La Lettre du Cardiologue - n° 372 - février 2004
L’ézétimibe et son dérivé glycuroconjugué subissent un cycle
entéro-hépatique qui favorise leur localisation intestinale et dimi-
nue l’exposition systémique. La demi-vie d’élimination plasma-
tique est d’environ 22 heures, ce qui autorise une prise unique
quotidienne en thérapeutique.
Contrairement à ce que l’on observe avec les résines, l’absorp-
tion des triglycérides, des acides gras ou encore des vitamines
liposolubles n’est pas modifiée par ce médicament. L’action de
l’ézétimibe est puissante, puisque, après deux semaines de mono-
thérapie aux doses thérapeutiques, l’absorption du cholestérol
diminue en moyenne de 54 % chez des malades atteints d’une
hypercholestérolémie légère ou modérée (13).
L’ézétimibe est rapidement absorbé et subit une glycuroconju-
gaison intensive dans la paroi intestinale elle-même avant d’en-
trer dans un cycle entéro-hépatique.
À la fois efficace et bien toléré, il peut être en toute logique asso-
cié aux statines. Son mécanisme d’action complète en effet celui
de ces hypolipémiants qui inhibent la biosynthèse du cholestérol
endogène. L’association joue ainsi sur les deux voies métabo-
liques principales qui sont impliquées dans la modulation des
taux plasmatiques de cholestérol. Elle est d’autant plus logique
que l’ézétimibe augmente la synthèse hépatique de celui-ci (13)
selon des mécanismes compensateurs qui démontrent l’intrica-
tion des deux voies métaboliques.
Ce concept de la double inhibition pharmacologique rappelle, à
bien des égards, les stratégies thérapeutiques successives utili-
sées dans le traitement de l’hypertension artérielle. En l’espace
d’une trentaine d’années, s’est en effet opéré un glissement du
dogme de la monothérapie au concept des associations d’anti-
hypertenseurs à doses modérées, celles-ci faisant intervenir des
médicaments différant par leurs mécanismes d’action. Le rapport
efficacité/tolérance du traitement antihypertenseur s’est nette-
ment amélioré, mais il fallu pour cela une triple révolution :
conceptuelle, pharmacologique et thérapeutique.
L’ÉZÉTIMIBE EN TANT QUE CONCEPT
THÉRAPEUTIQUE NOUVEAU
Chez l’homme, l’efficacité et l’acceptabilité de l’ézétimibe en
monothérapie ont été évaluées dans quatre grandes études contrô-
lées, menées à double insu contre placebo. Les résultats de deux
études de phase II d’une durée de 12 semaines montrent que, chez
432 malades atteints d’une hypercholestérolémie essentielle,
l’ézétimibe, aux doses de 5 et 10 mg/j :
1. diminue les taux de LDL-c de respectivement 15,7 % et 18,5 %
(p < 0,01) ;
2. augmente les taux de HDL-c de 2,9 % et 3,5 % (p < 0,05).
Dans deux études de phase III regroupant 1 719 malades atteints de
la même pathologie, l’ézétimibe (10 mg/j) diminue les taux de LDL-c
de 17,4 % et ceux des triglycérides de 4,2 %, alors que ceux du
HDL-c augmentent de 4,2 % (versus placebo, p < 0,01) (14, 15).
Dans les études de phases I et II, aucune interaction pharmaco-
logique ou pharmacocinétique n’a été mise en évidence entre
l’ézétimibe et les statines. L’association du médicament à ces der-
nières a, en outre, permis d’obtenir une baisse supplémentaire du
LDL-c de l’ordre de -18 %, alors que, pour obtenir un tel effet
avec les statines, il faudrait tripler leur dose, au risque de favori-
ser certains effets indésirables.
Plusieurs études de phase III ont confirmé l’efficacité de l’asso-
ciation ézétimibe + statines : par rapport au placebo, la baisse
supplémentaire du LDL-c est en moyenne de l’ordre de 20 %,
l’élévation du HDL-c de 3 % et la baisse des triglycérides de 10 %
(1, 14). L’association de 10 mg d’ézétimibe permet d’obtenir un
effet comparable à celui qui serait obtenu en multipliant par trois
la dose des statines.
L’association aux fibrates serait également intéressante, notam-
ment en cas de diabète de type 2 ou d’hyperlipidémie mixte. Des
études sont actuellement en cours afin de vérifier cette hypothèse.
Pour ce qui est de la tolérance, les événements indésirables sont
rares, bénins et d’une fréquence voisine dans les groupes traités
et les groupes placebo. La surveillance des enzymes hépatiques
est cependant nécessaire, notamment en cas d’association ézéti-
mibe + statines.
CONCLUSION
Les statines sont indéniablement des hypocholestérolémiants
puissants, mais elles ont leurs limites, face à la complexité patho-
génique et à la sévérité de certaines dyslipidémies. D’ailleurs, en
monothérapie, elles ne permettent pas toujours, loin s’en faut,
d’atteindre les objectifs thérapeutiques définis dans les recom-
mandations officielles, et ceux-ci sont appelés à évoluer dans le
sens d’un durcissement, le LDL-c devant atteindre à moyen terme
le seuil de 1 g/l, en Europe.
Cette situation appelle une révision conceptuelle pharmacolo-
gique et pratique thérapeutique. C’est dans ce cadre qu’inter-
viennent les hypolipémiants nouveaux, tels l’ézétimibe. En effet,
ce médicament a fait la preuve de son efficacité et de sa tolérance,
notamment en association avec les statines, au point qu’il dispose
d’un agrément par la FDA et d’une AMM européenne. Son méca-
nisme d’action original est complémentaire et additif de celui des
statines : celles-ci inhibent la biosynthèse hépatique du choles-
térol, alors que l’ézétimibe inhibe sélectivement l’absorption
intestinale de ce dernier. À ce nouveau concept pharmacologique
répond un concept thérapeutique tout aussi nouveau : l’associa-
tion. Celle-ci permet de diminuer les doses de statines et, ainsi,
de réduire la fréquence de leurs effets indésirables dose-dépen-
dants ; la tolérance s’en trouve ainsi accrue, ce qui augmente
l’observance.
Cette troisième avancée thérapeutique est en cours, puisque ce
médicament, d’ores et déjà disponible aux États-Unis, en Alle-
magne, en Suisse et au Canada, sera mis à la disposition des pra-
ticiens français dans les mois à venir.
L’ézétimibe devrait avoir deux indications privilégiées dans le
traitement des hypercholestérolémies modérées ou sévères :
– en association avec les statines chez les patients qui ne sont pas
contrôlés d’une manière appropriée par une statine seule ;
– en monothérapie quand le traitement par statine est inapproprié
ou mal toléré.
Ph. Tellier, Arras
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