La Lettre du Gynécologue • n° 352 - mai 2010 | 19
DOSSIER
fond utérin doit être effectué par la main abdomi-
nale de l’opérateur. Ce massage permet d’obtenir
une rétraction utérine et un globe de sécurité. Il ne
doit en aucun cas être interrompu précocement. De
façon concomitante, une injection d’utérotoniques
doit être effectuée. Dans certains cas, une compres-
sion bimanuelle peut être efficace : la main vaginale
refoule le corps utérin contre la main abdominale qui
empaume le fond utérin, permettant de plaquer une
paroi utérine contre l’autre.
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Parmi les complications des gestes endo-utérins,
la principale est l’endométrite. Une étude rétrospec-
tive de 14 années portant sur 25 687 femmes ayant
accouché comparait 1 052 délivrances artificielles à
1 085 contrôles. L’odds-ratio (OR) était de 2,9 (IC
95
:
1,7-4,9) après ajustement. Dans le sous-groupe des
délivrances artificielles effectuées pour hémorragie
(n = 71), la fréquence d’endométrite était de 5,6 %
contre 1,8 % dans le groupe contrôle (OR = 3,2 ; IC95 :
0,9-9, NS) [10]. Dans une série plus récente, le taux
d’endométrite était de 3,5 % après délivrance artificielle
(n = 114) versus 0,9 % pour les contrôles (n = 113),
différence non significative. Les auteurs constataient
que la majorité des femmes délivrées artificiellement
avait pourtant bénéficié d’une antibiothérapie (11). Si
la littérature n’apporte pas de réponse sur la nécessité
de couvrir un geste endo-utérin pendant une délivrance
artificielle, la conclusion de cette étude montre que
l’association à une anémie accroît le risque infectieux
et qu’il semble logique d’envisager systématiquement
une antibioprophylaxie à large spectre.
Persistance des saignements
Après s’être assuré de la vacuité utérine (surveillance
de la hauteur utérine) et de l’absence de rupture
utérine, l’examen de la filière génitale doit être
effectué au moindre doute à l’aide de valves, sous
anesthésie et avec l’aide d’un assistant. Pour certains,
cet examen est systématique. Pour d’autres, il sera
exécuté si l’accouchement a été traumatique (avec
ou sans extraction instrumentale), s’il a été particu-
lièrement rapide, s’il s’agissait de l’accouchement
d’un macrosome ou si la suture de l’épisiotomie était
difficile. L’inspection de la filière génitale permet de
diagnostiquer jusqu’à 9 % des causes d’HPP (6) et
de proposer le traitement chirurgical des déchirures
vaginales et/ou cervicales à l’origine de saignements
abondants méconnus lors de la révision utérine. Ces
déchirures sont responsables de 20 % des transfusions
(12). À ce stade, l’existence d’un thrombus vulvo-va-
ginal peut être découverte. Son traitement doit être
immédiat (embolisation et/ou chirurgie).
Les utérotoniques
Aucune étude rigoureuse, randomisée ou non, n’a
permis de déterminer quel était l’utérotonique de
choix, sa dose et sa durée d’utilisation optimale. En
France, l’ocytocine est la molécule la plus utilisée
en première intention.
◆Les ocytociques
L’ocytocine, analogue synthétique de l’ocytocine
post-hypophysaire, agit sur des récepteurs utérins
spécifiques. Son action est quasi immédiate et dure
près d’une heure. Ce médicament n’a pas de contre-
indications. Pour des doses supérieures à 80 UI, non
utilisées en clinique, il peut avoir un effet antidiuré-
tique et une saturation des récepteurs peut survenir,
à l’origine d’une atonie secondaire.
Il est totalement impossible et illusoire de vouloir
décrire tous les modes d’administration de ces
molécules (intraveineuse lente de 5 UI ou de 5
à 10 UI) [13]. Certains auteurs contre-indiquent
l’utilisation des ocytociques par voie intraveineuse
directe en raison du risque hypotenseur potentiel
(14). Ce risque d’hypotension ou de choc est décrit
depuis de longues années (15). Pour ces auteurs,
seule l’utilisation en perfusion doit être préconisée
(10 à 20 UI dans 500 ml de Ringer ou de sérum
glucosé ou dans 1 000 ml de Ringer) [14], ce qui
éviterait l’effet hypotenseur. Aucune de ces études
n’est randomisée : il s’agit uniquement de conduites
personnelles rapportées par les investigateurs. Les
doses maximales ne doivent pas dépasser 30 à
40 UI. L’intérêt d’une perfusion d’entretien n’a pas
été démontré, bien que la plupart des publications
décrivent cette pratique. L’injection intramyomé-
triale n’est pas conseillée et retarde l’utilisation en
seconde intention de thérapeutiques plus appro-
priées telles que les prostaglandines. Quelle que soit
la voie d’utilisation, après 15 à 30 mn d’inefficacité
de cette thérapeutique, les traitements de seconde
intention doivent être envisagés.
◆Les dérivés de l’ergot de seigle
Ils ne devraient plus être utilisés car ils ne sont pas plus
efficaces que l’ocytocine et retardent l’utilisation des
traitements de seconde intention. Ils agissent sur les
récepteurs alpha-adrénergiques du myomètre ; leur
action commence entre 2 et 5 mn et se poursuit pendant
4 à 6 heures (13). Ces thérapeutiques sont contre-in-
diquées chez les patientes hypertendues, chez celles
prsentant une pathologie cardiaque ou coronarienne,
ou en association avec des macrolides. Leur utilisation
ne doit se concevoir qu’en intramusculaire.
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