La place des analyses microbiologiques de denrées alimentaires

Introduction
Les micro-organismes présents dans les denrées alimen-
taires peuvent provoquer des modifications organoleptiques
et altérer les qualités marchandes des produits, ou constituer
un danger pour la santé publique en raison de leur pouvoir
pathogène pour l’homme.
L’examen microbiologique est un outil incontournable
d’évaluation du niveau de contamination des denrées alimen-
taires et de la nature de leur microflore. Il est très largement
utilisé dans le cadre du contrôle officiel ainsi que des auto-
contrôles mis en œuvre par les industriels pour garantir la
salubrité des denrées qu'ils commercialisent.
La mise en place progressive des principes de l'assurance-
sécurité dans l'ensemble de l'industrie agro-alimentaire et
l’évolution récente du cadre réglementaire conduisent cepen-
dant à s'interroger sur l'intérêt réel des examens microbiolo-
giques de denrées. Il s'avère nécessaire de prendre en compte
les principes techniques de tels examens et les limites de leur
emploi, pour optimiser leur utilisation dans ce contexte et
parvenir à garantir la protection de la santé du consommateur.
A) CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE ACTUEL
Le recours aux examens microbiologiques de lots de pro-
duits finis a longtemps constitué l’un des fondements de la
stratégie définie par les pouvoirs publics pour assurer la sécu-
rité alimentaire.
L'Union européenne, dans ses travaux d'harmonisation des
réglementations des pays membres dans le domaine de l'hy-
giène, a reconnu dès 1985 la nécessité d'une "nouvelle
approche réglementaire", dont les principes ont guidé la
rédaction de l'ensemble des textes européens dits "secto-
SYNTHÈSE SCIENTIFIQUE
La place des analyses microbiologiques
de denrées alimentaires dans le cadre
d’une démarche d’assurance-sécurité
G. BORNERT
Groupe de Secteurs Vétérinaires Interarmées, B.P. 16, F-35998 Rennes Armées
RÉSUMÉ
L'évolution récente de la réglementation applicable à l'hygiène des ali-
ments a favorisé la mise en place, dans l'industrie agro-alimentaire, de sys-
tèmes d'assurance-sécurité selon les principes de la méthode H.A.C.C.P.
(Hazard Analysis Critical Control Point).
La stratégie de contrôle analytique systématique des produits ayant été
progressivement abandonnée, l'utilité pratique des analyses microbiolo-
giques s'est trouvée remise en cause.
Malgré l'essor de techniques qualifiées de rapides, les examens micro-
biologiques ne peuvent, le plus souvent, être utilisés comme des moyens de
surveillance des procédés de fabrication, en raison de délais trop importants
d'obtention des résultats des analyses. Ils permettent, par contre, une
approche objective de l'efficacité du plan d'assurance-sécurité et constituent
donc un outil de vérification des systèmes H.A.C.C.P.
Leur emploi implique de mener une réflexion quant aux critères à utiliser
et d'assurer l'interprétation des résultats au cas par cas, sur la base d'une par-
faite connaissance du procédé de fabrication et des propriétés intrinsèques
du produit.
MOTS-CLÉS : microbiologie - aliments - H.A.C.C.P. - ana-
lyses - critère.
SUMMARY
The use of microbiological analysis of food-stuff in a safety-assurance
system. By G. BORNERT.
Recent changes in food hygiene regulations promoted the development in
food industry of safety-assurance systems using the H.A.C.C.P. method.
The forsake of the strategy based on systematic end-products analysis has
led to interrogations about the utility of microbiological analysis.
In spite of the rise of technics for quick diagnosis, microbiological ana-
lysis cannot be used, most of the time, in order to monitor the production
processes, because results are not obtained within the required time.
Microbiology allows an objective evaluation of the efficiency of safety-
assurance systems and constitutes a tool for H.A.C.C.P. verification.
For a good use of microbiology, consideration is required about the cri-
terions to choose and it appears necessary to make an interpretation of each
result in comparison with the production process and the specific characte-
ristics of the food-stuff.
KEY-WORDS : microbiology - food-stuff - H.A.C.C.P. -
analysis - criterion.
Revue Méd. Vét., 2000, 151, 8-9, 805-812
riels". Les directives sectorielles ont ensuite été transposées
en Droit français sous forme d'arrêtés ministériels [27] régis-
sant l'ensemble des filières de l'agro-alimentaire, en particu-
lier : les viandes de boucherie en 1993 [1], les aliments remis
directement au consommateur en 1995 [2], la restauration
collective en 1997 [3] et le transport des aliments en 1998 [4].
1) La «nouvelle approche réglementaire» de l’hygiène
Les quatre principes généraux de la "nouvelle approche
réglementaire", sont définis par la directive communautaire
93/43/CEE du 14 juin 1993 [5].
Le premier principe est que la réglementation ne doit fixer
que "des objectifs et des exigences essentielles", les moyens
à mettre en œuvre relevant de documents établis par les pro-
fessionnels eux-mêmes et d'application volontaire : les
guides de bonnes pratiques hygiéniques. Il apparaît ainsi une
obligation légale de résultat plutôt que de moyens.
Le deuxième principe est la responsabilisation des profes-
sionnels de l'agro-alimentaire, chargés de garantir la salubrité
des denrées qu'ils commercialisent. La protection de la santé
publique ne doit plus reposer sur l’action répressive des ser-
vices officiels mais sur le travail de professionnels compé-
tents et soucieux de la qualité de leurs produits.
Un troisième principe est celui de la proportionnalité des
moyens de maîtrise de l'hygiène par rapport aux risques sani-
taires effectifs, de toutes natures, biologiques, chimiques ou
physiques. Pour y parvenir, il faut procéder à une analyse des
dangers.
Il apparaît enfin, comme quatrième principe, l'obligation
d'auto-contrôles.
Cette réglementation a créé des obligations nouvelles pour
les professionnels, qui vont maintenant retenir notre atten-
tion.
2) L’analyse des dangers et la maîtrise des procédés
L'idée maîtresse de la «nouvelle approche» est que la pro-
tection de la santé publique passe obligatoirement par la maî-
trise des procédés au niveau industriel, sur la base d’une
identification des dangers et d'une quantification des risques.
Il en résulte, pour les responsables d'entreprises agro-alimen-
taires, une première obligation : la mise en place d’un sys-
tème d’assurance-sécurité reposant sur l’application de pro-
cédures opérationnelles dites «de sécurité» [11].
La méthode H.A.C.C.P., pour Hazard Analysis Critical
Control Point, est explicitement recommandée par la régle-
mentation en tant qu’outil méthodologique privilégié dans la
recherche de moyens de maîtrise pertinents adaptés au
risque.
Le Codex Alimentarius définit quatorze étapes pour la mise
en œuvre de l’H.A.C.C.P., mais des adaptations de cette
méthode ont été développées afin d'en simplifier la mise en
œuvre [10], en particulier dans les secteurs d'activités à
caractère artisanal.
L’identification des points critiques pour la maîtrise consti-
tue l’étape clé de la démarche. Les points critiques sont défi-
nis comme les points, étapes, facteurs ou procédures dont la
maîtrise est essentielle pour prévenir ou éliminer un danger,
ou pour le réduire à un niveau acceptable. Leur connaissance
constitue le fondement d’une proportionnalité des moyens de
prévention au niveau effectif du risque.
Pour chaque point critique, le plan d’assurance-sécurité est
établi en précisant des limites critiques, des modalités de sur-
veillance et des actions correctives à entreprendre si les
limites critiques sont dépassées. Ces actions permettent
d’éviter que l’anomalie à l’origine de la perte de maîtrise ne
se reproduise.
Une étape de vérification est prévue, qui vise à s’assurer de
l’efficacité du système mis en place.
3) Les auto-contrôles
L’emploi de la méthode H.A.C.C.P. implique inévitable-
ment la mise en place d’un ensemble de moyens de sur-
veillance des points critiques et de vérification de l’efficacité
des procédures définies. Ces moyens sont arbitrairement
regroupés par le législateur sous l'appellation d’auto-
contrôles.
La réglementation précise, pour chaque type d'activité, les
objectifs majeurs de ces auto-contrôles. En ce qui concerne,
par exemple, la restauration collective [3], il s'agit de :
— vérifier la conformité à la réglementation des installa-
tions et du fonctionnement;
— vérifier la conformité des matières premières approvi-
sionnées aux critères microbiologiques réglementaires ;
- vérifier, de même, la conformité microbiologique des pré-
parations culinaires produites.
Il est, en particulier, demandé de procéder à des contrôles
des produits à réception et de l’efficacité du plan de net-
toyage et désinfection des locaux et matériels.
C’est l’identification des points critiques qui permet de
préciser les modalités pratiques de ces contrôles, en particu-
lier leur fréquence et leur nature.
4) La validation de la date limite de consommation des
produits
Une autre évolution notable de la réglementation concerne
les modalités de détermination de la date limite de consom-
mation (D.L.C.) des denrées alimentaires.
D’un point de vue réglementaire, la date limite de consom-
mation est la date jusqu’à laquelle la denrée conserve ses pro-
priétés intrinsèques. Placée désormais sous l’entière respon-
sabilité du fabricant du produit, la détermination de cette date
doit reposer sur des études de vieillissement documentées
réalisées par un laboratoire reconnu.
Face à l’ensemble de ces contraintes relativement nou-
velles pour le secteur de l'agro-alimentaire, la microbiologie
peut apporter des solutions. Il convient cependant de garder à
l'esprit les principes techniques des examens microbiolo-
giques.
B) PRINCIPES TECHNIQUES DES EXAMENS MICRO-
BIOLOGIQUES
Les examens microbiologiques sont réalisés à partir
d’échantillons, prélevés, transportés et conservés dans des
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806 BORNERT (G.)
conditions adaptées pour ne pas modifier leur microflore. Ce
sont en général des denrées alimentaires, matières premières,
produits en cours d’élaboration ou produits finis. Il peut aussi
s’agir d’eau, d’air ou d’échantillons constitués à partir de sur-
faces [21] dont on souhaite apprécier la propreté.
D’un point de vue général, le recours à la microbiologie
suppose d’être en mesure in fine d’interpréter les résultats
d’examens. C’est dans ce cadre que doit être posée la ques-
tion préalable de l’échantillonnage.
1) Principes d’échantillonnage
La représentativité des résultats obtenus passe par le res-
pect d'un schéma statistique de prélèvement d'échantillons.
Cependant, en microbiologie des aliments, les plans d’échan-
tillonnage ainsi définis sont difficiles à appliquer : l’analyse
est coûteuse et destructive, et la mise en œuvre des tables de
nombres au hasard se révèle fastidieuse [17].
Il est aussi indispensable qu'existe, au préalable, un
ensemble de mesures de maîtrise des procédés, permettant de
garantir une constance de la qualité des produits au cours du
temps. Dans le cas contraire, le résultat d'une série d'analyses
n’est qu’un simple sondage qui ne présume en rien de la qua-
lité des autres lots de fabrication.
Les prélèvements pour examens microbiologiques peuvent
donc être réalisés selon différentes stratégies.
L’application d’un plan d’échantillonnage statistique est
une méthode trop contraignante pour être utilisée de façon
courante.
Quel que soit le plan d’échantillonnage utilisé, il persiste
toujours une incertitude quant à la validité du résultat, d’au-
tant plus faible que le nombre d’échantillons élémentaires est
important. D’apparence très sécurisante, cette méthode n’est
donc pas infaillible.
L’application de plans d’échantillonnage simplifiés, tels
que ceux définis par certains groupes d’experts [6], prenant
en compte la gravité du danger et sa probabilité d’apparition,
permet d’adapter le nombre d'échantillons en fonction du
risque prévisible.
Enfin, la réglementation préconise un plan d’échantillon-
nage minimum comprenant cinq échantillons par lot.
2) Flores recherchées
Les flores recherchées en microbiologie des aliments sont
de quatre types [7].
Il s’agit tout d’abord de bactéries pathogènes pour
l’homme, agents de toxi-infections alimentaires collectives.
Les recherches courantes concernent Listeria monocyto-
genes, les salmonelles, Staphylococcus aureus et dans cer-
tains cas Bacillus cereus.
Le dénombrement des Clostridium perfringens est souvent
remplacé par celui des bactéries anaérobies sulfito-réduc-
trices.
Les micro-organismes agents d’altérations sont de nature
variable, selon les produits. Longtemps limitée au dénombre-
ment de la flore aérobie revivifiable à +30°C, l’évaluation de
l’altération microbienne des denrées passe de plus en plus par
des recherches très sélectives, par exemple celle des
Pseudomonadaceae pour les produits réfrigérés ou de la flore
lactique dans le cas des produits acides.
Les micro-organismes indicateurs de contamination fécale
utilisés en pratique courante sont les entérocoques, les coli-
formes thermotolérants et Escherichia coli. Leur présence
dans les denrées ou l’eau est considérée comme le signe
d’une contamination par des matières fécales [15].
Parmi les micro-organismes indicateurs technologiques, il
faut citer les coliformes et les Enterobacteriaceae. Très ther-
mosensibles, ces bactéries ne doivent pas être retrouvées
dans les aliments pasteurisés si le procédé de traitement uti-
lisé est efficace.
Il convient de retenir d’emblée deux points dont l’impor-
tance pratique est grande.
Quoique cela relève de l’évidence, l’examen microbiolo-
gique ne permet de détecter que les flores microbiennes
effectivement recherchées. Compte tenu de l’extrême diver-
sité des micro-organismes agents de toxi-infection alimen-
taire, il est impossible de les rechercher tous. Leur liste s'ac-
croît d'ailleurs périodiquement, avec l'émergence de nou-
veaux dangers [23]. Il faut, en particulier, remarquer l'ab-
sence de recherche "en routine" des virus et parasites dans les
produits alimentaires élaborés, alors que des épidémies de
grande ampleur, dues à ces agents, sont périodiquement rap-
portées [26, 28].
C’est pourquoi, un résultat satisfaisant aux critères définis
n’est jamais une garantie absolue de salubrité d’une denrée.
La signification pratique des indicateurs utilisés a fait l’ob-
jet d’une large remise en question. L’interprétation de la pré-
sence de ces flores doit donc être effectuée avec la plus
grande prudence, sur la base d’une connaissance des procé-
dés de production utilisés et de l’écologie de chaque groupe
microbien [14].
3) Techniques utilisées en microbiologie des aliments
Il est d’usage de distinguer deux types de techniques en
microbiologie, qualifiées de traditionnelles et de rapides.
a) Les techniques traditionnelles
Les techniques traditionnelles de la microbiologie pasteu-
rienne reposent sur la mise en culture d’un inoculum dans un
milieu spécifique. La composition du milieu, la température
d’incubation et la nature de l’atmosphère dans laquelle est
incubé le milieu permettent de créer une pression de sélection
et de cultiver sélectivement une population bactérienne.
Ces méthodes servent de référence et font l’objet d’une
normalisation au niveau international.
Dans le cas des techniques de dénombrement, la prise d’es-
sai subit des dilutions décimales successives et un inoculum
de chaque dilution est utilisé pour ensemencer un milieu,
liquide ou solide. Après incubation, il est procédé au
comptage des colonies d’aspect caractéristique et à une éven-
tuelle confirmation par des tests biochimiques.
Dans le cas des techniques de recherche, telles que celle
utilisée pour les salmonelles, un ensemble d’étapes de préen-
richissement et d’enrichissement permettent d’assurer la
revivification des bactéries stressées [24] puis de favoriser
leur croissance de façon sélective. Il est ensuite réalisé un
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LA PLACE DES ANALYSES MICROBIOLOGIQUES DE DENRÉES ALIMENTAIRES 807
isolement sélectif et une caractérisation biochimique à partir
des colonies d’aspect caractéristique.
Les méthodes traditionnelles ont le grand défaut de ne
fournir un résultat qu’après plusieurs jours. Ce constat
explique l’essor des techniques qualifiées de rapides.
b) Les techniques rapides
Les techniques dites rapides permettent, selon les cas, de
réduire le délai de réponse ou de simplifier les manipulations,
ce qui en fait des outils très prisés dans l'industrie agro-ali-
mentaire [25].
Parmi les principales techniques rapides utilisées en micro-
biologie des aliments, on peut citer :
— les méthodes immunologiques, pour la plupart de type
E.L.I.S.A.;
— les techniques de biologie moléculaire, hybridation sur
colonies ou polymerase chain reaction [20] ;
— l’impédancemétrie [12] ;
— le dosage par bioluminescence de l'adénosine triphos-
phate (A.T.P.) cellulaire ou A.T.P.métrie;
— les procédés d'analyse d'image après filtration et colora-
tion des échantillons [16] et la cytométrie de flux.
Certaines de ces méthodes font l’objet d’une validation
officielle, lorsque il est démontré que les résultats qu’elles
fournissent présentent une bonne corrélation avec les résul-
tats obtenus par les méthodes de référence. Quelques
exemples, parmi les très nombreux "kits" validés par
l'Association française de normalisation, sont cités dans le
tableau I.
De toutes ces méthodes, seule l’A.T.P.métrie fournit une
réponse quasi-immédiate. Pour les autres techniques, le
résultat est au mieux obtenu en 24 à 36 heures.
4) Interprétation des résultats
L’interprétation des résultats d’examens s’effectue au
regard des limites numériques définies par les critères micro-
biologiques. Ces critères sont fixés par des arrêtés ministé-
riels.
La réglementation prévoit aussi la conduite à tenir en cas
de dépassement des limites numériques. Lorsque le critère
est un standard impératif, le lot de produit analysé doit faire
l’objet d’un retrait de la consommation et des actions correc-
tives sont à mettre en place.
808 BORNERT (G.)
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TABLEAU I — Exemples de méthodes microbiologiques validées pour la recherche des salmonelles dans
les aliments.
Dans le cas d’un standard indicatif, seules les actions cor-
rectives sont rendues obligatoires.
Il est aussi possible d’utiliser des critères propres à chaque
entreprise, qualifiés de lignes directrices, ou des critères fixés
par un cahier des charges [9].
Destinés à devenir des outils de la maîtrise de la qualité, les
critères microbiologiques réglementaires font l’objet d’une
révision progressive, mais on applique encore actuellement
des critères définis en 1979, qui apparaissent discutables.
Ainsi, le dénombrement des anaérobies sulfito-réducteurs
dans les viandes de boucherie est préconisé par la réglemen-
tation pour évaluer le niveau de contamination par
Clostridium perfringens. La pratique du laboratoire montre
que ce sont en réalité, dans de nombreux cas, des Bacillus qui
se développent dans les conditions de culture utilisées. Il
serait donc beaucoup plus pertinent de procéder au dénom-
brement de Clostridium perfringens, afin d'accéder à une
information sur le risque réel pour le consommateur.
Dans le même ordre d'idée, il faut constater que les critères
réglementaires ne prennent pas assez clairement en compte la
nature des ingrédients mis en œuvre. Lorsque des matières
premières conditionnées sous vide ou des fromages tels que
l'emmental sont incorporés à des préparations culinaires, ils
apportent une quantité importante de micro-organismes,
constitutifs de leur flore naturelle et sans aucune incidence
pour la santé publique. Les analyses du produit final risquent
cependant de révéler la présence d'une "flore totale" hors
normes, résultat qui devra être interprété avec nuance.
Pour certains produits, il existe un vide juridique dans ce
domaine [22]. Dès qu'un mélange d'ingrédients est réalisé, il
n'existe plus de critères réglementaires. La quasi-totalité des
entrées froides, telles qu'une assiette de charcuteries variées
ou une salade associant des végétaux et une denrée animale,
sont ainsi concernées. En théorie, pour de tels mélanges, il est
préconisé d'effectuer une analyse séparée de chaque type
d'ingrédient, puis une interprétation globale prenant en
compte les transferts de contamination entre ingrédients. Le
choix de critères adaptés est très délicat à réaliser et requiert
toute l'expérience et la compétence du responsable du labora-
toire.
C) INTÉRÊTS ET LIMITES DE L’ANALYSE MICROBIO-
LOGIQUE DANS UNE STRATÉGIE DE MAÎTRISE DE
LA SALUBRITÉ DES PRODUITS ALIMENTAIRES
Pour comprendre l’intérêt actuel de l’examen microbiolo-
gique, il convient de le replacer dans le contexte réglemen-
taire.
1) Place des examens microbiologiques dans un système
H.A.C.C.P.
a) Examens microbiologiques et surveillance des procédés
La notion de surveillance des points critiques implique une
capacité de détection rapide de tout dépassement des limites
critiques et de réaction immédiate sous forme d’actions cor-
rectives. La surveillance, outil de pilotage des procédés, doit
permettre d’intervenir avant même d’avoir atteint le seuil de
non conformité.
Le facteur limitant un recours à la microbiologie à cette
étape est donc, de toute évidence, l’absence de techniques
suffisamment rapides. Le produit non conforme risque d’être
commercialisé, voire consommé, avant que le résultat des
analyses soit connu.
Seule l’A.T.P.métrie, qui fournit une réponse en quelques
minutes, peut être considérée comme un moyen de sur-
veillance. Au plan pratique, la seule application de cette tech-
nique est le suivi de la propreté des surfaces. Plusieurs labo-
ratoires commercialisent des A.T.P.mètres portables, utili-
sables en temps réel dans les ateliers de production pour s’as-
surer de l’efficacité des opérations de nettoyage et de désin-
fection (figure 1). Tout constat de contamination des surfaces
amène la réalisation d’un nouveau nettoyage à titre d’action
corrective avant même le début des fabrications.
b) Examens microbiologiques et vérification de système
H.A.C.C.P.
La vérification consiste à porter un jugement sur le bien-
fondé et la cohérence des choix techniques et à observer la
concordance entre les procédures choisies et le fonctionne-
ment réel de la production.
Le constat de la conformité des produits aux critères micro-
biologiques fixés est l’un des moyens permettant de démon-
trer l’efficacité des mesures prises et le respect des procé-
dures, en particulier celles relevant des bonnes pratiques
hygiéniques.
Les examens microbiologiques peuvent donc être utilisés
dans la phase de vérification d’un système H.A.C.C.P. En cas
de non conformité, des investigations complémentaires doi-
vent être menées, permettant d’en identifier la cause et de
modifier les procédures en conséquence.
Sur la base de ce constat, il est possible de distinguer quatre
types d’applications pratiques des examens microbiolo-
giques.
2) Applications au contrôle des matières premières
La salubrité des matières premières utilisées est indispen-
sable à la maîtrise de la qualité d'une fabrication. Il n’est
cependant pas envisageable pour une entreprise agro-alimen-
taire de réaliser systématiquement des analyses de chaque lot
de produits qu’elle achète.
D’un point de vue pratique, la sécurité des approvisionne-
ments repose en fait sur un ensemble de trois catégories de
mesures :
— la validation des procédures d’assurance-sécurité des
fournisseurs, dans le cadre d'une procédure de référencement
de produits ;
— la vérification des produits à la livraison ;
— la réalisation d’examens microbiologiques.
Les analyses microbiologiques sont généralement réalisées
au titre de la vérification du système H.A.C.C.P. des diffé-
rents fournisseurs de denrées. Ce ne sont alors que l’un des
éléments de l’expertise effectuée lors du référencement des
produits.
Pour optimiser l’utilisation de l’outil analytique, la
meilleure stratégie consiste en la mise en place d’études
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