a réponse à cette question peut paraître bien simple
puisque des experts se sont clairement prononcés à l’is-
sue de la conférence de consensus nutrition artificielle périopératoire
en chirurgie programmée de l’adulte (1). Le jury, s’appuyant sur de
nombreuses études de la littérature, dont la fameuse étude des vété-
rans (2),recommande de ne pas utiliser la nutrition artificielle (enté-
rale ou parentérale), dans la période périopératoire (2 semaines avant
et 2 semaines après la chirurgie), chez les sujets non ou peu dénutris
et qui peuvent, dans la semaine suivant l’intervention, reprendre une
alimentation couvrant 60 % des besoins énergétiques. Il recom-
mande, en revanche, la nutrition artificielle préopératoire chez les
malades sévèrement dénutris devant subir une intervention chirur-
gicale majeure. La dénutrition sévère est définie idéalement par un
indice de Buzby (Nutritional Risk Index) inférieur à 83,5 (3) (enca-
dré). Des études postérieures à cette conférence de consensus confir-
ment que, chez des malades porteurs d’une affection néoplasique,
l’assistance nutritive préopératoire, lorsqu’elle est correctement réa-
lisée, améliore la morbidité postopératoire et même, pour l’une
d’entre elles, la mortalité postopératoire (4).
Deux études récentes (5, 6) suggèrent que l’immunonutrition
périopératoire (préopératoire par voie orale et postopératoire
intrajéjunale) à l’aide d’un mélange nutritif enrichi en arginine,
huile de poisson et nucléotides, réduit les complications post-
opératoires et la durée d’hospitalisation comparativement à une
supplémentation standard. Cependant dans ces études, il n’y avait
pas de groupe contrôle, les malades n’étaient pas stratifiés selon
l’état nutritionnel, et la part revenant à l’intervention nutrition-
nelle pré- ou postopératoire est impossible à définir. Gianotti et
al. (7) ont randomisé 305 malades non sévèrement dénutris (perte
de poids inférieure à 10%) devant subir une chirurgie digestive
programmée pour cancer (œsogastrique, pancréatique ou
colique). Le groupe 1 (n = 102) recevait un support nutritionnel
pré-opératoire (1000 ml par jour d’un mélange enrichi en argi-
nine, huile de poisson et nucléotides) par voie orale pendant
5jours. Le groupe 2 (n = 101) recevait la même supplémentation
_
Nutrition
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002
Comment nourrir un malade avant un acte
de chirurgie digestive programmé pour cancer ?
Niveau de preuve
1
1
349
Chez les malades sévèrement dénutris (indice
de Buzby ! "#$%)$ un support nutritionnel par
voie entérale ou parentérale (tube digestif
non fonctionnel ou inaccessible) de & à
'( jours est associé à une réduction de la mor)
bidité postopératoire (complications infec)
tieuses)*
Chez des malades non dénutris$ une supplé)
mentation nutritionnelle orale préopératoi)
re de % jours avec une diète immunomodu)
latrice réduit les complications infectieuses
postopératoires et la durée d’hospitalisa)
tion*
ce qu’il f
ce qu’il fa
aut retenir
ut retenir
Le Nutritional Risk Index de Buzby (3)
NRI = (1,519 x albumine plasmatique, g/l)
+ 41,7 x (poids actuel/poids habituel)
> 97,5 : non dénutris, 83,5-97,5 : dénutrition modérée,
< 83,5 : dénutrition sévère
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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002
préopératoire plus une nutrition entérale intrajéjunale débutée dès
la douzième heure postopératoire et poursuivie jusqu’à la reprise
de l’alimentation. Les malades du groupe 3 (n=102) n’avaient
aucune supplémentation pré- ou postopératoire et constituaient
le groupe contrôle. En intention de traiter, l’incidence des com-
plications infectieuses postopératoires était de 13,7% dans le
groupe 1, 15,8% dans le groupe 2 et 30,4% dans le groupe 3 (p
= 0,006 versus groupe 1 ; p = 0,02 versus groupe 2). La durée
d’hospitalisation était de 11,6 ± 4,7 jours dans le groupe1, 12,2
±4,1 jours dans le groupe 2 et 14,0 ± 7,7 jours dans le groupe 3
(p = 0,008 versus groupe 1 ; p = 0,03 versus groupe 2). Cette
étude, menée de manière particulièrement rigoureuse, démontre
qu’en intention de traiter, une supplémentation orale avec un
mélange nutritif enrichi en immunonutriments dans les 5 jours
qui précèdent un acte de chirurgie digestive pour cancer chez un
malade non dénutri, réduit la morbidité postopératoire et la durée
d’hospitalisation. Compte tenu de la simplicité et de l’innocuité
de l’intervention nutritionnelle proposée, on voit mal la raison
qui empêcherait de la généraliser.
1.
Société francophone de nutrition entérale et parentérale. Conférence de
consensus sur la nutrition artificielle péri-opératoire en chirurgie programmée de
l’adulte : Recommandations du jury. Nutr Clin Metab 1995 ; 9 (Suppl 1) :13-22.
2.
Veterans affairs TPN Cooperative study group. Perioperative total parenteral
nutrition in surgical patients. N Engl J Med 1991 ; 325 : 525-32.
3.
Buzby G, Mullen J, Matthews D et al. Prognostic nutritional index in gas-
trointestinal surgery. Am J Surg 1980 ; 139 : 160-7.
4.
Bozzetti F, Gavazzi C, Miceli R et al. Perioperative total parenteral nutrition
in malnourished, gastrointestinal cancer patients : a randomized clinical trial.
JPEN 2000 ; 24 :7-14.
5.
Braga M, Gianotti L, Radaelli G et al. Perioperative immunonutrition in
patients undergoing cancer surgery. Results of a randomized double-blind phase3
trial. Arch Surg 1999 ; 134 : 428-33.
6.
Senkal M, Zumbotel V, Bauer KH et al. Outcome and cost-effectivenes of
perioperative enteral immunonutrition in patients undergoing elective upper gas-
trointestinal tract surgery : a prospective randomized study. Arch Surg 1999 ;
134 : 1309-16.
7.
Gianotti L, Braga M, Nespoli L et al. A randomized controlled trial of preope-
rative oral supplementation with a specialized diet in patients with gastrointesti-
nal cancer. Gastroenterology 2002 ; 122 : 1763-70.
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350
Chez les sujets sévèrement dénutris, l’assistance
nutritive préopératoire utilisant des mélanges
nutritifs immunomodulateurs est-elle supérieure à
un support nutritionnel standard ?
Quel type de supplémentation nutritionnelle
préopératoire faut-il proposer aux sujets modéré-
ment dénutris (83,5 < NRI < 97,5) ?
La stratégie nutritionnelle préopératoire est-elle
identique chez un sujet jeune et chez un sujet âgé ?
?
?
uestions non résolues
Autres
RÉFÉRENCES
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