r i
dans les biopsies ga s t r iques ont été proposées. Certaines per-
mettent simultament de détecter H. py l o r iet de déterm i n e r
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O I N T D E V U E
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 99
* Microbiologie A, CHU de Poitiers.
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le statut C a g A et Va c A ainsi que la résistance à la cl a r i t h ro-
mycine de la souch e . Ces méthodes ont des sensibilités de
l ’ o rd r e de 90 % et des spécificités de l’ord re de 95 % par rap-
p o r t aux férences habituelles (culture positive ou deux
thodes indirectes négat ives). Elles ont l’ava n t age de don-
ner un résultat dans des délais très inféri e u rs à ceux de la cul-
t u re.
Méthodes non invasives
Sérodiagnostic (4-6)
Cette méthode est simple,à la portée de tous les laboratoires et
prise en charge par l’assurance maladie. Le sérum décanté, “ali-
quoté” et congelé à 20 °C peut être conservé plusieurs mois.
Un assez grand nombre de kits diagnostiques fondés sur des
ELISA ou des Western-Blots sont à la disposition des biologistes
pour la réalisation de ces méthodes sérologiques. Les antigènes
utilisés sont en général des composants pariétaux issus d’une ou
de plusieurs souches, éventuellement enrichis en certains com-
posants bactériens immu n ogènes ( C ag A ) et ap p a u v r is en cert a i n s
composants re s p o n s a bles d’antigénicités croisées. Aps l’in-
fection, les IgG sériques sont détectables en 10 à 20 jours selon
les sujets. Leur taux reste élevé tant que l’infection persiste. Le
diagnostic de colonisation par H. pyloripeut être porté par une
seule sérologie si elle est franchement positive. En cas de résul-
tat douteux ou de discordance avec une autre méthode de dia-
g n o s t i c , il est sage de pratiquer une seconde ro l o gi e, 15 à
30 jours plus tard, pour étudier l’évolution du taux des anticorps.
Après l’éradication de la bactérie par un traitement antibiotique,
le taux d’IgG diminue pour devenir,en 4 à 6 mois, comparable
à celui des sujets non infectés. En cas d’échec thérapeutique, il
peut rester élevé ou diminuer, puis réaugmenter. Cependant, ces
variations sont trop lentes ou trop variables d’un sujet à l’autre
pour que la sérologie puisse être utilisée pour contrôler l’éradi-
cation.
Test respiratoire à l’urée marquée (Breath test) (7)
Cette méthode consiste à mettre en évidence l’activité uréasique
de la bactérie en faisant ingérer au patient de l’urée marquée au
1 3
C , puis à détecter le CO
2
m a r qué dans l’air expiré. Le
1 3
C est
un isotope stable non radioactif du carbone. Il est donc inof-
fensif et peut être utilisé sans autori s a tion spéciale. Cette
méthode est simple, mais nécessite une connexion avec un lab o-
rat o i re cap able de doser le
1 3
C O
2
par spectro m é t rie de masse ou
de disposer d’un ap p a re i l l a ge permettant le dosage du CO
2
p a r
s p e c t ro p h o t o m é t r ie infra - ro u ge. Le test re s p i rat o i r e est re m-
b o u r par lassurance maladie quand il est utilisé pour le
contrôle de l’éra d i c a tion. Il pourrait cependant être éga l e m e n t
utile comme thode de dépistage ou de diagnostic initial.
La séro l ogie et le test re s p i rat o i r e ont lava n t a ge d’être des
méthodes dites “globales” qui ne sont pas dépendantes des aléas
d’échantillonnage comme les méthodes fondées sur une biopsie.
Ils sont sensibles et spécifiques. Ils ont l’inconvénient de ne pas
permettre l’isolement des souches.
Méthodes récemment développées
Immuno-diagnostics
La méthode immu n o - m agnétique ( 8 ) consiste à enri chir un éch a n-
tillon de selles en ADN de H. pyloripuis à effectuer une PCR,
avec comme cible le gène ureA. La sensibilité de cette méthode
est de 81 % et sa spécificité de 100 %.
Des méthodes immu n o l ogiques permettent de re c h e rcher des
antigènes de Helicobacter dans les selles (9). Chez les malades
non traités, ces méthodes ont une sensibilité et une spécificité de
l’ordre de 95 % alors que, chez les patients traités, la sensibilité
tombe à 88 %. Ces méthodes ne sont donc pas recommandées
pour les contrôles d’éra d i c ation. Elles sont, en reva n c h e,très indi-
quées pour le diagnostic chez les enfants. Plusieurs kits com-
merciaux sont proposés.
Méthodes rapides
La re ch e r che d’anticorps dans les urines à l’aide de kits com-
m e r ciaux utilisant un ELISA (Uri n e l i s a
®
) ou une immu n o -
ch r o m a t o graphie (Rap i d u r i n e
®
) a cemment été pro p o s é e .
Ces tests ont une sensibilité de 85 à 95 % et une spécificité de
88 à 95 % .
Méthodes prédictives
R é c e m m e n t , il a été montré que le pro fil de réponse anticorps déter-
miné par Western-Blot pouvait être corrélé au type de la patholo-
gie associée à l’infection (10). Les patients atteints d’ulcères à
Helicobacter, par exemple, présentent plus fréquemment que les
patients ayant une gastrite chronique un profil anticorps caracté-
risé par la présence associée d’anticorps dirigés contre C ag A , Va c A ,
une pep t i dy l - p ro lyl isomérase (ppiase) de 34 kDa ainsi que la bêta-
céto acyl-ACP synthétase de 43 kDa. Ces méthodes constitueront
probablement, dans l’avenir, une nouvelle génération de tests qui,
associés à des marqueurs de l’hôte,permettront une prédiction du
type de pathologie associée à l’infection.
ANTIBIOGRAMME
Les antibiotiques à tester sont ceux qui sont utilisables en cl i-
nique et pour lesquels existent des risques de résistance acquise
(11) : clarithromycine et métronidazole. Les macrolides peuvent
ê t re testés par une méthode de diffusion normalisée par le Gro u p e
d’études français des Helicobacters (GEFH) (12). La résistance
aux macrolides peut aussi être recherchée par PCR-RFLP ou par
des méthodes moléculaires qui mettent en évidence les mu t at i o n s
ponctuelles responsables de la résistance.
CONCLUSION
Il n’existe pas de ri t able thode de référence pour le diag n o s t i c
de l’infection gastrique par H. pylori. La culture est la méthode
la plus spécifique, mais elle manque de sensibilité. Le test respi-
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rat o i re et la séro l ogie sont pro b ablement les méthodes les plus
fiables, mais ils ne permettent pas l’isolement de la souche et la
r é a l i s ation d’un antibiogra m m e. Nous préconisons, pour l’instant,
d’utiliser simultanément deux méthodes pour le diagnostic initial
de l’infection sur les biopsies réalisées en endoscopie,en asso-
ciant à l’histologie une autre méthode directe,culture ou PCR,
qui permet d’isoler la souche ou/et d’étudier les principaux mar-
q u e u rs de virulence et de résistance. Les méthodes indire c t e s
( s é ro l ogie ou test re s p i rat o i re ) , dont les perfo rmances diag n o s-
tiques sont excellentes, pourraient être utilisées à l’avenir pour un
d é p i s t a ge de l’infection chez des malades à fa i b le risque de lésions
endoscopiques. Le test re s p i rat o i r e ap p a raît dès maintenant
comme le test de référence pour ri fier l’éra d i c a tion de la
bactérie.
R
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