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La Lettre du Gynécologue - n° 288 - janvier 2004
a question de la prévention de l’incontinence uri-
naire au cours de l’hystérectomie renvoie au concept
d’incontinence potentielle et reste toujours d’actua-
lité, même si les techniques chirurgicales minimally invasive,
qui se sont généralisées ces dernières années, offrent une pos-
sibilité séduisante de rattrapage de l’incontinence urinaire
d’effort (IUE) survenue en postopératoire. Reste qu’il est tou-
jours très désagréable pour un chirurgien d’avoir à assumer la
décompensation d’une incontinence urinaire au décours d’une
intervention a priori bénigne. Se posent donc pour l’urogyné-
cologue une double interrogation : un geste urinaire est-il légi-
time et si oui, sur quels critères intervenir ? Nous limiterons
notre propos aux hystérectomies pour lésions bénignes,
excluant les techniques élargies dont on connaît les possibles
conséquences urinaires, notamment par lésions neurologiques.
L’INCONTINENCE URINAIRE POTENTIELLE :
DE QUOI PARLE-T-ON ?
Il faut d’emblée exclure de notre propos tous les cas où l’inconti-
nence était déjà présente avant l’intervention : un interrogatoire
bien conduit et un examen clinique rigoureux doivent permettre
de la dépister, de l’évaluer et de proposer éventuellement une
prise en charge adaptée dans le même temps opératoire. Il est trop
fréquent encore de compter au nombre des incontinences secon-
daires, des incontinences en fait négligées, parfois d’ailleurs
aggravées par l’intervention. Nous n’aborderons pas non plus
l’incontinence masquée puisque notre propos concerne les hysté-
rectomies hors prolapsus, en précisant toutefois que l’inconti-
nence masquée (rôle protecteur du prolapsus par le classique
“effet pelote”) impose un geste puisqu’il s’agit d’une inconti-
nence vraie qu’un examen clinique incomplet (sans réintroduction
du prolapsus et/ou vessie vide) n’a pas permis de diagnostiquer.
Le concept d’incontinence potentielle implique l’absence
d’incontinence préopératoire mais un état border line décom-
pensé par la chirurgie et exposant donc à la révélation d’une
incontinence postopératoire d’autant plus mal acceptée qu’elle
était inattendue. Toute la difficulté réside dans le dépistage de
cette incontinence potentielle. Aucune méthode de détection
n’est parfaitement sensible et ce n’est que sur la base d’un
faisceau de présomptions qu’il faudra éventuellement décider
d’associer un geste urinaire. On peut donc admettre que le dia-
gnostic d’incontinence potentielle repose sur l’association de
plusieurs facteurs de risque insuffisants à eux seuls pour créer
la fuite mais dont les effets vont alors se cumuler avec ceux
induits par la chirurgie pour aboutir à l’incontinence avérée.
L’INCONTINENCE URINAIRE POTENTIELLE :
QUELS FACTEURS DE RISQUE ?
Ces facteurs de risque sont nombreux, de gravité variable mais
d’autant plus péjoratifs qu’ils sont associés. Ils sont révélés par (20) :
Les données de l’interrogatoire ; on retiendra notamment :
– l’existence d’une IUE de stade I faible (30 à 50 % de la
population féminine selon les études épidémiologiques) res-
ponsable d’une gêne fonctionnelle minime ou nulle et, de ce
fait, souvent négligée par la patiente ;
– la notion de constipation opiniâtre, de bronchite chronique
ou de pathologie asthmatiforme ;
– toute autre circonstance susceptible d’induire des efforts de
poussée importants et répétés.
Les données de l’examen clinique ; on accordera de l’impor-
tance à :
– une hypermobilité de jonction urétrovésicale (JUV) bien
objectivée par le Qtip test ou plus approximativement par le
simple “coup d’œil” ;
– une surcharge pondérale dont on connaît l’impact négatif sur
la statique pelvienne ;
– un asynchronisme abdomino-périnéal.
Les données de l’exploration urodynamique : ce paragraphe
soulève la question de la systématisation du bilan urodynamique
(BUD) avant chirurgie pelvienne : s’il est incontournable, dans
notre expérience, en cas de prolapsus, il n’est actuellement
qu’exceptionnellement réalisé avant une hystérectomie simple
sans incontinence urinaire associée et alors sur des critères de gra-
vité ou des données discordantes révélés au cours de l’interroga-
toire ou de l’examen clinique. Lorsqu’il est effectué, le BUD pré-
cisera la valeur de la pression de clôture urétrale (PC) et de l’effort
maximal admissible (EMA), c’est-à-dire l’effort nécessaire pour
annuler la différentielle : la constatation d’une insuffisance sphinc-
térienne et/ou d’une valeur faible d’EMA majore le risque.
DE L’INCONTINENCE POTENTIELLE À L’INCONTINENCE
AVÉRÉE… EN PASSANT PAR L’HYSTÉRECTOMIE
Autrement dit, la fréquence de l’incontinence urinaire posthys-
térectomie justifie-t-elle une prévention ? Si la littérature
regorge de travaux épidémiologiques qui citent le plus souvent
MISE AU POINT
Quelle place pour le traitement chirurgical préventif
de l’incontinence urinaire au cours de l’hystérectomie ?
L
B. Fatton*
* Unité d’urogynécologie, maternité, Hôtel-Dieu, CHU Clermont-Ferrand.
© Correspondances en pelvi-périnéologie, n° 2, vol. III, avril/mai/juin 2003
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M
ISE AU POINT
les antécédents d’hystérectomie comme facteur de risque de
l’incontinence, il existe aussi des travaux qui s’inscrivent en
faux face à cette constatation. Par ailleurs, lorsque l’associa-
tion hystérectomie-incontinence d’urine est admise, il est diffi-
cile de dire s’il s’agit véritablement d’une incontinence de
novo. Enfin, la distinction entre IUE et incontinence par insta-
bilité n’est pas toujours faite, ce qui complique encore l’ana-
lyse. Ces réserves exprimées, nous avons choisi de rapporter
ici certains travaux qui ont retenu notre attention et que nous
livrons à votre esprit critique.
L’hystérectomie, facteur de risque de l’incontinence
urinaire : les arguments “pour”
Mommsen (32), dans une étude rétrospective fondée sur l’envoi de
questionnaires à 3114 femmes (taux de réponse de 85%), constate
un antécédent de chirurgie abdominale, gynécologique ou urolo-
gique chez 63% des femmes incontinentes de la série (soit 17,1%
des répondantes) ; si l’on ne considère que les seules interventions
gynécologiques, le pourcentage est de 58,5 %. L’enquête de
Minaire et Jacquetin (31), réalisée auprès de médecins généralistes,
révèle, au sein d’une population consultante tout venant, que,
d’une part, les antécédents chirurgicaux gynécologiques sont plus
fréquents chez les incontinentes, et que, d’autre part, pour la seule
IUE, l’hystérectomie est génératrice d’un risque relatif (RR) de
1,50, peu différent néanmoins de celui induit par les autres actes
chirurgicaux gynécologiques (RR = 1,44), exception faite des
cures de prolapsus et d’incontinence qui, elles, doublent le risque
(RR respectifs de 2,03 et 2,10). Parys (38), dans un travail rétros-
pectif concernant un collectif de 126 femmes explorées en urody-
namique, rapporte un taux de 24,8 % d’IUE après hystérectomie
simple. L’instabilité du détrusor et l’obstruction urétrale sont rap-
portées avec une fréquence plus élevée encore, respectivement de
47 % et 24,8 %. Une seconde étude prospective du même auteur
(37) a retrouvé chez 36 patientes candidates à l’hystérectomie des
troubles urinaires cliniques dans 58,3% des cas et des anomalies
du BUD dans 38,9 % des cas ; en postopératoire, ces chiffres
étaient respectivement de 75% et 69,5% ! Par ordre de fréquence,
les troubles urinaires sont l’IUE, les difficultés mictionnelles et
l’instabilité vésicale. L’enquête rétrospective conduite par J.
Brown (5) sur 3 285 femmes âgées incontinentes accorde une res-
ponsabilité à l’hystérectomie (odd ratio de 1,4). Les autres facteurs
de risque révélés par l’enquête sont l’âge, l’obésité, les antécédents
de tabagisme, le diabète et les troubles respiratoires obstructifs. Ce
même auteur a récemment publié une revue de la littérature (4) sur
l’impact de l’hystérectomie sur la continence urinaire. Seules les
études avec un groupe témoin ont été retenues, soit 11 publica-
tions au total : après l’intégration du facteur de l’âge, l’odd ratio
moyen fait apparaître un risque accru d’incontinence urinaire après
hystérectomie dans la classe d’âge des plus de 60 ans (odd ratio à
1,6). Une enquête française récente conduite par Peyrat (40) sur
1 700 femmes retient comme facteurs de risque essentiels de
l’incontinence urinaire les accouchements par voie vaginale et
l’hystérectomie. Milsom (30), sur un groupe de près de 4 000
femmes de plus de 65 ans, est parvenu aux mêmes conclusions.
Par ailleurs, dans une population d’incontinentes, une insuffisance
sphinctérienne (définie par un leak point pressure faible) est plus
fréquente en cas d’antécédent d’hystérectomie (48%) que lorsque
cet antécédent n’est pas retrouvé (24%) (33).
L’hystérectomie, facteur de risque de l’incontinence
urinaire : les arguments “contre”
Langer (27) n’a constaté ni incontinence, ni modifications du
BUD, 1 mois, puis 4 mois après l’intervention. L’IUE n’est pas
plus fréquente après hystérectomie que dans un groupe témoin
pour Demirci (11), mais sur un petit échantillonnage (39 femmes
dans le groupe hystérectomie et 30 femmes dans le groupe
témoin). Weber (50), dans un travail prospectif portant sur 43
femmes interrogées avant et après hystérectomie, ne constate
aucun changement sur les symptômes urinaires ou digestifs en
postopératoire. Pour Jueng-Anuwat (22), il n’y a pas de corrélation
entre hystérectomie et IUE, le seul facteur de risque clairement
identifié étant un indice de masse corporelle élevé. Dans un travail
rétrospectif cas-contrôle hystérectomie vaginale (61 patientes) ver-
sus cholécystectomie (58 patientes), Cosson (7) ne met pas en évi-
dence de différence significative sur la symptomatologie urinaire
postopératoire (tableau I). Néanmoins, lorsqu’ils sont présents
avant l’intervention, les symptômes urinaires sont significative-
ment plus aggravés par l’hystérectomie que par la cholécystecto-
mie. Griffith-Jones (13) ne retrouve pas plus de symptômes uri-
naires après hystérectomie qu’après curetage (tableau II) sur une
population de 158 femmes non ménopausées (avec même un
avantage à l’hystérectomie en termes d’IUE !). Iosif (19) aboutit à
la même constatation en comparant hystérectomie et stérilisation
tubaire sur un effectif de 750 patientes âgées de 29 à 52 ans.
Le seul travail randomisé publié à notre connaissance est celui de
Bhattacharya (2). On peut lui reprocher, comme le fait J. Brown
dans sa revue de la littérature (4), un échantillon peu important
(73 cas d’hystérectomie versus 53 cas de résection endométriale),
une moyenne d’âge assez jeune (< 50 ans) et,
surtout, un recul limite par rapport à l’interven-
tion (2 ans). Ces réserves étant faites, l’étude
n’a pas retrouvé de différence significative
entre les deux groupes pour les taux d’IUE (44
% versus 44 %), d’incontinence par urgences
mictionnelles (21 % versus 19 %) ou de pertur-
bation de la cystomanométrie (31 % versus 35
%). D’autres auteurs n’ont pas retrouvé de
modifications durables des paramètres urody-
namiques dans les suites de l’hystérectomie :
– pour Wake (49), il existerait une réduction
de la capacité vésicale et une élévation de la
Symptômes Hystérectomies vaginales Cholécystectomies p
(n = 61) (n = 58)
Symptômes urinaires
IUE 24 (39,3 %) 21 (36 %) NS
Pollakiurie 11 (18 %) 12 (20 %) NS
Urgences 16 (26 %) 15 (25 %) NS
Accentuation des symptômes urinaires 21 (34,4 %) 8 (13,5 %) p ‹ 0,0001
Autres symptomatologies
Constipation 20 (33 %) 16 (27 %) NS
Douleurs pelviennes 10 (16,4 %) 20 (34 %) p ‹ 0,0001
Tableau I. Comparaison hystérectomie/cholécystectomie selon Cosson (7).
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ISE AU POINT
pression vésicale en postopératoire mais résolutives à 1
semaine ;
– Coughlan (9) ne constate aucune modification à 1 an aussi
bien après hystérectomie vaginale qu’abdominale ;
– pour Vervest (47), il n’y a ni variation de la contractilité
détrusorienne, ni apparition de syndrome obstructif, ni modifi-
cation des débits mictionnels après hystérectomie totale,
qu’elle soit réalisée par voie vaginale ou abdominale.
L’hystérectomie, facteur de risque
de l’incontinence urinaire :
les nuances et les contradictions
Certains auteurs qui rapportent une augmenta-
tion du taux d’incontinence urinaire après hysté-
rectomie insistent sur le fait que cette augmenta-
tion se fait au détriment de l’incontinence par
instabilité et non de l’IUE qui serait peu ou pas
influencée par l’intervention. Ainsi, van der
Vaart (45), sur une population de 1626 patientes,
retrouve une fréquence accrue de l’incontinence
par urgence mictionnelle dans le groupe hysté-
rectomie (tableau III), ce qui justifierait pour
l’auteur l’information des patientes sur ce risque
en préopératoire. D’autres auteurs, enfin (6, 13,
34, 46, 48), rapportent même une amélioration
des troubles urinaires en postopératoire. Griffith-
Jones (13) remarque la guérison de 15 % des
troubles urinaires après l’hystérectomie. Pour
Narushima (34), l’hystérectomie, notamment en
cas d’utérus augmenté de volume, améliorerait
les paramètres mictionnels. Virtanen (48), dans
un travail prospectif évaluant 102 patientes
avant, puis 2 mois, 6 mois et 1 an après hystérec-
tomie, trouve une baisse significative de l’IUE
en postopératoire (35 % de femmes inconti-
nentes en préopératoire contre 15 % en postopé-
ratoire). Hansen (15) confirme sur une étude
prospective portant sur 35 cas une diminution de
l’incontinence mais sans corrélation avec l’ima-
gerie puisqu’il décrit une accentuation des ano-
malies radiologiques (lésions des systèmes de
soutien vésical).
QUID
DE LA MORBIDITÉ ET DE LA FIABI-
LITÉ DE LA CHIRURGIE DE L’INCONTI-
NENCE URINAIRE ?
Envisager un geste préventif impose aussi
d’avoir honnêtement évalué la morbidité des
interventions concernées. Nous n’allons pas
détailler ici les conséquences ou complica-
tions de la chirurgie de l’IUE, ce qui nous
entraînerait dans un débat éloigné de notre
propos, mais nous rappellerons quelques
chiffres qui méritent notre attention. Les
tableaux IV et Vcolligent la fréquence des
troubles urinaires induits par la chirurgie de
l’incontinence : quelle que soit la technique,
le risque zéro n’existe pas et, même en cas de chirurgie répu-
tée peu invasive, le taux des complications secondaires et
notamment des troubles urinaires induits n’est pas négligeable.
La lecture de ces tableaux amène quelques commentaires. Il est
certain que le développement des techniques de stabilisation uré-
trale, dont le TVT est devenu le leader incontesté, a quelque peu
modifié notre regard sur l’IUE féminine et sa prise en charge. Si
l’on peut tout à fait concéder à la technique l’appellation de chi-
Dilatation et curetage (n = 78) Hystérectomie (n = 80)
Symptômes Avant Après Avant Après p
Urgences 3 21 6 27 NS
IUM 2 15 5 25 NS
IUE 1 25 4 16 p ‹ 0,05
TTaabblleeaauu IIII.. SSyymmppttôômmeess uurriinnaaiirreess aapprrèèss eett aavvaanntt llaa cchhiirruurrggiiee sseelloonn GGrriiffffiitthh--JJoonneess(1133)..
Symptômes Pas d’hystérectomie Posthystérectomie p
n = 1 417 n = 209
Incontinence urinaire 902 (49,3 %) 133 (64 %) ‹ 0,01
IUE 716 (50,5 %) 118 (57 %) NS
IUE gênante 120 (8,5 %) 23 (11,1 %) NS
IUM 320 (22,6 %) 80 (38,3 %) ‹ 0,0001
IUM gênante 44 (3,1 %) 21 (9,7 %) ‹ 0,0001
Tableau III. Symptômes urinaires après ou en l’absence d’hystérectomie selon van der Vaart (4, 5).
Auteurs Année Intervention Dysurie postopératoire
Karram (23) 1989 Suspensions transvaginales 20 à 50 %
à l’aiguille (revue) de difficultés mictionnelles
Raz (41) 1991 Raz 2,5 % (rétention prolongée)
Hilton (17) 1991 Stamey modifié Débit max moyen diminué
de 25,5 ml/s à 19,6 ml/s
Ghoneim (14) 1994 Slings (revue) 7,8 à 11 %
Alcalay (1) 1995 Burch 22 %
Breen (3) 1997 Slings fascia lata 13,4 % de rétention
Darai (10) 1998 Colposuspensions endoscopiques 3,3 %
Hermieu (16) 2002 TVT (revue) 1 à 27 % de rétention postopératoire
(moyenne à 10 %)
Fatton (12) 2002 TVT (revue) 5% de dysurie postopératoire
Mellier (29) 2002 TOT 4,3 %
Tableau V. Fréquence de la dysurie après chirurgie de l’IUE.
Auteurs Année Intervention Instabilité de novo
Horbach (18) 1991 Frondes organiques 8 %
Raz (41) 1992 Raz 7,5 %
Alcalay (1) 1995 Burch 14,7 %
Cross (8) 1998 Pubovaginal slings 19 %
McLennan (28) 1998 Slings fascia lata 22,2 %
Kondo (25) 1998 Stamey/Gittes 12 %
Stothers (43) 1998 Injection collagène 12,6 %
Hermieu (16) 2000 TVT (revue) 13 à 15 %
Fatton (12) 2002 TVT (revue) 5 % (avec des extrêmes
pouvant atteindre 25 % (21))
Tableau IV. Fréquence de l’instabilité de novo après chirurgie de l’IUE.
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rurgie mini-invasive avec une morbidité per- et postopératoire
faible, il existe néanmoins des complications (le taux global de
8,7% a été publié par Peschers (39) au cours d’une revue de la lit-
térature portant sur 13 articles concernant un collectif de 926
patientes) dont certaines sont graves et redoutées, même si elles
restent exceptionnelles (rares cas de plaies digestives, 0,055% de
plaies vasculaires, notamment celles des vaisseaux iliaques dont
certaines ont conduit au décès de la patiente !). Ces quelques cas,
qui sont souvent la conséquence d’une erreur technique, n’ont pas
discrédité une technique simple, reproductible et efficace : cette
grande fiabilité lui confère toute sa légitimité au regard des autres
techniques peu invasives dont les taux de succès à long terme
n’excèdent pas en moyenne 50 % dans les meilleures séries
(tableau VI). Par ailleurs, des modifications techniques, actuelle-
ment en cours d’évaluation, avec notamment le passage de la ban-
delette par voie transobturatrice et non plus par voie rétro-
pubienne, devraient réduire, voire faire disparaître le risque de
complications graves (29).
LA PRÉVENTION DE L’INCONTINENCE URINAIRE AU COURS
DE L’HYSTÉRECTOMIE : VERS UN CONSENSUS LOGIQUE ?
Le principe d’une prévention chirurgicale (et donc le recours à un
geste non dénué de morbidité) est licite si le risque attendu est fré-
quent et ses conséquences graves ou suffisamment préoccupantes.
La prévention se justifie aussi si l’on dispose d’une intervention
efficace à même de contrôler le risque redouté au prix d’une mor-
bidité la plus réduite possible (on se situe ici au niveau du préventif
et non du curatif). Transposée au cas de l’IUE développée au
décours d’une hystérectomie, cette question amène plusieurs
réflexions. Nos connaissances actuelles sur la fréquence de surve-
nue d’une incontinence urinaire – et plus particulièrement d’une
incontinence à l’effort – dans les suites d’une hystérectomie sont
discordantes et insuffisamment documentées pour justifier une
quelconque attitude. Par ailleurs, l’apparition secondaire d’une
incontinence urinaire ne peut être considérée comme une compli-
cation grave, même si l’impact en termes de qualité de vie est
incontestable. Cette complication est d’ailleurs d’autant moins à
redouter qu’il existe aujourd’hui, “à moindre frais”, des possibilités
de prise en charge différée réalisables de manière aisée, sous anes-
thésie locale ou locorégionale, en ambulatoire ou au cours d’une
hospitalisation de courte durée et créditées d’excellents résultats à
distance. La question de l’information de la patiente d’un risque
possible d’incontinence urinaire secondaire à l’hystérectomie ne
fait pas l’unanimité. Si certains la jugent prudente, voire nécessaire
(4), d’autres n’adhèrent pas à cette attitude, arguant du fait
qu’aucun risque n’est véritablement prouvé (42). Notre recom-
mandation sera donc nuancée avec, à notre sens, une nécessité
d’information loyale dans tous les cas où existent des facteurs de
risque (cf supra). Cette information abordera aussi les possibilités
du traitement secondaire de cette incontinence, préférable à un
geste préventif systématique, qui expose à des effets “pervers”,
notamment en termes de qualité mictionnelle.
EN CONCLUSION : QUE RETENIR ?
Nous avions eu l’occasion, il y a quelques années, de traiter ce
sujet (20) et force est de constater que la tendance actuelle est
encore davantage au “non-interventionnisme” avec un choix déli-
béré de l’abstention en l’absence de toute incontinence urinaire
patente avant la décision d’hystérectomie. L’attitude est bien évi-
demment différente en cas d’incontinence avérée en préopératoire
(même si ce n’était pas là le motif de la consultation) : l’associa-
tion d’un geste urinaire sera alors discutée avec la patiente en fonc-
tion de l’importance des fuites, de la gêne fonctionnelle alléguée et
des données de l’examen clinique et de l’exploration urodyna-
mique. Le choix de ce geste urinaire sera influencé par la tech-
nique d’hystérectomie envisagée, la fiabilité des techniques et
l’expérience du chirurgien.
En dehors de cette situation, l’abstention nous semble devoir être
la règle, que la patiente ne présente aucune incontinence ou qu’elle
décrive des fuites de manière tout à fait exceptionnelle : dans ce
dernier cas, la solution chirurgicale de première intention peut
paraître prématurée et la prescription d’une rééducation périnéale,
plus appropriée. La réalisation d’un bilan urodynamique préopéra-
toire peut éventuellement se justifier et sera discutée en fonction du
contexte. Il faut résister à la pression d’adjoindre un geste dispro-
portionné sous le simple prétexte de la chirurgie utérine : il ne sera
décidé, conjointement avec la patiente, que si les données cliniques
et urodynamiques révèlent une incontinence plus franche que celle
initialement annoncée.
Si l’abstention chirurgicale est licite, il doit s’agir cependant
d’une abstention raisonnée et expliquée :
– la physiopathologie de l’IUE de la femme est multifactorielle,
influencée tout au long de la vie par des événements intercurrents
(grossesse, accouchement, activité physique, pathologies asso-
ciées, ménopause, antécédents chirurgi-
caux…) et même si une étude prospective
conduite sur une période de plusieurs années
pouvait tenter de préciser l’incidence de
l’incontinence urinaire posthystérectomie,
celle-ci ne saurait se soustraire à l’influence
“parasite” de tous ces facteurs, qui sont autant
de biais possibles à l’origine des résultats dis-
cordants publiés dans la littérature internatio-
nale. Si l’on ajoute à cette difficulté le peu de
rigueur et les méthodologies très critiquables
de la plupart des travaux disponibles, on
mesure le chemin à parcourir pour approcher
un semblant de vérité sur la question.
Auteurs Année Technique Recul Taux de guérison
Hilton (17) 1991 Stamey 4 ans 53 %
Kelly (24) 1991 Pereyra 3,5 ans 51 %
Raz (41) 1992 Raz 15 mois 90,3 % mais incluant des IU rares
ne nécessitant pas de protection
Korman (26) 1994 Pereyra 25 mois 47 %
O’Sullivan (36) 1995 Stamey 60 mois 18 %
Trockman (44) 1995 Pereyra 9,8 ans 20 %
Kondo (25) 1998 Gittes 6 ans 37 %
Nilsson (35) 2001 TVT 5 ans 84,7 %
Mellier (29) 2002 TOT 6 à 12 sem 92,7 %
Tableau VI. Taux de guérison obtenus par les techniques dites peu invasives.
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– la patiente doit pouvoir bénéficier d’une information éclairée
qui rendra moins douloureuse la possible décompensation urinaire
en postopératoire.
– une évaluation précise des symptômes urinaires aura lieu à dis-
tance de la chirurgie dont on a vu qu’elle pouvait certes induire ou
aggraver les symptômes, mais aussi parfois les améliorer. La prise
en charge à venir sera alors fonction de chaque patiente.
Au terme de ce travail et à la lecture d’une littérature riche mais
peu exploitable sur le sujet, l’important reste de considérer l’adage
primum non nocere comme la règle d’or de toute chirurgie fonc-
tionnelle !
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