Brèves… Brèves… 46 Rien que les facteurs de risque, tous les facteurs de risque… L’équipe du Steno Diabetes Center, au Danemark, a publié les résultats de l’étude d’intervention intensive sur les facteurs de risque cardiovasculaire chez le diabétique de type 2 microalbuminurique. Cette étude ambitieuse avait pour objectif de tester l’efficacité d’une prise en charge intensifiée des facteurs de risque classiques, par un programme hygiéno-diététique et des mesures médicamenteuses graduées selon une stratégie intensifiée préétablie. Il s’agissait d’une étude randomisée et contrôlée, avec 80 diabétiques soumis au traitement intensifié, comparés à 80 diabétiques traités conventionnellement selon les recommandations de la Société danoise de médecine. Les objectifs dans le groupe intensif étaient plus drastiques : TA < 140/85 (versus < 160/95 dans le groupe conventionnel) ; HbA1C < 6,5 % (versus < 7,5 %) ; cholestérol < 190 mg/dl (versus 250) ; triglycérides < 150 mg/dl (versus 195). De plus, tous les diabétiques du groupe intensif (même normotendus) recevaient Captopril® 100 mg/jour, un traitement oral antioxydant, et de l’aspirine à 150 mg. La stratégie d’intervention glycémique était plus agressive pour les patients du groupe intensif. Le suivi moyen a été de 7,8 ans et, au terme de l’étude, les auteurs ont constaté dans le groupe intensif (versus le groupe conventionnel), un recours plus fréquent aux antihypertenseurs du système rénine-angiotensine et aux statines, une pression artérielle systolique abaissée (– 10 mmHg), une HbA1C inférieure (– 0,5 %), une amélioration des triglycérides (– 41 mg/dl) et du LDL-cholestérol (– 47 mg/dl) et une baisse de la microalbuminurie (– 20 mg/24 h). Les événements cardiovasculaires sur 7,8 ans (n = 118) sont survenus chez 44 % des patients du groupe conventionnel versus 24 % dans le groupe intensif, ce qui correspond à un risque relatif (RR) intensif/conventionnel de 0,47 maintenu après ajustement des principaux facteurs de risque en analyse multivariée. L’analyse des courbes actuarielles a montré une séparation des courbes d’événements cardiovasculaires entre les deux groupes dès la 1re année, maintenue pendant toute la durée de l’étude. Étaient également abaissés les RR de néphropathie (0,39), de rétinopathie (0,42) et de neuropathie autonome (0,37) en faveur du groupe intensif. En conclusion, une baisse de 50 % des événements cardiovasculaires peut être obtenue par une intervention agressive sur les facteurs de risque classiques chez le diabétique de type 2 microalbuminurique. Ces résultats présentent un intérêt considérable, puisqu’ils prouvent l’efficacité d’une intervention multifactorielle fondée sur un programme éducatif et une correction agressive des facteurs de risque classiques. Reste à définir si l’on pourra transposer les bénéfices d’une étude pilote comme la Steno study 2 à la prise en charge au quotidien de nos diabétiques de type 2, lorsque l’on constate, au travers de grandes études comme la STENO ou l’UKPDS, les difficultés à améliorer d’un point l’HbA1C ou la pression artérielle systolique. Y. Reznik, service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, CHU de Caen. Hyperparathyroidie primaire asymptomatique : vers un nouveau consensus ? J.P. Bilezikian et al. rapportent les conclusions d’une réunion d’experts (NIH, 8-9 avril 2002) sur l’hyperparathyroïdie primaire (HPP) asymptomatique et suggèrent des modifications par rapport à la conférence de consensus du NIH des 29-31 octobre 1990. Ils précisent que ces réflexions ne constituent pas un nouveau consensus. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), no 1, janvier/février 2003 L’HPP n’est plus vraiment la maladie associant une lithiase rénale, des fractures pathologiques et des troubles neuro-musculaires classiques. Elle est le plus souvent révélée par une hypercalcémie et est asymptomatique. La conférence de consensus de 1990 avait déjà fixé des règles permettant de cibler les indications opératoires, et ce sont ces règles qui sont aujourd’hui critiquées à la lumière de l’expérience acquise depuis les 12 dernières années. Si l’on reprend dans l’ordre les directives de 1990 (consensuelles) et celles de 2002 (non consensuelles), voici les conclusions des auteurs. En 1990, indication opératoire est posée lorsque : ◗ la calcémie excède de 10 à 16 mg/l la limite supérieure de la calcémie normale. Ce chiffre est revu à la baisse et 10 mg/l suffisent pour décider la chirurgie. Le calcium ionisé n’est pas recommandé, car souvent peu reproductible. La calcémie corrigée par l’albumine est à prendre en compte, mais finalement la calcémie totale est jugée suffisante, avec la limite indiquée ; ◗ la calciurie excède 400 mg/j. Malgré une longue discussion sur le faible pouvoir prédictif de la lithiase urinaire le chiffre de 400 mg/j est maintenu ; ◗ la clearance de la créatinine est réduite de 30 % par rapport aux personnes normales de même âge. Chiffre également maintenu, en utilisant la formule de Cockcroft ; ◗ la densité osseuse est diminuée de plus de 2 DS par rapport aux sujets de même sexe, âge et race. Il s’agit du z-score, donc une valeur modulée par l’âge, qui était principalement mesurée sur le radius. Cette notion est critiquée, et le t-score, valeur absolue, est aujourd’hui préféré, avec un seuil moins exigeant (– 2,5 DS au lieu de 2), mais cela quel que soit le site de la mesure (rachis, hanche, radius) ; ◗ le patient est âgé de moins de 50 ans. Ce critère n’est pas remis en cause, étant donné les risques supposés de l’HPP à très long terme ; ◗ les possibilités de surveillance d’un patient non opéré sont insuffisantes. Là aussi, pas de changement dans le principe d’une surveillance attentive, mais des nuances apparaissent dans ses modalités. Les différences dans les recommandations sont indiquées dans le tableau. Pour le diagnostic de l’HPP, rien de très nouveau n’apparaît dans l’article, sinon une plus grande facilité pour identifier l’hypercalcémie hypocalciurique familiale bénigne, dont le support génétique est connu. Une calciurie basse doit remettre en cause le diagnostic d’HPP. Les experts discutent d’autres points d’actualité : chez les patients non opérés, faut-il modifier les traitements de la ménopause et les apports vitamino-calciques habituellement conseillés ? La réponse semble négative pour la ménopause, très nuancée pour les apports calciques (on conseille un apport normal, 1 000-1 200 mg/j, l’excès étant hypercalcémiant, la carence pouvant stimuler la PTH) et vitaminiques (la dose de 400-600 UI/j de 25OH-D leur semblant raisonnable). En cas d’intervention, quelle technique faut-il utiliser ? La recherche des quatre glandes n’est plus systématique, bien que plusieurs adénomes soient trouvés chez 15 à 20 % des patients. La remise en cause de la mise en évidence systématique des quatre glandes s’explique par la possibilité d’interventions limitées, parfois sous anesthésie locale. Celles-ci supposent, d’une part, une excellente imagerie préopératoire par scintigraphie au MIBI (curieusement, les auteurs ne parlent pas de l’échographie dans ce chapitre) et, d’autre part, des dosages rapides de PTH pendant l’acte opératoire, permettant d’assurer mieux l’efficacité de l’adénomectomie. Toutes les équipes n’ont pas les mêmes habitudes, et il n’y a pas de consensus. L’expérience du chirurgien reste un pilier de cette pratique, et tous s’accordent pour dire qu’un chirurgien entraîné localise mieux l’adénome que toutes les techniques préopératoires actuelles. Les principaux axes de recherche devraient concerner, d’après ce groupe : – l’épidémiologie de l’HPP, qui doit être affinée ; – une meilleure connaissance de l’histoire naturelle de l’HPP asymptomatique non traitée ; – une meilleure compréhension des effets négatifs et positifs de la PTH ; – des traitements alternatifs à la chirurgie, encore embryonnaires. On comprend, d’après cet article, que les auteurs n’aient pas voulu (osé ?) établir un 2e consensus sur un sujet aussi mouvant et indécis. En particulier, le caractère “asymptomatique” de l’HPP est lui-même très controversé, étant donné la multitude de signes cliniques non spécifiques dont l’imputabilité à l’HPP reste toujours discutable (fatigue, tendance dépressive). Et pourtant, il y a un consensus sur l’indication opératoire des HPP symptomatiques. Néanmoins, l’avis Tableau. Mesure Calcémie Calciurie/24h Clearance de la créatinine Créatininémie Absorptiométrie Rx abdomen ± échographie consensus 1990 conseils 2002 bisannuelle annuelle annuelle annuelle annuelle (avant-bras) annuelle annuelle non recommandée non recommandée annuelle (Cockcroft) annuelle (3 sites) non recommandée de ce groupe d’experts est du plus haut intérêt, depuis la conférence de consensus de 1990. J. Mahoudeau, service d’endocrinologie, CHU Côte-de-Nacre, Caen. Brèves… Brèves… ◗ Bilezikian JP, Potts JT, Fuleihan GEH et al. J Clin Endocrinol Metab 2002 ; 87 : 5353-61. Les Anglo-Saxons adoptent le “paradoxe français” Les études de cohorte sur le risque cardiovasculaire et les facteurs alimentaires ont suggéré que la consommation modérée de vin rouge (notamment de la région bordelaise) était un facteur de réduction de la coronaropathie chez l’homme. Toutes les hypothèses pouvaient être soulevées, de l’effet objectif réel d’une consommation régulière de vin rouge au coup de publicité occulte de producteurs. Une étude tout récemment publiée dans le New England Journal of Medicine semble apporter une réponse définitive à la question des liens entre consommation d’alcool et maladie coronarienne. Une cohorte de 38 000 hommes a été évaluée par J.M. Kenneth et al. sur une période s’étendant de 1986 à 1998. Chaque homme inclus dans l’étude n’avait initialement aucun stigmate de maladie cardiovasculaire ni d’atteinte de type carcinologique. Les deux critères évalués dans cette étude prospective étaient, d’une part, le nombre d’accidents cardiovasculaires survenus et, d’autre part, la consommation hebdomadaire d’alcool. Pendant la période d’observation de 12 ans, 1 418 cas d’infarctus du myocarde sont survenus. La répartition des accidents en fonction de la consommation d’alcool objective une réduction tout à fait significative du risque chez les consommateurs réguliers d’alcool par rapport aux nonconsommateurs. Ce risque s’abaisse progressivement avec l’élévation de la consommation quotidienne Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), no 1, janvier/février 2003 47 Brèves… Brèves… d’alcool, atteignant 0,69 pour une consommation quotidienne de 10 g jusqu’à 0,55 pour une consommation supérieure à 50 g. Ce résultat est observé quel que soit le type d’alcool ingéré (vin rouge, vin blanc, bière, alcool fort). Il apparaît également que cet effet est directement lié à l’éthanol, les paramètres susceptibles d’être impliqués en relais (HDL, fibrinogène, pression artérielle, agrégabilité plaquettaire) n’étant pas sensiblement modifiés. Le paradoxe français paraît donc partagé par les consommateurs américains. Il n’est donc plus spécifiquement français. Prudemment, les auteurs de cet article encouragent les hommes adultes à discuter avec leur médecin de la pertinence et des modalités raisonnables de la consommation alcoolique. J.M. Kuhn, service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, CHU de Rouen. ◗ Kenneth JM et al. N Engl J Med 2003 ; 348 : 109-18. La dihydrotestostérone aime l’os Les modèles animaux d’invalidation de gènes et l’identification de syndromes de résistance aux estrogènes ou de déficit en aromatase dans l’es- 48 pèce humaine ont mis en exergue l’importance des estrogènes dans la maturation osseuse pour le sexe masculin. L’absence de soudure des cartilages de conjugaison et l’ostéoporose représentent, en effet, des stigmates majeurs de ces situations pathologiques. La restauration d’un taux d’estradiol physiologique chez des hommes atteints d’un déficit en aromatase fait disparaître ces deux anomalies. Au niveau de l’os, les androgènes n’agissent-ils donc exclusivement qu’après transformation locale en estrogènes par l’aromatase ostéoblastique ? Des arguments expérimentaux semblent démontrer le contraire. En effet, la testostérone est capable de prévenir la déminéralisation osseuse de souris mâles, dont le gène du récepteur osseux des estrogènes a été invalidé. Par ailleurs, le tissu ostéoblastique possède un système enzymatique permettant de convertir la testostérone en dihydrotestostérone. Il est tout à fait possible que cet androgène pur puisse exercer un rôle physiologique local, par exemple en augmentant l’apposition osseuse périostée dont témoignerait la plus grande épaisseur des os dans le sexe masculin. Dans cette hypothèse, comment se fait-il que les patients atteints de pseudo-hermaphrodisme par déficit en 5 α-réductase ne soient pas ostéoporotiques ? Comment se fait-il également qu’un traitement prolongé par le finastéride, inhibiteur de la 5 α-réductase, Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), no 1, janvier/février 2003 ne soit pas associé à un risque ostéoporotique plus élevé ? La réponse est apportée par une étude réalisée in vitro sur des cultures d’ostéoblastes humains par F. Issa et al. Ils ont étudié l’effet d’inhibiteurs spécifiques de chacun des sous-types de 5 α-réductase (5 α-réductase de type I et 5 α-réductase de type II). Cette étude démontre que c’est le type I qui est préférentiellement exprimé au niveau de l’ostéoblaste. Dans les deux situations précédentes (pseudohermaphrodisme par déficit en 5 α-réductase et traitement par le finastéride), c’est le sous-type II de la 5 α-réductase qui n’est pas fonctionnel. Ainsi, la dihydrotestostérone paraît formée au sein même de l’os grâce à une activité 5 α-réductasique de type I. Cela suggère qu’estrogènes et androgènes puissent avoir une action additive au niveau de l’os, et qu’en conséquence le meilleur traitement androgénique de l’ostéoporose masculine doive reposer sur la testostérone, capable de se transformer localement à la fois en estrogènes, par le biais de l’aromatisation locale, et en dihydrotestostérone, par une 5 α-réduction ostéoblastique. J.M. Kuhn, service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, CHU de Rouen. ◗ Issa F. et al. J Clin Endocrinol Metab 2002 ; 87 : 5401-5407.