D Faut-il surveiller ou traiter un œsophage de Barrett

La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 31
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Endoscopie
D
u fait du pronostic redoutable de l’adénocar-
cinome (ADK) invasif de l’œsophage, associé
à une survie globale à 5 ans inférieure à 13 %,
l’intérêt s’est porté sur l’œsophage de Barrett (OB),
correspondant à une muqueuse prénéoplasique
accessible à une surveillance et à un traitement
endoscopiques (fi gure). L’OB est défi ni par le rempla-
cement de la muqueuse œsophagienne malpighienne
normale par une muqueuse glandulaire. La présence
d’une métaplasie intestinale (MI) est un critère
indispensable pour certains, puisque représentant
le seul type de métaplasie prédisposant clairement
à la dysplasie (1). La surveillance endo scopique fait
partie des recommandations des différentes sociétés
de gastroentérologie (ACG, ASGE, AGA, BSG, SFED)
et est communément admise. En revanche, le trai-
tement, en particulier celui de la dysplasie de bas
grade (DBG), est non consensuel et fait l’objet de
nombreux débats médico-économiques.
Pourquoi traiter un OB avec
DBG ?
L’histoire naturelle de la DBG est à ce jour peu
connue. Plusieurs revues systématiques et études de
population récentes ont estimé l’incidence annuelle
globale de la survenue d’un adénocarcinome à 1,4 %
en cas de présence d’une DBG (2) et à 6,58 % en cas
de dysplasie de haut grade (DHG) [3]. Considérant
ce surrisque relatif en présence d’une DBG, et en
l’absence d’étude randomisée évaluant l’impact de la
surveillance, des traitements endoscopiques se sont
développés, avec d’excellents résultats en termes
d’effi cacité et de tolérance. L’ablation par radiofré-
quence (RFA) est la technique la mieux évaluée et
la plus prometteuse à ce jour. Dans une étude pros-
pective, multicentrique, randomisée et contrôlée,
64 patients présentant une DBG étaient rando-
misés dans un groupe RFA ou un groupe contrôle
(“procédure fantôme”) [4]. À 12 mois, l’éradication
complète de la DBG était obtenue chez 90 % des
patients du groupe RFA, contre 23 % des patients
dans le groupe contrôle (p < 0,001) [4]. Léradica-
tion complète de la MI était atteinte dans 81 % des
cas dans le groupe RFA, contre 4 % dans le groupe
contrôle (p < 0,001) [4]. Ces excellents résultats
étaient sensiblement maintenus à 2 et 3 ans (5). Ces
données sont en accord avec les résultats intermé-
Faut-il surveiller ou traiter
un œsophage de Barrett
avec dysplasie de bas grade ?
Jean-Baptiste Chevaux, Nancy.
L’histoire naturelle de la dysplasie de bas grade (DBG) est peu connue
et son diagnostic doit être confi rmé par un 2e anatomopathologiste.
Le traitement par radiofréquence (RFA) permet l’éradication de la DBG
dans 90 % des cas (niveau de preuve 1b).
La DBG doit faire l’objet d’une surveillance endoscopique ; les traitements
d’éradication, dont la RFA, ne peuvent être recommandés actuellement
(grade de recommandation C).
Ce qu’il faut retenir
niveau
de preuve
4
Figure. Vision endoscopique d’un œsophage de
Barrett compliqué d’une lésion à 6H classée 0-IIa
dans la classifi cation de Paris, correspondant à de la
DBG en histologie (remerciements au Pr P. Deprez,
service de gastro-entérologie, cliniques universitaires
Saint-Luc, Bruxelles).
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EVIDENCE-BASED MEDICINE Endoscopie
Questions
non résolues
» Quel est le bénéfi ce
médico-économique des
traitements d’éradication
comparativement à la
surveillance endosco-
pique ?
» Nécessité de recher-
cher des facteurs prédic-
tifs d’évolution péjorative
(facteurs histologiques,
bio marqueurs, etc.) ?
diaires de l’étude multicentrique européenne (SURF),
randomisée et contrôlée, comparant la RFA à la
surveillance endoscopique chez 136 patients porteurs
d’une DBG, présentée cette année à la Digestive
Disease Week (6). Une analyse coût-effi cacité récente
retrouve un apport bénéfi que du traitement de la
DBG par RFA, contrairement à l'utilisation de cette
dernière dans l’OB non dysplasique (7).
Pourquoi surveiller un OB en DBG ?
La défi nition histologique de la DBG est peu spéci-
que, et une double lecture est indispensable par un
anatomopathologiste spécialisé dans la pathologie
digestive. Cette relecture peut reclasser la DBG
en absence de dysplasie et en aspect indéterminé
pour la dysplasie jusque dans 85 % des cas (8).
Une étude multicentrique prospective a mis en
évidence une régression spontanée de la DBG en OB
non dysplasique dans 66 % des cas et l’absence de
progression dans 21 % des cas au cours du suivi (9).
Malgré un surrisque indéniable de transformation
maligne, l’incidence annuelle globale de survenue
d’un adénocarcinome œsophagien reste faible en
cas de DBG et a probablement été surestimée dans
les études antérieures (10). Cette faible incidence
n’incite donc pas à traiter mais bien à surveiller
nos patients, d’autant plus qu’aucune étude n’a
prouvé à ce jour un bénéfice du traitement de
la DBG en termes de survie. Par exemple, dans
l’essai randomisé et contrôlé de N.J. Shaheen et
al. (4), durant toute la période d’étude, aucune
différence signifi cative n’a été mise en évidence
entre le groupe RFA et le groupe contrôle en termes
de progression de la DBG vers la DHG (p = 0,33),
et aucun patient présentant une DBG dans les
2 groupes n’a présenté de cancer. Par ailleurs,
le traitement d’éradication par RFA nécessite en
moyenne 3,5 sessions de traitement par patient
pour une éradication complète (4). Bien qu’aucun
décès n’ait été décrit, la morbidité de la RFA n’est
pas nulle et comprend à court terme la survenue de
douleurs thoraciques et d’hémorragies digestives
et, à long et à moyen terme, un risque de sténose
estimé à 6 % (4). Le taux d’éradication par RFA de
la MI et de la DBG n’est pas de 100 % et ne justifi e
pas l’arrêt de la surveillance endoscopique (11). En
effet, 3 cas de récidive néoplasique sous-muqueuse
(1 DHG et 2 ADK) ont été décrits dans les suites
d’un traitement par RFA (12).
Au total, devant un risque de transformation maligne
revu à la baisse ces dernières années et l’absence
d’études disponibles sur l’intérêt, en termes de survie
et de coût-effi cacité, des techniques d’éradication
endoscopique, une surveillance à 6 mois puis espacée
est préconisée par la plupart des sociétés savantes,
en attendant les résultats défi nitifs de larges études
randomisées, contrôlées, multicentriques (SURF,
étude SFED, etc.). Toutefois, eu égard à l’excel-
lente effi cacité et à la faible morbidité de la RFA,
les sociétés américaines (AGA et ASGE) proposent
la RFA comme option dans le traitement de la DBG.
La création de futurs scores de risque d’évolution de
la DBG prenant en compte des facteurs prédictifs
démographiques, environnementaux, endoscopiques
et histologiques (dysplasie, biomarqueurs) permettra
de cibler les sous-groupes à traiter.
Les premiers résultats des études sur la coloration virtuelle, dont les
principaux avantages sont la simplicité et la rapidité d’utilisation, sont
encourageants.
Cependant, l’apport de la coloration virtuelle dans le dépistage du cancer
du côlon ou de l’œsophage et de la dysplasie sur colite infl ammatoire
chronique reste à démontrer, notamment vis-à-vis de la chromo-endo-
scopie standard.
Ce qu’il faut retenir
Quelle est la place de la coloration
virtuelle en endoscopie ?
Gabriel Rahmi, Paris.
L
a détection endoscopique précoce des lésions
superficielles précancéreuses du tube digestif
est essentielle pour améliorer le pronostic des
patients concernés. Les colorations endoscopiques
ont pour objectif de détecter et de caractériser
les zones suspectes grâce à une meilleure visua-
lisation du réseau vasculaire et des reliefs de la
surface muqueuse (figure). Elles sont utilisées
dans le bilan des tumeurs colorectales, des colites
inflammatoires chroniques, des complications
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bibliographiques
sur www.edimark.fr
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