Fiche technique
I
Sous la responsabilité de ses auteurs
Fiche technique
Fiche à détacher et à archiver
La Lettre du Neurologue - vol. XII - n° 1-2 - janvier-février 2008
Prise en charge cognitive
dans la sclérose en plaques
D. Hamel*
* Orthophoniste, réseau AQUISEP 33, Bordeaux.
Doctorante en neurosciences, laboratoire EA 2966,
université Bordeaux-II
Prise en charge cognitive
dans la sclérose en plaques
n° 74
SEP et troubles cognitifs ?
Les troubles cognitifs concerneraient, selon les études, entre 43 et
72 % des patients atteints de sclérose en plaques (SEP). Les patterns
de dysfonctionnement cognitif constatés dans la SEP sont hétéro-
gènes (variabilité des processus atteints et des degrés d’atteinte),
en partie du fait de la prédominance des atteintes lésionnelles
au niveau de la substance blanche et de leur dissémination dans
l’espace. À ce jour, les données concernant les corrélations entre les
atteintes cognitives et la forme, la sévérité de la maladie ou encore
le degré de handicap sont contradictoires.
Quels sont les processus cognitifs atteints dans la maladie ?
Troubles cognitifs Fréquence Précisions
Troubles de la vitesse de traite-
ment de l’information + + + +
Troubles attentionnels + + + Notamment attention sélective,
divisée et soutenue
Troubles exécutifs + + +
Principalement : exibilité, inhibition,
mise en place de stratégies ecaces,
planication d’action ou encore
conduites de vérication
Troubles de la mémoire
de travail + +/+ + +
Souvent présents bien que moins
décrits que les altérations de la
mémoire épisodique
Troubles de la mémoire épi-
sodique verbale et/ou visuelle + +
Dicultés de récupération
d’informations liées le plus souvent
aux perturbations exécutives
Troubles de la conceptualisation
ou du raisonnement abstrait + +
Troubles des capacités
visuo-constructives +
Pouvant simuler d’autres troubles
cognitifs, notamment attentionnels
et mnésiques
Troubles langagiers +
Troubles de l’évocation lexicale ou
autres troubles souvent sous-estimés
car peu recherchés
Troubles de type démentiel
Rares
Troubles aphasiques, apraxiques,
agnosiques
Facteurs pouvant influer sur le fonctionnement cognitif et
la rééducation
aspects psychologiques, émotionnels et motivationnels ;
gestion de la prise de conscience des troubles ;
fatigue, fatigabilité ;
aspects sensitifs ou moteurs (par exemple, douleurs ou troubles uro-
sphinctériens peuvent induire des perturbations attentionnelles) ;
médication, traitement de fond, etc.
Quand dépister ces troubles ?
Dès les stades précoces de la maladie et le plus tôt possible.
Dépistage des troubles cognitifs
Les troubles cognitifs peuvent être dépistés à l’aide :
d’une vigilance ad hoc ;
d’un entretien permettant de déceler des signes évocateurs
(dicultés dans des situations écologiques, contexte familial ou
socioprofessionnel modié, situations conictuelles, isolement,
etc.) : un entretien semi-dirigé peut être réalisé à partir des items
proposés dans l’encart signes d’alerte” ;
de tests rapides de screening tel le Symbol Digit Modalities Test
(évaluation de plusieurs processus cognitifs : vitesse de traitement
de l’information, attention, exibilité) ;
de questionnaires et d’auto-questionnaires (peu corrélés aux
scores aux tests cognitifs, sauf s’ils sont administrés à lentou-
rage).
À noter : des outils tels que le Mini Mental States ne sont pas assez
sensibles pour dépister les atteintes cognitives, et les plaintes cogni-
tives ne sont pas toujours explicitées.
Signes d’alerte de troubles cognitifs :
avez-vous des dicultés à… ?
Réaliser des tâches quotidiennes relativement rapidement (hors dicultés motrices) ?
Vous concentrer (durant une courte ou une longue durée) ?
Faire abstraction de l’environnement pour mener à bien une activité (lire lorsque des
personnes parlent à proximité ou lorsque la télévision est allumée…) ?
Gérer deux choses en même temps (écrire tout en écoutant, cuisiner et maintenir une
conversation, écouter la radio en conduisant…) ?
Suivre une conversation avec plusieurs interlocuteurs ?
Vous organiser (gestion du quotidien, de papiers ou d’emploi du temps) ?
Vous rappeler les choses (un numéro de téléphone qui vient d’être donné, des événe-
ments récents ou anciens…) ?
Trouver vos mots ?
Que proposer en cas de suspicion d’un dysfonctionnement
cognitif ?
Le neurologue ou le médecin traitant peut demander un bilan
cognitif de dépistage auprès de cliniciens formés en neuropsycho-
logie, exerçant en libéral ou dans une structure de santé : orthopho-
nistes, psychologues, parfois ergothérapeutes ou médecins.
Le bilan cognitif
Il comprend une anamnèse, un entretien ainsi que des tests cognitifs
utilisés pour évaluer les diérents processus cognitifs qualitati-
vement et quantitativement (les batteries de Rao ou BCcogSEP
accompagnées d’épreuves complémentaires sont fréquemment
proposées dans la SEP).
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La Lettre du Neurologue - vol. XII - n° 1-2 - janvier-février 2008
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Prise en charge cognitive
dans la sclérose en plaques
Quels sont les objectifs du bilan ?
faire état :
des processus préservés ;
des processus cognitifs altérés ;
d’éventuels facteurs pouvant inuer sur la cognition du patient
(anxiété, dépression…) ;
du handicap fonctionnel engendré ou non dans la vie quoti-
dienne ;
permettre au rééducateur :
de comprendre les processus cognitifs propres au patient ;
de déterminer l’intérêt d’une prise en charge ;
d’élaborer le plan, voire les moyens de rééducation.
Quelle prise en charge proposée ?
Une prise en charge cognitive :
permettant l’amélioration du confort du patient dans sa vie familiale,
sociale ou professionnelle, et/ou le maintien des fonctions de commu-
nication, et/ou la prévention d’une altération plus importante ;
fondée sur des réentraînements spéciques des composantes
attentionnelles : sil nexiste pas encore de programmes de rééduca-
tion cognitive validés, ces réentraînements se sont révélés promet-
teurs dans les récentes études (bien que peu nombreuses) sur la
rééducation cognitive dans la SEP ;
pertinente dès les premiers signes d’atteinte pour assurer le maintien
de la qualité de vie des personnes (dautant que les troubles cognitifs sont
fréquents, présents dès les stades précoces de la maladie, et quil sagit
d’une maladie chronique évolutive touchant souvent ladulte jeune) ;
réalisée si besoin dans le cadre d’une prise en charge globale
pluridisciplinaire : les rééducations cognitives se sont en particulier
développées avec les réseaux SEP.
Peut-on guérir les troubles cognitifs ?
Jusqu’alors, les rééducateurs ont préféré parler de mise en place de
processus compensatoires devant les progrès des patients. Toutefois,
l’hypothèse d’un rétablissement de fonctions attentionnelles à la
suite des entraînements informatisés intensifs a été émise dans
d’autres pathologies.
Quels sont les objectifs de la prise en charge ?
améliorer les performances dans les situations travaillées ;
permettre un transfert des acquis (avec une généralisation du
fonctionnement et des connaissances mis en place en rééducation
des situations de vie quotidienne) ;
obtenir une réorganisation du fonctionnement cognitif et/ou
cérébral (par rétablissement, ou par prise en charge de l’activité
cérébrale par des réseaux neuronaux non atteints, ou encore par
recrutement supplémentaire de régions cérébrales).
Les stratégies de rééducation diffèrent selon la sévérité
de l’atteinte
Il s’agit :
au moins de stimuler les capacités cognitives ;
d’optimiser les capacités résiduelles ;
de rétablir, améliorer ou préserver une ou plusieurs fonctions.
Principales caractéristiques de la rééducation
éviter les mises en échec directes ;
utiliser des exercices systématisés et non systématisés ;
développer des exercices diversiés mais spéciques (tâches
papier-crayon, jeux de plateau, logiciels, exercices écologiques) ;
complexier progressivement les tâches proposées ;
consacrer un temps non négligeable au travail métacognitif
(réexion du patient quant à ses propres connaissances concernant
ses processus cognitifs, de tout ce qui s’y rapporte, des stratégies
à adopter, etc.) ;
adapter si besoin l’environnement et mettre en place des aides
externes (agenda…) ;
prendre en compte les aspects motivationnels, la fatigue, la
fatigabilité et le contexte de vie du patient ;
encourager les stimulations liées à des activités quotidiennes ou
encore à des loisirs (jeux de société, mots croisés, prises d’initiatives,
organisation d’activités…) ;
accompagner le patient si nécessaire vers un nouveau projet
(aménagement de la vie professionnelle et/ou quotidienne, reprise d’ac-
tivités…) en travaillant en partenariat avec dautres intervenants.
En pratique ?
La rééducation, le plus précoce et le plus régulier possible,
comprend au moins 50 séances individuelles, de 45 minutes
à 1 heure, prises en charge dans le cadre de l’exercice orthopho-
nique libéral conventionné. L’intitulé de la prescription peut être le
suivant : “Bilan orthophonique et rééducation sicessaire (en cas
d’impossibilité de déplacement : “Bilan orthophonique et rééduca-
tion si nécessaire à domicile”).
Perspectives…
Limagerie cérébrale participe amplement à améliorer la compré-
hension physiopathologique. Les études en imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle permettent de contribuer aux connais-
sances quant au fonctionnement cérébral cognitif et aux processus
de compensation dans la SEP, ce qui devrait contribuer à guider les
stratégies de rééducation dans les années à venir n
P O U R EN S AV O IR P LU S
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