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DOSSIER
Hémorragie de la délivrance (1re partie)
Conduite médicale à tenir
en cas d’hémorragie
du post-partum
Medical management of postpartum haemorrhage
M. Dreyfus*, P. Lefevre*
U
* Gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction, CHRU de
Caen, avenue de la Côte-de-Nacre,
14033 Caen Cedex 9.
ne fois le diagnostic d’hémorragie du
post-partum (HPP) posé, quelles sont les
premières mesures à prendre ? Les recommandations pour la pratique clinique publiées par le
CNGOF en 2004 (1), notre référence ici, comportent
la description des différentes étapes : diagnostic,
appréciation de la gravité, communication entre les
acteurs, gestes immédiats et premières thérapeutiques (2), en esquissant les grands principes de la
prise en charge anesthésique de première ligne (3).
Puis, nous aborderons la question du traitement
médical de seconde ligne (4) en laissant de côté
l’embolisation et la chirurgie, qui font l’objet de
développements spécifiques.
• Prévenir tous les intervenants potentiels
Diagnostic
de l’hémorragie
Délivrance
effectuée
Révision utérine
sous anesthésie
sans délai (annuaire téléphonique
spécifique disponible)
• Prise en charge conjointe et simultanée
• Mise en place du monitorage
Délivrance
non effectuée
Délivrance artificielle
sous anesthésie
• Ocytocine 5 à 10 UI i.v. lente
puis 20 UI en perfusion pendant 2 heures
• Sondage vésical, massage utérin
• Examen du col et du vagin si doute
• Antibioprophylaxie
(pouls, PA, SpO2)
• Bonne voie d’abord veineuse
• Remplissage (cristalloïdes)
• Vérifier le groupe sanguin (et RAI < 3 jours)
Si l’hémorragie persiste plus
de 15 à 30 mn malgré cette prise en
charge initiale, voir la figure 2
Figure 1. Prise en charge initiale d’une hémorragie du post-partum immédiat (2).
16 | La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 L’hémorragie du post-partum peut survenir de
façon inopinée et mettre en jeu le pronostic vital.
La prise en charge repose sur un diagnostic le plus
précoce possible et sur une bonne collaboration
entre obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes et
équipe paramédicale entraînés. L'absence de médecin
anesthésiste sur place ainsi qu’un nombre annuel
d'accouchements inférieur à 500 constituent deux
facteurs indépendants associés à une prise en charge
insuffisante (5).
Diagnostic et premiers gestes
(figure 1) [2]
Le diagnostic
La qualité de la prise en charge dépend de la précocité
du diagnostic et de la rapidité d’action des différents
intervenants entre lesquels la communication est
fondamentale. Cette action combinée des obstétriciens, sages-femmes et anesthésistes n’est optimale
qu’avec l’existence de protocoles connus et régulièrement réactualisés (6). Si la définition classique d’une
HPP correspond à des pertes sanguines supérieures
à 500 ml, de nombreux auteurs ont montré que le
retentissement sur l’état maternel n’était réel que
pour une hémorragie supérieure à 1 000 ml. Lors
d’une césarienne, l’hémorragie est dite significative
si les pertes dépassent 1 000 ml.
En fait, ces définitions très livresques ne correspondent pas à la réalité. La définition “pratique” correspond plutôt à la reconnaissance et au diagnostic
réel d’HPP. Classiquement, ce diagnostic est posé
de façon subjective lorsque la personne ayant en
Mots-clés
Ocytociques
Prostaglandines
Évaluation
Keywords
Ocytocin
Prostaglandins
Assessment
Références
bibliographiques
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Résumé
La prise en charge adéquate d’une hémorragie du post-partum (HPP) nécessite la connaissance parfaite d’un protocole
régulièrement réactualisé et accessible à tout moment, ainsi qu’une dotation suffisante en équipement adapté et en
personnel. Le temps initial comporte la détection rapide de l’hémorragie, facilitée par la mise en place de sacs de recueil
placés après l’expulsion fœtale. Dès le diagnostic, sa communication doit être immédiate à tous les intervenants potentiels
(obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes), la prise en charge optimale étant multidisciplinaire. La cause des saignements doit être recherchée sans délai. La palpation abdominale détecte l’atonie utérine, cause la plus fréquente d’HPP.
Dès le diagnostic, deux attitudes sont possibles : délivrance artificielle ou révision utérine. D’autres origines évidentes
peuvent être exclues : épisiotomie ou plaie de la filière génitale, trouble de la coagulation et thrombus vulvovaginal.
Parallèlement, l’emploi d’utérotoniques est indispensable. Les ocytociques en intraveineux direct sont les plus utilisés.
En parallèle à cette prise en charge obstétricale immédiate, les premiers gestes de réanimation doivent être effectués.
Trente minutes après le diagnostic d’HPP, si les premières mesures thérapeutiques se sont révélées inefficaces, il faut
débuter sans retard une perfusion de sulprostone. Néanmoins, après 30 mn de perfusion sans amélioration ou si la situation s’aggrave, il faut envisager d’autres stratégies thérapeutiques (embolisation, chirurgie). L’utilisation du misoprostol
en intrarectal n’est pas validée en curatif.
charge la surveillance de l’accouchée dans les instants
qui suivent la naissance, habituellement la sage-femme,
constate des pertes sanguines plus abondantes que
la normale. Cette appréciation visuelle sous-estime
généralement les pertes (7). Un autre travail prospectif
a comparé l’estimation visuelle des pertes avec leur
quantification biologique. L’estimation visuelle surestimait les pertes inférieures à 100 ml et sous-estimait
les pertes supérieures à 300 ml. Seule une des 9 HPP (>
500 ml) avait été diagnostiquée visuellement (8).
Un travail français a démontré la valeur du sac de
recueil sous-fessier en tant que moyen de diagnostic
des hémorragies de la délivrance en salle d’accouchement (9). Les auteurs ont étudié de façon prospective
253 patientes accouchant par les voies naturelles
après 37 semaines d’aménorrhée. Ils ont comparé les
taux d’hémoglobine et d’hématocrite à l’admission
en salle de travail avec ceux mesurés au troisième
jour du post-partum. La médiane des pertes était
de 190 ml. La chute du taux d’hématocrite était en
moyenne de 2,7 ± 4 g/dl et celle du taux d’hémoglobine de 1,2 ± 1,4 g/dl. Les auteurs concluaient que
les sacs gradués installés immédiatement après la
naissance permettaient une quantification précise
et efficace des pertes sanguines (9).
Une communication immédiate
Le premier intervenant, le plus souvent la sagefemme, doit impérativement s’assurer de l’arrivée
la plus rapide possible de l’obstétricien et de l’équipe
d’anesthésie. Une information aussi rapide que
claire doit être apportée à la patiente et/ou à son
conjoint, selon la situation clinique. L’évaluation
de l’état clinique de la patiente (pouls, pression
artérielle) est conduite parallèlement à la mise en
route des premières mesures de réanimation. Dès
le début de la prise en charge, il est fondamental de
noter l’horaire du diagnostic de l’hémorragie (T0),
car les actions entreprises sont chronophages et
les délais de réponse aux différents traitements
peuvent influer sur les stratégies thérapeutiques.
Une feuille de surveillance simple comportant les
différentes phases de la prise en charge et le recueil
des constantes sera débutée et complétée ultérieurement. La phase initiale de la prise en charge des HPP
ne devrait pas dépasser 30 minutes à partir de T0.
18 | La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 Des mesures immédiates
Avant d’agir sur l’utérus, il faut éliminer une cause
évidente de saignement, l’épisiotomie, parfois
négligée et responsable de pertes importantes après
l’accouchement (hémostase rapide par une pince
avant la suture). L’observation des pertes (absence
de caillots) évoque un trouble sévère de la coagulation.
Une délivrance naturelle exige la normalité des
quatre mécanismes suivants : la coagulation, l’insertion placentaire, la dynamique utérine et la vacuité
utérine. Les rétentions placentaires et les atonies
utérines étant les principales causes d’HPP, la prise
en charge initiale doit traiter les anomalies ayant
trait à ces deux facteurs.
➤➤ Si la délivrance n’a pas eu lieu, une délivrance
artificielle doit être réalisée le plus rapidement
possible. Parfois, il n’existe aucun plan de clivage : le
diagnostic de placenta accreta sera alors évoqué. La
délivrance sera menée selon les règles de l’art, avec
une parfaite asepsie et après vidange vésicale. Le
plus souvent, le geste est effectué par l’obstétricien,
averti par la sage-femme dès le diagnostic. Toutefois,
en cas d’urgence vitale, la sage-femme procédera
elle-même directement ; à défaut, l’abstention pourrait être interprétée comme une non-assistance à
personne en danger. Ce geste se fait sous anesthésie
locorégionale si ce mode d’analgésie est utilisé ou
sous anesthésie générale dans le cas contraire. En
l’absence d’anesthésiste, l’urgence vitale prime et le
geste pourra être effectué exceptionnellement sans
anesthésie, d’autant plus facilement qu’il intervient
rapidement après l’accouchement.
➤➤ Si l’hémorragie survient alors que la délivrance
a déjà eu lieu, une révision utérine doit toujours
être effectuée pour s’assurer de la vacuité utérine,
de l’absence de rétention placentaire méconnue et
de l’intégrité de la cavité utérine pour exclure une
rupture utérine, diagnostic d’autant plus évoqué
si la patiente avait un utérus cicatriciel. Si ce geste
endo-utérin doit toujours être effectué pour faciliter
la contraction utérine, sa répétition éventuelle ne doit
pas retarder la prise en charge adaptée à la gravité
de la situation. Le plus souvent, une seule révision
utérine suffit à s’assurer de la vacuité utérine. Dans
le même temps, un massage intense et constant du
DOSSIER
fond utérin doit être effectué par la main abdominale de l’opérateur. Ce massage permet d’obtenir
une rétraction utérine et un globe de sécurité. Il ne
doit en aucun cas être interrompu précocement. De
façon concomitante, une injection d’utérotoniques
doit être effectuée. Dans certains cas, une compression bimanuelle peut être efficace : la main vaginale
refoule le corps utérin contre la main abdominale qui
empaume le fond utérin, permettant de plaquer une
paroi utérine contre l’autre.
➤➤ Parmi les complications des gestes endo-utérins,
la principale est l’endométrite. Une étude rétrospective de 14 années portant sur 25 687 femmes ayant
accouché comparait 1 052 délivrances artificielles à
1 085 contrôles. L’odds-ratio (OR) était de 2,9 (IC95 :
1,7-4,9) après ajustement. Dans le sous-groupe des
délivrances artificielles effectuées pour hémorragie
(n = 71), la fréquence d’endométrite était de 5,6 %
contre 1,8 % dans le groupe contrôle (OR = 3,2 ; IC95 :
0,9-9, NS) [10]. Dans une série plus récente, le taux
d’endométrite était de 3,5 % après délivrance artificielle
(n = 114) versus 0,9 % pour les contrôles (n = 113),
différence non significative. Les auteurs constataient
que la majorité des femmes délivrées artificiellement
avait pourtant bénéficié d’une antibiothérapie (11). Si
la littérature n’apporte pas de réponse sur la nécessité
de couvrir un geste endo-utérin pendant une délivrance
artificielle, la conclusion de cette étude montre que
l’association à une anémie accroît le risque infectieux
et qu’il semble logique d’envisager systématiquement
une antibioprophylaxie à large spectre.
Persistance des saignements
Après s’être assuré de la vacuité utérine (surveillance
de la hauteur utérine) et de l’absence de rupture
utérine, l’examen de la filière génitale doit être
effectué au moindre doute à l’aide de valves, sous
anesthésie et avec l’aide d’un assistant. Pour certains,
cet examen est systématique. Pour d’autres, il sera
exécuté si l’accouchement a été traumatique (avec
ou sans extraction instrumentale), s’il a été particulièrement rapide, s’il s’agissait de l’accouchement
d’un macrosome ou si la suture de l’épisiotomie était
difficile. L’inspection de la filière génitale permet de
diagnostiquer jusqu’à 9 % des causes d’HPP (6) et
de proposer le traitement chirurgical des déchirures
vaginales et/ou cervicales à l’origine de saignements
abondants méconnus lors de la révision utérine. Ces
déchirures sont responsables de 20 % des transfusions
(12). À ce stade, l’existence d’un thrombus vulvo-vaginal peut être découverte. Son traitement doit être
immédiat (embolisation et/ou chirurgie).
Les utérotoniques
Références
bibliographiques
Aucune étude rigoureuse, randomisée ou non, n’a
permis de déterminer quel était l’utérotonique de
choix, sa dose et sa durée d’utilisation optimale. En
France, l’ocytocine est la molécule la plus utilisée
en première intention.
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◆◆ Les ocytociques
L’ocytocine, analogue synthétique de l’ocytocine
post-hypophysaire, agit sur des récepteurs utérins
spécifiques. Son action est quasi immédiate et dure
près d’une heure. Ce médicament n’a pas de contreindications. Pour des doses supérieures à 80 UI, non
utilisées en clinique, il peut avoir un effet antidiurétique et une saturation des récepteurs peut survenir,
à l’origine d’une atonie secondaire.
Il est totalement impossible et illusoire de vouloir
décrire tous les modes d’administration de ces
molécules (intraveineuse lente de 5 UI ou de 5
à 10 UI) [13]. Certains auteurs contre-indiquent
l’utilisation des ocytociques par voie intraveineuse
directe en raison du risque hypotenseur potentiel
(14). Ce risque d’hypotension ou de choc est décrit
depuis de longues années (15). Pour ces auteurs,
seule l’utilisation en perfusion doit être préconisée
(10 à 20 UI dans 500 ml de Ringer ou de sérum
glucosé ou dans 1 000 ml de Ringer) [14], ce qui
éviterait l’effet hypotenseur. Aucune de ces études
n’est randomisée : il s’agit uniquement de conduites
personnelles rapportées par les investigateurs. Les
doses maximales ne doivent pas dépasser 30 à
40 UI. L’intérêt d’une perfusion d’entretien n’a pas
été démontré, bien que la plupart des publications
décrivent cette pratique. L’injection intramyométriale n’est pas conseillée et retarde l’utilisation en
seconde intention de thérapeutiques plus appropriées telles que les prostaglandines. Quelle que soit
la voie d’utilisation, après 15 à 30 mn d’inefficacité
de cette thérapeutique, les traitements de seconde
intention doivent être envisagés.
◆◆ Les dérivés de l’ergot de seigle
Ils ne devraient plus être utilisés car ils ne sont pas plus
efficaces que l’ocytocine et retardent l’utilisation des
traitements de seconde intention. Ils agissent sur les
récepteurs alpha-adrénergiques du myomètre ; leur
action commence entre 2 et 5 mn et se poursuit pendant
4 à 6 heures (13). Ces thérapeutiques sont contre-indiquées chez les patientes hypertendues, chez celles
prsentant une pathologie cardiaque ou coronarienne,
ou en association avec des macrolides. Leur utilisation
ne doit se concevoir qu’en intramusculaire.
La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 | 19
DOSSIER
Hémorragie de la délivrance (1re partie)
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◆◆ Les prostaglandines
Il s’agit de décrire ici leur utilisation, exceptionnelle,
en traitement curatif de première intention en alternative à l’ocytocine (15), et non en préventif ou en
traitement de seconde intention dans les hémorragies persistantes. Ces molécules ont l’avantage
d’agir sur le myomètre de façon plus précoce et plus
rapide que les autres utérotoniques. Le misoprostol,
analogue de synthèse des prostaglandines E1, a
montré des avantages sur les autres prostaglandines
du fait de l’absence de contre-indications et de ses
voies d’administration plus aisées (orale ou rectale).
La première étude randomisée sur le sujet a comparé
l’utilisation de Syntométrine® en intramusculaire
suivie d’une perfusion de 10 UI d’ocytocine dans
500 ml de sérum salé, à l’utilisation de 800 µg de
misoprostol administrés par voie intrarectale (16).
Cette étude sud-africaine a inclus 32 patientes dans
chaque groupe. Les auteurs ont montré une réduction de 28 % des HPP dans le groupe misoprostol
(p = 0,01). Le biais majeur concernant cette étude de
très faible puissance est qu’elle n’a pas été réalisée
en double aveugle, les obstétriciens connaissant
les drogues utilisées. Un autre biais correspond aux
critères de jugement, puisque les pertes n’étaient pas
quantifiées et que les taux d’hémoglobine n’étaient
pas connus. En janvier 2010, le Lancet publiait une
étude randomisée comparant le misoprostol per os
et les ocytociques (étude réalisée dans les pays en
développement). Bien que les résultats restent en
faveur de l’ocytocine pour traiter l’HPP, les auteurs
concluent qu’en l’absence de cette molécule, on
obtient des résultats peu différents avec le misoprostol (différence de 6 %) en première intention
(critères de jugement : durée et pertes > 300 ml
après diagnostic) [17].
Autres situations
Les césariennes
La fermeture rapide de l’hystérotomie et la réparation des déchirures limitent les pertes sanguines. La
dose optimale d’ocytociques à injecter n’a pas été
définie, mais une étude comparant quatre doses de
bolus n’a pas montré de différence entre les taux
d’atonie utérine identifiée par l’échelle analogique :
5 UI pour la dose la plus faible et 10 à 20 UI pour les
doses supérieures (18). Le massage du fond utérin
associé à l’injection de 5 à 10 UI d’ocytocine par voie
intraveineuse lente arrête souvent les saignements
persistants. Si l’hémorragie se poursuit à ventre
20 | La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 ouvert ou reprend lorsque la paroi abdominale est
déjà suturée, le recours à une thérapeutique mieux
adaptée (médicamenteuse, radiologique ou chirurgicale) est nécessaire.
Les hémorragies incoercibles
La prise en charge doit être rapide et immédiate.
Elle doit être multidisciplinaire et le nombre d’intervenants doit être suffisant. Un bilan biologique
de départ (numération, coagulation…) est indispensable et les mesures de réanimation seront adaptées
à l’état maternel. Après un contrôle systématique
de la vacuité utérine et de la filière génitale, les
thérapeutiques seront choisies en fonction de la
sévérité de l’hémorragie. Si les ocytociques sont
insuffisants, les prostaglandines (sulprostone)
peuvent enrayer une atonie utérine. Devant l’échec
de ces traitements, qui seront instaurés bien avant
les 30 minutes théoriques et après avoir éliminé
une rupture ou un trouble primitif de la coagulation,
une radiologie interventionnelle ou une chirurgie
sera entreprise.
Prise en charge d’une
hémorragie persistante
ou grave d’emblée (figure 2) [4]
Avant d’envisager l’embolisation ou en attendant la
chirurgie, différentes thérapeutiques ont été proposées pour traiter les situations d’HPP si l’hémorragie
persiste. Parmi elles, la perfusion de sulprostone
en i.v. est un traitement efficace, à condition de la
mettre en place à temps.
Les prostaglandines
La concentration en prostaglandines endogènes
présente un pic au moment de la délivrance, en
rapport avec le développement de la rétraction
utérine (19). Sur le plan clinique, leur action est
plus puissante et plus précoce que celle de l’ocytocine (12). Trois molécules ont été proposées pour le
traitement de l’atonie utérine.
◆◆ La PgF2α
Takagi et al. ont comparé l’effet d’injections intramyométriales de PgF2α à son administration par
voie systémique dans le traitement des HPP (20).
La voie intramyométriale paraissait plus efficace en
termes de rapidité d’obtention d’une contraction
utérine continue et de quantité de pertes de sang
DOSSIER
après 2 heures. Mais cette molécule a une courte
durée d’action nécessitant la répétition des doses
et de nombreux effets indésirables.
◆◆ La sulprostone
En France, la sulprostone (Nalador®) est la prostaglandine la plus utilisée pour le traitement des
HPP sévères (12). Les premières séries publiées
ont montré une très bonne efficacité avec très
peu d’effets indésirables, mais elles portaient sur
de faibles effectifs (21, 22). Par la suite, ces voies
d’administration ont été contre-indiquées du fait
d’arrêts cardiaques liés au pic plasmatique survenu
après injection intramusculaire ou intramyométriale
(23). À la lecture du Corporate Core Text, on apprend
que l’HPP par atonie utérine est une indication de la
sulprostone dans 18 des 23 pays où elle est commercialisée (24). Cela a participé à l’obtention de l’AMM
en France pour cette molécule dans le traitement
des HPP (24).
Goffinet et al. ont rapporté une série de 91 cas et
citent une étude de Gödicke et al. portant sur 87 cas
traités par voie i.v. (12). Ils décrivent une efficacité de
89 % ; dans 11 % des cas, une transfusion sanguine
et/ou une hystérectomie d’hémostase ont été nécessaires. Dans 71 % des cas, 1 à 2 ampoules ont suffi.
Le débit moyen était de 2,1 à 2,9 µg/mn. Parmi les
effets indésirables, 11 % des patientes ont présenté
une hyperthermie à plus de 39° C. Dans 5,5 % des
cas, on a observé des diarrhées, des vomissements
ou des douleurs utérines. Parmi les 10 échecs, 6
patientes présentaient en plus de l’atonie une autre
cause d’hémorragie (prééclampsie, placenta praevia,
déchirure cervico-isthmique…). Le résultat majeur
était que le risque d’échec était accru lorsque le délai
de prescription de la sulprostone était supérieur à
30 mn (OR = 8,3 ; IC95 : 2,2-31,7). Pour être le plus
efficace possible et entraîner le moins d’effets indésirables graves, ce traitement doit donc être initié
dans les 30 mn suivant le diagnostic (12).
En pratique, il faut diluer une ampoule de 500 µg de
sulprostone dans 50 ml de sérum physiologique pour
pouvoir l’administrer avec un pousse-seringue sans
poursuivre la perfusion d’ocytocine. Selon l’AMM,
la sulprostone doit être perfusée en i.v. stricte à la
seringue électrique, à un débit continu de 8,3 µg/mn
de façon à ne pas dépasser une ampoule en 1 heure.
Actuellement, il est recommandé de débuter la perfusion plus prudemment, avec un débit de 1,7 µg/mn
(10 ml/heure), et de n’augmenter que si nécessaire sans dépasser 8,3 µg/mn (50 ml/heure). En
règle générale, un débit de 20 ml/heure permet de
traiter la plupart des situations. Une fois l’hémor-
Prévenir tous les intervenants sans délai
Prise en charge conjointe et simultanée
• Révision col/vagin si voie basse
et si non réalisée auparavant
• Sulprostone : 100 à 500 µg/h par voie i.v.
+ relais par ocytocine 10 à 20 UI
en perfusion dans les 2 heures
Persistance de l‘hémorragie
plus de 30 mn sous sulprostone
• Radiologie interventionnelle
accessible
• État hémodynamique
• Pose d’une 2 e voie veineuse
• Prélèvement sanguin : NFS plaquettes,
TP, TCA, fibrinogène
• Surveillance : scope, TA régulière,
oxymétrie de pouls,
sondage vésical à demeure
• Remplissage (colloïdes), oxygénation
• Prévenir le site transfusionnel et commander
si nécessaire des CG et PFC
• Si hémodynamique instable :
traitement de choc
Non
stable
EMBOLISATION ARTÉRIELLE
Indication préférentielle dans
l'accouchement par voie basse
et la lésion cervico-vaginale
CHIRURGIE
Échec
• Ligatures vasculaires ± hystérectomie
• Indication préférentielle
au cours d’une césarienne
NFS : numération formule sanguine. TP : taux de prothrombine. TCA : temps de céphaline activé.
CG : culot globulaire. PFC : plasma frais congelé.
Figure 2. Prise en charge d’une HPP persistante au-delà de 15 à 30 mn (4).
ragie contrôlée, le débit sera maintenu ou diminué
à 1,7 µg/mn jusqu’à la fin de l’ampoule. Habituellement, une seule ampoule suffit. Au maximum, on
peut administrer 3 ampoules. Par la suite, un relais
sera systématiquement réalisé avec une perfusion
d’ocytocine (10-20 UI dans un sérum glucosé à 5 %
à passer en 6 heures). Il est impossible de donner un
délai pour l’efficacité de ce traitement, car il dépend
de l’importance de l’hémorragie, de l’état clinique
de la patiente et des moyens mis en œuvre pour la
réanimer. Cependant, en l’absence d’amélioration
après 30 mn de perfusion de sulprostone ou en cas
d’aggravation, il faut envisager d’autres solutions
(embolisation, chirurgie).
Les contre-indications les plus fréquentes sont
notamment l’asthme, la bronchite spastique, les
affections cardio-vasculaires (angine de poitrine,
maladie de Raynaud, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, HTA) et les antécédents thromboemboliques. Toutefois, les HPP étant des urgences
vitales, il faut soigneusement évaluer le rapport
bénéfice/risque de ce traitement.
Entre 1982 et avril 2000, moins de 200 effets
indésirables ont été rapportés pour 1,4 million de
patientes traitées (24). Certains effets peu sévères
ont été décrits : nausées, vomissements, spasmes
abdominaux, diarrhées, plus rarement obnubilation
ou céphalées et, dans des cas isolés ou chez les sujets
prédisposés, une bronchoconstriction (surveillance
accrue chez les grands fumeurs). Des accidents cardiovasculaires graves (arrêt cardiaque, angor) ont été
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Hémorragie de la délivrance (1re partie)
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rapportés. De Koning et al. ont rapporté une ischémie
sévère du membre supérieur alors que la sulprostone
avait été perfusée par voie i.v. ; le vasospasme était
vraisemblablement lié à une infusion sous-cutanée
accidentelle (25). Léone et al. ont rapporté un arrêt
cardiaque après perfusion par voie i.v. de 500 µg de
sulprostone chez une patiente en collapsus après une
HPP (26). Bayoumeu et al. ont décrit une douleur
angineuse après administration i.v. de sulprostone à
un débit de 200 µg/h (27). Une étude observationnelle de 55 patientes présentant une HPP sévère et
traitées majoritairement par sulprostone a mis en
évidence une ischémie myocardique au cours de
la prise en charge (28). Vingt-huit patientes (51 %)
présentaient un taux élevé de troponine et 17 (31 %)
avaient des signes électrocardiographiques d’infarctus
du myocarde. Ni l’administration de sulprostone ni
la quantité de sulprostone administrée n’étaient
des facteurs de risque significativement corrélés à la
survenue d’accidents ischémiques coronariens.
Ainsi, l’HPP sévère est sans aucun doute une situation
à risque d’accident ischémique coronarien par l’association d’hypotension, de tachycardie et d’anémie
grave qu’elle génère. Plusieurs des accidents cardiovasculaires rapportés sont survenus lors d’administration par voie intramusculaire ou intramyométriale,
voies d’administration aujourd’hui formellement
contre-indiquées (23). Lorsqu’on utilise la sulprostone
par voie i.v., la surveillance doit être conjointe avec
l’anesthésiste : correction de l’hypotension et de
l’anémie, surveillance étroite de tous les paramètres
cardio-vasculaires et poursuite de cette surveillance
en réanimation.
◆◆ La PgE1 (misoprostol)
L’utilisation de misoprostol (Cytotec®) par voie
rectale ou intravaginale a été plusieurs fois rapportée
(29, 30). L’idée qui prévalait était que cette molécule
avait moins d’effets secondaires que la sulprostone,
notamment sur le plan cardio-vasculaire. Cette
thérapeutique était souvent couronnée de succès,
sauf dans la série la plus importante portant sur
41 cas, où le misoprostol seul n’a été efficace que
dans 63 % des cas (31).
Khan et al. ont étudié la pharmacocinétique du misoprostol administré par voie rectale et par voie orale
en post-partum (32). Après 7,5 mn, les taux sériques
observés lors de la prise orale étaient plus importants. Par voie rectale, les pics sériques étaient moins
importants, mais le délai d’action était prolongé
et les effets secondaires étaient moins fréquents.
Une étude de très faible qualité méthodologique
(cohorte rétrospective, effectifs minimes) a rapporté
22 | La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 une efficacité équivalente entre dérivés de l’ergot
de seigle (maléate de méthylergonovine) et prise de
misoprostol intrarectal après échec du traitement
ocytocique de première intention (33).
Notre équipe vient de terminer un programme
hospitalier de recherche clinique (PHRC) régional
(travail soumis) comparant de façon randomisée en
double aveugle misoprostol intrarectal et placebo
dans le traitement des hémorragies persistant après
traitement initial par ocytociques. Nous n’avons
pas montré de bénéfice à utiliser le misoprostol
dans cette situation (volume des pertes, nécessité
d’utilisation de la sulprostone).
À ce jour, il n’existe pas d’arguments pour recommander l’utilisation du misoprostol par voie rectale
ou vaginale en substitution de la sulprostone dans
le traitement des HPP.
◆◆ L’irrigation intra-utérine par prostaglandines
Kupferminc et al. ont rapporté une série de 18
patientes présentant une HPP grave par atonie (34).
Sa technique consistait à introduire en intra-utérin
une sonde de Foley dont le ballonnet était gonflé
avec 5 ml de sérum physiologique. Puis, il infusait par
cette sonde une solution saline de 500 ml contenant
20 mg de PgF2α. Chez 17 patientes, l’hémorragie
s’est arrêtée après quelques minutes. Cette méthode
aurait le gros avantage d’éviter l’administration de
prostaglandines par voie générale. Cependant, sur
le plan pharmacocinétique, il n’existe pas de preuve
quant à l’efficacité de cette voie d’administration.
La traction sur le col et la compression
utérine manuelle
Il s’agit de placer sur les lèvres antérieure et postérieure du col utérin deux pinces pour pouvoir tordre
le col utérin par rapport au corps utérin dans le
but de réduire le flux sanguin au niveau des artères
utérines. La compression bimanuelle associée à
un massage continu de l’utérus a également été
proposée. Elle peut être réalisée dans un premier
temps après la révision utérine ou après la délivrance artificielle en attendant l’effet des diverses
thérapeutiques. Ces deux méthodes n’ont cependant
fait l’objet d’aucune évaluation.
Le tamponnement intra-utérin
par méchage, ballon ou sonde
Druzin et al. ont rapporté les cas de 4 patientes
présentant une HPP sur placenta praevia (dont 2
DOSSIER
accreta) résistant à la ligature uni- ou bilatérale des
artères utérines (35). Le tamponnement avec de la
gaze mis en place par voie abdominale après incision
utérine a permis d’arrêter l’hémorragie. Maier et
al. ont décrit une série de 9 patientes traitées avec
un système (Torpin) permettant d’introduire dans
l’utérus une bande de gaze de 4,5 m par voie vaginale
(36). Cette gaze a été laissée jusqu’à 4 jours. Chez
2 patientes, ce traitement a échoué, conduisant à
une hystérectomie.
Par la suite, divers systèmes de compression intrautérine ont remplacé la gaze. Plusieurs auteurs ont eu
recours à la sonde de Sengstaken-Blakemore, utilisée
en gastro-entérologie pour traiter les hémorragies
digestives (37, 38). Cette sonde peut être remplie
avec 300 ml de sérum salé. Dans une série de 16
patientes présentant une hémorragie persistante, le
tamponnement a été efficace chez 14 d’entre elles,
2 ayant dû subir un geste chirurgical en raison d’un
placenta praevia (38). Johanson et al. ont proposé
une sonde à ballonnet, utilisée en urologie (sonde de
Rüsch), qui peut être gonflée jusqu’à 400-500 ml (39).
Prise en charge
par l’anesthésiste (3)
Nous traitons ici de la prise en charge de l’HPP par
l’anesthésiste, depuis les premières mesures jusqu’à
l’échec des thérapeutiques médicamenteuses utérotoniques de première ligne. Notons que ce propos
repose toutefois principalement sur des études de
faible niveau de preuve.
Il est parfois difficile de poser à temps le diagnostic
d’HPP, d’où un retard à la prise en charge qui grève
le pronostic maternel. Il est donc indispensable de
travailler par anticipation et ne pas hésiter à traiter
énergiquement sur une simple suspicion, parfois de
manière exagérée a posteriori. Les étapes ultérieures
du traitement seront largement influencées par la
composante temps. Une fois détectée, l’HPP doit
être surveillée et traitée selon un algorithme défini au
préalable par les différents acteurs en charge (obstétriciens, anesthésistes). Aux premiers les gestes diagnostiques et thérapeutiques, aux seconds le soin de
permettre le plus vite possible et dans les meilleures
conditions de sécurité la réalisation de ces gestes
(par des techniques anesthésiques adaptées à l’état
hémodynamique), tout en corrigeant l’hypovolémie,
l’anémie, les troubles possibles de l’hémostase, et en
anticipant les différentes étapes ultérieures (transfert
pour embolisation ou gestes chirurgicaux).
Le diagnostic clinique et biologique
La surveillance des parturientes dans les minutes
qui suivent la naissance est un point capital qui
fait parfois défaut. Un accord professionnel établit
qu’une parturiente ne doit pas être laissée seule dans
les deux premières heures suivant l’accouchement.
Le monitorage non invasif peut permettre à lui seul
de détecter l’hypovolémie secondaire à l’HPP. Ainsi,
tachycardie, malaise, hypotension sévère ou réfractaire au remplissage signent l’hypovolémie en cours
d’installation. Ces éléments simples de monitorage
peuvent cependant être pris en défaut, en particulier
en l’absence d’anesthésie locorégionale. Toute hypotension artérielle persistant malgré un remplissage,
ou récidivant après la réalisation d’une expansion
volémique, ou nécessitant l’emploi de faibles doses
de sympathomimétiques comme l’éphédrine, est
jusqu’à preuve du contraire un signe d’hémorragie,
devant faire évoquer des saignements non extériorisés (rupture utérine, thrombus vaginal, utérus
distendu et atone).
Sur le plan biologique, une chute de plus de 10 %
de l’hématocrite ou de plus de 3 g/100 ml d'hémoglobine constitue pour l’ACOG un élément du
diagnostic de l’HPP. Néanmoins, ces valeurs peuvent
être faussées par la dilution induite par un très grand
volume de remplissage, voire une transfusion initiée
très rapidement, et/ou par l’absence ou le retard
à l’obtention de données biologiques en pratique
courante (40). Ainsi, toute maternité doit pouvoir
disposer en urgence d’une mesure du taux d’hémoglobine et de tests de coagulation 24 heures sur 24.
En attendant les résultats de laboratoire, l’utilisation
des appareils de mesure de l’hémoglobine capillaire
(type HemoCue®) est impérative en salle de travail.
Les résultats sont relativement fiables, à condition de
multiplier les prélèvements et de respecter les règles
(41). La présence d’anomalies de la coagulation est
toujours un signe de gravité.
La gravité de l’hémorragie peut donc être appréciée
sur un ou plusieurs des critères suivants : saignement
extériorisé persistant spontanément ou lors de l’expression utérine ; persistance d’un collapsus malgré
une expansion volémique, recours à des sympathomimétiques type éphédrine puis transfusion ;
mauvais rendement transfusionnel ; apparition ou
aggravation de troubles de l’hémostase. Une fois le
diagnostic établi, la présence au minimum de l’obstétricien et d’un aide (sage-femme ou infirmière) est
indispensable, et l’horaire du diagnostic de l’HPP
(T0) sera soigneusement noté.
La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 | 23
DOSSIER
Hémorragie de la délivrance (1re partie)
La prise en charge initiale
Le groupe sanguin et le rhésus sont immédiatement
vérifiés, tout comme la présence d’au moins une
voie d’abord veineuse fonctionnelle de bon calibre.
Une deuxième voie veineuse périphérique de gros
calibre peut être posée en cas de voies veineuses
de mauvaise qualité, ou en cas d’hémorragie sévère
d’emblée. Dans cette situation ou si aucun bilan
préalable à l’accouchement n’est disponible, un
bilan biologique initial est prélevé, comprenant
une numération globulaire et plaquettaire, un bilan
d'hémostase simple (TP, TCA, fibrinogène) et une
recherche d'agglutinines irrégulières (RAI) si celles-ci
ne sont pas à jour. En cas d’HPP massive d’emblée
ou survenant chez une patiente présentant une
situation à haut risque de transfusion (anomalies
d’insertion placentaire, anémie ou troubles de l’hémostase préalables à l’accouchement), la structure
transfusionnelle est prévenue. On s’assure de la
disponibilité et de la mise en réserve de culots globulaires, en particulier en cas de groupe peu fréquent
ou de RAI positives.
Au stade initial de l’HPP, le sondage urinaire permanent n’apparaît pas obligatoire. Il peut permettre
de maintenir la vacuité vésicale et la surveillance
horaire de la diurèse. C’est en cas d’HPP très grave
d’emblée ou persistante qu’il doit être envisagé.
Le remplissage est commencé le plus souvent
sans produits sanguins ; il vise à limiter la diminution aiguë du volume sanguin circulant et à
maintenir une pression de perfusion suffisante
pour assurer les besoins énergétiques tissulaires.
Plusieurs produits (solutions cristalloïdes ou substituts colloïdaux du plasma) sont disponibles.
Chacun d’eux a des avantages et des inconvénients. Il n’existe pas d’étude de haut niveau
de preuve permettant de privilégier l’un par
rapport à l’autre dans le traitement de l’HPP.
Dans ces situations, les recommandations pour
la pratique clinique (RPC) de la Société française
d’anesthésie et de réanimation (1997, www.sfar.
org) recommandent les cristalloïdes (Ringer
lactate® ou sérum physiologique) lorsque la
perte sanguine est estimée à moins de 20% de
la masse sanguine. Au-delà ou si la pression
artérielle moyenne est d'emblée inférieure à
70 mmHg, l'utilisation combinée de cristalloïdes
et de colloïdes est recommandée (42). Il n’y a
pas d’indication spécifique de l’albumine dans
cette situation (43).
La transfusion sanguine n’est pas la règle à
la phase initiale de l’hémorragie. L'indication
24 | La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 doit tenir compte avant tout du contrôle ou non de
l'hémorragie et du débit de saignement. La transfusion devient incontournable en cas d'hémorragie
très importante ou chez une patiente au préalable
anémiée, car elle seule est capable de maintenir le
transport en oxygène. En situation d'urgence, l'indication transfusionnelle ne repose que partiellement
sur le taux d'hémoglobine. Un taux supérieur à 5 g/dl
est capable de maintenir un transport de l’oxygène
compatible avec l’absence de dysoxie tissulaire chez
un sujet sain au préalable (44). Le taux seuil d’hémoglobine avant une transfusion est très influencé par le
niveau de remplissage (phénomène d’hémodilution).
Il n’est pas exclu à l’avenir que certains facteurs de
la coagulation (fibrinogène de synthèse, facteur VIIa
recombinant) puissent améliorer la prise en charge des
HPP sévères (45).
Situation particulière : HPP en cours
de césarienne
Le risque d’HPP est accru en cas de césarienne. Il convient
donc, au moins pour les césariennes électives, de disposer
d’une carte de groupe sanguin et de recherche d’agglutinines irrégulières à jour. En cas de césarienne élective à
haut risque d’hémorragie prévisible (anomalies d’insertion
placentaire), une stratégie particulière doit être mise en
place. L’expansion volémique est initiée par cristalloïdes
et/ou colloïdes. La persistance d’une hémorragie dans
le champ opératoire ou sous le champ (l’anesthésiste
doit aussi estimer la possible présence de saignement
par voie vaginale) associée à une atonie ne réagissant
pas rapidement à l’ocytocine, ou l’installation d’un état
hémodynamique instable ou stabilisé grâce à d’importants volumes d’expansion plus ou moins associés à de
l’éphédrine, imposent le recours à une thérapeutique plus
adaptée (médicamenteuse, radiologique ou chirurgicale).
Exemple d’une évaluation
régionale de la prise en charge
initiale des HPP
Nous avons vu jusqu’ici la conduite médicale optimale
à tenir dans les HPP. Elle se doit d’être multidisciplinaire.
Chaque institution médicale de naissancedoit avoir un
protocole de prise en charge adapté à son fonctionnement propre, même si les différentes étapes de la gestion
de ces situations critiques doivent toujours être respectées.
Les réseaux de périnatalité ont pour mission de superviser
l’organisation régionale de cette prise en charge en s’assurant que chaque centre possède un protocole adapté,
DOSSIER
PROTOCOLE DE L’HÉMORRAGIE DE LA DÉLIVRANCE
Bilans à prévoir :
vérifier carte groupe
sanguin
et RAI < 3 jours
ACCOUCHEMENT (mise en place systématique d’une poche de recueil)
▾
▾
Si poche de recueil entre 500 et 1 000 ml
▾
▾
5 à10 U d’ocytocine aux épaules systématiquement
Appel obstétricien Remplissage :
et/ou équipe anes- cristalloïdes (RL) et
Sous ALR ou AG
thésie (ARE ou IADE) colloïdes (amidon,
gélatine)
Révision utérine ou délivrance artificielle
+ 10 U d’ocytocine à 5 mn
+ 10 U d’ocytocine à 5 mn
☛
☚
☚
☛
Examen sous valves
▾
30 min
▾
HemoCue® + 1 bilan** Sulprostone* (1 ampoule - seringue électrique) Scope et SpO
NFS, plaquettes,
▾
▾ Contre-indication
▾
Amélioration
TP, TCA et 1 h Échec
fibrinogène
▾
Sulprostone* - 2 ampoule
▾Stabilité▾
PDF et CS
Massage utérin
re
er
2
e
Complexe
prothrombinique :
facteurs V, X, II
▾ ▾
hémodynamique ? Procédés mécaniques (tractions)
Oui
▾
connu et utilisable par tous les intervenants. L’autre
préoccupation des réseaux est d’évaluer l’efficacité de
cette prise en charge. Nous rapportons l’expérience
de la région Basse-Normandie, qui s’est dotée d’un
protocole régionale de prise en charge des HPP dès
2003 (avant la publication des RPC nationales). Le
protocole, édité sous forme d’affiches plastifiées, a
été diffusé dans toutes les maternités de la région
sans exception dès février 2004. Ces affiches étaient
destinées à être placées en salle d’accouchement et
au bloc opératoire (figure 3).
Notre région, en collaboration avec l’unité 953 de
l’Inserm, a pu évaluer ainsi les pratiques régionales
dans cette situation d’urgence. Il s’agissait d’une étude
avant-après (étude Sphere 2002/2005) [46] dont
l’une des composantes était un audit clinique de tous
les cas d’HPP graves (47). Son objectif était d’évaluer
la qualité de la prise en charge des HPP graves et la
conformité des actes au protocole régional.
Un audit clinique a été mis en œuvre portant sur tous
les cas d’HPP grave identifiés dans l’ensemble des
maternités de la région au cours des années 2002
et 2005. Les HPP étaient considérées comme graves
lorsqu’elles étaient associées à un ou plusieurs des
événements suivants : transfusion sanguine, embolisation des artères utérines, chirurgie d’hémostase conservatrice ou non, perte d’au moins 4 g/dl d’hémoglobine,
décès. Pour tous les cas potentiels ainsi identifiés,
l’existence d’une HPP et la conformité à la définition
de l’HPP grave définie pour l’étude étaient vérifiées
par l’examen du contenu du dossier obstétrical. Tous
les cas d’HPP grave ont été analysés, à l’exception de
ceux définis a posteriori uniquement par le delta d’hémoglobine. Les cas d’HPP grave inclus ont été rendus
anonymes et répartis au hasard entre 10 experts de la
région, constitués en 5 binômes anesthésiste-réanimateur/gynécologue obstétricien. La qualité de prise en
charge était jugée par les auditeurs selon 4 niveaux :
adaptée, insuffisante, inadéquate, non évaluable. Cinq
items permettaient de préciser les défauts de la prise en
charge : retard au diagnostic, retard aux soins, grande
sous-estimation de l’importance de l’HPP, traitement
non adapté, défaut d’équipement. En fin de journée,
les dossiers sujets à discussion au sein d’un binôme
étaient présentés en séance plénière à l’ensemble du
groupe d’experts. L’analyse a porté sur la qualité de la
prise en charge, la conformité au protocole et le degré
de gravité de l’hémorragie, jugée modérée ou extrême
sur des arguments cliniques.
Pour les deux années, le nombre d’accouchements en
Basse-Normandie est resté stable (17 664 en 2002 et
17 722 en 2005). Pour l’année 2002, 143 HPP graves ont
été identifiées, contre 152 pour 2005, soit des préva-
Non Chirurgie : - Ligatures utérines étagées ou hypogastriques
- B-Lynch
- Hystérectomie d’hémostase
2e bilan
1h
2e bilan**
NFS, plaquettes,
TP, TCA et
fibrinogène, PDF
et CS
Complexe
prothrombinique :
facteurs V, X et II
et dosage
antithrombine
Embolisation
Contacter le standard du CHU et demander le radiologue vasculaire interventionnel
Joindre le régulateur SAMU
qui s’occupera du transport
et de l’accueil de la patiente
en contactant le médecin anesthésiste réanimateur
du pôle tête-cou (nuit et jour),
de la réanimation du niveau 6 ou des urgences.
Prévenir le gynécologue obstétricien de garde
à la maternité du CHU
* Préparation sulprostone : utiliser une seringue électrique (100 γ à 500 γ/h en fonction de l’importance, le plus souvent 250 γ en 20 mn et 250 γ en 40 mn). 2e ampoule : 500 γ en 6 à 8 heures. Ne pas
dépasser 3 ampoules par 24 heures. Si pas de rétraction utérine favorable à la fin de la première
ampoule,penser embolisation. En effet, la seconde ampoule doit maintenir la rétraction et non
l’obtenir.
** Conduite à tenir en fonction du bilan :
– si hématocrite ≤ 28 % → culots globulaires :
– si TP < 50 % ou TCA > 2,5 fois témoin → PFC : 20 ml/kg (facteur V > 30 %) ;
– s i plaquettes ≤ 30 000 → 1 unité/10 kg (1 unité = augmentation du nombre de plaquettes de
5 à 10 000/mm3) ;
– antithrombine III < 80 % → antithrombine III : 50 unités/kg.
Figure 3. Protocole régional de prise en charge des HPP en Basse-Normandie.
La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 | 25
DOSSIER
Hémorragie de la délivrance (1re partie)
Tableau I. Prise en charge globale et selon la voie d’accouchement des HPP graves avant et après la mise en place du protocole régional.
Toutes les HPP graves
Accouchements par voie basse
Césariennes
2002 n = 34 (%)
2005 n = 63
(%)
p
2002 n = 23 (%)
2005 n = 41 (%)
2002 n = 11 (%)
2005 n = 22 (%)
Délivrance dirigée*
29 (85)
47 (71)
NS
18 (78)
28 (68)
11 (100)
19 (86)
Heure du diagnostic de l’HPP notée
32 (94)
58 (92)
NS
22 (97)
37 (90)
11 (100)
21 (96)
Quantification du saignement initial
9 (27)
28 (44)
0,08
5 (22)
21 (51)
4 (36)
8 (36)
Atonie utérine
Injection d’ocytociques
Délai de 15 mn respecté
31 (91)
28 (90)
21 (75)
56 (89)
50 (89)
43 (86)
NS
NS
20 (87)
18 (90)
12 (67)
36 (88)
33 (92)
28 (84)
11 (100)
10 (91)
9 (90)
20 (91)
17 (85)
15 (88)
16
(70)
29 (71)
NS
22 (97)
38 (93)
11 (100)
21 (96)
13
(57)
27 (66)
DA.RU ou RU dans les 15 mn
Remplissage
33 (97)
59 (94)
Examen avec valves si saignement >
20 mn
Bilan biologique
Délai respecté
33 (97)
20 (61)
58 (92)
38 (66)
NS
22 (97)
12 (55)
39 (95)
24 (62)
11 (100)
8 (73)
19 (86)
14 (74)
Hémorragie par atonie utérine > 30 min
Injection sulprostone
Délai < 30 min respecté
27 (79)
24 (89)
11 (46)
45 (71)
40 (89)
28 (70)
NS
0,05
16 (70)
13 (81)
4 (31)
28 (68)
26 (93)
17 (65)
11 (100)
11 (100)
7 (64)
17 (77)
14 (82)
11 (79)
Transfusion
Modalités correctes
30 (88)
29 (97)
58 (92)
47 (81)
NS
0,05
21 (91)
21 (100)
38 (93)
31 (82)
9 (82)
8 (89)
20 (91)
16 (80)
Embolisation
Modalités correctes
12 (35)
12 (100)
16 (25)
15 (94)
NS
7 (30)
7 (100)
11 (27)
11 (100)
5 (46)
5 (100)
5 (23)
4 (80)
Chirurgie d’hémostase
Modalités correctes
7 (21)
7 (100)
21 (33)
19 (91)
NS
2 (8)
2 (100)
7 (17)
7 (100)
4 (36)
4 (100)
14 (63)
12 (86
*Administration préventive d’ocytociques, sans indication ni sur le moment du clampage ni sur la traction contrôlée du cordon.
Tableau II. Évaluation de la qualité de prise en charge
des HPP graves.
2002 n (%)
2005 n (%)
p
Total HPP graves
n = 34
n = 63
0,05
Prise en charge
adaptée
21 (62)
48 (76)
Prise en charge
insuffisante
11 (32)
8 (13)
Prise en charge
inadéquate
2 (6)
7 (11)
Voie basse
n = 23
n = 41
Prise en charge
adaptée
12 (52)
30 (73)
Prise en charge
insuffisante
9 (39)
6 (15)
Prise en charge
inadéquate
2 (9)
5 (12)
Césarienne
n = 11
n = 22
Prise en charge
adaptée
9 (82)
18 (82)
Prise en charge
insuffisante
2 (18)
2 (9)
Prise en charge
inadéquate
0 (0)
2 (9)
NS
NS
26 | La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 lences d’HPP grave de 0,80 %
en 2002 et 0,86 % en 2005
(différence non significative).
Il n’y avait pas de différence
significative de la sévérité,
jugée extrême dans 44 % des
HPP graves en 2002 contre
38 % en 2005. Aucun décès
maternel lié à une HPP n’est
survenu durant la période
d’étude.
Concernant les étiologies,
nous n’avons pas mis en
évidence d’augmentation du
nombre de placentas praevia
ou accreta responsables
d’HPP graves. La proportion
globale d’atonie était stable,
légèrement au-dessus de
60 %, mais celle des lésions
de la filière génitale responsables d’HPP graves a chuté
de plus de 50 % (17,6 % en
2002 et 7,9 % en 2005 ;
p = 0,06).
Trente-quatre HPP graves ont été auditées en 2002
et 63 en 2005. La qualité de la prise en charge s’est
améliorée, avec 32 % de prises en charge jugée insuffisantes en 2002 contre 13 % en 2005 (p < 0,02). Le
protocole était bien respecté dans l’ensemble de la
région, la plupart des points analysés par l’audit étant
conformes au protocole dans près de 90 % des cas en
2005. Cependant, la prise en charge active de la troisième phase du travail était réalisée dans seulement
71 % des cas. Le tableau I rapporte les résultats de
l’audit concernant la conformité au protocole régional
de la prise en charge des HPP graves avant et après
l’intervention. La sulprostone a été instaurée dans les
30 mn suivant le diagnostic d’HPP dans 70 % des cas,
soit une augmentation significative de plus de 50 %
en 2005. Globalement, la qualité de prise en charge
des HPP graves a été significativement améliorée
(tableau II), mais, par voie d’accouchement, on n’a
pas mis en évidence de différence significative.
En 2002, le principal reproche était un retard au
diagnostic et/ou aux soins, qui touchait près de 40 %
des HPP. En 2005, ce retard n’était noté que pour 12 cas
sur 63, soit moins de 20 % des cas. Deux prises en
charge ont été jugées inadaptées ou inadéquates (une
en 2002 et une en 2005). La qualité globale de prise
DOSSIER
en charge des HPP graves a progressé entre 2002 et
2005 dans l’ensemble de la région (tableau III), sans
différence significative selon la voie d’accouchement.
Ni l’administration d’ocytociques, ni leur utilisation
dans un délai de 15 mn en cas d’atonie utérine, ni la
DA/RU, ni le remplissage, ni l’examen avec valves
n’ont progressé significativement. Signalons que
l’administration d’ocytociques était déjà largement
pratiquée en 2002 (90 %) : les pratiques déclarées
en France sont de l’ordre de 80 % (48). Après accouchement par voie basse, la vérification de la vacuité
utérine dans les 15 mn qui suivaient le diagnostic
d’HPP n’a pas progressé après l’instauration du
protocole. Pourtant, dès le diagnostic posé, il s’agit
d’un point essentiel de la prise en charge initiale.
Des efforts restent à faire pour développer les volets
préventifs et diagnostiques de la prise en charge
des HPP, en les adaptant aux conditions locales des
établissements. L’insuffisance de la délivrance dirigée
au sens complet du terme, ou de la quantification
des pertes sanguines est-elle à mettre en relation
avec une moindre disponibilité du personnel soignant
ou avec des problèmes d’organisation ?
Il ressort de l’étude que certaines pratiques de
prévention et de prise en charge des HPP ont été
améliorées, mais de façon très variée selon les
aspects considérés du protocole, selon les établissements et selon la voie d’accouchement. Ces disparités pourraient expliquer l’absence d’effet d’une
amélioration générale de la prise en charge sur le
nombre des HPP graves, qui ont été au contraire
mieux dénombrées du fait de l’étude elle-même.
En reprenant la littérature, quelques expériences
nationales ou régionales ont montré l’intérêt de
pratiques partagées, soit sous forme d’audit (49,
50), soit sous forme de questionnaire avec rétroinformation des professionnels participants (51, 52).
L’audit participe à l’amélioration des pratiques par
une prise de conscience des praticiens. La notion
de spécificité locale doit également être prise en
considération : une étude australienne relevait en
effet que la mise en pratique des recommandations
nationales dépendait beaucoup des ressources de
chaque unité et qu’il était utopique de vouloir faire
appliquer les mêmes recommandations à tous les
centres sans tenir compte de leurs capacités en
personnel et de leurs structures (51). Cet aspect
explique peut-être certaines divergences de pratique
entre le CHU de Caen et d’autres sites de naissance
de la région, concernant notamment les taux de
délivrance dirigée. Nous avions l’impression que
Tableau III. évaluation de la qualité de prise en charge des HPP graves au CHU de Caen et
dans le reste de la région.
CHU Caen
Hors CHU
2002 n (%)
2005 n (%)
Toutes HPP
graves
n = 17
n = 20
Prise en charge
adaptée
12 (71)
17 (85)
Prise en charge
insuffisante
4 (24)
Prise en charge
inadéquate
p
2002 n (%)
2005 n (%)
n = 17
n = 43
9 (53)
31 (72)
2 (10)
7 (41)
6 (14)
1 (6)
1 (5)
1 (6)
6 (14)
Voie basse
n = 10
n=9
n = 13
n = 32
Prise en charge
adaptée
5 (50)
7 (78)
7 (54)
23 (72)
Prise en charge
insuffisante
4 (40)
2 (22)
5 (39)
4 (13)
Prise en charge
inadéquate
1 (10)
0 (0)
1 (8)
5 (16)
Césarienne
n=7
n = 11
n=4
n = 11
Prise en charge
adaptée
7 (100)
10 (91)
2 (50)
8 (73)
Prise en charge
insuffisante
0 (0)
0 (0)
2 (50)
2 (18)
Prise en charge
inadéquate
0 (0)
1 (9)
0 (0)
1 (9)
NS
NS
NS
p
0,06
NS
NS
notre protocole régional, défini en concertation et qui
anticipait les RPC nationales, était simple d’emploi,
permettant de ce fait à tout praticien de chaque site de
naissance de le comprendre et de l’adopter en pratique.
Il semble qu’il faille vraisemblablement davantage de
recul pour analyser finement ces freins inattendus.
L’originalité de notre travail réside dans le fait que l’intervention visant à améliorer les pratiques de prise
en charge de l’HPP a été mise en œuvre à l’échelle
d’un réseau régional de soins (47). L’audit réalisé a
montré que la qualité de la prise en charge des HPP
graves a progressé sur l’ensemble de la région, mais
qu’une amélioration est encore possible. Il en résulte
deux questions : faut-il amplifier la formation médicale continue qui doit jouer un rôle majeur en rappelant régulièrement les bonnes pratiques, notamment
l’importance de respecter les délais recommandés ?
Faut-il revoir les méthodes d’évaluation de la qualité
des soins ? Outre les évolutions techniques, les mentalités sont à prendre en considération et les ressources
en personnel doivent être analysées afin de contribuer à
l’amélioration de la prise en charge. L’audit clinique est
à la fois l’un des moteurs de l’évolution des pratiques
et l’un des outils de l’évaluation.
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La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 | 27
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