46 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014
EVIDENCE-BASED MEDICINE Nutrition
Une pharmaconutrition pré- et périopératoire avec un mélange de phar-
maconutriments (arginine, acides gras n-3 et nucléotides) permet de
réduire les complications infectieuses postopératoires et la durée d’hos-
pitalisation après une chirurgie pour cancer digestif.
La pharmaconutrition périopératoire semble bénéfi cier surtout aux
malades dénutris, qui représentent la grande majorité des malades qui
subissent ce type de chirurgie.
Ce qu’il faut retenir
P
lusieurs études ont voulu évaluer l’intérêt
de la pharmaconutrition périopératoire chez
des malades devant bénéfi cier d’une chirurgie
digestive majeure pour cancer. Deux études, l’une
italienne et l’autre allemande (1, 2), suggèrent que
la pharmaconutrition périopératoire (préopératoire
par voie orale et postopératoire intrajéjunale) à l’aide
d’un mélange nutritif enrichi en arginine, huile de
poisson et nucléotides réduit les complications
postopératoires et la durée d’hospitalisation compa-
rativement à une supplémentation standard. Cepen-
dant, dans ces études, il n’y avait pas de groupe
contrôle, les malades n’étaient pas stratifi és selon
l’état nutritionnel et la part revenant à l’intervention
nutritionnelle pré- ou postopératoire est impossible
à défi nir.
Dans une autre étude, L. Gianotti et al. (3) ont rando-
misé 305 malades non sévèrement dénutris (perte
de poids < 10 %) devant subir une chirurgie digestive
programmée pour cancer (œsogastrique, pancréa-
tique ou colique). Le groupe 1 (n = 102) recevait
un support nutritionnel préopératoire (1 000 ml/j
d’un mélange enrichi en arginine, huile de poisson
et nucléotides) par voie orale pendant 5 jours. Le
groupe 2 (n = 101) recevait la même supplémen-
tation préopératoire plus une nutrition entérale
intrajéjunale commencée dès la douzième heure
postopératoire et poursuivie jusqu’à la reprise de
l’alimentation normale. Les malades du groupe 3
(n = 102) n’avaient aucune supplémentation pré- ou
postopératoire et constituaient le groupe contrôle.
En intention de traiter, l’incidence des complications
infectieuses postopératoires était de 13,7 % dans le
groupe 1, de 15,8 % dans le groupe 2 et de 30,4 %
dans le groupe 3 (p = 0,006 versus groupe 1 ; p = 0,02
versus groupe 2). La durée moyenne d’hospitalisa-
tion était de 11,6 ± 4,7 jours dans le groupe 1, de
12,2 ± 4,1 jours dans le groupe 2 et de 14,0 ± 7,7 jours
dans le groupe 3 (p = 0,008 versus groupe 1 ; p = 0,03
versus groupe 2). Cette étude, menée de manière
particulièrement rigoureuse, démontre que, en
intention de traiter, une supplémentation orale
avec un mélange nutritif enrichi en pharmaconu-
triments dans les 5 jours qui précèdent un acte de
chirurgie digestive pour cancer chez un malade non
dénutri réduit la morbidité postopératoire et la durée
d’hospi talisation.
D’autres études ont confirmé ces données. La
dernière méta-analyse en date a regroupé 19 essais
randomisés contre placebo qui ont évalué le rôle
de la pharmaconutrition périopératoire chez
2 331 patients opérés d’un cancer digestif (4).
Les résultats montrent que la pharmaconutrition
périopératoire réduit les complications postopé-
ratoires infectieuses (RR = 0,44 ; IC
95
: 0,32-0,60 ;
p < 0,01) et non infectieuses (RR = 0,72 ; IC
95
: 0,54-
0,97 ; p = 0,03) ainsi que la durée d’hospitalisation
(− 2,62 jours ; IC
95
: − 3,26 - − 1,97 ; p < 0,01). Six
essais regroupant 548 patients ont évalué la phar-
maconutrition préopératoire seule et ont montré
qu’elle réduisait les complications infectieuses post-
opératoires (RR = 0,45 ; IC95 : 0,31-0,65 ; p < 0,01)
ainsi que la durée d’hospitalisation. Trois essais ont
comparé la pharmaconutrition préopératoire et la
pharmaconutrition périopératoire. Aucune différence
n’a été observée.
Faut-il proposer une
pharmaconutrition périopératoire
à un malade au cours d’un acte
de chirurgie digestive majeure ?
Xavier Hébuterne, Nice.
niveau
de preuve
1