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Compte rendu du congrès d’échoendoscopie digestive
Bruges, janvier 1999
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C. Cellier*
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e congrès réunissait les clubs français et belges
d’échoendoscopie digestive. Il a été axé sur deux
thèmes principaux : l’impact clinique de l’échoendoscopie et la comparaison avec les nouvelles techniques
d’imagerie.
IMPACT CLINIQUE DE L’ÉCHOENDOSCOPIE
Près de 20 ans après son introduction, la majorité des publications concernant l’échoendoscopie a porté essentiellement sur les
aspects descriptifs. Ce n’est que récemment que l’impact de
l’échoendoscopie sur les décisions thérapeutiques et son bénéfice pour les patients ont été abordés. Ainsi, comme l’a rappelé
Hiele (Louvain), l’échoendoscopie — contrairement aux autres
procédures endoscopiques — n’est seulement disponible que dans
un nombre limité de centres hospitaliers. Les raisons de cette
situation sont une faible spécificité pour distinguer les lésions
bénignes des lésions malignes, un apprentissage difficile, un coût
élevé de l’équipement (avec un faible taux de remboursement),
et surtout peu de données démontrant que l’échoendoscopie a un
véritable impact sur les décisions cliniques et thérapeutiques.
Une étude d’évaluation de l’impact clinique de l’échoendoscopie a été menée par le club américain d’endosonographie. Dans
cette étude multicentrique portant sur 428 patients, les échoendoscopistes consignaient, avant la réalisation de l’échoendoscopie, une prise en charge théorique pour chaque patient, et dans
un deuxième temps une prise en charge s’appuyant sur les résultats de l’échoendoscopie. Les résultats de l’échoendoscopie ont
contribué à redéfinir la prise en charge des malades dans 74 %
des cas, avec une modification importante dans 31 % des cas. Il
s’agissait de modifications concernant le type de chirurgie, la
conduite thérapeutique invasive non chirurgicale ou encore les
examens complémentaires diagnostiques. Les investigations diagnostiques et la prise en charge thérapeutique ont été modifiées
respectivement dans 57 % et 39 % des cas. Dans 22 % des cas,
la prise en charge diagnostique et thérapeutique fut modifiée. Les
modifications thérapeutiques les plus conséquentes concernaient
les tumeurs sous-muqueuses (66 % de modifications majeures)
et, beaucoup moins fréquemment, la stadification d’une tumeur
ano-rectale (8 % de modifications majeures). Le fait que dans
cette étude les échoendoscopistes étaient seuls impliqués doit
cependant inviter à minorer l’impact réel de l’échoendoscopie
pour ces patients. Ainsi, une étude portant sur un plus petit nombre
de patients (n = 63) a fait intervenir les médecins référents ayant
demandé une échoendoscopie, en leur faisant remplir un questionnaire avant et un autre après la réalisation de l’examen. Un
changement thérapeutique est intervenu pour 30 des 63 patients,
directement attribuable à l’échoendoscopie. Une autre étude d’impact, réalisée à Louvain chez 72 patients, a montré que l’échoendoscopie avait modifié la prise en charge diagnostique ultérieure
dans la moitié des cas et la décision thérapeutique dans 59 % des
cas.
En ce qui concerne les ponctions guidées sous échoendoscopie,
une étude américaine a porté sur 44 patients atteints d’un cancer
du pancréas, l’échoendoscopie avec biopsie guidée a conduit à
récuser une chirurgie chez 27 % des patients, et à éviter des examens complémentaires chez 25 des 44 patients, avec au total une
modification de la prise en charge chez 68 % d’entre eux. L’économie réalisée était estimée à environ 3 300 dollars par patient.
Une série française de Giovannini, comprenant 522 patients soumis à une biopsie guidée, a mis en évidence une modification de
l’approche diagnostique et thérapeutique dans 56 % des cas.
De nouvelles études évaluant l’impact de l’efficacité et le rapport
coût-bénéfice de l’échoendoscopie restent nécessaires, d’autant
que l’essor des nouvelles technologies en radiologie (scanner spiralé, IRM) pourrait notablement modifier les données actuelles.
IMPACT DE L’ÉCHOENDOSCOPIE ORGANE PAR ORGANE
* Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Laennec, Paris.
Impact de l’échoendoscopie sur le pronostic du cancer
de l’œsophage (D. Burtin, Angers)
Aucune étude n’a été publiée à ce jour sur l’intérêt de l’échoendoscopie dans la prise en charge des cancers de l’œsophage. Une
étude prospective réalisée à Angers et à Marseille est actuellement en cours. Elle montre que seul le nombre de ganglions (supérieur à trois) vus en échoendoscopie est significativement associé à un mauvais pronostic postopératoire ou post-thérapeutique
à long terme. Mais seule une étude comparant un bilan d’extension standard sans échoendoscopie avec un bilan incluant
l’échoendoscopie permettrait de juger de l’impact de cet examen
sur la prise en charge des malades.
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La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - vol. II - mai-juin 1999
Impact de l’échoendoscopie rectale au cours des cancers
de l’anus et du rectum (Giovannini, Marseille)
La conférence de consensus de 1994 avait retenu l’échoendoscopie rectale comme étant le meilleur examen du bilan locorégional des tumeurs rectales pour proposer une irradiation préopératoire aux tumeurs classées T3, T4 ou N1. Dans ce domaine,
il n’existe encore aucune étude de la littérature permettant d’évaluer l’impact de l’échoendoscopie rectale sur la stratégie thérapeutique et la survie à long terme. Une seule étude portant sur
83 patients a étudié l’impact de l’échoendoscopie rectale sur la
réponse à la radiothérapie et sur la survie des patients porteurs
d’un adénocarcinome du rectum. Aucun facteur échoendoscopique n’était prédictif ni de la survie à cinq ans, ni de la réponse
à la radiothérapie.
En ce qui concerne le cancer épidermoïde de l’anus, les études
préliminaires suggèrent que le staging échoendoscopique permet
de prédire la réponse à la radiochimiothérapie et également la
survenue d’une récidive loco-régionale. Aucune étude n’est
actuellement disponible pour apprécier le caractère pronostique
des données de l’échoendoscopie sur la survie des malades.
COMPARAISON DE L’ÉCHOENDOSCOPIE
AVEC LES NOUVELLES MÉTHODES
D’IMAGERIE MÉDICALE (DEPREZ, BRUXELLES)
L’efficacité diagnostique de l’échoendoscopie avait été essentiellement comparée aux anciennes techniques de radiologie.
Depuis l’avènement de nouvelles techniques d’imagerie comme
le scanner spiralé, la RMN ou la tomographie à émission de positrons (PET), de nouvelles données ont été rapportées dans la littérature.
Lithiases cholédociennes
L’échoendoscopie est la méthode actuellement la plus sensible
pour la détection de la lithiase cholédocienne, avec une sensibilité variant de 88 à 97 %. Récemment, la sensibilité de la TDM
spiralée a été évaluée avec des taux de sensibilité et de spécificité variant respectivement de 84 à 88 % et de 84 à 97 %. La RMN
avec cholangio-wirsungographie semble cependant être la
méthode non invasive la plus performante, puisque plusieurs
études récentes rapportent des taux de sensibilité de 81 à 95 %,
avec détection des calculs de 2 à 4 mm de diamètre. La place de
l’échoendoscopie dans la pathologie lithiasique biliaire reste donc
à déterminer dans l’avenir, notamment en comparaison avec ces
nouveaux examens non invasifs.
(N). De nouvelles sondes à haute fréquence (minisondes) à 20 ou
30 Mhz permettent une précision variant de 90 à 94 % dans la différenciation des lésions muqueuses et sous-muqueuses. Ces sondes
sont potentiellement intéressantes si l’on envisage une résection
endoscopique des lésions néoplasiques limitées à la muqueuse.
La TDM a une efficacité moindre tant dans le bilan d’extension
médiastinale (59 à 82 %), que dans le bilan ganglionnaire (45 à
87 %). Il n’est pas actuellement démontré que la TDM spiralée
ait une rentabilité supérieure à la TDM conventionnelle.
La RMN n’a pas d’efficacité supérieure à la TDM dans le bilan
d’extension des lésions œsophagiennes. Cependant, le développement de sondes de RMN couplées à l’endoscopie semble être
une voie prometteuse. La place du PET-scan sera probablement
accrue dans l’avenir. En effet, cet examen permet l’acquisition
de données du corps entier en un seul examen. Les atteintes primitives sont mises en évidence dans plus de 90 % des cas, et les
métastases à distance sont détectées plus fréquemment qu’avec
des techniques de TDM.
Cancer du pancréas
L’échoendoscopie reste la méthode la plus sensible pour la détection des cancers du pancréas, avec une sensibilité de 98 % pour
l’échoendoscopie, de 80 % pour la TDM et de 86 % pour la cholangiographie rétrograde par voie endoscopique. La TDM spiralée
semble supérieure à la TDM conventionnelle pour la détection des
petites tumeurs pancréatiques. La RMN paraît également plus efficace, par comparaison avec la TDM, pour la détection de tumeurs
inférieures à 2 cm. Des études ont souligné l’intérêt du PET, avec
des taux de détection de 85 à 95 % avec une spécificité de 82 à
90 %. Le PET semble particulièrement performant pour différencier les masses inflammatoires des lésions néoplasiques.
S’agissant du bilan d’extension, l’exactitude du stade T a été évaluée à 85 % pour l’EE, à 45 % pour la TDM et à 56 % pour la
RMN ; et pour le stade N à 64 %, 50 % et 56 % respectivement.
La mise en évidence d’un envahissement portal, qui contreindique une résection pour la majorité des équipes, est possible
dans 85 % des cas par EE, dans 69 % par TDM et 63 % par RMN.
La TDM spiralée semble améliorer la prévision de la résécabilité, avec des taux de 70 à 96 % selon les séries.
CONCLUSION
Cancer de l’œsophage
L’efficacité diagnostique de l’échoendoscopie dans le bilan d’extension des cancers de l’œsophage est d’environ 85 % pour l’extension tumorale (T) et de 77 % pour l’extension ganglionnaire
L’échoendoscopie est à un tournant de son évolution, car cette
technique doit maintenant démontrer son intérêt en termes d’impact bénéfique sur la prise en charge des malades, tant au plan diagnostique, qu’au plan thérapeutique. L’essor de nouvelles techniques d’imagerie, moins invasives, doit nous inciter à réaliser des
études prospectives d’impact et d’évaluation pour préciser la place
exacte de l’échoendoscopie au cours du prochain millénaire. ■
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - vol. II - mai-juin 1999
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