chez le sujet âgé, en raison de sa difficulté à ex-
primer sa tristesse ou son émotion. Elles peuvent
être négligées en raison d’un déni ou d’une ba-
nalisation de troubles, qui, dans certains cas, ne
sont pas perçus comme une tristesse réelle. Il ar-
rive que les difficultés de verbalisation soient
telles que seules des manifestations somatiques
constituent l’expression de la dépression.
Reconnaître les signes
Chez le sujet âgé, la dépression peut se manifes-
ter par les mêmes symptômes que chez les sujets
jeunes. On distingue une douleur morale clas-
sique, une tristesse, un ralentissement.
Toute la difficulté réside dans la distinction
entre le ralentissement lié au vieillissement et
celui constituant un élément d’un syndrome
dépressif.
Face à ces symptômes, il faut chercher d’autres
éléments pour envisager le diagnostic de la
dépression :
–la perte de l’intérêt ;
–une critique de soi peu proportionnée aux ap-
titudes physiques ou intellectuelles ;
–une plainte quant à la solitude ou un sentiment
de vide intérieur.
Certaines plaintes somatiques sont difficiles à
évaluer, en raison de la fréquente comorbidité so-
matique, c’est-à-dire des nombreux troubles
physiologiques dont souffrent certaines per-
sonnes âgées.
«Tout symptôme somatique d’installation récente, et
dont la preuve de l’organicité sous-jacente n’a pas été
faite, doit être retenu comme un signe de dépression,
surtout s’il concerne le sommeil, s’il s’agit d’une as-
thénie ou de troubles alimentaires, comme une ano-
rexie », précisait le Dr Clément Pinquier à l’oc-
casion des récentes Rencontres de gérontologie
pratique (3).
Les signes relevant de la santé mentale doivent
faire l’objet d’une attention particulière :
–les troubles du comportement, avec irritabilité
ou modifications importantes du caractère re-
marquées par l’entourage ;
–les manifestations anxieuses, qui inciteront à
vérifier la présence, ou non, d’une dépression
sous-jacente ;
–un déficit cognitif, pouvant évoluer vers une
démence réelle ;
–les signes de dépression masquée, peu clas-
siques : dépressions délirantes, idées de persé-
cution, de préjudice, de vol...
D’une manière générale, il faut évaluer la gravité
de la dépression en fonction des signes et des
risques de complications : anorexie, passage à
l’acte suicidaire...
De la détresse à l’intervention
Toute suspicion de dépression doit inviter à un
rythme de consultations rapprochées avec son
médecin, avant la mise en place d’un traitement.
Mieux vaut une approche globale. Une dépres-
sion peut être causée par le sentiment de perte
de contrôle sur soi, comme sur son environne-
ment, selon le modèle de dépression acquise de
Seligman.
Or, de nombreuses situations relationnelles ou
institutionnelles contribuent à restreindre l’au-
tonomie des personnes âgées, leur capacité à dé-
cider pour elles-mêmes et le nombre de leurs ac-
tivités (4). Une sensation de perte de l’efficacité
propre s’installe. Elle est accompagnée d’une
forte démotivation. Une étude de cas de Laetitia
Sautel et Daniel Alaphilippe (5) montre que la
restauration de capacités de contrôle et de cer-
taines activités, même limitées, entraîne une
amélioration sensible de l’état de la personne, de
son autonomie, de son humeur et de ses capa-
cités d’adaptation. Les auteurs ont accompagné
cette démarche d’un “renforcement positif ap-
proprié” exprimé aux anciens lors d’actions de
reconquête d’autonomie. S’ils font appel aux
thérapies cognitives et comportementales, les
principes suivis pourraient inspirer de nom-
breuses démarches d’amélioration de la santé
mentale et de la qualité de vie des personnes
âgées. D’autres études soulignent qu’un quart
seulement des dépressions des plus de 65 ans
(25 %) serait traité. Dans ce cas, la moitié seu-
lement le serait correctement, avec une prise en
charge psychologique, un suivi en réseau socio-
sanitaire et une prescription d’antidépresseurs
appropriée.
Avec certains patients âgés, il ne faut pas hésiter
à faire appel au psychiatre, en particulier en cas
d’inefficacité, au bout de plusieurs semaines ou
plusieurs mois, du traitement proposé. Le parte-
nariat entre le médecin traitant et le psychiatre,
éventuellement le CMP (centre médicopsycho-
logique) du secteur de psychiatrie, favorise une
démarche en réseau, en particulier si l’accompa-
gnement à domicile est nécessaire.
Tenter d’évaluer la gravité est toujours nécessaire.
Il faut oser parfois demander au patient : «Souf-
frez-vous au point de vouloir vous tuer ? » Cette
évaluation permet de bien choisir le traitement
et de savoir également si l’hospitalisation devient
ou non nécessaire. A la moindre suspicion de dé-
mence sous-jacente, on doit orienter le patient
vers une consultation spécialisée.
Les populations âgées les plus à risque sont
celles présentant une comorbidité : alcoolisme,
troubles de la personnalité, dépression... Or, les
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No36 - avril 2002
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