La Lettre du Cardiologue - n° 381 - janvier 2005
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sujet âgé dans l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance coronaire et
le postinfarctus, et une utilisation plus large devrait être discutée,
à condition de respecter les précautions liées à l’âge.
En conclusion, le cœur du sujet âgé est soumis à une altération
quantitative (perte myocytaire remplacée par la fibrose) et qua-
litative de la fonction myocytaire (altération de la contractilité
intrinsèque). Ces modifications sont aggravées par la rigidifica-
tion des artères avec l’âge et par les altérations de la macrocir-
culation et de la microcirculation coronaires qui diminuent les
capacités de réponse à l’ischémie myocardique même modérée.
Initialement longtemps compensées, elles se limitent à des
troubles de la fonction diastolique, mais rendent le cœur du sujet
âgé plus vulnérable à des stress modérés et à des décompensa-
tions cardiaques.
Pharmacocinétique
des médicaments
cardiovasculaires
chez le sujet âgé
(Pierre Démolis, AFSSAPS)
DONNÉES PHARMACOCINÉTIQUES
CHEZ LE SUJET ÂGÉ
Les modifications pharmacocinétiques générales (devenir du médi-
cament à l’intérieur de l’organisme) sont assez bien documentées
chez le sujet âgé, avec comme principale observation une grande
variabilité dans les transformations que va pouvoir subir le médica-
ment au sein de cette population, car l’altération des fonctions phy-
siologiques liée au vieillissement est variable selon les individus.
De manière générale, on observe chez les personnes âgées un débit
splanchnique diminué, une perméabilité de la barrière intestinale
également diminuée et un transit intestinal ralenti. Le potentiel
d’hydrogène (pH) gastrique diminue, le pH intestinal augmente, ce
qui modifie l’absorption des médicaments acides ou basiques. Ces
modifications s’exerçant à des degrés variables selon les sujets, la
quantité de médicament finalement résorbée est difficile à prévoir.
Les quelques études incluant des sujets âgés obtiennent des
moyennes proches de celles observées dans les populations plus
jeunes, mais avec des variations interindividuelles beaucoup plus
marquées.
Une fois résorbées, les molécules thérapeutiques ont des sites de
fixation sur les protéines de transport dans le sang (et en particu-
lier l’albumine). Elles sont susceptibles d’être déplacées par
d’autres molécules se fixant au même site protéique, et avec les-
quelles elles se trouvent en compétition. Cela peut engendrer une
augmentation de la fraction libre du médicament, qui est en réa-
lité la forme active, la forme liée servant de réserve de médica-
ment. Chez les patients âgés, aux thérapeutiques souvent multiples,
se pose alors la question des interactions médicamenteuses répon-
dant à ce mécanisme. En réalité, le problème n’est pas tellement
celui d’une compétition entre les molécules, car très peu ont un
site de fixation en commun (il existe de nombreuses autres pro-
téines les fixant), et les capacités de transport de l’albumine sont
presque illimitées. Chez le sujet âgé, une augmentation directe de
la fraction libre du médicament est plus à craindre en raison de la
diminution de stock de protéines, et en particulier de l’albumine,
comme c’est souvent le cas, en raison d’une dénutrition protidique.
L’élimination du médicament, sous une forme modifiée ou non,
se fait par voie rénale et/ou hépatique. L’élimination rénale est
diminuée de façon assez constante chez la personne âgée, et ce
en raison de la perte des néphrons liée à l’âge plus qu’à une alté-
ration de la fonction de ces néphrons. C’est en fait la perte de la
filtration glomérulaire, première étape de l’élimination rénale,
qui conditionne la quantité de médicament excrétée lors des
étapes suivantes de l’élimination rénale. On évalue donc la capa-
cité d’élimination rénale d’un sujet en fonction de la clairance
de la créatinine (calculée à partir de la formule de Cockcroft),
qui reflète un débit de filtration glomérulaire (figure 4).
Les transformations hépatiques liées aux microsomes ne sont pas
altérées ; en revanche, la taille du foie et le débit splanchnique
diminuent, expliquant une élimination hépatique qui peut être
moins performante.
Enfin, les autres modifications liées au vieillissement compren-
nent un volume de distribution des médicaments qui se restreint
avec l’âge, une diminution de l’eau totale et de l’eau extracellu-
laire et, de façon variable, une augmentation relative de la masse
grasse. Ces phénomènes rendent les concentrations de médica-
ments plus sensibles aux variations aiguës des volumes, et en par-
ticulier à la déshydratation.
La variabilité pharmacocinétique observée chez les sujets âgés
se retrouve au plan pharmacodynamique (l’ensemble des actions
des molécules au niveau des organes). Même si le mode d’action
est le même, si les récepteurs du produit sont les mêmes, les effets
obtenus quantitativement et qualitativement peuvent être varia-
bles et différents de ceux observés à concentration égale chez un
sujet jeune. Par exemple, la baisse de pression artérielle obtenue
sous IEC est différente de celle produite chez un sujet plus jeune,
à concentration de médicament égale, avec des hypotensions
orthostatiques chez la personne âgée sous ces médicaments
absentes chez une personne plus jeune.
INFORMATIONS
La formule de Cockcroft et Gault approche la clairance
de la créatinine en fonction de l’âge, du poids,
de la créatininémie (µmol) et du sexe.
Pour un homme :
Clcr = (140 – âge) x poids/(0,814 x créat. plasmatique)
À multiplier par 0,85 pour les femmes.
40 ans 85 ans
Homme, 70 kg 77 42
Cr = 112 µmol
Homme, 50 kg 55 30
Cr = 112 µmol
Femme, 50 kg 54 30
Cr = 95 µmol
Figure 4. Formule de Cockcroft et Gault et exemples chez le sujet âgé.