L
a XVIII
e
Journée de l’APIC s’est déroulée à Paris le
2octobre 2004 sous la présidence des Prs S. Legrain
et Y. Grosgogeat.
Elle a porté sur le cœur sénescent, la pharmacocinétique des
médicaments cardiovasculaires et l’échocardiographie, ainsi que
sur les progrès et limites de l’angioplastie.
Le cœur sénescent
(P. Assayag, Paris)
On a longtemps considéré que le cœur du sujet âgé était un cœur
adapté au vieillissement des artères périphériques, alors que, en
réalité, il subit lui-même un certain nombre d’altérations liées au
vieillissement qui le rendent beaucoup plus vulnérable au stress
(HTA, ischémie, troubles du rythme). Les pathologies cardio-
vasculaires, plus fréquentes dans cette population, sont alors éga-
lement plus graves. Par exemple, dans l’étude GUSTO, la mor-
talité est multipliée par quatre dans le groupe des sujets âgés de
plus de 75 ans comparativement au reste de la population. La
mortalité coronaire est croissante avec l’âge (figure 1).L’insuf-
fisance cardiaque survenant après ces infarctus pour lesquels il
y a eu tentative de revascularisation est également presque trois
fois plus fréquente chez ces sujets âgés. Par ailleurs, dans la plu-
part des registres, l’insuffisance cardiaque et la mortalité qui lui
est attribuable connaissent une croissance presque exponentielle
après 75-80 ans (figure 2). Pourtant, sur un plan morphologique,
la fraction d’éjection ventriculaire gauche paraît le plus souvent
conservée dans la population âgée, faisant supposer une contrac-
tion myocardique normale. Les modifications observées lors du
vieillissement comprennent les dégénérescences valvulaires et
une éventuelle hypertrophie ventriculaire gauche, consécutive en
partie à une HTA systolique souvent négligée. Les vitesses de
remplissage (Vp) diminuent avec l’âge, correspondant à un rem-
plissage altéré. Enfin, la pression capillaire est plus élevée chez
le sujet de 80 ans que chez le sujet de 70 ans, témoignant d’un
retentissement d’amont tardif de ces modifications liées à l’âge.
D’un point de vue hémodynamique, la majorité des études mon-
trent des indices de fonction systolique en échographie et en
angioscintigraphie normaux, du moins au repos. De même, le
débit cardiaque mesuré lors de cathétérismes cardiaques (étude
Baltimore) est conservé. Les vitesses de remplissage sont cepen-
dant élevées. Et, dès lors que ces mesures sont réalisées à l’ef-
fort, on constate une réserve chronotrope d’effort diminuée (le
cœur s’accélère moins), compensée par une augmentation du
volume télédiastolique et du volume d’éjection systolique. Les
vitesses de remplissage sont abaissées et rendent la contribution
atriale critique pour le remplissage. Cela explique que la perte
de la systole atriale en fibrillation auriculaire puisse avoir des
La Lettre du Cardiologue - n° 381 - janvier 2005
5
INFORMATIONS
La XVIII
e
Journée
de l’APIC
60
Mortalité (%)
50
40
30
20
10
0
65-69 70-74 75-79 80-84 85
30 jours
1 an
Âge (années)
Figure 1. Mortalité de l’infarctus au-delà de 65 ans parmi 163 patients.
Cooperative Cardiovascular Project (Mehta RH. JACC 2001;38:736-41).
France
500 000 patients
2/3 des patients > 70 ans
150 000 hospitalisations
32 000 décès/an
Mortalité à 1 an
< 70 ans : 12 %
> 70 ans : 22 %
Figure 2. Épidémiologie de l’insuffisance cardiaque.
La Lettre du Cardiologue - n° 381 - janvier 2005
6
conséquences hémodynamiques rapidement sévères. La pression
capillaire peut être élevée, et on note une diminution de la
VO2max. La capacité d’effort des sujets est donc globalement
altérée, qu’ils développent ou non de l’insuffisance cardiaque.
Même si la fonction systolique et l’hémodynamique du sujet âgé
paraissent conservées, avec des modifications à caractère essen-
tiellement diastolique, il est très probable que cet état soit lié à
des phénomènes compensatoires qui aident à maintenir un débit
cardiaque normal, en dépit d’une fonction contractile intrinsèque
en réalité altérée. Si l’on se réfère à des modèles expérimentaux,
on observe chez l’animal des modifications de la capacité contrac-
tile du myocarde qui est diminuée chez le rat âgé par rapport au
rat plus jeune (figure 3),sans que cela s’accompagne de modi-
fications significatives des paramètres dérivés de la fonction sys-
tolique tels que la pression artérielle systolique (PAS), la PTDVG,
la + dP/dt VG, la – dP/dt VG. En revanche, chez le rat très âgé,
des modifications commencent à apparaître, avec une PAS abais-
sée, une baisse de la + dP/dt, et une élévation importante de la
PTDVG, d’où l’apparition d’une hémodynamique altérée à ce
stade. Par analogie avec ce modèle, on peut supposer que le cœur
du sujet âgé possède des mécanismes de compensation qui sont
mis en œuvre pour maintenir l’hémodynamique, mais qui vont
rapidement être dépassés en cas de stress, même mineur, et occa-
sionner des décompensations cardiaques.
De ces notions découle l’hypothèse d’une authentique “cardio-
myopathie du sujet âgé”. Ce concept est suggéré par l’apparition
d’une fibrose au sein du myocarde, qui remplace une perte cellu-
laire en myocytes, estimée à 40 millions de myocytes par an. Les
myocytes survivants vont s’hypertrophier, mais la perte cellulaire
associée explique que l’hypertrophie ventriculaire gauche du sujet
âgé reste en général modérée. Par ailleurs, les myocytes du sujet
âgé n’ont pas une fonction cellulaire strictement normale, a for-
tiori s’ils sont soumis à un stress ou à l’ischémie. En contexte d’is-
chémie, il existe en effet une altération de l’homéostasie cellu-
laire du calcium, poison de la cellule, qui s’accumule deux fois
plus en intracellulaire chez le rat âgé pour le même degré d’is-
chémie. Cette accumulation calcique aboutira plus facilement à
la nécrose, même pour un faible degré d’ischémie, avec un terri-
toire nécrosé plus étendu. Cette altération de la régulation du cal-
cium, retrouvée aussi chez l’homme, pourrait être expliquée par
la perte de fonction due au vieillissement de certaines protéines
membranaires de transport rapide du calcium.
Enfin, cette cardiomyopathie du sujet âgé est favorisée par toutes
les altérations de l’équilibre entre les apports en oxygène et les
besoins du myocarde. La rigidité artérielle liée au vieillissement
est à l’origine d’une augmentation du travail du cœur, et associée
à une HTA en général systolique. On sait d’ailleurs que la pres-
sion pulsée (différentielle des PA systolique et diastolique) est
un facteur indépendant de mortalité du sujet âgé, ce qui montre
bien les conséquences délétères de cette rigidité artérielle. La
fibrose du myocarde est également favorisée par les anomalies
de la circulation coronaire, qui sont fréquentes pour la macro-
circulation (athérome plus fréquent et réparti souvent selon des
sténoses diffuses pluritronculaires) et pour la microcirculation.
Ces dernières comprennent (aussi bien chez l’homme que chez
l’animal) une diminution de la densité capillaire, une diminution
de la réserve coronaire, et donc de la réponse aux vasodilatateurs,
et une diminution de la production de NO. La réponse à l’isché-
mie est, de plus, mal adaptée. Ainsi, la diminution de la réponse
contractile en cas d’ischémie sur une sténose coronaire est de
50 % chez le rat jeune, alors qu’elle est de 90 % chez le rat âgé,
et survient beaucoup plus rapidement pour un même degré de
sténose. Ce phénomène est sous-tendu par une réponse vaso-
constrictrice des coronaires à un degré modéré d’ischémie qui
est aussi beaucoup plus importante chez le rat âgé.
Enfin, la capacité à développer une circulation collatérale au
décours de l’ischémie est également altérée. On a observé en per-
coronarographie pour des infarctus de plus de 72 heures, chez
1900 patients, une collatéralité développée au décours immédiat
d’un infarctus nettement inférieure pour les plus de 70 ans. Lors-
qu’elle est totalement absente, elle représente un facteur indépen-
dant qui multiplie par 15 la mortalité hospitalière postinfarctus.
Il est possible, enfin, que les thérapeutiques cardiovasculaires qui
sont prescrites pour les mêmes pathologies chez le sujet jeune soient
insuffisamment prescrites chez les personnes âgées, par crainte des
effets indésirables, en particulier les bêtabloquants, les inhibiteurs
de l’enzyme de conversion (IEC) et les antiagrégants plaquettaires.
Ces médicaments sont pourtant aussi, voire plus, efficaces chez le
INFORMATIONS
Vmax
raccourcissement
Lmax/s
Lmax/s
Vmax
réélongation
Durée
contraction
Tension
active
p < 0,001p < 0,001
4 mois 24 mois
p < 0,001 p < 0,001
ms
mN/mm2
D'après Besse S, Assayag P, Delcayre C et al. Am J Physiol 1993;265(1 Pt2):H183-190.
Figure 3.
Fonction myocardique : muscle papillaire.
La Lettre du Cardiologue - n° 381 - janvier 2005
7
sujet âgé dans l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance coronaire et
le postinfarctus, et une utilisation plus large devrait être discutée,
à condition de respecter les précautions liées à l’âge.
En conclusion, le cœur du sujet âgé est soumis à une altération
quantitative (perte myocytaire remplacée par la fibrose) et qua-
litative de la fonction myocytaire (altération de la contractilité
intrinsèque). Ces modifications sont aggravées par la rigidifica-
tion des artères avec l’âge et par les altérations de la macrocir-
culation et de la microcirculation coronaires qui diminuent les
capacités de réponse à l’ischémie myocardique même modérée.
Initialement longtemps compensées, elles se limitent à des
troubles de la fonction diastolique, mais rendent le cœur du sujet
âgé plus vulnérable à des stress modérés et à des décompensa-
tions cardiaques.
Pharmacocinétique
des médicaments
cardiovasculaires
chez le sujet âgé
(Pierre Démolis, AFSSAPS)
DONNÉES PHARMACOCINÉTIQUES
CHEZ LE SUJET ÂGÉ
Les modifications pharmacocinétiques générales (devenir du médi-
cament à l’intérieur de l’organisme) sont assez bien documentées
chez le sujet âgé, avec comme principale observation une grande
variabilité dans les transformations que va pouvoir subir le médica-
ment au sein de cette population, car l’altération des fonctions phy-
siologiques liée au vieillissement est variable selon les individus.
De manière générale, on observe chez les personnes âgées un débit
splanchnique diminué, une perméabilité de la barrière intestinale
également diminuée et un transit intestinal ralenti. Le potentiel
d’hydrogène (pH) gastrique diminue, le pH intestinal augmente, ce
qui modifie l’absorption des médicaments acides ou basiques. Ces
modifications s’exerçant à des degrés variables selon les sujets, la
quantité de médicament finalement résorbée est difficile à prévoir.
Les quelques études incluant des sujets âgés obtiennent des
moyennes proches de celles observées dans les populations plus
jeunes, mais avec des variations interindividuelles beaucoup plus
marquées.
Une fois résorbées, les molécules thérapeutiques ont des sites de
fixation sur les protéines de transport dans le sang (et en particu-
lier l’albumine). Elles sont susceptibles d’être déplacées par
d’autres molécules se fixant au même site protéique, et avec les-
quelles elles se trouvent en compétition. Cela peut engendrer une
augmentation de la fraction libre du médicament, qui est en réa-
lité la forme active, la forme liée servant de réserve de médica-
ment. Chez les patients âgés, aux thérapeutiques souvent multiples,
se pose alors la question des interactions médicamenteuses répon-
dant à ce mécanisme. En réalité, le problème n’est pas tellement
celui d’une compétition entre les molécules, car très peu ont un
site de fixation en commun (il existe de nombreuses autres pro-
téines les fixant), et les capacités de transport de l’albumine sont
presque illimitées. Chez le sujet âgé, une augmentation directe de
la fraction libre du médicament est plus à craindre en raison de la
diminution de stock de protéines, et en particulier de l’albumine,
comme c’est souvent le cas, en raison d’une dénutrition protidique.
L’élimination du médicament, sous une forme modifiée ou non,
se fait par voie rénale et/ou hépatique. L’élimination rénale est
diminuée de façon assez constante chez la personne âgée, et ce
en raison de la perte des néphrons liée à l’âge plus qu’à une alté-
ration de la fonction de ces néphrons. C’est en fait la perte de la
filtration glomérulaire, première étape de l’élimination rénale,
qui conditionne la quantité de médicament excrétée lors des
étapes suivantes de l’élimination rénale. On évalue donc la capa-
cité d’élimination rénale d’un sujet en fonction de la clairance
de la créatinine (calculée à partir de la formule de Cockcroft),
qui reflète un débit de filtration glomérulaire (figure 4).
Les transformations hépatiques liées aux microsomes ne sont pas
altérées ; en revanche, la taille du foie et le débit splanchnique
diminuent, expliquant une élimination hépatique qui peut être
moins performante.
Enfin, les autres modifications liées au vieillissement compren-
nent un volume de distribution des médicaments qui se restreint
avec l’âge, une diminution de l’eau totale et de l’eau extracellu-
laire et, de façon variable, une augmentation relative de la masse
grasse. Ces phénomènes rendent les concentrations de médica-
ments plus sensibles aux variations aiguës des volumes, et en par-
ticulier à la déshydratation.
La variabilité pharmacocinétique observée chez les sujets âgés
se retrouve au plan pharmacodynamique (l’ensemble des actions
des molécules au niveau des organes). Même si le mode d’action
est le même, si les récepteurs du produit sont les mêmes, les effets
obtenus quantitativement et qualitativement peuvent être varia-
bles et différents de ceux observés à concentration égale chez un
sujet jeune. Par exemple, la baisse de pression artérielle obtenue
sous IEC est différente de celle produite chez un sujet plus jeune,
à concentration de médicament égale, avec des hypotensions
orthostatiques chez la personne âgée sous ces médicaments
absentes chez une personne plus jeune.
INFORMATIONS
La formule de Cockcroft et Gault approche la clairance
de la créatinine en fonction de l’âge, du poids,
de la créatininémie (µmol) et du sexe.
Pour un homme :
Clcr = (140 – âge) x poids/(0,814 x créat. plasmatique)
À multiplier par 0,85 pour les femmes.
40 ans 85 ans
Homme, 70 kg 77 42
Cr = 112 µmol
Homme, 50 kg 55 30
Cr = 112 µmol
Femme, 50 kg 54 30
Cr = 95 µmol
Figure 4. Formule de Cockcroft et Gault et exemples chez le sujet âgé.
La Lettre du Cardiologue - n° 381 - janvier 2005
8
THÉRAPEUTIQUES CARDIOVASCULAIRES CHEZ
LE SUJET ÂGÉ
Les diurétiques sont le plus souvent à élimination rénale, sauf
les épargneurs de potassium et l’amiloride. Ils perdent leur pou-
voir natriurétique en cas d’insuffisance rénale (sauf pour le furo-
sémide, à condition d’augmenter la dose). En cas de variation
du volume de distribution ou d’insuffisance rénale fonctionnelle,
qu’ils peuvent eux-même entraîner, ils peuvent occasionner des
interactions médicamenteuses et diminuer l’élimination rénale
des médicaments.
Les inhibiteurs calciques font l’objet d’un métabolisme hépa-
tique intense pour l’ensemble de la classe thérapeutique. Les
phénomènes de transformation hépatique sont fréquemment
diminués chez le sujet âgé, et donc à l’origine d’une augmen-
tation de leurs concentrations plasmatiques. Enfin, à concen-
tration plasmatique égale, leur effet est de toute façon majoré
chez le sujet âgé, ce qui implique de diminuer la dose systé-
matiquement.
Les bêtabloquants hydrosolubles (aténolol, nadolol, sotalol) sont
éliminés par voie rénale ; leur posologie est donc à adapter au
calcul de la clairance de la créatinine. Les bêtabloquants lipo-
solubles (métoprolol, pindolol, propranolol) sont éliminés par
voie hépatique, d’où un risque d’augmentation de leurs effets
chez le sujet âgé, et sont stockés au niveau d’une masse grasse
relativement augmentée, ce qui risque de prolonger leur effet.
Enfin, ils passent plus volontiers la barrière hémato-encépha-
lique, avec un risque accru d’effets indésirables neuropsychiques.
Il faut donc instaurer le traitement progressivement, sous sur-
veillance des effets indésirables, et en particulier de la fréquence
cardiaque.
Les IEC sont le plus souvent éliminés exclusivement par voie
rénale (lisinopril), parfois par voie rénale et hépatique (fosino-
pril). Le problème essentiel est d’éviter la déshydratation. Les
IEC exposent de plus au risque d’hyperkaliémie, surtout en cas
d’insuffisance rénale. Il faut donc estimer la clairance avant toute
prescription (même si l’élimination est en partie hépatique) et
s’astreindre à augmenter progressivement les doses.
La digoxine a un index thérapeutique étroit, en deçà duquel le
patient est insuffisamment traité et au-dessus duquel il est rapi-
dement surdosé. Ce médicament est stocké dans les muscles
striés : il faudrait donc calculer la dose d’après le poids maigre.
L’élimination rénale sous forme inchangée impose l’adaptation
de la posologie au calcul de la clairance. Le dosage de la digoxi-
némie est en général superflu : pratiqué au cinquième jour, il
intervient souvent alors que le surdosage biologique a eu le temps
de se produire. De plus, la toxicité du médicament provient des
circonstances ou pathologies associées : troubles du rythme
spontanés, hypercalcémie, et surtout hypokaliémie. Pour
mémoire enfin, la susceptibilité cardiaque à la digoxine est dimi-
nuée en cas d’hypothyroïdie.
Les anticoagulants oraux (AVK) font l’objet d’une forte liaison
aux protéines, et peuvent être déplacés par d’autres substances
thérapeutiques. Les médicaments associés ou la nourriture peu-
vent également interagir avec leur métabolisme hépatique et avec
celui de la vitamine K. L’effet des AVK est donc soumis au risque
de multiples interactions. Il faut, par conséquent, évaluer le rap-
port bénéfice/risque du traitement chez la personne âgée, bien
évaluer les capacités d’observance et l’automédication, et limi-
ter les prescriptions associées. L’héparine a une résorption sous-
cutanée très variable et une forte liaison aux protéines. Les
HBPM ont une élimination rénale, d’où le risque hémorragique
accru en cas d’insuffisance rénale.
L’amiodarone a un métabolisme très particulier qui ne nécessite
pas, chez le sujet âgé, d’adaptation des doses en cas d’insuffi-
sance rénale modérée ou d’insuffisance hépatique. Sa demi-vie
est de 6 semaines, et son action est généralement obtenue après
une “dose de charge”, rendue nécessaire par un énorme volume
de distribution.
Les statines sont lipophiles, sauf la pravastatine, et métabolisées
par le foie. Elles sont fortement liées aux protéines, et sensibles
aux interactions médicamenteuses. Là encore, il est important
de limiter les coprescriptions.
En conclusion, on retiendra que la pharmacocinétique des médi-
caments est soumise à une grande variabilité chez la personne
âgée. Il n’est pas toujours facile d’appréhender le devenir du
médicament après sa résorption. En outre, à une concentration
plasmatique égale à celle d’un sujet plus jeune, l’action finale
du médicament, même si elle emploie les mêmes mécanismes
pharmacodynamiques, peut aussi être quantitativement et qua-
litativement différente. Il reste donc à recommander une grande
prudence dans l’utilisation des médicaments et l’adaptation des
posologies à leur mode d’élimination, ainsi qu’une surveillance
rapprochée à l’instauration des traitements. Enfin, il est indis-
pensable de limiter les interactions, qui sont les principales res-
ponsables des effets indésirables chez le sujet âgé (figure 5).
A. Messali,
Institut de cardiologie,
groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris
INFORMATIONS
10
8
6
4
2
015-24 24-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75+
Âge (ans)
Fréquence des effets indésirables (%):
fréquence brute et fréquence ajustée
au nombre de médicaments
D’après Gurwitz JH, Avorn J. The ambiguous relation between aging and adverse
drug reactions. Ann Intern Med 1991;114:956-66.
Figure 5. Fréquence des effets indésirables ; lien avec l’âge et avec les
interactions médicamenteuses.
La Lettre du Cardiologue - n° 381 - janvier 2005
9
Échocardiographie
du sujet âgé
(B. Gallet, Argenteuil)
ASPECTS TECHNIQUES
L’échocardiographie transthoracique (ETT) est difficile chez le
sujet âgé pour de nombreuses raisons : anéchogénicité, agitation,
déformation thoracique, mobilité réduite, insuffisance respira-
toire, surpoids…
De plus, le calcul de la masse ventriculaire gauche (VG) est
impossible dans 50 % des cas après 85 ans (Gardin et al. Circu-
lation 1995;91:1739).
L’imagerie d’harmonique trouve tout son intérêt chez le sujet âgé.
L’échocardiographie transœsophagienne (ETO) rencontre éga-
lement des difficultés : l’arthrose cervicale, qui peut gêner l’in-
troduction de la sonde, les risques liés à la sédation (pauses res-
piratoires, fausses routes, etc.), la fréquence des complications
(hypotension, réactions vagales).
Cela implique un opérateur entraîné, un patient coopérant et le
respect des contre-indications.
L’indication de l’ETO doit être formelle : suspicion d’endocardite,
prothèse valvulaire, cardiopathie valvulaire, accidents vasculaires
cérébraux (AVC) multiples, suspicion d’embolie paradoxale.
Enfin, il existe une majoration des complications lors d’une
épreuve d’échocardiographie dobutamine : hypotension symp-
tomatique 25 %, troubles du rythme ventriculaire 41 %.
EFFETS DU VIEILLISSEMENT
Modifications de la géométrie du VG
Le vieillissement est sans effet sur les diamètres VG systolique,
et diastolique, alors que les épaisseurs ventriculaires gauches et
l’épaisseur pariétale relative augmentent avec l’âge.
L’index de masse ventriculaire gauche augmente modérément
avec l’âge (0,25 g/m
2
/an).
L’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) concerne 33 % des
hommes et 50 % des femmes après 80 ans, ce qui est une pro-
portion non négligeable par rapport aux sujets jeunes.
Modifications du remplissage du VG
(figures 6 et 7)
Ainsi, les paramètres de la fonction diastolique sont perturbés
chez le sujet âgé :
–flux mitral : E/A < 1,
–flux veineux pulmonaire : S/D > 1,
paramètre Vp diminué (normale > 45 cm/s),
paramètre Ea diminué (normale > 8 cm/s).
Alors, comment diagnostiquer une élévation des pressions de
remplissage chez le sujet âgé ?
Le diagnostic est suspecté si le rapport E/A est supérieur à 1 après
70 ans, confirmé par :
un rapport S/D < 1 en cas de rythme sinusal,
onde A pulmonaire - A mitrale > 20 ms
E/Ea > 15 (E/Ea peut être > 10 chez les sujets normaux, mais
dépasse rarement 15),
–accessoirement, E/V p > 2,5.
Augmentation des pressions pulmonaires
La limite supérieure des pressions artérielles pulmonaires systo-
liques (PAPS) au repos après 70 ans est de 45 mmHg ; après cet
âge, les PAPS à l’effort peuvent même dépasser les 60 mmHg.
Il faut être prudent quant aux indications de commissurotomie
mitrale percutanée ou de chirurgie mitrale, qui peuvent se baser
sur l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) d’effort.
Modifications valvulaires
Il existe un doublement de l’épaisseur des valves aortique et
mitrale avec l’âge, ainsi qu’une augmentation de la prévalence
des calcifications aortiques et de l’anneau mitral.
Les conséquences des calcifications de l’anneau mitral sont la
fuite mitrale dans 50 % des cas, généralement modérée (sauf rup-
ture de cordages), le rétrécissement mitral, rare, l’endocardite
(risque élevé d’abcès de l’anneau), les embolies, de mécanisme
discuté (embolie calcaire, thrombus sur calcification, athérome
aortique associé,AC/FA), et un rôle dans l’obstruction VG en cas
de cardiomyopathie hypertrophique (CMH) (figure 8).
Modifications aortiques
Le vieillissement se traduit aussi par une augmentation du calibre
de l’aorte ascendante et de la jonction sino-tubulaire, et par une
INFORMATIONS
Sujet âge moyen
Vieillissement et remplissage VG
Flux mitral Flux VP
Sujet âgé > 70 ans
E/A < 1 dans 87 % des cas
(Sagie et al. JASE
1993;6:570).
Figure 6. Profil du flux mitral et veineux pulmonaire en fonction de
l’âge.
Vieillissement et remplissage VG :
trouble de relaxation
Figure 7. Troubles du remplissage VG chez le sujet âgé.
1 / 8 100%