Ruptures massives de la coiffe des rotateurs
Ruptures massives de la coiffe des rotateurs
La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 329 - février 2007
22
Massive tears of the rotator cuff
de la longue portion du biceps, subluxée ou luxée en avant de
la petite tubérosité. Le signe le plus utilisé est le belly-press test,
qui correspond à une rotation interne contrariée, le patient
cherchant à plaquer sa main sur l’abdomen coude fléchi à 90°,
le bras en légère élévation antérieure. D’autres signes permet-
tent d’explorer cette coiffe antérieure, notamment la mise en
évidence d’une rotation externe passive excessive ainsi que le
lift-off test de Gerber, rendu difficile par les douleurs importantes
en rotation interne main dans le dos.
Recherche d’une lésion du supraépineux
L’examen clinique se terminera par cette recherche, utilisant le
signe de Jobe, avec une élévation antérieure contre résistance
à 90° dans le plan de la scapula, l’épaule en rotation interne, les
pouces vers le bas.
Demander des radiographies standard
Les radiographies simples sont indispensables. Il faut particu-
lièrement rechercher une réduction de l’espace sous-acromial.
Suivant les situations et les objectifs, l’examen clinique pourra
être complété par une échographie, une arthro-tomodensito-
métrie ou une IRM.
OBJECTIFS DU TRAITEMENT MÉDICAL
Les résultats du traitement médical sont indépendants de la
sévérité des douleurs initiales (6, 7), la durée d’évolution des
symptômes, la mobilité articulaire et le niveau de force préthé-
rapeutiques étant, eux, des facteurs pronostiques (6, 7). C’est
l’un des problèmes de la stratégie, car ce sont aussi des facteurs
pronostiques du traitement chirurgical (2, 3). Pour préciser
cette prise en charge, des travaux ont cherché à comprendre les
mécanismes de la douleur, plainte principale dans ces ruptures,
qui est multifactorielle. On note au premier plan la bursite sous-
acromiale, souvent associée, et considérée comme sympto-
matique lorsqu’elle est identifiée en imagerie (8, 9). D’autres
éléments participent aux douleurs, dont la raideur articulaire.
La persistance d’une sollicitation musculaire inadaptée, avec la
contraction de muscles dont la structure tendineuse est rompue,
est associée aux douleurs (10). Le développement de compensa-
tions musculaires peut donc jouer à la fois sur la récupération
des mobilités et sur la réduction des phénomènes douloureux.
Enfin, l’altération de la biomécanique de l’épaule, consécutive
à la rupture, n’est pas un élément important, car les patients
ayant une rupture asymptomatique ont la même perturbation
que ceux ayant des douleurs (11, 12).
La prise en charge médicale spécifique de ces ruptures, a fortiori
massives, ne reposant sur aucune évaluation expérimentale, ne
peut être considérée comme très différente de celle des tendino-
pathies. Le rationnel de ce traitement “non réparateur” repose
plus sur la prévalence importante des ruptures asymptomatiques,
jusqu’à 30 % après 60 ans (13), témoin de capacités fonctionnelles
d’adaptation, que sur un processus de réparation spontanée
jamais observé (14). Les objectifs du traitement médical sont
I
donc symptomatiques, avec la nécessité de soulager le patient
et de récupérer une épaule souple en passif, puis si possible
en actif.
Soulager le patient
Le traitement des douleurs repose sur les AINS et les antalgi-
ques ainsi que sur la réalisation d’injections intrabursales ou
intra-articulaires de corticostéroïdes. Cette technique est mal
évaluée (15), et malgré de nombreuses études, la taille réduite
des effectifs, la faible qualité méthodologique et l’hétérogénéité
des résultats ne permettent aucune conclusion (16). La pratique
clinique suggère son intérêt, au moins à court terme, car elle
permet de soulager plus rapidement le malade, et d’effectuer
une rééducation dans de bonnes conditions. Des travaux ont
montré la supériorité des injections réalisées sous contrôle
radio- ou échographique (17, 18).
Récupérer une épaule souple
Le deuxième élément clé du traitement médical, la rééduca-
tion, n’est pas mieux évalué, et deux méta-analyses concluent à
l’existence de preuves faibles, ne permettant pas de différencier
la prise en charge des ruptures, a fortiori massives, des tendino-
pathies (19, 20). En pratique, il est recommandé de la poursuivre
pendant 3 à 6 mois, avec l’objectif de récupérer les amplitudes
articulaires nécessitant le recours, parfois, à une balnéothérapie,
toujours à des exercices simples d’autorééducation, et à des
conseils d’économie articulaire.
CONCLUSION
La stratégie thérapeutique de ces ruptures massives doit être
fondée sur un diagnostic lésionnel permettant d’emblée d’expliquer
au patient les possibilités thérapeutiques et leur mise en œuvre
en fonction de son évolution, du simple traitement médical au
traitement chirurgical palliatif (de la simple ténotomie du biceps
à des gestes de transposition tendinomusculaire complexes). Le
traitement médical et rééducatif est simple à mettre en œuvre et
doit avoir pour objectif un niveau de douleur acceptable et surtout
une récupération fonctionnelle de l’épaule compatible avec une
vie normale en fonction des besoins et du niveau d’activité, qui
n’est pas nécessairement déclinant avec l’âge. ■
références bibliographiques
1.
Green A. Chronic massive rotator cuff tears: evaluation and management.
J Am Acad Orthop Surg 2003;11:321-31.
2. Cofield RH, Parvizi J, Hoffmeyer PJ et al. Surgical repair of chronic rotator cuff
tears. A prospective long-term study. J Bone Joint Surg Am 2001;83:71-7.
3. Goutallier D, Postel JM, Gleyze P et al. Influence of cuff muscle fatty degeneration
on anatomic and functional outcomes after simple suture of full-thickness tears.
J Shoulder Elbow Surg 2003;12:550-4.
4. Walch G, Boulahia A, Calderone S, Robinson AH. e ‘dropping’ and ‘hornblower’s’
signs in evaluation of rotator cuff tears. J Bone Joint Surg Br 1998;80:624-8.
LR-NSup-329-0207.indd 22 19/02/07 12:24:24